C’est la lecture silencieuse
Posté par traverse le 23 février 2007
C’est la lecture silencieuse qui me donne confiance dans l’avenir du monde, on y trouve, en fermant doucement les yeux, des voix indistinctes de moi enfant lisant, ânonnant les abécédaires jusqu’aux phrases les plus osées, de ma mère et de mon père me tapant sur la tête pour que les diphtongues s’intercalent au bon endroit, des autres encore, de mon institutrice que j’aimais tant et tant qu’aujourd’hui j’aimerais lui demander sa main, de mes camarades aux jambes écorchées qui prêchaient mieux que moi et que je ne croyais pas, de mes vieux voisins passés aujourd’hui dans l’ordre des poussières, du flamand qui m’étonne de prononcer si mal un mot que je trouve soudain beau, du wattman qui se penche vers moi et que je voudrais mordre pour vérifier que la bonté est une affaire de résistance et non de glissement, des nonnes qui m’apprirent le mensonge en offrant des images à ceux qui Le scrutaient, jamais images ne m’ont parues si ordurières, de ce grand-père aux moustaches de paille qui fouettait si bien les mollets nus des âmes dispersées, de ces amis qui venaient et que je voyais loin en les voulant plus proches, des sales, des écorchés, des snotebelles 1 qui m’ont toujours laisser croire que la vie était moins sombre qu’ici, des premiers noirs vivants, des bananias de hauts chefs éloignés, qui m’apprenaient le pire et le piment, des femmes d’ouvrages de l’internat honni qui nous pressaient gentilles sur leurs seins de nylon ; c’est la lecture qui me fait toujours entendre leurs voix dans le bruissement temporal de mes glossolalies, ils sont en marge maintenant du texte initial mais la ponctuation de leur souvenir sonore me lisse le poil et ravive mes babines.
1. Mot bruxellois signifiant une tourelle de morve qui vous tombe du nez
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