J’émigre…vers d’autres Blogs.

Posté par traverse le 15 juillet 2014

En 8 années de Blog, j’ai eu la chance de vous lire, de vous rencontrer, de vous donner des nouvelles, des coups de cœur et de gueule, et de constater, puisque cela semble un critère pour certains « numériques » (critère, à mon sens, absolument volatile…), un nombre de visites qui m’a impressionné…

Nombre total de hits : 521394  Nombre total de visites : 283355

blog.fr/2013/10/02/on-n%E2%80%99entend-que-des-clicks/

Après 8 ans ici-même, un peu d’air frais fera le plus grand bien.

Vous aurez alors la possibilité de visiter deux Blogs, le mien, « Je suis un lieu commun…. » et celui des Editions Traverse qui commencent leurs activités en septembre 2014.

http://editionstraverse.over-blog.com/

 

« Je suis un lieu commun » : http://traverse.unblog.fr demeurera en Archives.

Mon nouveau Blog devient: 

http://je-suis-un-lieu-commun.over-blog.com/

 

Par ailleurs, plusieurs rendez-vous déjà en cette période de chaos éditorial: faillites d’éditeurs, fermetures de librairies, pertes d’une génération de lecteurs, …

Si vous souhaitez nous lire bientôt…n’hésitez pas à nous envoyer une réaction, une demande, une proposition de collaboration, des nouvelles, à  …traverse@skynet.be

Enfin,

Je, la collection  des Récits de vie demeure ici:  http://auberge.unblog.fr/

et La collection des Feuillets de corde continue mais sous une autre forme dès 2015…

Vous retrouverez le Blog : http://feuilletsdecorde.unblog.fr/

sous une autre adresse ( et achevé, ici il nous manque de la place qui est devenue beaucoup trop  chère chez unblog.fr) Les N°s 13 et 14 des Feuillets seront recensés bientôt…) également dans notre Site www.traverse.be complètement renouvelé au profit des Editions Traverse…

Bel été!

Daniel Simon 

(Cinq livres à paraître dès septembre jusqu’en décembre 2014…)

« Autobiographie rêvée »: chez www.couleurlivres.be dès septembre.

« A côté du sentier », nouvelles (chez MEO, avec une aide à l’édition du Fonds National de la Littérature)…

« Lettre à Saint-Nicolas » (éditions Couleur Livres), décembre 2014.

« Bruxelles, babel, babil et sabir » (Collection promenades, Traverse Editions).

« Théâtre pour acteurs et marionnettes (L’Harmattan, décembre)

 

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No pasaran!

Posté par traverse le 25 mai 2014

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Horreur, colère, tristesse, respect, écœurement, …tout se mêle dans le vocabulaire des émotions quand la lâcheté de la violence l’emporte. Et notre haut-le-coeur n’est pas sélectif, croyez-le, nous récoltons la première ligne des semailles…

Image empruntée au Blog de http://mario-scolas-727.skyrock.com/

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Dans le chaudron vous m’avez plongé

Posté par traverse le 15 mai 2014

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Pour Daniel BIG

Photo: Aline Dupont

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Tout le malheur de l’homme vient qu’il ne peut tenir dans une chambre.

Pascal

Dans le chaudron vous m’avez plongé, entremêlé de câbles, d’USB et de Wifi subtil, dans le dialogue en purée psittaciste, la vertu du respect compassé, l’empathie obligée en mépris larmoyant, la cyber fête des ennuis infinis, Babel comme horizon maudit, les embrassades humanitaires avec logo design, l’indignation des âmes occupées, le monde comme un village, l’animation de la farce colloscopique, des enfants en hachis d’ennui diabétique, des amours en horizon mythique, des croyances de chamanes de banlieues, des égos en LEGOS, des frayeurs de chatons sans tétine, des compassions virtuelles sans lendemain, des génies du matin éteints l’après-midi, des façons de mourir comme une maladie rare, des besoins authentiques de vertu naturelle, des histoires sans souci à ne pas se prendre la tête, des tristesses à la posologie douce, des allures de sauvage dans le Safari Park, de tout, de rien et encore autre chose, dans ce chaudron global, je mijote en soufflant sur le feu, d’un coup, poumons gonflés, je dis : « Vivement chez nous ! » et je m’enfuis en courant de ce bonheur malingre. « Vivement chez nous ! »

DS

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« Vivement chez nous! »

Posté par traverse le 3 mai 2014

Feuillets de corde n° 14

« Vivement chez nous » 

Dimanche 25 mai, nous allons et voulons voter!

Après nous irons où nos cœurs ont pris parti.

Ou nous regarderons, écouterons, commenterons les résultats: « Léger tassement, avancée significative, reconnaissons un recul stratégique, attendons les résultats, dans la circonspection de …, Et vous Madame…que pouvez-vous nous dire ce soir? Et vous Monsieur…comment expliquez-vous…Jusqu’au matin.

Nous, nous irons voter puis Feuilleter les derniers Feuillets de corde à la Librairie Cent papiers de 15 à 17h…au 23 de l’avenue Louis Bertrand.

Nous serons chez nous, dans ce lieu de culture, entre amateurs et « professionnels », nous passerons deux heures pour fêter le Poète inconnu (je l’imagine en terre de Syrie depuis trop longtemps…mais la Syrie est vaste et dépasse ses frontières…)

 

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 fichier pdf Vivement chez nous!

Nous accueillerons Olivier Terwagne qui écrit, compose, chante, et fut un fidèle de

nos rencontres. Heureux de terminer cette série avec lui!

Puis à la photographie, une complice aussi,Aline Dupont, dont vous retrouverez

régulièrement les photos en couvertures des Editions Traverse dès septembre…

Puis, Musique, lectures et…vivement chez nous!

 

VIVEMENT CHEZ NOUS !                                  

Rentrer chez soi. Décalage horreur. Orage dans l’air, erreur des sages, oikophobie, remugles, ménage à trois oboles, auberge espagnole.  Les rues s’éclairent à contre-jour. Gilgamesh abhorrait Uruk, tyrannisait ses proches. Des frontières cassées à l’épopée, retour à la maison, autre son de cloche, de clash et de peinture, il aime enfin ses murs. En Grèce, les guerriers quittèrent les seins des épouses pour leur destin et l’Asie mineure : d’Ouest en Est, en quête de gloire pour la femme adultère, dans l’espoir du retour, dissipé par les nymphes, déguisé en un autre, au bras d’une femme fidèle. Tout ça pour ça. T’aurais dû rester chez Calypso, t’as voulu jouer au héros. Paysan ! Avec un devoir à chercher, comme disait l’autre. Le plus court chemin de soi à soi pour devenir un héros : savoir qu’on a voulu tuer son père, un jour. Ne rions pas de nos ersatz. L’incendiaire Hélène resta sur place.

Le paradigme moderne du « je pense, je suis ici chez moi » est-il encore d’usage quand je suis sous prozac ? Les murs de la cuisine aspirent à un lifting. Les papiers s’amoncellent dans le living. Un coup d’œil au journal numérique. Hégélien par élégance de conduite, je pense que l’esprit du temps s’invite dans les événements politiques. Et si la vérité des hommes se cryptait au contraire dans les reliques des faits divers ? Tiens, personne n’est mort pendant que j’étais en vacances ? Je n’ai rien manqué. Je ne jette pas le mal avec l’eau du bien. Vous nous avez ramené la pluie ! Le soleil ne reviendra plus cuivrer les peaux des étrangers. Les temps changent. Pourrons-nous compter sur le droit à la clim universelle ? Trop de chaleur compassionnelle finit par étouffer les cœurs trop purs – ils vont sauver le monde en avion sans dire au revoir à leur voisin. L’Occident vaque à ses pulsions. Fin de l’histoire.

Ailleurs, c’est pas chez nous. Traumatisme de l’évidence. Truisme de connivence. Antinomie fondatrice de la métaphysique occidentale. Sans truisme, centrisme, ethnocentrisme. Ils cherchent dans les autres le même. Je n’ai pas sorti ma théorie du genre au bon moment. Que n’ai-je ouvert les vannes ? Un militant crie : « Je ne serai content que lorsque Paris ressemblera à Ouagadougou ».  Une femme micro-trottoir: « Pourrais-je un jour fumer à nouveau au milieu de ces femmes voilées ? Et montrer mes nichons, tranquille ». Red bull te donne l’halal. Capital, klaxonnage de gueule, sevrage et religion. Choc des pulsions. La guerre des voiles aura-t-elle lieu ? Tombe le string et le foulard. 68 printemps de retard. Enlever les croix sur les vieux murs des écoles. Et pour remettre l’église au milieu du village, il leur faudra une autorisation communale ? Du droit d’exil à la dernière cène, Coluche et les « restos du cœur ». Romantique parisien, j’ai mal au siècle après avoir garé mon vélo boulevard Ménilmontant. Je voudrais foutre le camp mais la gravitation universelle me retient parmi le rien. Un corps à corps m’enchaîne aux pulsations. Futur référendum: changer les lois de la physique dans la constitution.

Vivement à la maison qu’on puisse « mater » tranquille les photos des vacances. Prendre une photo d’un événement avant de le vivre – à terme – archiver les photos dans un « disque dur » – externe. Mise à distance – nécessaire. Ne jamais regarder – l’évidence. Prendre en photo l’ailleurs pour ne pas le vivre. Inscrire sur sa carte de visite « iphonographe », « ipadographe ». Disque rayé comme le pull over du Vel d’hiver. C’est chic. Je peux chanter la misère mais par intermittence seulement. Peut-être parlerez-vous de mon statut d’artiste subventionné par l’Etat.

Vivement chez nous. Sentence hystériquement correcte si j’en crois l’histoire de la chair, celle qui n’oublie rien. Prononcée par le grand Rabbin lors de la destruction du Temple en 70 après celui dont il niait le potentiel divin. Impossible de venir, mensonge suivra. Salle d’attente de près de deux mille ans avant de rentrer à la baraque, autorisé à faire le ménage devant sa porte cachère. Rentrer dans ses pénates, revendiquer le droit d’asile chez soi, et subir l’hostilité des pays voisins. Je suis malade dans ma propre maison et les coupables sont à la porte. Je suis toujours coupable et vous finirez par m’aimer.

Sans doute se souviendra-t-on du siècle des grands désenchantements du monde comme une longue repentance du sang versé. Pour la multitude. Il n’étonnera personne que les enfants de l’iphone, trop ouverts aux blessures des frontières et des Roms, terminent dans des bunkers design en intranet, partouze tous pour un point com. Je n’existe pas. C’est la communauté qui parle en moi. La guerre des mémoires est-elle déclarée? Qui n’a pas encore eu son badge « victime du crime contre l’humanité ». C’est la manif pour tous. Il n’y a pas de jardin sans clôture, pas de réel sans frontière. Suis-je coupable de droitisation ? Je m’inquiète, je m’éclate, je me déchire en relisant les Eléates.

Les morts entendront-ils la note exacte ? Et si l’avenue de l’impasse résidait dans un la ? La musique est la ruse de l’histoire, elle métisse en hémioles sur une basse continue. Elle matisse la fauvette en une baise inconnue. Une syncope audacieuse. Bach assoit sa vie en prouvant l’existence de Dieu. L’Europe résonne. Polyphonie des voix ? L’Orient sonotone. Contrepoints de suture ? Chant grégaire ? Naguère se tarissait la monodie grégorienne. Les moines survivaient en silence aux décadences millénaristes et inventent le plain chant. Douce plainte d’une enfance cistercienne que je n’ai pas connue. Vingt-et-unième siècle. Battement binaire. Pensée du Deux. Formidable. Au nom des damnés de l’altermondialisme, on est ici chez nous. Nous sommes des « icitiens » a dit Jamel Debouzze à la télévision.

Vivement chez nous disait de concert ce couple en vacances. Souvenir des noces. Les mariages, j’aime bien : on peut mater du nichon tranquille, en douce. Si on est seul. J’ai toujours eu un problème avec les vacances. Plan quinquennal du luxe, une expérience unique. C’est l’ère de l’esthétique ; moi, je kiffe. J’ai plus de vécu que toi et tes soutifs. « Nouvelle crise existentielle », « nouvelle crise existentielle »… Mais s’il fait une crise existentielle tous les quinze jours, on est beau. Se mettre au vert, c’est trouver la vérité du couple à l’étranger. Une fois rentrés chez nous, le nous n’existe plus. Premier jour à terre, drôle d’odeur dans l’air. On ne passera pas l’été. Malaise en altitude : elle était moins fausse que d’habitude. Retour de vacances et l’histoire me rattrape. L’événement frappe à ma porte. Les printemps des peuples tournent à l’aigre. La reconquête de ton expulsion. Un long chemin des croisades aux monospaces. Une amie m’a dit un jour : « ton problème, c’est les gens ». Moi je te dis, toi tu me dis, elle, elle ne dit rien. Nous pulsations, la vie, la mort, valsent dans le même ton. Je est inconscient qui me tue, toi tu n’en sais rien. Désaccordéons-nous tant qu’il est temps, je est un vous dans le même temps.

 

Chaque soir, comme Socrate

Assister au procès sans pouvoir répondre.

Les juges athéniens souhaitaient le bien de la cité

Plus tard,  je citerai les grecs, la doxa m’accusera d’européocentrisme

Tu te retrouveras avec tes culottes à trous sur le trottoir

Comme si les larmes avaient le dernier mot du réel

On ne fait pas de politique avec des pleurs

L’Eglise recueillait « albi nati » et nés d’ailleurs

 

Et puis les juifs empoisonnaient les puits

Tu sais, c’est du passé tout ça

Nous souviendrons-nous des Cathares

Du génocide d’une famille Tsar

 

Il faudra encore que tu chiales

Pour avoir ce que tu veux

Il faudra que je sois mâle

Pour m’habiter selon mon genre

 

Tu restes une énigme et moi un soliloque

C’est un billet de rumeur

Et j’ai droit de propagande

Sur la carte blanche

 

Génétique du futur, séjour éternel dans la carcasse d’un autre. Si je peux choisir : la gueule greffée sur le corps d’une bimbo plutôt « bi », histoire de faire l’amour à mon genre. Quittons-nous en bons spermes. On se retrouvera quand l’enfer sera en promotion. J’espère qu’on n’aura pas vendu mon corps d’ici là.

O.T.

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Parlons sécurité

Posté par traverse le 24 avril 2014

 

Psycho (1960)Directed by Alfred HitchcockShown: Janet Leigh (as Marion Crane)

 

 

Maman, papa et les enfants en vélo, casqués comme des insectes interstellaires, se faufilent entre les voitures, gestes amples et capotes jaunes au vent. Ca prend du temps un charroi de chenilles, alors on regarde.

La petite est bien assurée dans son siège devant le père. En cas de choc ou de chute, c’est elle qui prendra tout. On ne peut quand même pas imaginer un sale accident avec une automobile honnie  alors qu’on roule si décemment! Que nenni. On avance donc, stoïques, le sourire aux lèvres dans des nuages de CO2.

°°°

Maman attend avant de traverser la rue, landau en avant. Parfois, c’est le hasard, la scène se passe au passage réservé. Elle pousse son landau et se penche au-delà, bien au-delà pour scruter le danger, à gauche, à droite. La poussette gène un peu, elle l’avance encore, un rien, pour mieux voir. Un camion, un bus, une voiture, Ben-Hur peuvent apparaître à tout moment.

Rien, heureusement, le petit dans son landau bavote et ne se doute pas qu’il est aux premières loges.

°°°

Dans le tram, Kevin Mohamed et Nadia s’installent et décident de se défaire des muscles dont ils étaient équipés en montant. Ca s’affale et se laisse aller dos contre portes sans le moindre souci des lois de la gravité. Une rupture de courant et les ouvertures se déclenchent. J’en ai vu un tomber, dos vers l’arrière et bras ballants, happé en une seconde, spectaculaire !

Depuis, j’explique et me fais traiter avec le mépris des aventuriers d’expérience. Ils ont raison, faisons confiance au beau hasard des pannes.

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Chacun son écran

Posté par traverse le 23 avril 2014

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« Aimer, c’est regarder ensemble dans la même direction », disait le bon Saint-Saint-Exupéry.

Pendant cinquante ans, ils regardèrent chaque soir ensemble le même téléviseur.

Aujourd’hui, chacun son écran.

 

°°°

Jeunes et heureux, ils marchent le regard fixé sur le téléphone qu’ils tendent devant eux, comme les premiers croyants portaient dans la foule impie des signes de reconnaissance.

Ils se croisent sans se voir mais finiront,béats, dans la fosse commune. Epargnons ici les lions.qui ne nous ont rien fait.

°°°

Maman pousse son landau et ne cesse de parler à son mobile coincé entre le cou et l’épaule ou le foulard. L’enfant ne se doute de rien, il est face à la foule, les landaus ont changé d’orientation. Patience,  il sera branché bientôt lui aussi.

Certaines, coquettes et adaptées, portent une ravissante oreillette et gagnent en aisance dans leur nonchalante conversation avec le monde.

 

°°°

C’est Pâques, Alléluia, et comme Noël, ce ne sont que fêtes de vieux ou d’acharnés à quelques agapes familiales ou autres bondieuseries, -n’est-ce pas chers dialogueurs de la neutralité?- et l’Esprit a donc changé de camp.

Une grande entreprise Télécom nous offrait il y a peu une magnifique publicité où un père niais et souriant appelait son fils, « Viens mon grand, les Cloches sont passées! » et l’autre de rechigner dans sa chambre de la plus vile des façons, mais il faut y aller. Et le chérubin découvre dans les herbes du jardin de merveilleux appareils sonnant et trébuchant, caquetant et tintinnabulant en lieu et place des œufs méprisés. On est de son temps ou on est rien.

Rome a passé la main à Télécom, ça sonne et ça résonne souvent de la même façon.

°°°

Nous passerons aux écouteurs plus tard, les acouphènes règnent et les tram arrivent sans bruit.

°°°

 

 

 

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Je me suis promis vite

Posté par traverse le 15 avril 2014

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Je me suis promis vite

de n’y croire jamais à ces rodomontades

des origines, du sol, du sang

et des identités asthmatiques en quête

d’un vieux souffle pour dire un vide,

une fontaine éparpillée dans laquelle on patauge,

ces temps innocents des meurtres bienveillants,

des machettes et des fours,

de la bêtise et du sexe vengeur,

ce temps perdu à racler les fonds de terroir,

 

Je me suis promis de ne pas y être attaché

à l’origine de mes parents, géniteurs,

morts aujourd’hui et plus souvent avant,

à l’homme nu que je fus et vers qui je me tourne

chaque nuit dans la mesure du temps,

mon unique linceul,

j’écris sur la blancheur des refrains en mesure

du territoire des hommes

où je vais le plus souvent seul.

 

Un trou, un cratère, une sonde où je tombe,

l’origine est une chute sans fin,

des histoires bricolées de l’antérieur,

des bandages glacés sur des corps de paroles,

des récits protecteurs, ridicules, risibles,

papiers d’identité de piètre qualité

que nous tendons dans des présents féroces

frissonnants du bonheur des dindons de pays

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La Cité des Ravissements

Posté par traverse le 14 avril 2014

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(Paru dans le dernier numéro de la Revue Marginales,

disponible en librairie,

sur abonnements ou  sur commande)

L’écrivain ne savait plus qui, de lui ou de ce qu’il prétendait être, parlait, écrivait ses histoires. Il ne s’y retrouvait plus. Il confondait de plus en plus souvent la mort de ses personnages avec le temps qui prenait tant et tant de place en lui. Il avait peur, il remettait sans cesse sa vie au lendemain au nom de simagrées qu’on aimait le voir faire.

