…et cette fichue culpabilité

Posté par traverse le 17 janvier 2007

 …et cette fichue culpabilité serait peut-être une réponse à ce que je vis, à ce que nous vivons, -pardon, on a déjà donné !-, ou le remords, quelque chose de retenu, comme du sang qui ne volerait pas au secours de la douleur, de l’oxygène qui pourrirait d’être trop vicié, de la matière qui n’arriverait plus à monter dans les vapeurs, une certaine idée du mal qui n’arriverait pas à trouver d’antidote, quelque chose de mort qui se prendrait pour la vie, rien de bon, de la misère en somme, du fracas dans le vide, excusez-moi de vous importuner avec cela maintenant qui semble retirer plutôt que d’ajouter le feu au feu, la colère à la colère, mais je ne suis pas ici dans cette lumière en train d’ignorer que de cela il est question chez vous aussi, que tout ce fatras vous invite aussi à des rêves d’ordre et il vous incombe de toujours, encore et encore organiser le chaos, cet état dans lequel vous n’êtes pas sûrs d’y arriver parce que cet état vous met en situation de déséquilibre et que ce déséquilibre est mauvais pour l’ordre que vous avez, comme moi, tout un temps essayé d’imprimer jusqu’au fond de chaque cellule de chaque membre et de chaque organe qui vous constituent, et cette colère sera une bonne façon de dire à votre tête, à votre ventre, à votre sexe, à vos bras et vos jambes que décidément non, il ne s’agit pas d’accepter que vos cellules se mettent en ordre, elles ne vivent que parce que ce désordre justement leur permet de se mobiliser pour quelque chose, l’ordre vous dis-je, l’ordre toujours, cette chose qui fait mourir la colère et nourrit le crabe qui vous dévore, et ce désordre sera leur raison d’être, elles bougeront, vivront, voleront au secours les unes des autres grâce à ce désordre initial qui sera un jour le rêve du corps, quand les clones, les reproductions auront testé cet ordre et nous enverront dans l’enfer de la similitude, mais ne rêvons pas, l’absolu miracle de la nature, l’équilibre qui nous maintient c’est ce désordre, cette façon d’achever l’inachevé, cette manière de nous maintenir dans le monstre alors que nous tentons d’être anges, montres vous dis-je, monstres toujours, témoins du désordre et de l’anéantissement, témoins de la destruction des rêves et de la grandeur somptueuse de la mort qui remet sans cesse dans ce désordre l’ordre du recommencement, voilà ce que le clone, le simple clone, cette cellule falsifiée qui sera amie un jour, voilà ce clone soudain obligé de se développer pour produire du désordre, du raté, de l’impossible, voilà soudain cette cellule mangée de l’intérieur alors que nous le scrutions, elle se déplace peu à peu vers des endroits que nous ne voyons pas encore, elle mute d’un coup, elle avive sa capacité à nous échapper, elle glisse vers ce que nous n’avons pas encore pensé, elle disparaît et nous sommes là, le ventre, le sexe, la tête, les bras, les jambes encerclés de douleur, ne sachant plus à quels désespoirs nous vouer, nous coulons lentement, la lumière se dissout peu à peu et puis, ça y est, une étincelle, cette explosion qui nous dit que nous sommes plus vaillants que jamais à refouler ce fantôme de mort qui traînait sur la plaine que nous sommes et qui refermait sur nous le désert et la steppe, ça y est la bousculade a commencé, les murs s’effondrent, de l’air entre enfin, vous hissez la tête hors de vos épaules, vous la maintenez presque hors de vous et vous regardez à nouveau la prairie et la pluie et le vent vous couvrir, vous vous décidez alors à maintenir ce regard aussi loin que la vallée vous le permet et que manque-t-il soudain si ce n’est cette colère qui piquera vos épaules quand elles se glaceront et que vous ébrouerez parce que vous êtes devenue plus forte d’un seul coup et d’un seul coup la vallée s’effondre et vous devez encore vous hissez plus haut pour voir plus loin et ainsi de suite jusqu’à ce que vous vous désarticuliez, membres distendus, cœur débordé, cerveau chauffé à blanc, ça y est, la colère a réussi à vous étreindre et tout ce corps qui n’était que porteur de vos désirs et de votre histoire et des petites choses qui n’étaient qu’à vous, ça y est ce corps accueille tous les autres, vous n’êtes plus pleine de rien, vous vous videz littéralement pour que le monde entre en vous et c’est infiniment lent à faire entrer, le monde, ça se bouscule parfois mais ces petits effrois ne sont rien à côté de ce renflouement qui vous occupe, vous êtes submergée, éblouie par la légèreté subtile du monde qui pénètre en vous grâce à cette colère qui vous a fait ouvrir cette petite porte qui était soudée de certitudes, cette porte éblouie qui se dissout dans la beauté qui envahit le territoire que vous comptiez garder pour vous seule, cette porte n’a pas tenu longtemps car vous étiez prêts à la faire céder mais parfois elle résiste et ça fait des malheurs et des vengeances et des méchancetés, ça fore, ça use, ça grince, ça décape et l’acide coule à flots dans vos sangs et ce temps alors est un temps de désenchantement, d’abandon et de renoncement et vous êtes déjà morts, et je suis déjà morte et la mort n’a plus à hésiter elle peut entrer, prendre place, propriétaire de ce que vous aviez tenté de dénouer et de laisser dans le merveilleux désordre du début alors que vous n’étiez encore qu’un petit enfant craintif, un animal au sang chaud, une bête furtive qui levait le nez au milieu du monde et qui savait que vite qu’il faudrait ouvrir, ouvrir, ouvrir encore et encore pour ne pas se vider mais que pour ouvrir, ouvrir, ouvrir encore et encore, il faudrait renoncer souvent à ce puissant appétit d’ordre, d’entendements, de souvenirs d’évidence et de savoirs, les techniques viendront peu à peu, les silences suffiront aux liens et la bête se nourrira de ce qui veut bien la pénétrer mais un jour la bête a faim, si faim qu’elle accélère le mouvement de ce qui la dévore, cette bête chaude, cette bête rouge qui vient quand le soleil se couche, cette bête féroce qui dévore tout ce qui semblait tenir et mâcher, d’un coup, plus rien ne tient et ne marche, la bête est venue chercher son dû et il faut donner un peu trop, un peu plus que ce qui était annoncé et ce plus, ce trop ce tout petit peu pas prévu fait lever en vous, comme en moi aujourd’hui, fait lever la colère et ça gronde et ça monte jusqu’à importuner le bon entendement de ce qui devait tourner et aller de soi et d’un coup, c’est ça, d’un coup, le trop, le plus qu’il ne fallait vient ensemencer les déserts et les steppes et tout se lève d’un coup après la pluie, ça germe et meurt du même élan et je suis dans ce mouvement-là, j’hésite à continuer, c’est difficile de voir tout germer et mourir dans la même averse, c’est difficile et il faut de la patience, il faut de la patience, vraiment et je jette souvent, devant moi des mots qui ne lèvent plus et la fureur n’a plus de sens, la colère se fatigue et, et… 

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