Posté par traverse le 20 décembre 2006
Oui…C’est ça Oui…C’est ça…Parfois c’est dur, parfois, c’est facile, plus dur ou plus facile, ça dépend. Ca dépend toujours de ce qui s’est passé l’après-midi. Si j’ai pris trop de soleil ou trop de pluie. Ca dépend. Ca dépend aussi de ce que j’ai fait le matin. Par exemple : je me lève, je me dis, ma fille cette journée c’est une belle journée pour toi, ce soir ce sera un bon soir et tout ce qui se passera entre les deux sera bon pour toi. Je sors et j’ai envie de pleurer, j’ai très envie de pleurer, je ne sais pas pourquoi mais j‘ai soudain très envie de pleurer. Pas pleurer parce que j’ai du chagrin, non, pleurer parce que je ne sais pas faire autre chose à ce moment-là, alors comme je ne peux, je ne veux pas pleurer, je rentre chez moi et vlan, je me mets à pleurer, je pleure comme une madeleine, je pleure. C’est ça le plus important, il faut sortir et ne pas pleurer, marcher dans la rue, regarder les autres qui ne pleurent pas et ne pas pleurer comme eux, ne pas pleurer parce que eux, ils y arrivent à ne pas pleurer. Mais c’est dur alors de ne pas pleurer. C’est dur de marcher dans la rue sans pleurer, en regardant tous les autres qui ne pleurent pas et qui ne savent même pas que vous avez envie de pleurer. Et que vous vous retenez tellement, que vous retenez de ne pas pleurer toute seule. C’est trop triste de pleurer toute seule mais c’est le plus souvent comme ça que ça se passe. On est là, on n’a rien prévu, on est là et d’un coup, crac, une fontaine de larmes et les autres savent plus comment vous regarder pendant que vous pleurez. Ils vous tendent un mouchoir en s’écartant un peu, ils baissent les yeux, peut-être parce qu’ils reconnaissent dans vos larmes leur propre chagrin mais jamais ils ne le diront, alors ils vous aident à effacer les vôtres de larmes et tout rentre dans l’ordre, vous êtes toute seule à pleurer, comme une vache, toute seule, et ils s’écartent tout doucement pour vous laisser toute seule vous défaire. Vous avez des larmes jusque dans votre soutien-gorge, vous avez votre maquillage qui brouille tout, vous devenez laide, laide comme une folle, comme une femme perdue, un monstre, vous reniflez, vous étalez tout ça, on vous tend un autre mouchoir, il y en a à ce moment qui s’en vont, définitivement, ou alors qui se rapprochent et vous serrent dans les bras, vous prennent par l’épaule, sans vous regarder, non, ils regardent ceux qui regardent de loin, et vous, vous sentez toutes les humeurs que vous répandez et qui se mêlent à votre parfum tout chaviré par vos sanglots, ils ne savent plus quoi faire et souvent, c’est là qu’ils s’en vont en vous donnant une réserve de mouchoirs et en vous disant de vous reprendre. J’arrête pas de me reprendre, j’arrête pas. Mais je veux pas me reprendre, je veux rester là où je suis quand je me noie, toute seule, c’est bête. Pourquoi je devrais me reprendre alors que je suis toute seule et que je voudrais que ce soit quelqu’un d’autre qui me reprenne ? Je vois pas de raison. Et ils s’en vont et c’est ça qui est le plus terrible, se reprendre toute seule, absolument toute seule, moi, ça me fait pleurer de me reprendre toute seule. Ma vie, ça pourrait tenir en deux colonnes: ce qui me fait pleurer, d’un côté et ce qui me fait pas pleurer, de l’autre. Lui par exemple, je l’ai aimé, je l’ai aimé tellement. C’était une véritable adoration. Je l’aimais au point de ne plus savoir ce que je voulais en dehors de lui. C’était ça le plus difficile, je savais plus qui j’étais sans lui et je ne pleurais plus alors que c’est dans ma nature de pleurer assez facilement. Je perdais mes marques, je me croyais heureuse, mes larmes avaient disparu. Et je me suis rendu compte que mon amour l’avait pris mes larmes, que j’étais vide de larmes et toute entière remplie de Lui et ça a duré ce que ça a duré, un peu plus long que la moyenne, paraît…Et lentement, l’air de rien, les larmes sont revenues, pas des pleurs qui viennent comme ça, d’un seul coup, non des pleurs qui se préparent, qui se méritent presque. Des pleurs qui font les comptes. Pas de ces pleurs qui viennent sans crier gare et qui font pas d’effets, qui sont là pour rien ou presque, juste pour montrer que vous pouvez pleurer ou voulez pleurer. Non, je m’y connais en matière de pleurs, on pleure souvent pour montrer qu’on voudrait pleurer mais qu’on y arrive pas vraiment, on fait un truc pour dire qu’on sait pas le faire et qu’on a besoin de quelqu’un pour s’y reprendre une nouvelle fois. Il est parti et les larmes sont revenues. Ca m’a repris. Vous voyez, comme ça revient ce « reprendre », ça revient toujours, toujours. Mais, moi, j’ai jamais été prise. Les autres, peut-être, mais pas moi. J’ai un ami, par exemple, quelqu’un qui me disait d’une femme qu’il aimait comme un fou, qu’elle n’avait jamais été prise, et qu’en fait, malgré ses déclarations d’amour, de guerre et tout le bazar qu’elle s’inventait, elle ne voulait pas de lui, pourtant ils s’étaient mariés et elle était partie presque au moment où elle était arrivée et il a compris un jour qu’elle n’avait jamais été prise, cette