 

Un matin, il ne se leva plus. Le réveil sonnait, il le laissa faire sans étendre le bras pour l’arrêter. Il s’enfonça un peu plus sous la couette et frissonna. Des cauchemars l’avaient traversé toute la nuit, il était en nage. Il avait soif, terriblement soif, il ferma avec force ses paupières et attendit que le monde se passe, sans lui.

 

Un peu plus tard, il alla aux toilettes, prit un magnum d’eau dans le frigo et retourna au lit. Cela dura une semaine. Il se nourrissait de ce qu’il trouvait dans les armoires surélevées de sa cuisine. Il cuisait des pâtes qu’il arrosait de piment et se mit à vider les dernières bouteilles d’alcool de son bar. Il écouta son répondeur quelques secondes, effaça les messages et débrancha le téléphone. Il fit le compte de ses provisions, il avait de quoi tenir un moment. Cette angoisse de manquer lui servait pour la première fois de sa vie.

 

Il ne voulait plus sortir, il ne s’en sentait pas la force. Le téléphone sonnait régulièrement, des mails arrivaient mais il ne les ouvrait plus. Il tenait sa tranchée, il en faisait partie, les bruits du dehors ne l’atteignaient plus de la même façon, ils ne marquaient plus l’étendue infinie au-delà des fenêtres à double vitrage, ils s’entremêlaient et s’étouffaient lentement. Un matin, il entendit le silence et eut besoin de pleurer. Mais il n’était pas encore prêt et alla se recoucher.

 

Il entama ainsi la deuxième semaine. Il se releva plusieurs fois et essaya d’écrire mais rien ne venait. Ses doigts rataient les touches du clavier et il effaça le tout en regrettant le geste de la feuille de papier qu’il arrachait, il y a longtemps, de la machine-à-écrire avant de la chiffonner et de la lancer dans la corbeille à côte de sa table de travail. Il n’y avait plus de geste dans la vie qu’il menait. Des répétitions de tics, des réflexes surs des surfaces sensibles, des chipotages tactiles, mais plus de geste d’ampleur. Son corps s’était rendu à l’ennemi. Il pensait résister mais tout était presque perdu, il le sentait, il le savait. Un homme sans ampleur n’était pas grand-chose à ses yeux. Cette qualité qu’il pensait perdue tenait encore le corps des vieux qui maniaient la lenteur avec la sûreté des pandas protégés.

 

Une deuxième semaine s’acheva. Il dut sortir faire quelques courses dans le quartier et éprouva un sentiment étrange : il était invisible et souriant, prêt à disparaître, paisible. Il était heureux de ne plus être là. Quelqu’un le bouscula, il se laissa emporter par la secousse jusqu’au bord du trottoir. Il se raidit devant une voiture qui passait et le regretta aussitôt.

 

Rentré chez lui, il s’assit face à la fenêtre et pleura, en secousses, puis de longs sanglots et renâcla enfin comme un cheval qui meurt. Il resta là la journée entière à regarder le ciel et la cime des arbres. Il ne comprenait pas encore ce qui lui arrivait bien qu’il en connût toutes les étapes. Le soir s’effilochait en lambeaux sur la crête des toits et il eut froid. Le besoin d’écrire était là, fragile mais comme à neuf. Il ouvrit l’ordinateur et relut la consigne que la Revue lui avait envoyée quelques semaines auparavant, « Comme en 14 ».

 

Il pianota des choses sans importance une heure durant. Tout était trop littéral. Cette guerre, il la connaissait depuis son enfance et les récits de ses grands parents. La boucherie, la boue, la bêtise, il avait tout entendu. Il avait respiré les gaz et la putréfaction. Il avait entendu les sanglots et les bombes.

Ses doigts s’arrêtèrent sur le mot « élagage ». Il aimait ce mot. Il l’employait souvent mais soudain il résonna sèchement comme une évidence. C’est à ce propos qu’il voulait écrire depuis longtemps. C’est sur cet élagage inévitable qu’il allait probablement connaître qu’il se mit à écrire. Sur cette façon qu’il faudrait réinventer de tuer les hommes quand ils sont énervés, en colère ou ivres de frustration.

 

Il regardait le grouillement, les masses, les coulées d’humanité se déverser un peu plus chaque jour autour des métropoles exsangues. Il voyait chacune, chacun, un à un, une à une, il les voyait dispersés sur la terre, il les regardait comme s’il s’observait dans un miroir : la grossièreté des traits, l’empâtement du visage, les rides, les balafres du temps, c’était lui, c’était eux. Dans le prisme de la compassion pour tant de douleur partagée, il saisit une idée qu’il voletait en lui et se mit à creuser.

 

Il travailla toute la journée, le lendemain et la semaine. Il engrangeait des sources, des modèles, critiquait ses données en permanence. Il consulta des traités d’eugénisme, découvrit les rêves mortifères d’hygiénisme de la guerre, des poètes  célèbres hantés par le nettoyage génétique, la confrontation au Chaos, la rude épreuve feu, tout ce qu’il fallait pour réduite le surnombre et renforcer l’humanité. La tribu mondiale cultivait des comportements locaux et d’apartheid. La rupture était imminente, cela basculerait bientôt dans la barbarie la plus effroyable au nom de Dieu, de l’eau, du développement continu et de ces saints apôtres pétroliers, les lignes de faille étaient visibles, les coutures lâchaient, la déchirure filait vers l’infini.

 

Le soir, il se sentait mieux. Il avait embrassé le pire et en sortait lessivé, libre, à nouveau audacieux. Son projet prenait forme. A la fin du trimestre, il estima avoir conclu sa modeste proposition. Il adressa son protocole et ses arguments aux instances nationales et internationales et attendit. Le texte était court et tenait à peu près en ces termes…

 

« Ils sont assis calmement face à leur pupitre. Ils écrivent en silence, tracent des rondes, des jambages, des pleins et déliés. Ils sont soigneux et silencieux. Cela coûte d’aller à l’école, alors on est attentifs, et studieux. L’avenir en dépend. Passer par là donne plus de chance de ne pas mal finir.

 

La cloche a sonné, ils se sont levés, ébroués, pris leur barda, leur fusil, leur casque et sont allés se faire tuer en chantant dans le soleil d’été.

 

Le soir, le maître a nettoyé la classe.

Le lendemain, elle était presque vide.

 

Le temps a passé, des cris, des murmures, des rires, des chaises qui renâclent et tombent, des sonneries, des rires, quelques uns sont affalés devant des documents qu’ils tiennent du bout des doigts, d’autres s’étendent en bâillant. Ca parle et ça s’exprime. Quand on passe par ici, l’avenir n’est pas certain disent les plus âgés.

 

Des réseaux s’organisent, des sociétés secrètes rassemblent des adhérents de plus en plus nombreux pour apprendre le soir ce qu’ils méprisent le jour. L’école est pleine et les cœurs sont vides. Ceux-là se sont vengés et ont tiré dans la foule un bel après-midi, les autres, là-bas vont boire et fumer avant de prendre la route et s’encastrer dans des poteaux d’acier. Ils tètent, ils grognent, ils pleurent, ils sont sans recours devant leurs besoins sans façons. (…) »

 

« (…) La plupart se débrouillent, sans idéal ni espoir, changent de pays, de noms, de langues plus souvent. Ils s’écrasent comme des insectes alourdis par une chaleur d’orage sur les pare-brise. Des maladies renaissent, des attentats crépitent sur la carte du monde, des raz-de-marée, des cyclones, des guerres, la famine, la soif, la peste et le choléra. Mais ça ne suffit pas. Il en naît chaque jour, trop et sans mesure. (…) »

 

Le rapport citait, reliait les arguments, bousculait les habitudes et bouclait finalement sa théorie de la façon la plus poétique…

 

« La destruction, l’élimination de l’humanité est un rêve inapproprié et sans fin. Nous le savons. Guerres, génocides, massacres, rien n’y fait. Une force de vivre plus haute que la survie ponctuelle et terrible habite les hommes, ils rêvent de se prolonger dans n’importe quel enfer et ils s’y emploient chaque jour. Nous voyons le résultat. Rien n’y fait.

 

Par ailleurs, une faille, un éclat dans le marbre, leur soif absolue de jouir et de jouir encore des plus jeunes aux plus vieux, la jouissance est le cap. Et cette frénésie érode tout. Le désir de soi gagne sur le désir de se perpétuer. Il suffit d’augmenter cette pression, louer cette disparition, la favoriser et le Chaos sera maîtrisé.

 

Des Cités de Ravissement, des couronnes d’addictions autour de chaque zone urbaine, des districts du plaisir réglementé, voilà la solution.

 

Ma modeste proposition consiste à établir ces Cités où toutes les drogues, plaisirs et assuétudes seraient offertes à l’humanité souffrante. Des cartes réglementaires, des bases de données numériques, tout sera diligenté pour rencontrer les désirs des consommateurs.

 

Chaque mois, chaque famille, et tout individu à partir de six ans, devra faire preuve de son  passage dans les Cités de Ravissement. Quatre passages mensuels suffiront à défaire en eux toute velléité de reproduction, l’effondrement sera régimenté, la dissolution de soi, la seule loi.

 

Lors de ces trajets vers les Centres aménagés, le manque et la nervosité suffiront à élaguer bon nombre des consommateurs (accidents, effets de panique, troubles cardiaques et respiratoires, crises d’angoisse, haine de soi, suicides collectifs,…). Lors des retours, nous arrivons aux mêmes conclusions, et de façon exponentielle.

 

Les assuétudes briseront toute velléité. La stérilité, le repli sur soi, l’abandon des autres, la désintégration sociale permettront d’accélérer encore le processus de décomposition.

 

Le temps sera le seul handicap. Les temps longs en ces matières peuvent s’installer. Il s’agira alors d’amplifier certaines dimensions de ma proposition mais elles sont en germe dans le fruit.

 

A ce rythme…. (…) »

 

L’écrivain avait terminé son œuvre, son plus bel opus. Il n’était pas mécontent du titre non plus. Cela résonnait comme l’époque. Exotisme, esprit de la ruche, spiritualité obsessionnelle dans une arche de contentement.

 

Sa modeste proposition reçut des accueils divers. Des chipoteries, des accents d’éthique bafouée, des incompréhensions dans la procédure proposée, mais tout était globalement positif.

 

Le sentiment du devoir accompli l’emplissait, des frissons le parcouraient comme les vaguelettes du ressac.

 

Il acheta une arme, un simple revolver à deux sous sur Internet et se prépara. Il ne se tira pas une balle dans le pied, son intention n’était pas d’échapper au prochain assaut mais de le précéder. Il visa la tempe, pour l’ampleur du geste qui menait le revolver jusqu’à l’endroit choisi et fit feu.

 

Ensuite, il prit une douche, s’habilla impeccablement et sortit, léger.

 

 

fichier pdf Cité des Ravissements

 

 

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Le jour commence

Posté par traverse le 13 avril 2014

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Pour Eric Piette,

13 avril, 2014

 

Le jour commence,

j’écoute la machinerie des oiseaux et du vent,

je devine ce dehors qui prend de la hauteur

dans le temps qui revient,

ce temps-ci, ce temps des animaux de la maison,

des malades et des enfants cachés,

ce temps-ci emplit tout,

bascule les horloges dans le sable,

dans la joie d’entendre encore

des paroles communes qui disent

le mal rompu pour un moment.

 

Je ne sais rien de là, où je vais

si longuement,

l’amour est une halte, peut-être

une prairie longue comme le vert

file sous nos sabots enfoncés

lourdement dans les terres du galop,

et puis, d’un coup une haie,

un muret, un ruisseau silencieux

effacent le poème du cheval ahuri

et je tombe à genoux

dans le présent furieux.

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Hier, je rentre dans un magasin de téléphonie

Posté par traverse le 6 avril 2014

Hier, je rentre dans un  magasin de téléphonie, au hasard, j’avais besoin d’une coque pour mon nouveau téléphone. Le « Paki » qui m’accueille me parle anglais en souriant, ses doigts courent sur les appareils, ouvrent des tiroirs, referment des boîtes, trouvent la pièce. Il me tend l’appareil équipé, mais sa tête est ailleurs, il sourit, observe les clients, me dit « C’est vingt euros ». Je n’ai pas de liquide sur moi, j’essaye une carte mais son appareil fonctionne mal, je lui tends alors mon GSM en gage et lui dis que je vais à la banque, là au coin. Ca prend cinq minutes, je reviens, je lui tends les vingt euros et lui, avec mon téléphone en main m’explique, grand sourire qu’il n’avait pas compris pourquoi je le lui avais abandonné pour partir aussitôt. Brève conversation autour du malentendu: l’argent, la banque, le gage…Il me répond en me serrant le bras: « No problem Sir, because your face ». Il tend alors la main vers mon visage en souriant encore plus. Je le remercie, lui serre également la main et on se quitte,  certains d’avoir été un court instant dans la grâce de la confiance et de la courtoisie.

J’étais troublé, comme si j’avais volé à l’étalage, trahi un vague ami, méprisé quelqu’un…Mais qui ? Je comprenais en marchant la main dans la poche en caressant mon téléphone tout neuf ce que je venais de vivre. J’y avais pris du plaisir. J’étais dans les tribus humaines, gratifié de « bonne gueule ». Je savais que l’homme, singulier, unique, en face de moi était de bonne foi et cette alliance que nous venions de faire, était aussi heureuse que pernicieuse.

Je pense à Willy Kyrlund et à ses terribles histoires de bonté paradoxale. Je vous renvoie à sa lecture (livre dit introuvable, et en occase, mais donc, faut vouloir, c’est bien)

fichier pdf Bonté.PDF

Willy Kyrlund, De la bonté, C. Bourgois, Collection La Lettre internationale, 1992.

téléchargement

http://translate.google.be/translate?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/Willy_Kyrklund&prev=/search%3Fq%3Dwilly%2Bkyrklund%2Bwikipedia%26rlz%3D1C1CHMO_frBE568BE568%26espv%3D210%26es_sm%3D93

(Traduction Google)

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Des amis joyeux et dangereux

Posté par traverse le 3 avril 2014

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Des amis joyeux et dangereux, des femmes belles et subtiles dans la mise à mort, des petites-filles en Alice serviles, des garçonnets tout ramollis de sucre et de rêves faciles, des vieillards plus inquiets que jamais , nous étions las de ces façons de mendiants et allions par les villages dire notre soif de vivre, nous buvions ce qu’il fallait pour supporter le monde, nous tapions fort dans le dos en jurant de ne jamais mourir, pissions sur les buissons et rentrions en balançant nos grands corps inutiles.

On remettait ça jusqu’au matin, notre bêtise comme seule apparition de l’aube, nos mâchoires pendouillaient et nous étions si déglingués que les chiens  le matin nous évitaient en relevant la gueule.

Je vois ce temps disparaître en silence, quelques textes, des objets parsemés, le goût des fleuves et des rivages, le cœur serré et la tête perdue dans la vision de tragiques transhumances. Nous allons.

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Ma vie est passée dans le vent et les gares

Posté par traverse le 30 mars 2014

 

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Ma vie est passée dans le vent et les gares, auto-routes et cafés vite bus dans des gobelets de carton, parfois des haltes, des bras chauds, des voix presqu’inaudibles, des regards perdus, pourquoi suis-je devenu ce point d’arrêt à cet instant, cette vie, en face  qui se regarde en moi, souvent de la musique poisseuse, une gale, l’exécration de l’homme, dans cette gare si grande et sale, cela sent toujours le pire des hommes dans les lieux de passage, dans cette gare des familles étalées sur un sol de misère, des poubelles débordent, les passagers passent, des jeunes sur leurs skates, de vieux noirs édentés marmonnent sur les bancs, le commerce, des choses s’achètent, se mangent, se jettent sur les hommes à défaut d’autre chose.

J’ai attrapé mon train et n’ai rien lu pendant tout le trajet.

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Je devais téléphoner à quelqu’un de peut-être important

Posté par traverse le 22 mars 2014

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Je devais téléphoner à quelqu’un de peut-être important

pour moi et quelques autres,

j’étais tout entier concentré sur ce qui se joue

alors et encombre la vie

de ces nécessités odieuses

qui nous font l’air heureux,

la personne me dit c’est une erreur,

qui avez-vous tourné ?

Une panique aiguë m’a frappé droit au cœur,

l’enfance perdue, le cadran du téléphone,

le doigt s’enfonce dans l’anneau, l’ongle griffe la bakélite,

la résistance du mécanisme, le temps et les cliquetis de l’appareil,

Qui avez-vous tourné ?

J’avais entendu autre chose de grave et douloureux,

j’ai dit c’est une erreur,

une terreur peut-être que l’on tourne du doigt

pour retarder le temps.

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Un cerveau en étoiles

Posté par traverse le 10 mars 2014

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Elle était partie. Loin. Du côté des étoiles comme disaient ses amis. Au pays du crabe, comme il grommelait en s’endormant. Les mois passaient et Michel Berlin sombrait. La figure de son tendre amour effaçait le monde autour de lui. Il vivait un pas de côté, absent des rythmes légers de la vie. Il travaillait mais passait souvent plusieurs jours enfermé, espérant mourir d’un coup, comme on est désintégré dans les films de science-fiction.

 

Il s’habituait à ça aussi, et il se mit à mourir de moins en moins souvent. Il entendait toujours son magnifique rire traverser la pièce, la voyait endormie sur le canapé ; sa peau lui manquait, sa peau mate et chaude, son unique contrefort dans la vie. Il passait ses journées à scruter ses photos, écouter les enregistrements, aspirer en boucle les vidéos qu’il avait faites d’elle. Il tournait en rond, il s’éloignait de son centre, sans l’avoir décidé, il avait accepté l’idée de s’éteindre.

 

Les mois passèrent, le printemps revint. Un matin, Berlin téléphona à l’hôpital où elle avait séjourné en phase terminale et demanda un rendez-vous. Le Professeur responsable du service d’oncologie lui en proposa un trois semaines plus trad.

 

Berlin avait décidé de retrouver ses traces, de la reconstituer de toutes les façons et il lui restait cet ultime endroit pour tenter de réanimer la mémoire qui se déferait lentement de ses plus beaux souvenirs. Il se dit que dans les archives de la maladie de sa bien-aimée il récolterait quelques poussières. Il était prêt à tout pour ne pas la perdre une deuxième fois. Il attendit le rendez-vous dans une apnée de ce que certains auraient appelé le bonheur. Ce jour-là, le soleil brillait, un soleil froid dans un ciel bleu sans nuages.

 

Le Professeur écouta Berlin longuement, dans un silence entrecoupé de quelques questions. Les archives étaient scellées, répétait le Professeur et que pouvait-il trouver dans quelques clichés neuronaux et photos d’IRM ? « Que pensez-vous, Monsieur Berlin, pouvoir récupérer de ces graphes et biopsies scannées, des clichés en 3D de sa flore gliale et même des crayonnés que j’ai réalisés pour mieux comprendre l’évolution de sa maladie ? Que voulez-vous « reconstituer » Monsieur Berlin, votre femme n’est plus, ses cellules se sont développées à un rythme affolant, des métastases partout ; elle se nourrissait d’elle-même, comme une étoile qui explose dans la galaxie et se dilate en projetant sa matière dans des univers de gaz, elle se disperse dans l’infini, elle est partout, Monsieur Berlin, comme une poussière d’étoile, une poussière et nous allons la rejoindre quand notre magma sera lui aussi sur le point de s’éteindre… »

 

Berlin insista avec une conviction qui fit comprendre au Professeur que rien ne l’arrêterait, qu’il allait tenter de la reconstituer mentalement, de la reconstruire, cellule par cellule, de la remettre en mouvement dans le grand vide de l’absence.

