Bonne fête du Sacrifice
Posté par traverse le 30 décembre 2006
Imaginons cette ancienne histoire d’Abraham au pays des girafes. Imaginons que la tragédie originelle ait eu lieu sur les bords de l’océan indien, imaginons que ce soit au cœur de la savane que le bras ancestral se soit suspendu, imaginons que ce soit encore plus tôt, au temps de Salammbô, un Moloch dévorant ses enfants, sous l’œil amusé de Flaubert devant tant de littérale croyance, imaginons un mythe légèrement déplacé dans d’autres circonstances, imaginons… Imaginons un sacrifice de bêtes moins communes, la Fête de
la Girafe, ou de l’Eléphant ou du Requin, la Fête de l’Ours blanc…
Comment abattre l’Ours blanc ? Il y a des abattoirs réservés à cet usage dans toutes les communes, des containers qui déborderont de carcasses, de viandes avariées et de graisses sanguinolentes, des sacs poubelles déposés sur le bord des trottoirs, des puanteurs qui vont se mêler aux cotillons, des cris mal étouffés par des couteaux mal tranchants. Vous imaginez, un Ours blanc dans un appartement, comment l’égorger selon la règle, dans la douceur de la lame du sacrificateur ? Vous imaginez le sang d’un Ours blanc dans la cuisine ou la salle de bains ? Le cri d’un Ours blanc sentant la mort et la panique, le regard joyeux des enfants devant la bête garrottée dans le coffre de la voiture, vous imaginez ces Ours blancs à la queue leu leu avant la liquidation finale dans les abattoirs consacrés à la Fête de l’Ours blanc ?
Vous imaginez les embarras de ceux qui aiment l’Ours blanc ou qui pensent que quelques siècles de pensée, de traductions des actes les plus littéraux de nos cultes sont offensés par le passage à l’acte. Vous imaginez l’embarras de ceux qui pensent que l’image l’icône, le mot, la représentation de l’acte et non l’acte lui-même, sont des signes fort de l’évolution, vous imaginez leur embarras devant tant de crasse évidence?
Vous imaginez leur embarras, alors qu’ils sentent la Fête dans le cœur de leurs semblables et qu’ils voudraient en partager une toute petite part, vous imaginez leur embarras ?
Bonne Fête.
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