…et quand il perdit la parole…
Posté par traverse le 16 juillet 2006
…et quand il perdit la parole, il sentit venir en lui une mélancolie sans limites, comme une eau envahissant les eaux, quelque chose qui ne pouvait plus sortir ni entrer, immobile entre les eaux où le sombre se mêle à l’éclatant, et c’est à cet endroit le plus déserté que la parole se tapisse et qu’il ne reste rien quand les aboiements se taisent.
Dans ce vide il n’y avait que le souvenir déjà presque ancien d’une parole qui aidait tout simplement, il le comprit alors, à faire sortir dehors ce qui était dedans.
Il regarda le monde absent de tout bruissement, les arbres figés, le ciel qu’on ne voit plus, le soleil déjà froid, la terre qui se rapproche et que l’on sent déjà en soi, voilà ce qu’il voyait.
Et voyant tout cela, il voulut en dire à nouveau la beauté, ce très léger mouvement qui le ramenait à lui et lui prenait la main.
Alors, il se palpa le ventre, il devait y avoir, ça et là, dans la graisse des paroles, quelques replis de suif où l’un et l’autre mot avait connu l’abri, la graisse, les replis, le lissé, le palpé, tout était silencieux.
Il y avait au bout de ses doigts fouaillant le saindoux quelque chose qui manquait. Et plus il palpait son ventre réticent moins il comprenait ce qu’il lui faisait, du ventre il passa à la jambe, puis à l’autre, il se palpa le bras, le torse, la nuque, les yeux, les tempes, le front et le dessus du crâne, il n’y avait plus de mots pour lui dire ce qu’il était en train de découvrir sans même s’en rendre compte.
La graisse avait tout absorbé, des virgules ça et là traînaillaient mais le gros de la langue avait été dissout. Son ventre était vide d’être si engraissé.
Et cet assaut du vent, ces nuées d’incertitude, quelque chose qui n’a pas de nom, tout ce vide qui rêve tant d’être plein se mit à le remplir.
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