 

Ils reprirent plusieurs rendez-vous, le Professeur fut conquis par son insistance et la rudesse de son désespoir. Berlin reçu de nombreuses copies, fac-similés et scanners. Il se mit le soir-même au travail. Assembla, relia, combina des données, projeta des formes sur le mur de sa chambre, scruta la mase des 1250 grammes de millions de milliards de cellules qui avaient élaboré dans le secret des émotions et des expériences, ce que sa femme avait de plus serein, son amour sans limites et sans conditions.

 

Il installa des télescopes dans son grenier, épingla des cartes du ciel sur tous ses murs et se prépara à passer ses nuits la tête dans les étoiles.

 

Cela dura un an. Berlin lisait dans le ciel le cryptage du mal qui avait dilapidé les cellules du cerveau de son amour. Il commençait à comprendre la cartographie double qu’il dressait chaque nuit et le visage de sa femme commença à occuper la voûte céleste toute entière, des sourires de madone, des baisers ourlés, des regards de chatte, des yeux pétillants de malice, il paraphrasait dans le ciel les tracés que la maladie, vive, intelligente et rapace, avait dessinés dans la chair précieuse de celle qu’il aimait.

 

Cet amour n’était pas une histoire simple, plutôt une sorte de refuge à perpétuité qu’ils avaient décidé d’établir l’un dans l’autre, une fusion infantile pour se soustraire au présent et à la fin.

 

Les cartes du Professeur lui servaient de repère, il allait dans le ciel comme on va dans un livre d’images, les yeux captifs et l’imagination en vadrouille. Les scanners balisaient son émerveillement et les positions du Soleil, de la Lune, de Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, Saturne, ainsi que des mille trois cent septante-sept étoiles brillantes conjuguaient leur luminescence en de vastes portraits qu’il photographiait chaque nuit.

 

Les années passèrent et Berlin, la tête dans les étoiles, semblait heureux. Il vivait seul mais ne se plaignait de rien. Il était joyeux et avait hâte chaque soir de braquer ses lunettes vers le firmament.

 

Peu à peu,  le ciel se dissipa dans de vagues brumes, la voûte tant aimée devint presque invisible aux terriens, des changements climatiques majeurs, des éclairements toujours plus nombreux saturaient la vision. Berlin scrutait maintenant un ciel encombré de lumière, pâle et dégradé.

 

Il y perdit la vue, ses yeux fatigués se brûlèrent à cette incandescence céleste. Il était à la fin de sa vie et il prit donc sa cécité pour une chance. Des piqûres de lumière papillonnaient sur sa rétine et il se surprit à envisager une nouvelle cartographie amoureuse. Les yeux clos, on le voyait sourire en tendant légèrement sa tête vers le haut comme le font les aveugles quand ils écoutent intensément.

 

Berlin balançait doucement la tête dans le vertige de ses visions, il l’avait enfin retrouvée.

 

DS, mars 2014.

 

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Le Cahier des larmes

Posté par traverse le 6 mars 2014

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Une mer intérieure, une mer de larmes, un océan de pleurs, voilà de quoi il était rempli et rien ne se déversait plus, rien d’autre ne prenait de place en lui. Il allait, étouffé et gonflé de ces torrents inversés, l’œil sec, piquant et  brûlant.

Des vagues lui gonflent la gorge, des refoulements de sanglots ;  des précipices remontent des lamentations anciennes. Il se souvient de ces anciennes larmes, comme si la nuit qui les avait soufflées – du verre dans la lumière des flammes intérieures- était celle qui le verrait enfin brisé, larmoyant et courbé sous le poids des chagrins.

Ces larmes n’avaient plus d’effet sur lui, elles n’étaient que sons, mots, souvenirs, regrets des offices anciens, désastres de marbre mais plus rien ne les faisait rouler et jaillir et tomber sur son torse, ses pieds et la terre où il était.

Un trop-plein de larmes de toutes sortes le menait lentement au chaos et sa défaite prochaine prenait forme de bonne nouvelle, des larmes enfin allaient conduire sa chute jusqu’à extinction de toutes ces passions sèches. Des larmes viendraient, un trou se laisserait entrevoir au milieu de son cœur et ce serait la bonde qui lâcherait, un flot bienfaisant se répandrait sur lui, il ne serait plus qu’une statue liquide, une masse de glaise, un golem gémissant.

Des larmes taries sont nées les rires de gorge, de ventre et de bousculade, rires pour se moquer du dire, rires qui montent de la plante des pieds et renvoient la vie à sa godillante marche de toupille. Ces rires se ruent jusqu’au faîte et font trembler l’homme tout entier, semblent parfois baignés de chaudes larmes, de gouttelettes d’huile sans vertu ni matière qui giclent sous la pression des saccades grotesques, des pétillements humides, des éclaboussures mécaniques machinées par les entorses à la sérénité ou à l’ennui de vivre.  

(à suivre)

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Carmen Groza / Arthis …11/03/2014

Posté par traverse le 28 février 2014

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Une exposition à voir à la Maison belgo-roumaine

33 Rue de Flandre, 1000 Bruxelles

Exposition ouverte: 12.02-11.03.2014
Info : 02/511 34 20 – info@arthis.org

De la matière des sols

Le monde est une forme en mouvement. Et l’artiste, un capteur, une sonde, un télescope, un radar…Les formes et les mouvements configurent ce mystère dans lequel nous allons, formes et matières nous aussi, dynamiques et tragiques. L’artiste tente de reconstituer dans chaque œuvre un univers de vide, de plein, centrifuge et centripète. Une oeuvre tient quand elle vacille sans jamais tomber.

 

Carme, Groza connaît le pouvoir irrémédiable d’une main mal accordée à la vision, d’un trait mal posé sur le carton, d’une tonalité instable. Son travail de tapisserie de haute lisse lui a forgé la main : elle doit être souple et tenir ferme la mesure des équilibres, des résonances de couleurs.

 

Le travail de collage qu’elle expose en ce moment à la Maison belgo-roumaine Arthis est remarquable : des glissements de matières organiques, des pointes d’or, des rognures végétales, des brisures de bois fin comme des traces d’un monde dont les œuvres seraient les dernières empreintes.

 

Les collages de Carmen Groza sont des variations de fragments de papiers, de toiles, de matières mélangées, agencées dans des camaïeux de rouille et d’automne. Ce sont, pour qui a pris l’avion, des campagnes où les champs et les bois se découpent dans l’horizon vernissé de la brume.

 

Des émotions lentes se nouent dans le temps de la vision des œuvres : des tonalités de putréfaction d’herbes, de feuilles mortes et des luminescences ocre, orange, jaunes entraînent le regard dans la temporalité des origines.

 

Carmen Groza construit une œuvre sereine dans une maîtrise de subtilité, de précision et de simplicité. Un bonheur de la découverte.

 

Daniel Simon

Février 2014

 

http://www.arthis.org/index.php/evenements/expositions/130-exposition-de-collages-carmen-groza

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Les Francs et les Lettres

Posté par traverse le 28 février 2014

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Histoire des Francs

Préface de Grégoire de Tours

La culture des lettres et des sciences libérales dépérissant, périssant même dans les cités de la Gaule; au Milieu des bonnes et des mauvaises actions qui y étaient commises, pendant que les barbares se livraient à leur férocité et les rois à leur fureur; que l’Église était attaquée par les hérétiques et défendue par les catholiques; que la foi chrétienne, fervente dans la plupart des. coeurs, était, dans quelques autres, tiède et languissante; que les Églises étaient tour à tour enrichies par les hommes pieux et dépouillées par les infidèles; il ne s’est rencontré aucun grammairien, habile dans l’art de la dialectique, qui ait entrepris de décrire ces choses soit en prose, soit en vers. Aussi beaucoup d’hommes gémissaient disant : Malheur à nos jours ! l’étude des lettres périt parmi nous, et on ne trouve personne qui puisse raconter dans ses écrits les faits d’à présent. Voyant cela, j’ai jugé à propos de conserver, bien qu’en un langage inculte, la mémoire des choses passées, afin qu’elles arrivent à la connaissance des hommes à venir. Je n’ai pu taire ni les querelles des méchants ni la vie des gens de bien. J’ai été surtout excité par ce que j’ai souvent entendu dire à mes contemporains, que peu d’hommes comprennent un rhéteur philosophe, tandis que la parole d’un homme simple et sans art se fait entendre d’un grand nombre. Il m’a plu aussi de commencer ce livre par le calcul des années qui se sont écoulées depuis l’origine du monde ; c’est pourquoi j’ai ajouté les chapitres suivants.

 http://remacle.org/bloodwolf/historiens/gregoire/francs1.htm

 

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Anatolia Rhaspody à Cent papiers

Posté par traverse le 26 février 2014

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Bienvenue le dimanche 2 mars de 15 à 17h à la Librairie Cent Papiers Schaerbeek (23, avenue Louis Bertrand)  où je présenterai le dernier livre en date de Kenan GÖRGÜN « Anatolia Rhapsody »

(avant « J’habite un pays fantôme » du même auteur dans quelques semaines).

Anatolia Rhapsody est un  livre majeur pour comprendre la relation d’un écrivain fils de l’immigration turque. Il a attendu près de 10 ans avant d’écrire ce livre, il nous parle en profondeur sans clichés mais surtout aucune concession aux lieux communs attendus des deux côtés de la « Commémoration ». Livre sensible, fort, qui aura une place historique dans le remugle des communautarismes affichés ou larvés et des fantasmes d’inculture où nous renvoyons l’Autre en parlant à sa place.

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Rage de vivre avec Kenan Görgün…

Posté par traverse le 21 février 2014

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Kenan Görgün

Cela fait des années que nous travaillons Kenan Görgün  et moi à des projets, des rencontres (Tables de Je avec la Revue Je des éditions www.couleurlivres.be, Checkpoint  Festivals,…), que nous sommes embarqués dans une véritable rencontre, celle des rives qui se rapprochent pour étrangler la matière du temps (de l’âge, de la culture, du style, …). Nous avons beaucoup partagé et j’espère que les dieux nous accorderont encore d’autres occasions.

 

Je pense que c’est un écrivain hors pair, mais pas en raison de son talent qui est patent, de son style et de son érudition, non, en raison de quelque chose de plus profond qu’Istanbul et Bruxelles (ou paris, Berlin, Madrid,…) (pour faire court) ont semé en lui: une sorte de dérive historique, de glissement dans plusieurs temporalités simultanées (comme le provoque toujours cette mégalopole où il vit en ce moment avec son épouse). Ces présences fractales d’un écrivain dans l’Histoire se mesurent à sa capacité à déplacer les angles de vue, à faire exister d’autres évidences, de nouvelles irrigations mémorielles, à planter de véritables mines dans notre représentation d’évidence du monde.

 

Chaque fois que je l’ai lu j’ai été frappé  par cette façon qu’il a, comme ça, comme si c’était simple, de relier autrement les événements du monde, de lier autrement (que nous, européens de l’Ouest, Européens ayant vécu une histoire européenne helléno-judéo-chrétienne  à mille lieues de celle que les Ottomans, puis les Turcs semblent avoir vécu. Et c’est faux. Kenan nous le rappelle. L’Islam apparaît quand une partie commune de l’Histoire a été forgée entre l’épaule atlantique et l’épaule asiatique de la Turquie actuelle. La Grèce ancienne, va de l’Albanie à une partie de la Turquie, rappelons-le.  Cette histoire est fondée dans de terribles batailles historiques et aussi dans le développement d’un système culturel et d’une civilisation exceptionnelle, essentiellement cosmopolite.

 

Alors, portant toute cette histoire en lui, ces deux histoires, cette myriade d’histoires enchevêtrées, comment imaginer Kenan Görgün nous raconter ses histoires sous la forme de westerns ou de road movies labellisés « écrivain turco-belge ou belgo-turc » ? Et à l’évidence, combien de manuscrits, de scénarios n’a-t-il pas encore sous le coude, que la frilosité des éditeurs hésite à diffuser. En fait, l’affaire, les affaires d’édition, de littérature, de « dialogues », de frictions entre l’histoire et la fiction, sont plus complexe ; nous savons que l’édition est passée sous juridiction de guerre et que les bombes et les procès ne sont plus des rodomontades institutionnelles. Ici, je pense à un texte en particulier qui fut PRESQUE publié par tout le monde puis arrêté dans son élan. Je l’ai lu ce texte, RITUEL, et il pose des questions que peu osent placer dans le débat multi-culturel-religieux-politique-stratégique…contemporain. Je peux aisément citer ce titre car il reste inédit à ce jour.

 

Puis, nous avons travaillé sur des histoires de fantômes…Nous avons évoqué le pays d’origine des parents des enfants de l’immigration, la fascination/répulsion qu’il peut exercer sur ces héritiers des migrants de la première heure (J’habite un pays fantôme), enfin nous avons abordé des rives plus intimes où il a pêché son superbe Anatolia Rhapsody (remarquable, limpide, à l’encontre des simagrées « -du « vivre-ensemblisme » des pleutres), une vraie rhapsodie, une couture de récits qui porte en soi ce que la Cité déploie dans chaque citoyen et qu’ils ne peuvent épeler isolément. Il nous faut  alors des aèdes, des bardes (comme il les évoque si bellement dans son récit) pour prendre en charge ces récits douloureux, tragiques, collectifs et intimes et les rendre audibles par tous.

Kenan Görgün y déploie là tout son talent, sa rage de vivre (il aime Mingus, je le sais, ça ce lit…) et nous allons parler ensemble de tout ça mardi à Schaerbeek

(C’est une proposition des Bibliothèques de Schaerbeek, de l’Echevinat de la Culture et de l’asbl Traverse).

C’est gratuit et ça peut rapporter gros. A vous de jouer.

Daniel Simon

Voilà l’annonce Bibliothèques:  http://www.mabiblio.be/?p=399

Quand ? Le mardi 25 février 2014, à 20h.
Où ? À la bibliothèque Sésame (Boulevard Lambermont, 200 – 1030 Schaerbeek).
Combien ? Entrée libre.

 

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Patience et longueur de temps…

Posté par traverse le 21 février 2014

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Traduction dans un film à deux balles « ce type avec le pull sans manches » (il portait un gilet). Hop disparition du mot chez les traducteurs de télé.

 

Je vous passe les « pas de soucis » aussi nombreux dans les polars que les « reste avec nous, respire, respire, reste avec nous » de plus en plus usités.

 

Le MRAX, Inquisiteur subventionné, poseur de morale institutionnelle, ignorant de la pire espèce que le « vivre ensemble » se joue dans le conflit et pas dans la terreur. Lisez Charles Rojszman et évitez ces baliseurs méprisants (http://charlesrojzman.blogspot.be/2012/10/un-monde-de-gentils-et-de-mechants.html ). Ils doivent avoir raté la première leçon de psycho collective pour ne pas savoir que ces interdits feront les prochains samizdats et qu’ils seront bruns/noirs avec l’aide ce misérable Institut du Refouloir. De plus, ça se discute, ça se plaide, ça s’interroge la relation humaine et dès qu’elle se veut PURE, fuyez, vite, l’Histoire se construit sur des bûchers de pureté, alors fuyez ce « purisme humaniste », fuyez, n’importe où, mais loin du MRAX. http://www.lesoir.be/475432/article/debats/editos/2014-02-21/soir-repond-au-mrax

 

Et un texte intéressant pour se faire une idée plus précise…des enjeux de la Commémoration de l’Immigration turque et marocaine et de son importance:

http://www.ulb.ac.be/socio/germe/documentsenligne/3Rea98.pdf

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Un seul être nous manque…

Posté par traverse le 13 février 2014

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« Ecrire, c’est poursuivre un souvenir qui n’existe que dans le sens où il annonce, masque parfois, une expérience plus secrète, plus flottante, plus indéterminée et qui remontera enfin à la surface grâce aux leurres qui le désignaient et qu’il s’agit alors d’éteindre pour mettre à jour ce qui dormait à l’ombre… » (1)

Atelier d’écriture à Leuze / Province du Hainaut

  Monde ballant/ Monde lisant 

Un seul être nous manque…

Un atelier d’écriture, c’est comme la poésie, ça sonne bien à l’oreille mais ça peut recouvrir le pire et le meilleur. Le pire, ce sont les simagrées de belle littérature, les procédures appliquées, les réponses de surface, les accommodements avec la médiocrité qui est en nous. Le meilleur, c’est la reconnaissance de ce qui surgit et que l’auteur (e) retaille, retravaille, affine, explore et offre, enfin débarrassé de sa mauvaise graisse et offert à la visibilité de tous. La lecture est une aventure de qualité quand le travail invisible de l’auteur a débarrassé le texte de ces lieux communs qui réjouissent l’âme des faux poètes…

 

Un atelier, c’est un Cabinet de curiosités, une Abbaye de Thélème, un endroit préservé qui autorise l’audace, l’exigence, exige l’écoute, la bienveillance, les remarques et la nette conscience qu’il existe un univers entre l’auteur et son texte. Nous parlons de textes dans l’atelier, toujours mais des personnes les lisent, les commentent, des grains de voix se font entendre, des souffles nous touchent, des corps se penchent et se redressent. La vie du texte est dans le corps qui le prononce dabs l’atelier.

Les personnes comptent, bien sûr, et pas pour du beurre…Elles sont même essentielles. On y trouve touts les facettes de l’être : sombre, muet, sourd, puis lumineux, éveillé, perçant, on y rencontre des sympathies, des antipathies et on fait ce qu’il faut pour que l’empathie gagne.

 

Et soudain, une absente, un absent…Et le tour n’est plus joué comme la fois précédente. Il manque un référant, ici, c’est Micheline, notre Aînée, Micheline, souriante, vive, pénétrante qui a eu un « coup de santé » (comme on dit un coup fourré) le jour de son anniversaire. Elle va mieux, elle se remet, elle est forte et l’atelier l’est en grande partie grâce à elle.

 

Voilà, c’est ça aussi notre histoire de Balle, une histoire de personnes assemblées qui écrivent et lisent alors qu’il pleut ou que le soleil rayonne et qui sont heureux d’être actifs dans cette assemblée discrète, l’atelier d’écriture.

DS

A bientôt, voici les prochaines dates définitives :

le samedi 22 février
le samedi 15 mars
le samedi 22 mars
le mercredi 2 avril
le samedi 26 avril
le mercredi 14 mai
le samedi 24 mai
Toutes les séances débuteront à 14 h 30 et se termineront vers 17 h 30.
Blog Monde ballant/ Monde lisant : http://mbml2014.wordpress.com/

(1) La troisième séance, DS, couleur livres éditions, 2010.

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Arche/Clonage/Copie 3D/Littérature

Posté par traverse le 12 février 2014

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« Les Sels essentiels des Animaux se peuvent préparer et conserver de telle façon qu’un Homme ingénieux puisse posséder toute une Arche de Noé dans son Cabinet, et faire surgir, à son gré, la belle Forme d’un Animal à partir de ses cendres ; et par telle méthode, appliquée aux Sels essentiels de l’humaine Poussière, un Philosophe peut, sans nulle Nécromancie criminelle, susciter la Forme d’un de ses Ancêtres défunts à partir de la Poussière en quoi son Corps a été incinéré. »

Petrus Borellus  

(Pierre Borelle 1620-1671)

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La Cité des Ravissements

Posté par traverse le 11 février 2014

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                David Lynch

L’écrivain ne savait plus qui, de lui ou de ce qu’il prétendait être, parlait, écrivait ses histoires. Il ne s’y retrouvait plus. Il confondait de plus en plus souvent la mort de ses personnages avec le temps qui prenait tant et tant de place en lui. Il avait peur, il remettait sans cesse sa vie au lendemain au nom de simagrées qu’on aimait le voir faire.