femme, elle s’était jamais laissé prendre. Alors, comment voulez-vous que moi, je me reprenne, alors que je suis seule ? Les apparences sont trompeuses, je pleure pas comme ma mère, par exemple, qui avait des raisons officielles de pleurer, elle avait perdu son mari, mon père dans un accident alimentaire, enfin je veux dire qu’une sorte d’empoisonnement général l’avait emporté, c’était à pleurer, mourir pour une bouffe mal cuite, et donc, ma mère, s’est mise à pleurer et elle a pleuré, pleuré, normal qu’elle pleure parce que ça, c’était vraiment triste, mourir comme ça, c’est bête, vraiment, donc, moi, c’est pas la même chose, je pleure, comment dire, par inadvertance, je ne sais pas exactement pourquoi et soudain, crac, une fontaine. C’est probablement parce que j’ai jamais été prise, c’est ça et ça me rend triste, je me suis jamais laissé prendre. Ca vous fait sourire, ce mot, cette expression, hein ? Vous pensez tout de suite à des formules un peu vulgaires, que je suis, je ne sais, une femme un peu bête, un peu stupide, un peu fermée, une femme qui a peur, une femme qui serait comme ces vieilles filles qui finissent sourdes, qui n’entendent plus la sonnette de la porte d’entrée et s’étonnent qu’on ne vienne plus les voir, qui pleurent de solitude alors qu’elle n’entendent tout simplement plus la sonnette mais qu’elles ne le savent pas parce que personne ne leur a dit, alors elles pleurent, elles, elles ont des raisons de pleurer, c’est triste à pleurer de ne pas entendre la sonnette de la porte d’entrée, mais moi ? C’est compliqué, peut-être, dit comme ça, oui. Disons que je joue à être sourde pour ne pas entendre que la sonnette ne sonne pas parce que personne ne vient sonner, que je le sais, que je le sais jusqu’au fond de moi, et qu’il n’y a donc rien à entendre, alors, être sourde, ça permet de ne pas s’en rendre compte consciemment, c’est ça, consciemment, le grand mot, mais je ne suis évidemment pas sourde ; hypocondriaque ? Peut-être mais pas sourde, hypocondriaque et tout me tombe dessus, bactéries, virus et tout le reste, plus les articulations, le dos, les règles douloureuses, des problèmes de peau, à la mort du père surtout, puis des absences, des sortes de trous dans mon histoire, et soudain, je suis plus malade pendant un temps, comme si j’avais besoin de reprendre des forces pour le mal futur, et alors, ça repart de plus belle jusqu’au prochain arrêt, c’est terrible, ces rythmes, et ça me faisait pleurer et ce qui me faisait pleurer, c’est le temps perdu, le temps perdu à déjà savoir ce qui va se passer, j’observe ce qui se passe, je m’observe, j’ose le dire aujourd’hui, je m’observe en train de souffrir, mais ça ne me fait pas l’effet que j’attendais, ce qui est le plus triste, comme un grand vide, un grand trou de silence, c’est de sentir que ça se passe comme toujours, sans qu’il n’y ait rien de changé et à force, je suis devenue une machine à détecter le mensonge, à force de prendre sur soi, on apprend des choses sur les autres, parce que sur soi, on les connaît tous, ses histoires, ses mensonges mais on s’en arrange, faut bien, sinon, on rentrerait tous sous terre, et ça, c’est vraiment pas possible, donc, je détecte le mensonge tellement je connais, c’est ça, je connais les moyens qu’utilisent les gens pour échapper, pour ne pas se laisser prendre, pour passer entre les mailles du filet, on a dit de moi, ma mère surtout, que j’étais mythomane. C’est fou, ça, mythomane, parce que je détecte le mensonge ! C’est fou ! Je ne suis pas du tout mythomane, mais alors, pas du tout. Je suis une détectrice de mensonges. Point. Pourquoi ? Parce que tout le monde a ses raison et que c’est terrible et que ça vous rend malade parfois et que vous pouvez rarement vous exprimer à ce sujet, vous rentrez tout, vous gardez tout à l’intérieur et ça vous rend mauvais ou malades, ou les deux. Parfois, je souffre des nerfs, alors, je sens tout très fort, très près des nerfs. C’est évident. C’est ça que j’appelle mon détecteur. Je pourrais aussi ajouter une chose, que je sais, il existe chez les animaux et les hommes de la même façon, un appareil nerveux destiné, primo, à nous mettre en relation avec les corps extérieurs, deuxio, à établir des rapports entre les différents organes qui nous composent. Je sais cela, après, suffit de regarder les hommes, c’est tout. Voilà. Je vous signale que l’on dit communément « pris des nerfs ». il est pris des nerfs, ou plus souvent, « elle est prise des nerfs ». Mais moi, je ne suis prise de rien. C’est là tout mon problème, prise de rien, de rien du tout. Vous comprenez ? Je suis une femme qui rit. C’est ça, une femme qui rit, qui n’arrête pas de rire. Aah je ris de me voir si belle en ce miroir…C’est terminé.
Cet article a été publié le Mercredi 20 décembre 2006 à 17:39 et est catégorisé sous Textes.
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Moi aussi j’ai souvent envie de pleurer, et je ne comprend pas pourquoi
je suis désemparer car incapable d’expliquer le comment du pourquoi et surtout si un jour cela finira ??? si tu veux correspondre avec moi contacte moi Merci LUC