 

Un matin, il ne se leva plus. Le réveil sonnait, il le laissa faire sans étendre le bras pour l’arrêter. Il s’enfonça un peu plus sous la couette et frissonna. Des cauchemars l’avaient traversé toute la nuit, il était en nage. Il avait soif, terriblement soif, il ferma avec force ses paupières et attendit que le monde se passe, sans lui.

 

Un peu plus tard, il alla aux toilettes, prit un magnum d’eau dans le frigo et retourna au lit. Cela dura une semaine. Il se nourrissait de ce qu’il trouvait dans les armoires surélevées de sa cuisine. Il cuisait des pâtes qu’il arrosait de piment et se mit à vider les dernières bouteilles d’alcool de son bar. Il écouta son répondeur quelques secondes, effaça les messages et débrancha le téléphone. Il fit le compte de ses provisions, il avait de quoi tenir un moment. Cette angoisse de manquer lui servait pour la première fois de sa vie.

 

Il ne voulait plus sortir, il ne s’en sentait pas la force. Le téléphone sonnait régulièrement, des mails arrivaient mais il ne les ouvrait plus. Il tenait sa tranchée, il en faisait partie, les bruits du dehors ne l’atteignaient plus de la même façon, ils ne marquaient plus l’étendue infinie au-delà des fenêtres à double vitrage, ils s’entremêlaient et s’étouffaient lentement. Un matin, il entendit le silence et eut besoin de pleurer. Mais il n’était pas encore prêt et alla se recoucher.

 

Il entama ainsi la deuxième semaine. Il se releva plusieurs fois et essaya d’écrire mais rien ne venait. Ses doigts rataient les touches du clavier et il effaça le tout en regrettant le geste de la feuille de papier qu’il arrachait, il y a longtemps, de la machine-à-écrire avant de la chiffonner et de la lancer dans la corbeille à côte de sa table de travail. Il n’y avait plus de geste dans la vie qu’il menait. Des répétitions de tics, des réflexes surs des surfaces sensibles, des chipotages tactiles, mais plus de geste d’ampleur. Son corps s’était rendu à l’ennemi. Il pensait résister mais tout était presque perdu, il le sentait, il le savait. Un homme sans ampleur n’était pas grand-chose à ses yeux. Cette qualité qu’il pensait perdue tenait encore le corps des vieux qui maniaient la lenteur avec la sûreté des pandas protégés.

 

Une deuxième semaine s’acheva. Il dut sortir faire quelques courses dans le quartier et éprouva un sentiment étrange : il était invisible et souriant, prêt à disparaître, paisible. Il était heureux de ne plus être là. Quelqu’un le bouscula, il se laissa emporter par la secousse jusqu’au bord du trottoir. Il se raidit devant une voiture qui passait et le regretta aussitôt.

 

Rentré chez lui, il s’assit face à la fenêtre et pleura, en secousses, puis de longs sanglots et renâcla enfin comme un cheval qui meurt. Il resta là la journée entière à regarder le ciel et la cime des arbres. Il ne comprenait pas encore ce qui lui arrivait bien qu’il en connût toutes les étapes. Le soir s’effilochait en lambeaux sur la crête des toits et il eut froid. Le besoin d’écrire était là, fragile mais comme à neuf. Il ouvrit l’ordinateur et relut la consigne que la Revue lui avait envoyée quelques semaines auparavant, « Comme en 14 ».

 

Il pianota des choses sans importance une heure durant. Tout était trop littéral. Cette guerre, il la connaissait depuis son enfance et les récits de ses grands parents. La boucherie, la boue, la bêtise, il avait tout entendu. Il avait respiré les gaz et la putréfaction. Il avait entendu les sanglots et les bombes.

Ses doigts s’arrêtèrent sur le mot « élagage ». Il aimait ce mot. Il l’employait souvent mais soudain il résonna sèchement comme une évidence. C’est à ce propos qu’il voulait écrire depuis longtemps. C’est sur cet élagage inévitable qu’il allait probablement connaître qu’il se mit à écrire. Sur cette façon qu’il faudrait réinventer de tuer les hommes quand ils sont énervés, en colère ou ivres de frustration.

 

Il regardait le grouillement, les masses, les coulées d’humanité se déverser un peu plus chaque jour autour des métropoles exsangues. Il voyait chacune, chacun, un à un, une à une, il les voyait dispersés sur la terre, il les regardait comme s’il s’observait dans un miroir : la grossièreté des traits, l’empâtement du visage, les rides, les balafres du temps, c’était lui, c’était eux. Dans le prisme de la compassion pour tant de douleur partagée, il saisit une idée qu’il voletait en lui et se mit à creuser.

 

Il travailla toute la journée, le lendemain et la semaine. Il engrangeait des sources, des modèles, critiquait ses données en permanence. Il consulta des traités d’eugénisme, découvrit les rêves mortifères d’hygiénisme de la guerre, des poètes  célèbres hantés par le nettoyage génétique, la confrontation au Chaos, la rude épreuve feu, tout ce qu’il fallait pour réduite le surnombre et renforcer l’humanité. La tribu mondiale cultivait des comportements locaux et d’apartheid. La rupture était imminente, cela basculerait bientôt dans la barbarie la plus effroyable au nom de Dieu, de l’eau, du développement continu et de ces saints apôtres pétroliers, les lignes de faille étaient visibles, les coutures lâchaient, la déchirure filait vers l’infini.

 

Le soir, il se sentait mieux. Il avait embrassé le pire et en sortait lessivé, libre, à nouveau audacieux. Son projet prenait forme. A la fin du trimestre, il estima avoir conclu sa modeste proposition. Il adressa son protocole et ses arguments aux instances nationales et internationales et attendit. Le texte était court et tenait à peu près en ces termes…

 

« Ils sont assis calmement face à leur pupitre. Ils écrivent en silence, tracent des rondes, des jambages, des pleins et déliés. Ils sont soigneux et silencieux. Cela coûte d’aller à l’école, alors on est attentifs, et studieux. L’avenir en dépend. Passer par là donne plus de chance de ne pas mal finir.

 

La cloche a sonné, ils se sont levés, ébroués, pris leur barda, leur fusil, leur casque et sont allés se faire tuer en chantant dans le soleil d’été.

 

Le soir, le maître a nettoyé la classe.

Le lendemain, elle était presque vide.

 

Le temps a passé, des cris, des murmures, des rires, des chaises qui renâclent et tombent, des sonneries, des rires, quelques uns sont affalés devant des documents qu’ils tiennent du bout des doigts, d’autres s’étendent en bâillant. Ca parle et ça s’exprime. Quand on passe par ici, l’avenir n’est pas certain disent les plus âgés.

 

Des réseaux s’organisent, des sociétés secrètes rassemblent des adhérents de plus en plus nombreux pour apprendre le soir ce qu’ils méprisent le jour. L’école est pleine et les cœurs sont vides. Ceux-là se sont vengés et ont tiré dans la foule un bel après-midi, les autres, là-bas vont boire et fumer avant de prendre la route et s’encastrer dans des poteaux d’acier. Ils tètent, ils grognent, ils pleurent, ils sont sans recours devant leurs besoins sans façons. (…) »

 

« (…) La plupart se débrouillent, sans idéal ni espoir, changent de pays, de noms, de langues plus souvent. Ils s’écrasent comme des insectes alourdis par une chaleur d’orage sur les pare-brise. Des maladies renaissent, des attentats crépitent sur la carte du monde, des raz-de-marée, des cyclones, des guerres, la famine, la soif, la peste et le choléra. Mais ça ne suffit pas. Il en naît chaque jour, trop et sans mesure. (…) »

 

Le rapport citait, reliait les arguments, bousculait les habitudes et bouclait finalement sa théorie de la façon la plus poétique…

 

« La destruction, l’élimination de l’humanité est un rêve inapproprié et sans fin. Nous le savons. Guerres, génocides, massacres, rien n’y fait. Une force de vivre plus haute que la survie ponctuelle et terrible habite les hommes, ils rêvent de se prolonger dans n’importe quel enfer et ils s’y emploient chaque jour. Nous voyons le résultat. Rien n’y fait.

 

Par ailleurs, une faille, un éclat dans le marbre, leur soif absolue de jouir et de jouir encore des plus jeunes aux plus vieux, la jouissance est le cap. Et cette frénésie érode tout. Le désir de soi gagne sur le désir de se perpétuer. Il suffit d’augmenter cette pression, louer cette disparition, la favoriser et le Chaos sera maîtrisé.

 

Des Cités de Ravissement, des couronnes d’addictions autour de chaque zone urbaine, des districts du plaisir réglementé, voilà la solution.

 

Ma modeste proposition consiste à établir ces Cités où toutes les drogues, plaisirs et assuétudes seraient offertes à l’humanité souffrante. Des cartes réglementaires, des bases de données numériques, tout sera diligenté pour rencontrer les désirs des consommateurs.

 

Chaque mois, chaque famille, et tout individu à partir de six ans, devra faire preuve de son  passage dans les Cités de Ravissement. Quatre passages mensuels suffiront à défaire en eux toute velléité de reproduction, l’effondrement sera régimenté, la dissolution de soi, la seule loi.

 

Lors de ces trajets vers les Centres aménagés, le manque et la nervosité suffiront à élaguer bon nombre des consommateurs (accidents, effets de panique, troubles cardiaques et respiratoires, crises d’angoisse, haine de soi, suicides collectifs,…). Lors des retours, nous arrivons aux mêmes conclusions, et de façon exponentielle.

 

Les assuétudes briseront toute velléité. La stérilité, le repli sur soi, l’abandon des autres, la désintégration sociale permettront d’accélérer encore le processus de décomposition.

 

Le temps sera le seul handicap. Les temps longs en ces matières peuvent s’installer. Il s’agira alors d’amplifier certaines dimensions de ma proposition mais elles sont en germe dans le fruit.

 

A ce rythme…. (…) »

 

L’écrivain avait terminé son œuvre, son plus bel opus. Il n’était pas mécontent du titre non plus. Cela résonnait comme l’époque. Exotisme, esprit de la ruche, spiritualité obsessionnelle dans une arche de contentement.

 

Sa modeste proposition reçut des accueils divers. Des chipoteries, des accents d’éthique bafouée, des incompréhensions dans la procédure proposée, mais tout était globalement positif.

 

Le sentiment du devoir accompli l’emplissait, des frissons le parcouraient comme les vaguelettes du ressac.

 

Il acheta une arme, un simple revolver à deux sous sur Internet et se prépara. Il ne se tira pas une balle dans le pied, son intention n’était pas d’échapper au prochain assaut mais de le précéder. Il visa la tempe, pour l’ampleur du geste qui menait le revolver jusqu’à l’endroit choisi et fit feu.

 

Ensuite, il prit une douche, s’habilla impeccablement et sortit, léger.

 

Daniel Simon

 

 

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Deux livres récents dans la collection Je…ce 9/2 Schaerbeek

Posté par traverse le 5 février 2014

Rencontres littéraires

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fichier pdf Rencontres littérairesTraverse

A La librairie Cent papiers, 23 avenue Louis Bertrand – 1030 Schaerbeek 

Le dimanche 9 février de 15 à 17h,

deux livres, deux auteurs dans la collection Je  www.couleurlivres.be

            Présentation par Daniel Simon       

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Outplacement dans la collection Je – Quart de pageArnaud de la Croix

« Avant de vivre l’expérience, je connaissais le mot de vue. Et il ne m’inspirait pas confiance. Sans doute parce que s’y trouve le préfixe out, comme dans « Qui est IN et qui est OUT ? », ou comme dans knock out… Outplacement (prononcer aoûtpléssmeunt) est un mot qui ne se traduit pas en français, ce qui ne l’empêche pas de trimballer une chaîne lexicale qui fait froid dans le dos : mettre dehors, déplacer, déporter (au sens de porter hors du cocon douillet de l’entreprise, de déverser dans la rue, où les SDF meurent de froid. »

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Dans mon pays, loin de mon pays dans la collection Je

Lili Sorel

Lili Sorel a écrit ce récit d’un ton ferme et émouvant, en nous laissant entendre, avec une voix singulièrement apaisée, une partie de notre histoire congo-belge…

Ce texte s’est construit en deux années de recherche, d’affrontements difficiles, de retrouvailles heureuses, de mystères en partie élucidés. Ce texte est aussi un récit de voyage autant que le récit d’une vie, d’une génération, d’une part de notre histoire congo-belge. »

Invitation cordiale – Entrée libre – traverse@skynet.be – 0477/76.36.22 – www.traverse.be

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« Au karcher s’il-vous-plaît! »

Posté par traverse le 15 janvier 2014

 

« Au karcher s’il-vous-plaît ! »

 Les Feuillets de corde n° 13

Revue effervescente

Janvier-février-mars 2014 – Lancement du N°13

Allégorique

fichier pdf Au karcher . Présentation

Dimanche 2 février de 15h-17h

Nous accueillerons l’écrivain Tom Nisse qui donnera une performance exceptionnelle en compagnie  du saxophoniste  Nicolas Ankoudinoff

(Présentation de son travail par Eric Piette et Daniel Simon)

avec le photographe Jean-Sébastien Pineau

Lectures-performances, contributions libres

(Venez avec vos textes sur le sujet)

A la librairie 100 papiers – Schaerbeek – 23 Avenue Louis Bertrand

1030 SchaerbeekEntrée libre

Http://www.traverse.behttp ://traverse.unblog.fr

traverse@skynet.be 0477/76.36.22

http://traverse.unblog.fr/2013/12/29/les-feuillets-de-cordecollector/

fichier pdf Les Feuillets de cordecollector

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La littérature Et le sexe!

Posté par traverse le 15 janvier 2014

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Hanif Kureishi, à l’occasion de son dernier roman.

HANIF KUREISHI est né à Londres en 1954 de père pakistanais et de mère anglaise. Il a notamment écrit "le Bouddha de banlieue" et "Quelque chose à te dire", et il publie cette semaine chez Christian Bourgois "le Dernier Mot". Il a également écrit de nombreux scénarios. (Sipa)

HANIF KUREISHI est né à Londres en 1954 de père pakistanais et de mère anglaise. Il a notamment écrit « le Bouddha de banlieue » et « Quelque chose à te dire », et il publie cette semaine chez Christian Bourgois « le Dernier Mot ». Il a également écrit de nombreux scénarios. (Sipa)

Le Nouvel Observateur Votre nouveau roman, «le Dernier Mot», raconte la relation passionnée et violente qui s’instaure entre un célèbre écrivain anglais d’origine indienne et son biographe. Vous présentez ce couple comme une sorte de créature monstrueuse.

Hanif Kureishi Si cet écrivain est un monstre, c’est sans doute parce qu’il ne connaît pas de limites. Et peut-être aussi, tout simplement, parce que c’est un artiste. Nous créons nos artistes et nous en faisons des monstres, particulièrement en France, qu’il s’agisse de Rimbaud, de Verlaine, de Balzac. Nous octroyons aux artistes le droit de dire et de faire tout ce qu’ils veulent. Je voulais explorer cette conception romantique de l’artiste maudit dont on tolère tout au nom de son talent. Un homme qui peut vivre comme bon lui semble, à l’instar de Francis Bacon par exemple. Je m’intéresse à ce que révèle une telle conception, qu’on rencontre en Occident mais aussi, dans une certaine mesure, en Inde vis-à-vis des poètes.

La relation de l’écrivain avec son biographe est pour le moins étrange et violente.

Cela vient du fait que l’idée même de biographie est terriblement réductrice. La complexité de toute existence ne saurait être embrassée par un simple récit, surtout lorsqu’il est l’œuvre d’autrui. Cela ne peut aboutir qu’à un malentendu, ou à une parodie de ce qu’on a vécu. La tâche d’un biographe est de réduire une vie à quelques pages, alors que celle de l’artiste authentique consiste à ouvrir l’esprit du lecteur.

Accepteriez-vous qu’on écrive votre biographie ?

Cela ne me dérangerait pas, tant que je n’aurais pas à la lire ! D’ailleurs, quelqu’un est en train de tourner un film sur moi. Je ne le regarderai pas. Je n’ai pas envie de me voir, filmé du point de vue d’autrui. La perspective risque d’être trop restreinte, alors pourquoi m’infliger ça?

Mais avez-vous jamais apprécié de grandes biographies?

Oui. Quand j’étais adolescent, j’ai adoré lire des biographies de Balzac, dont la vie est fascinante, de Dickens ou de Victor Hugo, voire des Beatles. Je ne suis pas opposé par principe à cette forme littéraire. Mais ce qui m’intéressait pour mon roman, c’était le dispositif même: un écrivain consacré et puissant, un jeune biographe britannique blanc, deux ou trois femmes qui gravitent autour d’eux, la maison de campagne comme lieu clos, l’idée même du projet biographique.

Quand j’ai entrepris de l’écrire, je ne le voyais pas comme l’histoire d’un personnage unique, mais comme la mise en place d’une série d’interactions ouvrant la possibilité qu’un événement imprévu se produise. Je ne savais pas nécessairement où j’allais, mais justement je voulais me surprendre moi-même. Cette part d’inconnu est essentielle lorsque l’on doit consacrer trois ou quatre ans à écrire un livre.

Ce roman pourrait donner matière à un très bon film, dans la veine du «Limier» de Mankiewicz.

Il va effectivement être adapté l’an prochain, sans doute par Roger Michell. Ce serait notre cinquième collaboration.

Votre personnage d’écrivain évoque irrésistiblement V.S. Naipaul, et sa relation complexe avec son biographe Patrick French. Vous en êtes-vous inspiré?

Non. Je sais que cette biographie existe, mais je ne l’ai pas lue. Cela dit, j’ai toujours décrit dans mon oeuvre des personnages masculins d’Indiens vieillissants et quelque peu monstrueux: c’était le cas dans les scénarios de «My Beautiful Laundrette» et de «Sammy et Rosie s’envoient en l’air», comme dans mes romans «le Bouddha de banlieue» et même «Black Album».

Vous connaissez Naipaul ?

Je connais surtout sa femme, Nadira, une personne incroyable. Elle est très amie avec ma famille au Pakistan, notamment ma tante.

Aimez-vous l’oeuvre de Naipaul ?

Énormément. Surtout son livre «Crépuscule sur l’Islam. Voyage au pays des croyants».

Est-il exact que dans les années 1970 vous avez débuté comme auteur de romans pornographiques sous le pseudonyme d’Antonia French?

J’en ai effectivement écrit, vers 1977, à l’époque du punk et des squats. Londres était une ville complètement délabrée, ce que reflètent bien les chansons des Clash et des Sex Pistols. Il y avait un intérêt fervent pour toute une culture de la marge, sous l’influence notamment de Lou Reed et de la scène new-yorkaise: l’héroïne, le cuir, la pornographie, le milieu gay, les boîtes disco…

Beaucoup de mes amis, femmes et hommes, se prostituaient pour survivre. Les hommes racolaient les riches clientes du grand magasin Harrods et des boutiques chics du West End. Je vous parle d’un temps où Londres, comme New York, n’était pas encore la ville aseptisée qu’elle est devenue. Du coup, mes romans faisaient pâle figure à côté de la vie réelle que menaient mes amis. Quant au pseudonyme «French», c’était simplement un clin d’oeil aux Français qui, comme chacun sait, ont l’esprit mal tourné…

Voyez-vous une filiation entre les romans de Naipaul, puis les vôtres et ceux de Rushdie, et enfin ceux de la nouvelle génération d’écrivains indo-pakistanais ou indo-caribéens, Zadie Smith, Monica Ali ou Nadeem Aslam?

J’ai été le premier de tous ces écrivains à naître en Angleterre. Naipaul vient d’ailleurs. Mais le livre qui nous a ouvert des portes fut incontestablement «les Enfants de minuit», de Rushdie, en 1981. J’ai écrit «My Beautiful Laundrette» trois ans plus tard, puis «le Bouddha de banlieue».

C’est le moment où une Angleterre jusque-là insulaire s’est ouverte au multiculturalisme, à l’influence de l’Inde et d’autres pays, à l’émergence des musiques du monde, des cuisines du monde et, en l’occurrence, des littératures du monde. Une fois de plus, ce sont les marges qui ont nourri et régénéré le centre et ont permis à la culture d’évoluer. Aux Etats-Unis, il y avait eu Toni Morrison et Alice Walker.

Je suis évidemment très ami avec Salman [Rushdie], mais également avec Nadeem Aslam. Je devais d’ailleurs le voir la semaine dernière à Bombay, mais étant pakistanais il n’a pas obtenu de visa… Des bureaucrates indiens ont même interrogé mon agent sur le contenu de mes propres livres ! J’apprécie également Monica Ali et Zadie Smith. D’ailleurs, ce sont désormais des romancières consacrées. On voit déjà apparaître une nouvelle génération d’écrivains originaires du tiers-monde, en Grande-Bretagne mais aussi aux Etats-Unis, comme Jhumpa Lahiri.

Les tourments de l’immigration, le racisme sont au cœur de vos romans. Où en est aujourd’hui le modèle multiculturel britannique?

Je reste émerveillé de la réussite de ce modèle, d’autant plus qu’il est encore tout récent. J’ai grandi dans les années 1950 et 1960, à une époque où l’Angleterre était encore un pays monoculturel – et aussi un pays en pleine décrépitude, sous le double coup de la guerre et de la perte de l’empire colonial. Le multiculturalisme l’a métamorphosée de façon miraculeuse.

Cela est né des nécessités de la reconstruction d’après guerre. Le pays avait besoin d’un afflux massif de main-d’oeuvre, laquelle est venue du sous-continent indien et des Caraïbes. Personne n’avait prévu ce bouleversement démographique, qui n’a pas été planifié mais improvisé. La Grande-Bretagne est un petit pays, mais Londres exerce un pouvoir considérable dans le monde, sur le plan financier et surtout culturel. Et Londres ne tient que par l’immigration.

Aucune économie ne peut prospérer sans main-d’œuvre massive et qualifiée. Mais cette situation crée des clivages, car si elle profite aux classes moyennes elle s’établit aux dépens du prolétariat, qui y perd des emplois. Le système fonctionne, et en même temps il produit des tensions ! Mais on ne peut pas créer un monde nouveau sans tensions. Au moins, il n’y a pas d’affrontements raciaux sanglants en Grande-Bretagne.

Quel est selon vous l’état de la Grande-Bretagne?

La crise financière nous a durement affectés, et comme toujours le Parti conservateur en a profité pour effectuer des coupes drastiques dans les dépenses publiques: la santé, les services sociaux… Politiquement, je suis très désabusé. Mais la situation est pire ailleurs, en Chine, en Inde, dans les pays musulmans…

L’Inde vient de voter une loi réprimant l’homosexualité, alors même que la Grande-Bretagne vient d’autoriser le mariage gay – un siècle après l’emprisonnement d’Oscar Wilde… C’est bien la seule mesure pour laquelle David Cameron passera à la postérité. Il faut poursuivre et défendre de telles mesures de libéralisation des mœurs. Malgré tout le mal que j’ai à dire de l’Angleterre, je dois reconnaître que les Anglais demeurent très attachés à la défense des libertés individuelles.

Pourtant, le gouvernement britannique pratique la cybersurveillance. Vous avez signé avec de nombreux écrivains une pétition contre les agissements de la NSA révélés par Snowden. N’y a-t-il pas là justement un danger pour les libertés individuelles?

Si, bien sûr, d’autant que nous n’en étions pas informés. Mais nous ne cessons de divulguer des informations personnelles. Chaque fois que j’utilise mon iPad, je me sais espionné. La notion de vie privée, d’intimité, la conception même de l’individu se trouvent transformées par ces bouleversements technologiques. Philosophiquement, c’est une question passionnante. On se croit à l’abri chez soi, à lire un livre. Mais chaque fois qu’on consulte ou qu’on utilise Twitter cette information est collectée et analysée.

On est constamment observé, comme dans le panoptique imaginé par Jeremy Bentham, ou comme naguère en Allemagne de l’Est. Et c’est encore pire pour la génération de nos enfants, qui utilisent un ordinateur depuis l’âge de 3 ou 4 ans: à travers les sites qu’ils ont un jour consultés, c’est toute leur vie qui se trouve archivée. Je suis très hostile à tout contrôle exercé sur l’individu. Cela dit, nous sommes tous un peu complices de cette situation. Et Londres est l’une des villes qui comptent le plus de caméras de surveillance !

Le sexe et le désir sont au coeur de tous vos romans. Dans quelle mesure s’agit-il d’une force motrice dans nos vies?

Je suis allé en Inde récemment. Je ne connais pas grand-chose à la politique indienne, mais j’ai été frappé de voir que la presse ne semblait parler de politique qu’en termes de scandales liés au sexe. Et c’est la même chose en France, avec l’affaire DSK. Dans notre curiosité pour ces histoires croustillantes, nous avons la même approche que le personnage du biographe dans mon roman: nous essayons à toute force d’établir un lien entre la sexualité d’une personne et les autres aspects de sa vie.

C’est pareil pour J.F. Kennedy. De son vivant, on ignorait qu’il baisait trois femmes par jour – sans quoi il déprimait et avait la migraine… Le sexe occupe incontestablement une place centrale dans nos vies. Reste la question de son rapport avec leurs autres aspects. Relève-t-il de la vie privée de l’individu, qui ne regarderait que lui?

Du point de vue du psychanalyste, ou du biographe, la sexualité (ou son refoulement) constitue une clé pour comprendre quelqu’un, dans l’idée que sa vie serait différente s’il n’était pas homosexuel, ou monogame, ou infidèle. C’est cette conception que j’explore, et c’est à elle que résiste le personnage du romancier dans mon livre, qui la trouve simpliste. Mais nous ne cessons de raisonner en ces termes, notamment en ce qui concerne les politiciens ! Et la sexualité peut être destructrice. DSK aurait été élu président s’il n’avait pas tiré un coup dans une chambre d’hôtel, sans raison valable. C’est une histoire fascinante.

Vous semblez dire que le sexe et la littérature sont également dangereux.

J’avais en tête l’affaire des «Versets sataniques». Mais on pourrait également évoquer les scandales provoqués par «Madame Bovary», «les Fleurs du mal», «Lolita», Henry Miller ou «l’Amant de Lady Chatterley».

Depuis cent cinquante ans, on ne compte plus les livres interdits. Cela vient de ce que les livres donnent à penser des choses impensables. Certaines personnes les rejettent pour les idées qu’ils expriment, car elles ont une force subversive au même titre que le sexe. Les livres font voler en éclats l’apparence respectable des choses, la norme, le conformisme.

Tout écrivain, s’il est un authentique artiste, est forcément diabolique – au sens où il dit ce qu’on n’est pas censé dire. Je dis toujours que Rushdie est le porte-parole des musulmans, plus exactement de leur inconscient. Il dit ce qu’ils ne supportent pas de dire et d’entendre. Ce faisant, il accomplit sa tâche de bon diable. Il en a payé le prix, mais il fallait que quelqu’un le fasse.

Pour vous, un bon écrivain doit-il être transgressif ?

L’écrivain doit être lui-même. Quant à son rôle dans la société, il varie en fonction des lieux et des époques. Lorsque les premières pièces de Pinter étaient jouées à Prague sous le régime communiste, elles étaient considérées comme subversives, alors qu’à Londres on les trouvait simplement bizarres ! La dimension transgressée n’est pas intrinsèque à l’œuvre ou à l’auteur, elle est définie par une société donnée.

Ai Weiwei est plus transgressif en Chine qu’à Paris. Personnellement, je ne trouve rien de transgressif aux «Versets sataniques», mais au Pakistan ce livre est interdit à la vente, comme tous les autres ouvrages de Rushdie d’ailleurs. Un libraire qui proposerait ses livres verrait son stock brûlé. A Bombay même, la semaine dernière, lorsque j’ai mentionné le nom de Rushdie, tout un rang de spectateurs a quitté la salle.

Propos recueillis par Gilles Anquetil et François Armanet

http://bibliobs.nouvelobs.com/romans/20140109.OBS1864/hanif-kureishi-un-ecrivain-est-forcement-diabolique.html

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Éloge de la littérature/Tabucchi

Posté par traverse le 15 janvier 2014

Éloge de la littérature

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Antonio Tabucchi

 

Aix-en-Provence, le 12 janvier 2007,

Université de Provence, Amphithéâtre Guyon.

 

11 – Je n’aurais jamais pensé que je me chargerais un jour de tisser l’éloge de la littérature. Le fait que j’en aie produit beaucoup, voire trop, transforme mon éloge en un évident pléonasme. Mais parmi les privilèges de l’âge on trouve surtout le droit aux pléonasmes : autant en profiter. Au demeurant aujourd’hui, comme toujours dans l’Histoire, il me semble que la littérature mérite un éloge, et surtout un soutien. Au fond elle a les ennemis de toujours, les mêmes détracteurs, les mêmes adversaires de l’extérieur et de l’intérieur, les mêmes assassins. La phénoménologie de ses ennemis dispose d’une vaste trigonométrie. Au zénith on trouve ceux qui ne se bornent pas à la persécuter parce qu’elle les dérange : ils préfèrent assassiner directement les fauteurs de troubles. Ce qui résout à l’évidence le problème à sa source. Dans cette pratique le stalinisme fut exemplaire. Le leader du peuple soviétique, auteur entre autres d’essais de linguistique, s’était rendu compte que la littérature utilisait une autre langue, et que celle-ci ne coïncidait pas avec la sienne. Ou mieux, il avait compris qu’elle n’était pas à strictement parler un problème de langue, parce que Mandelstam et Pasternak utilisaient le russe eux aussi. Il avait compris qu’ils n’utilisaient pas la même parole. Bref, il avait parfaitement compris la leçon de Saussure et en avait tiré les conséquences que nous savons. Cette pratique n’a certes pas pris fin avec Staline. Nous en avons pris conscience avec un certain effroi en 1990, quand à Strasbourg nous avons constitué le Parlement International des Écrivains et un réseau de villes-refuges où accueillir ces écrivains auxquels dans leurs pays on désirait couper la gorge en leur tranchant les cordes vocales, lieu dévolu à la phonation, c’est-à-dire à la parole prononcée avant d’être écrite. Les nazis ont brûlé des millions de personnes. Mais ils ont commencé par brûler des livres. Surtout ceux qui contenaient de la littérature, cette littérature qu’ils qualifiaient de « dégénérée ». Dégénérée en tant que porteuse d’une parole différente de la leur ; une vision du monde différente.

2La littérature, en substance, c’est cela : une vision du monde différente de celle qu’impose la pensée dominante, ou mieux la pensée qui est au pouvoir, quelle qu’elle soit. Elle est le doute, quand l’institution veut que ceci soit « ainsi », que ceci ne soit pas tout à fait « ainsi ». Le doute, comme la littérature, n’est pas monothéiste, il est polythéiste. Du reste, les conséquences des pensées monothéistes, qui ne nourrissent aucun doute, sont sous les yeux de tous.

3Il y a quelques années j’ai eu une polémique avec un sémiologue italien qui écrit aussi des romans. Ou mieux, je me suis limité à répondre à une injonction qui m’avait paru avoir valeur d’intimidation, lancée depuis une tribune médiatique (la chronique d’un hebdomadaire à grand tirage) dans laquelle il prétendait enseigner aux autres écrivains quel devrait être leur rôle. Si par exemple votre appartement prenait feu, contentez-vous d’appeler les pompiers, conseillait le sémiologue, car l’écrivain, et l’intellectuel en général, est un citoyen comme les autres, et en tant que tel il doit se contenter de téléphoner aux pompiers. Je répondis que le numéro des pompiers je l’ai bien en évidence parmi les numéros d’urgence, à côté du téléphone, et que je le composerais immédiatement en cas de nécessité. Et d’habitude les pompiers arrivent sur-le-champ et éteignent l’incendie, comme cela advint en 1980 à la gare de Bologne. Si ce n’est que le rôle d’établir l’origine du sinistre n’est pas celui du capitaine des pompiers. Et dans le cas où les autorités chargées de la vérification des faits renâcleraient, je désirerais savoir si l’incendie de mon appartement (ou de la gare d’en face) a été causé par un court-circuit, un cocktail molotov ou une bombe de forte puissance. Si ce n’est pas trop demander. Parce que c’est cela aussi, le rôle de la littérature : fourrer son nez là où commencent les omissions.

4Mais si ces dernières années en Italie il y a eu des gens pour vouloir déléguer notre connaissance à la diligence des pompiers, en France il me semble qu’il n’en manque pas pour nourrir la nostalgie du « bon vieux temps ». Cette « marche de l’écrevisse » (« on fait comme les écrevisses / un pas en avant deux pas en arrière », disait Prévert) n’aurait pas attiré mon attention si elle avait eu lieu dans la paroisse d’un lointain village de province. Si je la mentionne, c’est parce que cette pensée circule dans des lieux de haute réputation culturelle, où nous étions habitués à écouter la parole de Claude Lévi-Strauss et de Michel Foucault. Ces dernières années, après que ceux qui prennent soin de nous nous eurent hospitalisés dans différents services, en nous structuralisant, en nous formalisant, en nous déstructuralisant, en nous psychanalysant, en nous sémiotisant, et après que, finalement, dans le service de thérapie intensive, des médecins plus humains furent parvenus à la rassurante conclusion que nous sommes simplement modernes, si ce n’est post-modernes, et que d’autres, encore plus compatissants, eurent débranché la prise en nous déclarant posthumes à nous-mêmes ; eh bien, alors que nous étions désormais convaincus que nous étions synchrones avec le calendrier grégorien ou même franchement en avance sur lui, voilà que tout à coup de très doctes érudits sont en train d’arriver à la conclusion que les meilleurs écrivains modernes (et même post) seraient en réalité « anti-modernes ». Et pourquoi ? Parce que ces écrivains modernes, se méfiant de la modernité, et la prenant peut-être même en grippe, à bien y regarder iraient contre elle.

5Je crains que le nœud de la question n’échappe à ces illustres penseurs : à savoir qu’être moderne signifie vivre pleinement la modernité que nous sommes en train de vivre, et en même temps la craindre, la regarder dans les yeux pour sonder ses aspects les plus féroces. D’excellents indices pourraient leur être fournis sur la question par un écrivain moderne s’il en est, Milan Kundera, surtout dans un de ses écrits adamantins dans lequel les deux principes actifs du roman moderne (la modernité dans son côté le plus lumineux et dans son côté le plus sombre) sont mis en évidence de façon flagrante : Les Testaments trahis (en particulier l’insurpassable essai sur Franz Kafka). Car la modernité, cela ne fait pas de doute, c’est aussi la machine à torturer diabolique et aseptisée de La colonie pénitentiaire de Kafka (d’une extrême actualité, d’ailleurs, compte tenu des systèmes de torture actuels, moins aseptisés et organisés à grande échelle). La modernité c’est aussi l’insurmontable bureaucratie du Procès, c’est l’impénétrable Château (avec Pasolini nous pourrions l’appeler « Il Palazzo »), où le citoyen n’a plus de citoyenneté, étant un être anonyme, un numéro, ou même un insecte (cela aussi est d’une actualité stupéfiante, si l’on considère les milliers de Personne qui errent par le monde). Et Céline, pourrions-nous donc le définir « anti-moderne » parce qu’il a subi et relaté la terreur et le dégoût que représenta le charnier de la Grande Guerre, obtenu au moyen d’effroyables armes modernes ? Ne vous semble-t-il pas d’une extrême actualité ? Céline est terriblement moderne précisément pour cela : il a eu le courage d’avancer à tâtons dans les ténèbres de la vie et de l’Histoire, il a plongé les mains dans le sang et dans les excréments du XXe siècle, en tout point identique à notre siècle nouveau. Voilà sa modernité, et j’ai l’impression qu’il n’appartient pas au vrai modèle sur lequel les théoriciens de « l’anti-modernisme » dont je parlais fondent leurs catégories de jugement : un modèle qui se résume substantiellement dans la pensée de Joseph de Maistre.

6Ceux qui aujourd’hui sont hostiles à la modernité et qui par exemple manifestent un agacement particulier envers le Siècle des Lumières, ne voudraient pas seulement éteindre les lumières que la modernité apporte avec elle, mais (qu’on me passe le paradoxe) éteindre aussi l’obscurité de la modernité, à savoir la face inquiétante qu’elle offre nécessairement en même temps que son visage lumineux, et que la littérature a perçue d’emblée. Cette irritation dissimulée envers la littérature moderne me semble un symptôme très clair : elle signifie un agacement envers la littérature comme forme de connaissance. Peut-être, plutôt que de la voir sonder les plis de la réalité, préférerait-on qu’elle serve à maintenir les esprits cultivés dans l’insouciance. Mais la littérature est une forme de connaissance. Une connaissance pré-logique, comme l’a dit Maria Zambrano, d’ordre purement intuitif, sans laquelle toutefois la connaissance logique ne pourrait être, car, comme l’enseignent les épistémologues, la pure logique ne suffit pas à la connaissance, pas même à la connaissance scientifique. La littérature, comme la science, est à l’évidence créative, en ce sens qu’elle produit quelque chose qui auparavant n’existait pas, c’est à dire qu’elle invente. Mais, de même que la science, elle ne se limite pas à cela, qui est déjà extraordinaire : elle découvre. En ce sens qu’elle révèle quelque chose qui existait déjà mais que nous ne connaissions pas. Par exemple, Newton n’a pas « inventé » la loi de la gravitation : il l’a simplement découverte. Et il l’a transformée en connaissance logique au moyen d’une formule mathématique. La fameuse petite histoire de la pomme qui lui tombe sur la tête est la métaphore transformée en anecdote de l’importance de l’intuition, c’est-à-dire de la connaissance pré-logique. Il est évident que la pomme aurait continué à tomber éternellement même sans Newton, si ce n’est qu’il a eu l’intuition du motif de la chute et l’a explicitée par une formule scientifique. De la même façon, il est évident que les personnes qui ne sont pas amoureuses d’une autre personne, mais de l’idée de l’amour, constituent une catégorie humaine depuis toujours. Aujourd’hui cependant, ce « décalage » insidieux entre l’objet et l’idée qu’on s’en fait, nous l’appelons bovarysme. Le bovarysme existait avant Emma Bovary : le génie de Flaubert consiste dans le fait de l’avoir formulé en littérature. Flaubert n’a pas inventé le bovarysme, il l’a simplement découvert. La littérature sert aussi à cela.

72 – Dans sa leçon inaugurale au Collège de France du 7 janvier 1977, Roland Barthes affirme : « La littérature travaille dans les interstices de la science : elle est toujours en retard ou en avance sur elle, semblable à la pierre de Bologne qui rayonne pendant la nuit de ce qu’elle a emmagasiné pendant le jour, et grâce à cette lumière indirecte elle éclaire le jour à venir. La science est grossière, la vie est subtile, et c’est pour corriger cette distance que la littérature nous importe ». La vie est subtile, c’est vrai, mais j’ajouterai qu’elle est aussi insuffisante : « La littérature, comme l’art tout entier, est la démonstration que la vie ne suffit pas » (Fernando Pessoa). La littérature offre la possibilité d’un plus par rapport à ce que la nature nous concède. Et dans ce plus est contenue l’altérité, le petit miracle qui nous est accordé dans le voyage de notre brève existence : sortir de nous-mêmes et devenir « autres ». De l’hétéronymie de Fernando Pessoa s’est désormais emparée cette culture middlebrow promue par certains médias qui privilégient le bruit et le sensationnel, qui l’a traitée comme une sorte de cas clinique, je dirai même d’« effet spécial ». Et qui a fait connaître le poète comme un phénomène de foire, une sorte de « déviant ». Naturellement, la poétique de Pessoa, même dans sa position radicale, est inhérente à la littérature de toujours. En tant que « comédie humaine », en version moderne et réalisée en poésie, c’est la même que celle de Shakespeare, de Cervantès, de Balzac. Cervantès a dit de lui-même qu’il était simultanément Don Quichotte et Sancho Pança. Nous savons que Shakespeare ne fut prince d’aucun Danemark. Flaubert soutenait que Madame Bovary c’était lui, mais rien ne nous empêche de le penser comme la vieille servante Félicité d’Un cœur simple. Baudelaire a écrit : « Comme des âmes errantes qui cherchent un corps, il peut entrer, autant qu’il le veut, dans n’importe quel personnage ».

8La littérature n’est pas sédentaire, elle est nomade. Non seulement parce qu’elle nous fait voyager à travers le monde, mais surtout parce qu’elle nous fait traverser l’âme humaine. En outre elle est corrective, parce qu’elle est la seule possibilité qui nous soit accordée de modifier les événements et de corriger l’Histoire la plus marâtre. Parce qu’elle est le territoire du possible, de la liberté absolue. Enfermé dans le fort de Taureau, près de Morlaix, Auguste Blanqui, après la défaite de la Commune, prend sa revanche sur les événements qui l’ont écrasé. Partant des théories sur l’univers de Laplace, et donc avec une rigueur absolument scientifique, bien qu’appliquée à une pure hypothèse, il reprend l’idée de l’infini de l’Univers, du Temps et de l’Espace, en inscrivant son hypothèse dans une infinité de mondes possibles, avec une infinité d’histoires possibles, chacune au fond égale à elle-même mais avec des variantes dans le dénouement. Ainsi, par exemple, en un lieu indéterminé du temps et de l’espace, anywhere, les mêmes communards auront remporté la bataille et affirmé leurs idéaux, et Blanqui lui-même, identique à lui-même mais dans une de ses variantes possibles, au lieu d’éprouver la profonde amertume de la défaite, verra le triomphe de son idéal. L’Éternité par les astres, livre singulier et extraordinaire d’un non-lettré, est en réalité de la grande littérature et sans doute l’un des livres les plus révolutionnaires de la fin du XIXe siècle. Sans lequel, ajouterai-je, un grand écrivain comme Jorge Luis Borges n’aurait peut-être jamais existé.

93 – Pourquoi écrit-on ? La question, inévitable, revient toujours, même si l’on cherche à l’éviter, telle une de ces dames de charité vouées à leur catéchèse qui tous les dimanches viennent implacablement sonner à la porte. Mais même la réponse la plus radicale comme celle de Beckett (« Parce que je ne suis bon à rien d’autre ») est de toute évidence insuffisante et inspirée par une modestie qui par l’autodérision ne résout pas le problème. Je connais des dizaines de personnes qui ne sont « bonnes à rien d’autre » et qui dans leur vie n’ont jamais écrit une ligne. Du reste les réponses possibles sont toutes plausibles sans qu’aucune ne le soit vraiment. Écrit-on parce qu’on a peur de la mort ? C’est possible. Ou n’écrit-on pas plutôt parce qu’on a peur de vivre ? C’est possible aussi. Écrit-on parce qu’on a la nostalgie de l’enfance ? Parce que le temps est passé trop vite ? Parce que le temps est en train de passer trop vite et que nous voudrions l’arrêter ? Écrit-on à cause du regret, parce que nous aurions voulu faire une certaine chose et que nous ne l’avons pas faite ? Écrit-on à cause du remords, parce que nous n’aurions pas dû faire cette chose-là et que nous l’avons, au contraire, faite ? Écrit-on parce qu’on est ici mais qu’on voudrait être là-bas ? Écrit-on parce qu’on est allé là-bas mais qu’après tout il aurait mieux valu rester ici ? Écrit-on parce que ce serait beau de pouvoir être ici où nous sommes arrivés, et en même temps d’être aussi là-bas où nous nous trouvions auparavant ? Écrit-on parce que « la vie est un hôpital où chaque malade voudrait changer de lit. L’un voudrait souffrir près du poêle, et l’autre est convaincu qu’il guérirait près de la fenêtre » (Baudelaire) ? Ou n’écrirait-on pas plutôt par jeu ? Mais il ne s’agit pas du jeu pour le jeu, comme le prétendait l’avant-garde d’avant-hier en Italie et ailleurs, à savoir la littérature entendue comme mots croisés qui est si utile pour tuer le temps. Le jeu naturellement y est pour quelque chose, mais c’est un jeu qui n’a rien à voir avec les plaisanteries dans lesquelles excellent certains bateleurs, les prestidigitateurs du dimanche qui savent comment amuser ce cher public. C’est éventuellement un jeu qui ressemble à celui des enfants. Terriblement sérieux. Parce que quand un enfant joue, il met tout en jeu. Il prend un petit caillou et, assis devant chez lui, sur le seuil, tandis que le soir descend, tenant le caillou dans la paume de sa main, il dit que ce caillou, c’est le monde. J’insiste – il ne le pense pas seulement, mais il le dit, parce que ce n’est qu’au moment où il le dit que le sortilège se réalise et que le caillou devient le monde : c’est le pacte absolu. L’enfant sait que si ce caillou tombait, le monde s’écroulerait, l’univers où le monde tourne serait perturbé, les astres deviendraient fous et il ne resterait que le chaos. Il sait que tant que durera son jeu il aura entre les mains le destin du monde. Jusqu’au moment où son père apparaît dans l’encadrement de la porte en souriant, le dîner est servi, il commence à faire froid, demain il y a école, et à présent il faut rentrer. Le Buraliste a souri.

10Sans m’en rendre compte, je suis arrivé au point culminant d’un poème sublime de l’hétéronyme de Fernando Pessoa, Àlvaro de Campos, Bureau de tabac, dans lequel on trouve une analogie avec la risible et angoissante dialectique baudelairienne entre poêle et fenêtre. À la place du poêle il y a une chaise au fond de la pièce où de temps en temps le poète va s’asseoir pour réfléchir, savourant certaines intuitions (ses épiphanies) qui naissent en lui lorsqu’il regarde par la fenêtre de sa mansarde le bureau de tabac de l’autre côté de la rue, où les gens entrent et sortent, où il y a de la vie, comme dans la vie. Mais voilà que :

Un homme est entré dans le Bureau de tabac (pour acheter du tabac ?),

Et la réalité plausible s’abat tout à coup sur moi.

Je me redresse énergiquement, convaincu, humain,

Et je me promets d’écrire ces vers pour soutenir le contraire. […]

Mais un homme est sorti du Bureau de tabac (glissant la monnaie dans sa poche ?).

Ah, je le connais : c’est Esteves sans métaphysique.

(Le Buraliste s’est avancé sur le seuil).

Comme par un instinct divin Esteves s’est tourné et m’a vu ;

Il m’a fait un signe de salut, je lui ai crié « Ciao, Esteves ! », et l’univers

s’est reconstruit pour moi sans idéal ni espoir, et le Buraliste a souri.

 

11Mais qui est le Buraliste ? Voilà le problème. Et pourquoi sourit-il, peut-être de manière ironique ou même avec une suffisance débonnaire, comme pour indiquer au poète qu’il est vain de poser des questions à la vie et au monde, qu’il est vain de demander à son Bureau de tabac de nous révéler le mystère du tout ? Dans ce sourire il y a quelque chose de léonardesque, oserais-je dire, comme s’il s’agissait de l’insondable mystère des choses, de la limite de la connaissance humaine que le génie de Léonard a représentée sous la forme d’un sourire sur les lèvres de la Joconde ou de saint Jean, un quelque chose qu’Ortega y Gasset a appelé « ineffable ». On t’a accordé le privilège de connaître jusqu’à un certain point, tu ne peux aller au-delà, semble dire ce sourire. Comme le Buraliste, le propriétaire du Cirque, en saluant le public, sourit. Le spectacle est fini. La littérature s’arrête ici, le mystère de la vie commence. Et la littérature se remet aussitôt au travail.

Notizia bibliogafica

Italies, Revue d’Études Italiennes, Université de Provence, n° spécial, Echi di Tabucchi / Échos de Tabucchi

Antonio Tabucchi, « Éloge de la littérature », Italies [Online], N° spécial | 2007, online dal 01 octobre 2011, consultato il 03 janvier 2014. URL : http://italies.revues.org/3702

http://fr.wikipedia.org/wiki/Antonio_Tabucchi

 

(Merci à Jean-Marie Delgrange)

 

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Ateliers d’écriture 2014!

Posté par traverse le 9 janvier 2014

Avec les Bibliothèques  de Schaerbeek, des ateliers d’écriture…

dès la fin janvier 2014.

Ateliers d'écriture 2014!

Récits, histoires et cie… (ateliers de fictions)

Écrire et lire ou se faire lire, en dix séances dans la connivence et le respect, voilà le projet de cet atelier d’écriture où la liberté de créer est en jeu. Les ateliers d’écriture sont des moments de nouveaux d’apprentissages, d’expérimentation, de mises en chantier de projets personnels. Ce sont aussi des lieux pour s’abandonner au doux voisinage des mots de celles et ceux qui prennent le temps des récits.

Les samedis 25 janvier ; 8, 22 février ; 8, 15, 29 mars ; 19 avril ; 3, 17, 31 mai, de 10h à 13h.

Bibliothèque Mille et une pages – Place de la Reine, 1 à 1030 Schaerbeek

PAF : 140 €/100 € pour les Schaerbeekois

Les tables de mémoire

Chacune et chacun est invité à travailler une forme qui lui conviendra. Récits longs, récits courts cousus bout à bout, qu’importe… Il s’agit de soutenir chez chaque membre de l’atelier une volonté d’aboutir à un résultat : créer une dynamique d’écriture…

Aucune expérience d’écriture préalable nécessaire.

Les lundis 20, 27 janvier ; 10 février ; 10, 24 mars ; 14, 28 avril ; 5, 12, 19 mai, de 14h à 17h.

Bibliothèque Sésame (Boulevard Lambermont, 200 – 1030 Schaerbeek)

PAF : 140 €/100 € pour les Schaerbeekois

Les tables d’écoute du dimanche (coaching d’écriture)

Les auteurs-participants aux Tables d’écoute pourront développer leur projet, faire entendre des extraits de leurs textes, se faire conseiller, échanger des expériences, se donner des échéances… Cinq rendez-vous annoncés, peut-être d’autres si le groupe le souhaite. Tous les textes sont bienvenus, ils seront accueillis avec l’attention d’un groupe réuni autour du même objectif : aller de l’avant…

Les dimanches 26 janvier ; 23 février ; 30 mars ; 27 avril : 25 mai, de 15 à 18h.

Bibliothèque Mille et une pages (Place de la Reine, 1 – 1030 Schaerbeek)

PAF : 90 €

Les ateliers sont animés par Daniel Simon : écrivain, éditeur, animateur d’atelier d’écriture.

Tous les paiements peuvent être effectués en 3 fois sur le compte 068-2144376-24 de Traverse ASBL.

Renseignements/inscriptions :

Daniel Simon, 86/14, avenue Paul Deschanel à 1030 Schaerbeek
Tél. : 02/216.15.10 ou 0477/76.36.22
Blog : http://www.traverse.be

http://www.mabiblio.be/?p=3627

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Le cadeau de la Balle

Posté par traverse le 9 janvier 2014

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Il y a les Réseaux, les réseaux sociaux, réseaux personnels, réseaux financiers, réseaux politiques, réseaux familiaux, réseaux de mémoire,…les réseaux nous tiennent, nous tenons les autres dans nos filets…

Le filet (res, retis en latin), encercle, enclot, garde vivante la proie, la laisse aller dans les rets, mais la tient prisonnière. Un  récit, c’est un réseau de mémoire, de signes, d’expériences, d’émotions, de pensées singulières et de temps collectif.

Ecrire à propos d’un sujet aussi resserré dans le réseau de la mémoire collective est une gageure. Ne pas faire répétition documentaire, ne pas jouer l’anecdote qui ne dit rien que l’anecdote, aller au-delà du filet, jeter loin son regard dans le pare-brise mais aussi le tenir en permanence dans le rétroviseur.

Dans l’Atelier d’écriture « Balle pelote » de Leuze, les histoires se confrontent à des endroits extrêmement précis : la fiction, la mémoire et le récit de vie.

Ces trois formes de récits entrecroisent le vrai, le vraisemblable et la tentative d’atteindre la vérité de la remémoration de l’expérience.

Un miracle a lieu… Dans l’atelier un jeune homme (qui accompagne sa maman participante également de l’atelier) est un joueur passionné de balle pelote qui vient ponctuer nos échanges de cette sereine bonhomie de celui à qui « on ne la fait pas »…

Et le rire alors fuse, les générations se rencontrent, l’émotion nous relie. Cet atelier est un cadeau que j’ai le bonheur de poursuivre avec vous en 2014.

Belle année donc !

Daniel Simon

Ecrire un Récit suppose de laisser émerger souvenirs, faits, dates, circonstances et d’accorder ces événements dans le sens d’une « histoire », la sienne, peut-être ou la relation de celle-ci à une autre dans un espace contrarié par la dimension du temps.

Ecrire un Récit c’est donc accepter de raconter une histoire qui aura « infusé » dans la mémoire (la sienne, celle des autres, la mémoire de « deuxième main ») et d’en reconnaître pour mieux les agencer les signes.

Le Récit se situe dans un lieu au croisement de multiples chemins ou positions d’observation: la mémoire affective et collective, le souci de soi et de la reconnaissance de son identité, le désir de « révéler » (dans le sens photographique…) son expérience, son aventure humaine…

Blog de l’aventure Balle pelote en Hainaut: 

http://mbml2014.wordpress.com/2013/12/18/le-mot-de-d-s/

 

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« Au Karcher svp! »

Posté par traverse le 8 janvier 2014

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Un Scoop, Feuillets de corde N°13 (Editions Traverse asbl) à la Librairie Cent Papiers

Schaerbeek dimanche 2 février 2014 avec Tom Nisse (Texte)

et un invité photographe

Jean-Sébastien Pigeau-Najberg

(de 15 à 17h).

Un thème tout en douceur consacré aux « amis xénophobes » en ces temps de Commémoration de l’immigration marocaine et turque… »

Mais aussi à la question de la réduction du langage, à la radicalisation de l’idéologie de l’exclusion… »

« Au karcher svp! »

Avec Eric Piette et Daniel Simon à l’animation.

Lectures, performances et pluie garanties…

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Les Fêtes sont éteintes…

Posté par traverse le 6 janvier 2014

Les Fêtes terminées, les sapins de Noël s’alignent sur les trottoirs comme des dommages

collatéraux…

Notre ami et photographe Helder Wasterlain nous a ramené ces impressions d’abandon…

Il a travaillé sur quelques contraintes et entre autres la lumière qui évoque encore la Fête

déclinante…

Il a travaillé avec nous pour … Les Feuillets de corde:

http://feuilletsdecorde.unblog.fr/files/2013/12/lancement-du-n11.pdf

et la couverture de Outplacement d’Arnaud de la Croix:

http://couleurlivres.be/html/nouveautes/outplacement.html

 

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Deux livres, deux auteurs dans la collection Je

Posté par traverse le 3 janvier 2014

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Rencontres littéraires

Traverse asbl

A La librairie Cent papiers, 23 avenue Louis Bertrand

– 1030 Schaerbeek

Le dimanche 9 février de 15 à 17h,

deux livres, deux auteurs dans la collection Je  www.couleurlivres.be

Présentation par Daniel Simon                  

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Outplacement dans la collection Je – Quart de pageArnaud de la Croix

« Avant de vivre l’expérience, je connaissais le mot de vue. Et il ne m’inspirait pas confiance. Sans doute parce que s’y trouve le préfixe out, comme dans « Qui est IN et qui est OUT ? », ou comme dans knock out… Outplacement (prononcer aoûtpléssmeunt) est un mot qui ne se traduit pas en français, ce qui ne l’empêche pas de trimballer une chaîne lexicale qui fait froid dans le dos : mettre dehors, déplacer, déporter (au sens de porter hors du cocon douillet de l’entreprise, de déverser dans la rue, où les SDF meurent de froid. »

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Dans mon pays, loin de mon pays dans la collection Je

Lili Sorel

Lili Sorel a écrit ce récit d’un ton ferme et émouvant, en nous laissant entendre, avec une voix singulièrement apaisée, une partie de notre histoire congo-belge…

Ce texte s’est construit en deux années de recherche, d’affrontements difficiles, de retrouvailles heureuses, de mystères en partie élucidés. Ce texte est aussi un récit de voyage autant que le récit d’une vie, d’une génération, d’une part de notre histoire congo-belge. »

 

Invitation cordiale – Entrée libre – traverse@skynet.be – 0477/76.36.22 – www.traverse.be

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Autobiographie rêvée

Posté par traverse le 30 décembre 2013

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(extraits…à paraître en février 2014, avec des dessins de Cécile Goossens)

 

1.                                          L’ogre des cabanes

 

Il va revenir. Il ne restera pas là où il est allé. Il ne fait que passer, c’est un moment capital pour lui. L’enfance. Oui, certainement l’enfance. Il sait ce qu’il fait, il le croit, il n’est pas encore marqué par l’usage et le poids. Il peut se lancer, aller droit, marcher, envisager.

Les nuages sont hauts et c’est dans cette lande sans contour qu’il veut aller. La langue qu’il parle, est-ce déjà la sienne ou celle qu’il veut conquérir au long de ce récit ? On ne sait pas encore. On comprendra peut-être plus tard. Dans tous les cas, il part pour comprendre. En ce moment, il ne sait ce qu’il fait, il joue.

Il faudra lire, suivre les épisodes, écouter de près ce qui ne sera pas relaté clairement, aller avec lui où il rêve de se perdre et d’où on revient toujours. Il joue, il ne faudra pas oublier qu’il joue, à quelle roulette joue-t-il ?, c’est une autre histoire, mais il joue, sans cesse, pour ne pas être ce à quoi il semble déjà condamné.

Au début, dans la maison, il y avait la joie, puis les cris, puis le silence. Ce silence que les enfants souvent boivent jusqu’à la lie quand ils ne sont pas cloués contre leurs fines parois de solitude par les bruits de leurs parents.

De ces bruits sans pardon il pourrait dire beaucoup mais il part pour ne plus les entendre. Ce sont rugissements, gémissements, râles, cris perçants, extinctions, aboiements souvent.

Il aime trainer en lui, s’ennuyer jusqu’au vertige, s’arrêter sur des impressions volatiles, les retenir en les parcourant en tous sens, avant qu’elles ne s’échappent de lui et se dispersent dans le monde. Il s’emploie souvent à rester immobile, devant une chose, n’importe laquelle, une chose qu’il regarde longuement et qui devient belle, parfois, unique. Il regarde en apnée ce qui l’entoure, il tente de garder ce qui échappe de lui.

Ca éloigne les bruits ces mouvements intérieurs. Souvent, il lit. N’importe quoi au début, puis de vrais livres qu’il faut quitter un soir. Les bruits reviennent alors. Un autre livre. Et ainsi de suite jusqu’au moment où il est parti.

Les volets de bois sont fermés. La maison est calme, la nuit est noire, la lune trop lointaine. Il a peur. De ce qu’il est en train de faire. Il pense à ce qu’il est en train de quitter, de la férocité du monde qu’il connaît déjà si bien.

A l’l’intérieur, c’est pire. Il veut se confronter, courir le risque, ne plus attendre que ça lui tombe dessus, comme ça, comme on arrête de respirer et qu’on tombe. Il l’a vu comment ça se passait. Il préfère y aller.

Il sort lentement de sa chambre, emporte quelques affaires, descend les escaliers et tire la porte derrière lui. La lune lui indique son chemin, le bois n’est pas loin. C’est presque une forêt déjà. C’est là qu’il doit aller. Il se met en marche et pour la première fois, la lune le suit et indique la route.

La nuit seul devant mon écran je parcours ces lieux du passé, je visite en pointant mon curseur sur les traces où j’ai mis les pieds il y a longtemps, je change de direction, je surplombe, je rase les murs, j’imagine ces endroits alors sue je ne suis plus que du temps retrouvé, je me perds, j’y retourne, je suis parti…

A l’orée de la forêt, l’ogre distingue de loin ce qu’il a quitté et rêve d’abandonner pour toujours : les toits des maisons, les cheminées, les murs, les grilles, les portes, les allées, …Il n’aime pas cela, mais ne sait pas encore que les herbes sauvages, les lieux de solitude forte, les endroits où il pourra grandir libre sont rares. Brisés de l’intérieur, tordus de consentement, c’est ainsi que les ogres sont tolérés là, jusqu’à ce qu’ils vieillissent et finissent édentés, sans appétit ni fureur.

(…)

 

DS

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2014: Cadeau multi-usages

Posté par traverse le 29 décembre 2013

Une idée de cadeau bien de chez nous!Certains de ces exemplaires existent sous forme simplifiée aux Musées de la Vie Wallonne à Liège et au Musée gaumais (Virton, …): le fer à repasser pour Madame Monsieur et Monsieur Madame. Il pourra servir dans les tâches domestiques diverses. Observerez-le bien…repasser et repasser sans cesse. En cas de dispute, il offrira de sérieux arguments également. Sa poignée est emboîtable…La solitude n’est donc plus un argument pour se passer du plaisir des longues soirées d’hiver…Bonne année!
Photo : Une idée de cadeau bien de chez nous!Certains de ces exemplaires existent sous forme simplifiée aux Musées de la Vie Wallonne à Liège et au Musée gaumais (Virton, ...): le fer à repasser pour Madame Monsieur et Monsieur Madame. Il pourra servir dans les tâches domestiques diverses. Observerez-le bien...repasser et repasser sans cesse. En cas de dispute, il offrira de sérieux arguments également. Sa poignée est emboîtable...La solitude n'est donc plus un  argument pour se passer du plaisir des longues soirées d'hiver...Bonne année!

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Les Feuillets de corde/Collector

Posté par traverse le 29 décembre 2013

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Les Feuillets de corde

 

C’est avec grand plaisir que nous vous présentons les huit premiers numéros de notre revue Les Feuillets de corde (Editions Traverse asbl).

Notre revue se veut effervescente, paraît de façon épisodique et suscite des œuvres de création, écrite, gravée, photographique,…à partit des lieux communs de l’époque… (« Pas de souci », « Ne pas se prendre la tête », « Le temps qu’il nous reste », …).

Chaque présentation publique d’un nouveau numéro fait l’objet d’un lancement avec lectures-performances… Nous accueillons et suscitons également les textes et contributions diverses de nos invités…De longs entretiens, des Podcasts, des textes, des vidéos, des photos sont régulièrement déposés sur notre Blog et notre Site.

 

Esprit des Feuillets de corde

 fichier pdf Les Feuillets de cordecollector

Inspiré par la Litteratura de cordel brésilienne, surtout active des années ’30 à ’50, qui proposait un

texte simple — épître au gouvernement ou lettre d’amour à la voisine — agrémenté d’une gravure sur bois et s’exposait accrochée sur un fil, Daniel Simon a eu le désir de lancer des lettres à ses contemporains sur des sujets qui touchent à l’actualité ou à la société.

Dès 2013, Daniel Simon pilotera avec Eric Piette la nouvelle série qui paraîtra de façon épisodique (Textes-Photographies, bientôt collages,…).

Dans les Feuillets de corde, il ne s’agit pas d’avoir des humeurs, mais de tenter de manifester de l’esprit ( !) pour le plus grand bonheur des lecteurs.

 

Janvier 2014

Eric Piette et Daniel Simon

http://traverse.unblog.fr

http://feuilletsdecorde.unblog.fr/

et

https://www.facebook.com/pages/Lanc%C3%A9e-des-Feuillets-de-corde/147568775349832?ref=hl

Site Traverse, onglet Feuillets de corde :

http://www.traverse.be/feuillets-de-corde.php

 

Un cycle d’abonnement normal : 6 numéros en cours d’année : 10 euros (port compris) 

Les Feuillets de corde sont indépendants et ne bénéficient d’aucune subvention.

Vos dons et abonnements sont donc bienvenus !

Virement: Traverse asbl   IBAN : BE81 0682 1443 7624   BIC : GKCCBEBB

Toutes les photos, films, Podcasts sur le blog

http://feuilletsdecorde.unblog.fr/

Revue effervescente qui paraît de façon épisodique

Prix au numéro : 2 euros (envoi compris)

Abonnement (les 6 numéros de l’année en cours) : 10 euros

Pilotage artistique : Daniel Simon et Eric Piette

Graphisme et mise en page : Joëlle Salmon

Virement: Traverse asbl

IBAN : BE81 0682 1443 7624   BIC : GKCCBEBB

Production : Traverse asbl

86/14, avenue Paul Deschanel – 1030 Bruxelles – Belgique

traverse@skynet.be       www.traverse.be

Coédition — Diffusion — Distribution : Couleur livres asbl

edition@couleurlivres.be

www.couleurlivres.be

© 2011-2012-2013 Couleur livres asbl

Vous pouvez vous procurer  « les Feuillets de corde » en écrivant et en commandant à www.couleurlivres.be ou http://www.traverse.  

Asbl – Avenue Paul Deschanel 86/14 – 1030 Bruxelles

Tél : 00.32 (2) 216.15.10 – GSM : 0477/76.36.22

Email : traverse@skynet.be 

Compte: IBAN : BE81 0682 1443 7624   BIC : GKCCBEBB de Traverse asbl 

fichier pdf Les Feuillets de cordecollector

Les Feuillets de corde

Revue effervescente 2011-2012

Collector 8 écrivains – 8 graveurs

Sous pochette papier Crystal

10 euros

Frais de port compris

Gravure : Jean-Pierre Lipit – Texte : Daniel Simon

Gravure : Jean-Claude Salemi – Texte : Vincent Tholomé

Gravure : Roger Dewint – Texte : Jack Keguenne

Gravure : Elisabeth  Bronitz – Texte : Milady Renoir

Gravure : Johanna  Matlet  – Texte : Eric Piette

Gravure : Jean Coulon  – Texte : Jean-Claude Legros

Gravure : Gabriel Belgeonne – Texte : Alain Germoz

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Merci Dickens!

Posté par traverse le 25 décembre 2013

« azertyuiopqsdfghjklmwxcvbn »,

avec ces 26 lettres disposées sur mon clavier devant moi depuis tant d’années, je vous offre le meilleur pour 2014: créer, râler, s’opposer, dire, écrire et relier.

Ma joie de cette fin d’année doit être partagée…En ces temps de Crise, ou crisse ou grise ou grease, ou crees, ou…une bonne nouvelle, sur 11 millions de Belges (enfants, malades, invalides, vieillards cacochymes, parturientes, nouveaux nés,….compris), la mobilité de la plupart des habitants de ce beau pays a permis l’augmentation des files, des queues, des attentes devant caisses, des achats en ligne, des bousculades devant comptoirs jusqu’à mettre en péril notre système BC (Bancontact et autres marques de banques en effervescence). Plus de sous, la panne sèche, la dèche, le désert, l’aporie, la déréliction, la terreur. On s’est dit alors devant tant de foi familiale bafouée, devant tant de frustrations collectives que quelque chose de biblique, de religieux tout au moins avait eu lieu: l’étonnement devenu épiphanie, la sidération changée en incrédulité, le « vivre ensemble » devenu colère. Un miracle a eu lieu, une chance nous a touchés, une comète bienveillante nous a éclairés: ça peut donc s’arrêter au bon moment comme dans un conte de Dickens. MERCI!

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Atelier écriture Leuze/2

Posté par traverse le 15 décembre 2013

écrivain

                     ????????

Dans l’atelier, très vite, l’emballement (!) est au centre du processus d’écriture, il faut s’y mettre, se jeter à l’eau, sinon, l’hésitation, la réflexion trop ordonnée entravent.

Il s’agit de se laisser aller dans la fluidité des incarnations que nous pouvons solliciter. Il suffit souvent de tirer le fil, de tendre l’idée, d’aller un peu plus loin que prévu et ça y est, ça décolle.

Il suffit? Comme vous y allez… En fait, écrire, c’est se donner une liberté, pas un laisser-aller.

Ecrire se fonde sur l’ouïe autant que sur la mémoire. Ecouter la langue, la laisser résonner en soi, se défaire des facilités molles, couper le son au tranchant de la langue le langage et la communication, tendre l’oreille jusqu’à l’entendement et non l’audition…

« J’écris avec les oreilles » Valère Novarina (et Flaubert le disait autrement…)

Ecrire, c’est faire du son qui a du sens. Et pas construire du sens qui se méfierait des coups de sang du son…

Ca se passait à Leuze mercredi.  Lors à la deuxième séance déjà des textes sont partis en fusée, des intimités de mémoire se sont dépliées et mises en forme. Ca y est , c’est l’aventure qui est sur les rails et nous sollicite.

Ecrire, c’est distinguer le vraisemblable du chaos, non le vrai du faux.

Une prochaine séance est prévue de 14 à 17h ce samedi 21 décembre…

Bienvenue…
DS.

 » (…)L’imagination, me semble-t-il, est une façon de ramener à la mémoire un événement que l’on n’a pas vécu (ou certainement pas directement, ou entièrement,…) mais dont on sait suffisamment de choses que pour en faire sa propre expérience. Cette imagination s’appuie donc sur une expérience à côté du semblant de réel passé dans la fiction. Cette imagination appelle à elle pour se développer un carburant qui n’est pas le « réel » mais le « vécu ». Le vécu étant ce qui reste de notre expérience flottante passée par le récit.

Il n’y aurait donc pas de vécu sans récit ? Je dirais plutôt qu’il n’y a pas de vécu auquel l’acteur-narrateur peut rendre justice sans récit.

Et ce passage par le récit, c’est l’imagination. Ce passage par le récit conditionne la vraisemblance, la vérité, la sincérité, le sentiment de réel du lecteur, … (…) »

DS

fichier pdf Imagination et vécu collectif

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Atelier d’écriture Leuze

Posté par traverse le 10 décembre 2013

paysage

Photo Laurence Biron

Monde ballant, Premier Atelier écriture 

« Rendre simple, c’est faire entendre ce qui résistait à l’écoute. La simplicité n’est pas la  simplification qui réduit, détruit, enduit de rumeurs simplistes le souvenir. La simplicité dégage le trait au centre de la complexité. Ecrire, c’est tendre vers cette simplicité et laisser entendre ce qui ne pouvait être entendu par excès de simplification. » 

DS

Samedi 30 novembre, 14-17h, Hôpital Saint Jean de Dieu,  Leuze-en-Hainaut. Une dizaine de personnes de tous âges. L’animatrice de l’Hôpital (Anne-Françoise Detournay), une dizaine de personnes et moi. Accueil par la Bibliothèque de Leuze…

 

Tracer des balises : on s’occupe des textes pas des personnes (pas d’intrusion biographique), la balle pelote est un « prétexte » au texte, tendre vers la simplicité et non des chipotages faussement littéraires, ….

 

Très vite, on passe aux lectures des textes écrits à domicile…Des témoignages, des hésitations sur le ton) employer, des récits de vie, de l’humour, des moments de forte émotion…

 

Trois heures à lire, comment se dire ? Comment rejoindre le temps du souvenir, qu’est-ce que le réel en matière d’écriture,… ? Puis, encore et toujours la question du travail d’écriture. Ecrire, c’est s’exprimer, pense-t-on, oui mais s’exprimer ; ça ne se fait pas n’importe comment…Il y a des contraintes, des moyens, des méthodes. Et la liberté ? Elle est dans le cadre de ces contraintes, un électron qui va dans tous les sens, mais dans le cadre…

 

La qualité de l’accueil (La Bibliothèque de Leuze, Echeveau – Hôpital St Jean de Dieu), la bienveillance des participants, l’humour…ont fait de cette première séance, une ouverture à une « Rhapsodie » (1) qui va croitre de séances en séances…

 

A bientôt, mercredi 11 décembre, puis samedi 21 décembre.

(1) Le nom de rhapsode vient de raptein (coudre).

 

 

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Ecarts/magazine/3

Posté par traverse le 28 novembre 2013

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ET voici le 3….

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Une équipe liégeoise, mitonne Ecarts magazine, ils en sont au N°3, un numéro sport sacrément malmené, sur le terrain, dans les vestiaires calendriers, dans les agences d’achats et reventes de joueurs, dans le cœur des p’tis gars, dans la pogne des fachos, dans la gueule des malfrats médiatiques, dans la Bourse de Pékin, dans la valse des racistes, dans la joie des endorphines, dans le mou des intrigues, dans le Stade qu’on trouve pas les sous, dans la joie de l’interculturalité, dans le sens du Qatar, dans le sang des cathares, dans la bouille des pub-eux, dans l’os de l’arbitre, dans la marche au pas d’oie… à vous! « No sport… « (Churchill)

DS

Merci Sylvain Baillet…

http://ecartsmag.be/

http://issuu.com/ecarts_magazine/docs/ecarts_3_issu/3?e=5860751/5340268

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Monde ballant :: monde lisant/ Atelier écriture Leuze

Posté par traverse le 28 novembre 2013

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Allez ! On enclenche la pompe à écriture : prochaine session de l’atelier le samedi 30 novembre 2013 de 14 à 17h.

Un atelier initié par la Bibliothèque Centrale du Hainaut, et mené par la bibliothèque de Leuze.

 

Atelier d’écriture « Leuze »

Avant-propos :

La première rencontre programmée une quinzaine de jours avant n’avait pas eu lieu comme prévu : 30 personnes présentes, Christine Mordant, …les organisateurs, bibliothécaires, sauf moi. J’allais, patinant dans la pluie et le « que-leu-leu » des échangeurs et autres dérivations autoroutières sous un déluge version Bruxelles. Après une heure et demie, j’ai renoncé et repris le chemin du retour, même temps pour rentrer chez soi… Ce n’est pas grave, Christine Mordant a proposé une rencontre par téléphone et je me suis adressé aux personnes présentes comme si je parlais du fond du Nautilus…C’était étrange, émouvant même. Merci à tous pour votre compréhension.

Une pensée pour les navetteurs qui font ce trajet tous les jours, matins et soirs. Une forme de bagne soft, une machine à décerveler,…

La deuxième rencontre au bien eu lieu, dans le vent et la nuit, mais à nouveau, de monde !

Plus de vingt personnes présentes, de tous âges, souriantes et questionnantes…

Deux bonnes heures de rencontre, d’échange, de rires et d’émotion.

 

La balle pelote donc ?

La balle pelote comme levier à des textes qui pourront entièrement s’échapper de cette espace mais qui surgiront de cette réalité.

La balle pelote comme patrimoine, oui, mais aussi comme image flottante dans la mémoire. La balle pelote va nous servir à démarrer, à initier les premiers textes qui feront l’environnement mémoriel de cette aventure hennuyère.

La balle pelote, donc, du point de vue des souvenirs, des « on-dit », des inconnues…

Nous allons écrire des récits, les mercredi et samedis après-midi (14-17h). Voici les trois premières dates…Samedi 30 novembre de 14 à 17h, Mercredi 11 décembre de 15h à 18h, Samedi 21 décembre de 14 à 17h…Les suivantes seront bientôt décidées en commun. 

« On ne peut communiquer une expérience sans raconter une histoire »

Walter Benjamin

Ecrire un récit suppose de laisser émerger souvenirs, faits, dates, circonstances et d’accorder ces événements dans le sens d’une « histoire », la sienne en train de voyager, ou rapportant des traces de voyage.

On pourrait dire que le récit tente de rassembler « les » histoires du sujet observant le monde, ou encore le sujet observant le sujet en train de marcher, ou encore, le sujet dissout dans le paysage, ou encore le paysage disparaissant sous le regard des hommes qui l’habitent, ou encore…

En fait, le récit se saisit de la géographie pour lui faire rendre gorge et c’est l’histoire intime des gens qui s’en dégage alors, des histoires de frontières, de cuisine, d’amours, de départs …

Ces histoires se profilent dans la matière du récit. Ce n’est pas la fiction qui est en jeu mais la tentative de ne pas faire de fiction…Le projet est évidemment impossible: toute écriture est une représentation, donc une fiction aussi minimale soit-elle.

Ecrire un récit, c’est donc accepter de raconter un voyage qui aura « infusé » dans la mémoire (de la sienne, de celle des autres) et d’en reconnaître les signes forts tout au long d’une chimie étrange qui s’appelle l’écriture…

Le Récit se situe dans un lieu au croisement de multiples chemins ou positions d’observation: la mémoire affective et collective, le souci de soi et de la reconnaissance de son identité, le désir de « révéler » (dans le sens photographique…) son expérience, son aventure humaine…

DS

http://mbml2014.wordpress.com/2013/11/07/atelier-sjdd-1113/

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« Mon’s livre » /Collection Je

Posté par traverse le 20 novembre 2013

Nous y serons avec www.couleurlivres.be (23 et 24 novembre)

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- le dimanche 24 à 14h00 dans l’espace conférence : présentation par Daniel Simon de la collection JE. « Ecrire sa vie, ça sert à quoi ? Enjeux de l’écriture biographique » (1/2 heure)

Comme l’année passée, l’événement comptera de nombreux acteurs du livre: auteurs, maisons d’édition et lecteurs pourront alors se rencontrer et échanger leur expérience personnelle.Deuxième édition qui regroupe de nombreux acteurs du livre. Avec cette année la présence annoncée de Pascal Vrebos et de François Walthéry.

Deux grands noms viendront également compléter l’affiche: Pascal Vrebos, auteur dramatique fécond, bien connu pour ses passages en radio et en télévision en Belgique; et François Walthéry, dessinateur et scénariste belge de bande dessinnée, créateur prolifique, connu entre autres comme papa de Natacha, la plus célèbre des hôtesses de l’air. Mon’s livre sera l’occasion de les (re)découvrir sous une autre facette.Les samedi 23 et dimanche 24 novembre, de 10h00 à 18h00.

Quand ?
Du 23/11/2013 00:00 au24/11/2013 00:00
Où ?
Lotto Mons Expo – avenue Abel Dubois – 7000 Mons
S’adresser à
Hainaut, Culture et Démocratie asbl
Téléphone
065/35.37.43
 

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« Ma deuxième langue »

Posté par traverse le 20 novembre 2013

fichier pdf Feuillets de corde N12 

Revue effervescente

 Les Feuillets de corde n° 12

« Ma deuxième langue »

PARABOLES

Octobre-décembre 2013

Lancement du N°12

dimanche 1er décembre 2013 de 15h-17h

nous accueillerons l’écrivain Corinne Hoex

(Présentation de son travail romanesque par Daniel Simon

et de son oeuvre poétique par Eric Piette)

avec le photographe Daniel Locus

Lectures-performances, contributions libres

(Venez avec vos textes sur le sujet)

A la librairie 100 papiers – Schaerbeek – 23 Avenue Louis Bertrand

1030 Schaerbeek

Entrée libre

Http://www.traverse.be

http ://traverse.unblog.fr

traverse@skynet.be 0477/76.36.22

 

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Dans mon pays, loin de mon pays/Lili Sorel

Posté par traverse le 3 novembre 2013

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Héritage métissage

Présentation et annonce :fichier pdf PI-dans-pays-loin-bd

“Je ne veux pas qu’on caresse mes cheveux comme si j’étais un chiot. Je veux juste que maman rentre du Congo et vienne nous chercher, petit Pierre et moi. J’ai quatre ans, des “cheveux crollés” comme ils disent ici et de la terre rouge du Katanga collée à mes semelles. J’attends patiemment dimanche car grand-papa m’a dit qu’il nous emmènera au restaurant manger des anguilles au vert.”

Aucune culture ne doit l’emporter, aucune culture ne doit être oubliée. Lili tente de retrouver sa mère et son pays d’origine, le Congo, dont personne ne veut lui parler…
Mais pourquoi chercher celle dont le nom n’est pas jamais prononcé et dont la photo est cachée ? C’est l’une des complexités des histoires de métissage.

Lili Sorel a écrit ce récit d’un ton ferme et émouvant, en nous laissant entendre, avec une voix singulièrement apaisée, une partie de notre histoire congo-belge…

Ce texte s’est construit en deux années de recherche, d’affrontements difficiles, de retrouvailles heureuses, de mystères en partie élucidés. Ce texte est aussi un récit de voyage autant que le récit d’une vie, d’une génération, d’une part de notre histoire congo-belge. »

(quatrième de couverture)

http://www.couleurlivres.be/html/nouveautes/mon-pays-loin.html

Lili Sorel a sobrement, âprement, obstinément cherché à reconnecter des histoires de famille rompues ou pour le moins dispersées dans le contexte des enfants nés du métissage.

Cette histoire, même si elle se fonde entre le Katanga et la Belgique est aussi l’épopée de celles et ceux qui vivent le mélange des cultures comme une chance, à condition d’être reconnus comme personnes à part entière et non comme de moitiés tantôt visible, tantôt invisibles…

Lili Sorel a du talent, beaucoup de talent…Celui de se souvenir avec précision, de raconter avec sobriété, de ne pas juger mais de dire ce qui, en son âme et conscience, l’a modelée tout au long d’une enfance et d’une jeunesse criblées de « d’éclats d’oublis »  ou même de déni.

Lili Sorel participe à la rencontres des mondes distribués en nous au gré de l’Histoire et travaille à la réconciliation de ces univers…

J’ai eu le privilège d’accompagner l’écriture de cette histoire et j’y ai appris une part de mon passé que l’amnésie belge ne cesse cultiver.

Daniel Simon,

Novembre 2013.

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Dire du mal

Posté par traverse le 28 octobre 2013

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Ce goût de dire du mal, de mal le dire pour que le mal explose en pire, en mal secret sous le mal exposé, mal léthargique, mal infirme, mal inconnu dont sous sommes les gardiens aux flambeaux.

Dire du mal, une délectation, une offrande à la joie des pleutres, dire du mal, offenser et s’offenser de cette offense mal dite que l’on nous retournerait, ah, dire du mal, s’en pourlécher les ouïes et se l’entendre dire, du plus profond d’une sincérité de fil à plomb, dire ce mal qui surgit tout à coup comme un coup vengeur et se le jeter ensuite sur les épaules comme un vieux manteau, une dépouille sanglante, se le fourrer dans l’âme, se contrefaire pour en remettre et en remettre encore, dire du mal dans l’extase des lâches, dire du mal et s’en aller en douce pour dire du bien, peut-être, un peu plus loin, dans le même enthousiasme.

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« Outplacement » d’Arnaud de la Croix…ce mercredi 30/10/Cépages!

Posté par traverse le 26 octobre 2013

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Antenne Centre Télévision:  http://www.antennecentre.tv/site/centre_outplacement_le_livre_-76067-999-226.html

Version numérique: http://onlit.net/index.php?option=com_k2&view=item&id=718:outplacement

Version papier: http://www.couleurlivres.be/html/nouveautes/outplacement.html

Ce mercredi, à Cépages…

Outplacement dans la collection Je – Quart de page le mercredi 30 octobre à 19H

Une rencontre majeure: « Outplacement » d’Arnaud de la Croix.

Paru d’abord chez www.onlit.be éditeur (en version numérique), il y a un an, le texte d’Arnaud de la Croix parait dans la Collection Je /Quart de page chez  www.couleurlivres.be

Arnaud de la Croix, Daniel Simon et les éditions Couleur livres ont le plaisir de vous inviter à la présentation du livreEn cette période de crise, de licenciements, de chômage, voici un récit de vie qui ne laisse pas indifférent.
« Avant de vivre l’expérience, je connaissais le mot de vue. Et il ne m’inspirait pas confiance. Sans doute parce que s’y trouve le préfixe out, comme dans « Qui est IN et qui est OUT ? », ou comme dans knock out… Outplacement (prononcer aoûtpléssmeunt) est un mot qui ne se traduit pas en français, ce qui ne l ’empêche pas de trimballer une chaîne lexicale qui fait froid dans le dos : mettre dehors, déplacer, déporter (au sens de porter hors du cocon douillet de l’entreprise, de déverser dans la rue, où les SDF meurent de froid. »
… dans les locaux de la librairie vinothèque Cépages/ Av. Volders 22, 1060 BruxellesCe récit post-professionnel d’Arnaud de la Croix se base sur des faits réels, même si cela semble parfois difficile à croire. Toute ressemblance avec des personnes existantes n’est malheureusement pas le fruit de l’imagination de l’auteur.

L’accès à la rencontre est libre.

Le nombre de place étant limité, merci de confirmer votre présence au plus vite auprès de Alice t’Kint  mailto:presse@couleurlivres.be
Au plaisir de vous y retrouver nombreuxNé à Bruxelles en 1959, philosophe de formation, longtemps éditeur (successivement aux éditions Le Cri, Duculot, Casterman et Le Lombard, enseignant (actuellement à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles), Arnaud de la Croix est également auteur, en particulier d’ouvrages d’histoire. Ses essais sur la civilisation médiévale font référence et plusieurs d’entre eux ont été traduits. Il mène à présent une recherche sur le nazisme et la Seconde Guerre mondiale.

 

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Notre besoin d’histoires

Posté par traverse le 20 octobre 2013

 

Notre besoin d’histoires 2509201321691-300x225

 

Lorsqu’un conteur prétend se rappeler avec précision comment le vent soufflait à sept heures du soir, vingt et un ans plus tôt, je ne souris pas, je le crois. Mais, pour ma part, je le confesse, lorsqu’il s’agit de savoir ce qui m’est arrivé vingt et un ans plus tôt, je ne me sens pas l’âme d’un conteur, ni celle d’un témoin à la barre, je ne sais jamais comment c’était. Je sais les choses différemment. Non comme on connaît une histoire, mais plutôt comme on pressent l’avenir. J’éprouve les choses comme des possibles, je me les représente comme par un jeu d’imagination. Je crois que nous ne racontons jamais les choses comme elles furent, mais nous nous figurons ce qu’elles seraient si nous devions les revivre. Une expérience, c’est un pressentiment. Ce n’est pas seulement vrai pour les écrivains, c’est vrai pour tout le monde. Comment cela s’est-il passé lorsque j’ai quitté telle ou telle situation pour m’établir dans une ville étrangère ? Je le sais parce que je m’imagine ce qui se passerait si je m’en allais aujourd’hui dans une ville étrangère. Ou encore : qu’éprouverais-je  si je gagnais demain le gros lot. Je pense le savoir. Comment ? Je n’ai jamais gagné le gros lot, mais j’ai fait cette expérience quand même. Où ? Je n’en sais rien. Quand ? Mystère. Mais j’ai fait cette expérience. Le jeu de mon imagination peut en témoigner. Quand je cherche par exemple à me représenter ce qui se passerait si je naissais une seconde fois, quand je mets en scène quelque chose qui n’a jamais existé et qui n’existera jamais, mon expérience se révèle plus pure que lorsque je cherche à préciser ce qui se passait à sept heures du soir, vingt et un ans plus tôt.

Prenons les choses autrement : dans notre vie, nous avons peut-être deux ou trois expériences : une peur qui suscite mille images ; un petit bout d’espoir qu’on ne pourra pas nous ôter : des sentiments qui s’égrènent comme un rosaire toujours recommencé ; avec cela quelques impressions rétiniennes qui ne se renouvelles guère, si bien que le monde est comme le patron sur lequel nous taillons nos souvenirs. Là-dessus, nous avons peut-être une pensée en propre, que nous rallongerons et diluerons de mille manières. Voilà ce dont nous disposons lorsque nous racontons quelque chose. Des échantillons d’événements – mais nulle histoire, je l’affirme, nulle histoire ! Les histoires ne nous viennent que de l’extérieur. Notre besoin d’histoires, d’où naît-il ? On ne peut pas raconter la vérité. Voilà l’affaire. La vérité n’est pas un récit, elle n’a ni commencement, ni fin, elle est seulement présente ou non, elle déchire notre univers d’illusions, elle est une expérience. Mais elle n’est pas une histoire. Toutes les histoires sont des inventions, des jeux de l’imagination, des esquisses d’expériences, des images, avec le peu de vérité que cela comporte. Chaque homme – et pas seulement les poètes -  invente ses histoires. La seule différences, c’est que tous les hommes, à l’exception des poètes, prennent leurs histoires pour leur vie. S’ils ne le faisaient pas, les événements qu’ils ont pu connaître, c’est-à-dire leur expérience personnelle, leur demeureraient indéchiffrables.

Voici comment je vois les choses : l’expérience est un événement intérieur, non le résultat d’un événement extérieur. Un seul et même fait vécu pour nourrir mille expériences. Peut-être n’existe-t-il pas d’autre moyen, pour communiquer une expérience, que de raconter des événements extérieurs, donc d’imaginer des histoires. Comme si l’expérience était le fruit de ces histoires. Je pense que le contraire est vrai. Le fruit, ce sont les histoires. L’expérience veut se rendre déchiffrable, elle trouve un cadre où s’insérer. Et c’est pourquoi elle se situe de

Préférence dans le passé : il était une fois. Un événement qui nous obsède parce qu’il a le pouvoir d’exprimer notre expérience n’a pas besoin de s’être jamais passé, mais pour que les autres gens comprennent et croient notre expérience, pour que nous y croyons nous-mêmes, nous faisons comme s’il s’était vraiment passé Tout le monde agit ainsi, et pas seulement les écrivains. Les récits sont des projets mis au passé, des productions de l’esprit que nous donnons pour des réalités. Chaque homme s’invente une histoire qu’ensuite il prend pour sa vie, souvent au prix de lourds sacrifices ? A moins qu’il ne s’invente une série d’histoires, confirmées par tout un réseau de dates et de lieux, de manière qu’on ne puisse pas douter de leur authenticité. L’écrivain reste seul qui ne croit pas à ce théâtre.

Voilà la différence : dans la mesure où je sais que chaque histoire, si confirmée soit-elle par des faits concrets, n’est que le produit non de mon imagination, je suis un écrivain. Une expérience toute nue, privée de cadre, et qui ne voudrait pas surgir d’un récit véridique, c’est à peine supportable. L’expérience fait ses preuves quand elle rend crédible l’histoire qu’elle invente. Mais, je le répète, elle n’est pas le fruit de tel ou tel événement vécu, elle est un événement intérieur. C’est à ce titre que son existence devrait être justifiée, même si je sais que l’histoire racontée n’a pas eu lieu et n’aura jamais lieu, même si je renonce à l’illusion de l’imparfait épique, à la tromperie de la mise en récit. Malgré les prétentions des conteurs, l’histoire vécue n’est pas à l’origine de l’expérience.

L‘expérience est un événement intérieur. Le seul événement authentique. C’est la mise au passé d’une invention qui ne s’avoue pas telle ; c’est un projet rétrospectif. Je crois que les tournants décisifs d’une vie sont liés à des événements qui n’ont pas eu lieu, à des représentations engendrées par une expérience, laquelle préexiste à l’histoire qi s’en prétend l’origine et qui se contente de l’exprimer. Ce reproche bien connu, que les hommes n’apprennent rien de leur passé (individuel et collectif) est aussi absurde qu’instructif ? Ce n’est pas d’apprendre l’histoire qui le changera. Seule l’expérience change toutes choses, parce qu’elle n’est pas un événement de l’histoire, mais un événement intérieur qui doit changer l’histoire pour venir à l’expression. L’expérience est poète. Si les hommes vivent une expérience plus riche que les faits qui pourraient prétendument l’expliquer, il ne leur reste  plus qu’à être honnêtes, c’est-à-dire à fabuler. Sinon, où trouveraient-ils l’origine de leur expérience ? Donc ils projettent, ils inventent ce qui la rendra déchiffrable. L’expérience n’est pas une conclusion. Son domaine est le futur. Ou l’intemporel. C’est pourquoi elle répugne à se présenter sous les espèces d’un récit, d’une histoire. Mais le moyen de faire autrement ?

Max Frisch (1911-1991)

 

INTERVIEWER

Sometimes it takes another person to tell you what has happened to you.

FRISCH

Yes, and I’m still blind. I don’t know what it’s about and they tell me, and I’m happy that I don’t know. Because if you know what you’re writing about, the danger is very great that it will fall into clichés, or into Freudianism, or other things. But if you don’t know, in a way you’re blind, groping your way; then when you look back you see you have made your road.

INTERVIEWEUR

Parfois, il faut une autre personne pour vous dire ce qui vous est arrivé.

FRISCH

Oui, et je suis toujours aveugle. Je ne sais pas de quoi il s’agit et c’est eux qui me le disent, et je suis heureux de ne pas savoir. Parce que si vous savez sur quoi vous écrivez, le danger est très grand de tomber dans les clichés ou dans freudisme, ou d’autres choses de ce genre. Mais si vous ne savez pas, d’une certaine manière vous êtes aveugle, vous allez tâtonnant votre chemin…Et lorsque vous regardez en arrière, vous vous rendez compte que vous avez tracé votre route.

http://www.lemonde.fr/livres/article/2013/02/22/max-frisch-un-faust-des-temps-modernes_1836066_3260.html

et à propos de l’Immigration…

« Ils voulaient des bras et ils eurent des hommes.  »

 

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A propos du travail…

Posté par traverse le 18 octobre 2013

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Suite trépanée

    Je suis/Je fais/ Je dis    

C’est un sacré travail, poussez, poussez, ouvrez, ouvrez, poussez et plaf, le v’là, tout redondant de sang, bavures et chiures emmêlées, un arsenal d’humanité dans le fumant charroi des rivières amniotiques, un gravelot lâché dans une bonde en crue, il ouvre poumons, travail d’éclatement contenu, claques et caresses, nettoyage, aspiration, lavement, (si j’ouvre ma bouche et mes bras, si j’ouvre, le ciel entrera-t-il ? ce qui ne se voit pas peut-il entrer ?

Le sentirai-je ? m’emplirai-je ainsi du bleu du ciel ? du ciel et du bleu ? est-ce que je m’emplirai d’un ciel vide ou chargé de nuages ? est-ce que je m’emplirai de nuages ? de nuages blancs, de nuages gris ou bleus dont j’aurai tant besoin plus tard ? M’emplirai-je de vide, du vide du ciel bleu à rester ainsi ? m’emplirai-je de l’absence du ciel ou d’un ciel que je ne vois pas ? Deviendrai-je moi-même une part du ciel ? 

« Suite trépanée » constitue le premier volet d’un diptyque consacré au travail et à son manque, « Zones occupées ».

Comment le travail nous travaille à vie et à mort.

Ce texte est en production pour une performance d’acteur, un solo, un monologue, une polyphonie, une résonance scénique.

Daniel Simon

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Ecrire c’est devenir…

Posté par traverse le 18 octobre 2013

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« Il se peut qu’écrire soit dans un rapport essentiel avec les lignes de fuite. Écrire c’est tracer des lignes de fuite qui ne sont pas imaginaires, et qu’on est bien forcé de suivre, parce que l’écriture nous y engage, nous embarque en réalité. Écrire c’est devenir, mais ce n’est pas du tout devenir écrivain. (…) «  

Gilles Deleuze dans Dialogues avec Claire Pernet, 2008

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Dire du bien

Posté par traverse le 17 octobre 2013

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La phrase vient d’un coup, « Une telle ou un tel, belle personne… » Ou quelque chose de plus court, « Elle, il est vraiment bien ». Les yeux tombent, les bouches se ferment, lèvres offertes en plateau, un geste parfois, une indiscrétion de bon aloi, un regard vers l’autre, qui n’a rien ajouté, ou peut-être « Oui, vraiment… ».

L’affaire est faite, le bien est dit, on peut passer à autre chose. Des accrocs dans le portrait, des mais, des quand même. Ca se corse, on passe aux choses sérieuses. « Entre nous…». Ca prend forme, des positions se campent, on se coupe la parole, on en remet, le portrait s’anime, plus sombre, on se réjouit, cette lumière du début éblouissait trop, on se serre dans l’ombre, on chuchote, on se frotte les mains, ça s’éteint. On passe au suivant.

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Positions pour la lecture

Posté par traverse le 17 octobre 2013

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fichier pdf EN SILENCEsvp

En silence,

S’il-vous-plaît !

(Positions pour la lecture)

Scènes

Les scènes présentées ici sont des variations pour 12 jeunes actrices et acteurs qui souhaiteraient travailler, sur la scène ou devant la caméra, la question des positions de la lecture.

L’auteur peut, à la demande d’un groupe qui souhaiterait augmenter ces scènes, écrire d’autres propositions.

 

Dans toutes les scènes, les Jeunes qui ne joueront pas directement se tiendront dans le fond du plateau. Ils se lèveront dans le rythme des séquences jouées mais ils peuvent également être présents comme silhouettes ou comme « figurants intelligents » dans le cadre de la plupart des situations…

Chaque rôle peut-être joué indifféremment par une fille ou un garçon, il suffira d’accorder le texte au genre.

Daniel Simon

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