Je me souviens d’un Atelier…
Posté par traverse le 19 mai 2008
Je me souviens de Georges Perec et de Harry Mathews que je salue ici, encore et encore,
Je me souviens des ateliers d’écriture des copistes du Moyen Age et des fautes d’orthographe qu’ils nous ont léguées,
Je me souviens de l’écriture, toujours de l’écriture et pas des Ecritures, c’est le singulier qui m’émeut à chaque fois, pas ce sacré pluriel,
Je me souviens des corps qui se placent tout autour de la table, du papier et des stylos qui se concentrent avant le grand galop des premiers mots,
Je me souviens des beautés fulgurantes qui filent dans le ciel de l’atelier, des fusées, des phrases lancées avec force ou pudeur et qui nous laissent muets,
Je me souviens des émotions qui glissent sur les visages, des innocences qu’elles mettent à jour,
Je me souviens d’un atelier à Kinshasa et d’une participante qui se couche par terre en tremblant de fièvre, ça va passer, ça va passer, continuez,
Je me souviens d’un atelier au Portugal et de la chaleur des incendies qui accompagnaient mon train, cet été-là,
Je me souviens d’avoir dit souvent, ce que je vous dis, je m’en prive,
c’est dit, c’est brûlé, ce n’est plus pour moi,
Je me souviens d’un participant qui écrivit un seul texte pour dire son amour pour sa femme décédée récemment,
Je me souviens d’un atelier à Tunis pendant que les bombardiers lâchaient leurs bombes sur l’Irak en 98,
Je me souviens de ma colère alors et de celle de mes amis, de la bêtise tragique à laquelle nous étions une fois encore confrontés,
Je me souviens d’une femme arabe qui me demande, dans le secret de l’atelier, que je lui parle du corps des personnages comme si c’était impudique,
Je me souviens de mon émotion et de ma gratitude, de Tunis si calme ce dimanche, de la mélancolie qui traîne entre nous, des paroles qui s’éteignent doucement,
Je me souviens des lettres envoyées et reçues, des textes calligraphiés en arabe et français, que j’ai lus un soir dans un théâtre en évoquant l’écriture et les bombes imbéciles,
Je me souviens du silence et des applaudissements qu’ils s’adressaient les uns aux autres en riant à pleine gorge,
Je me souviens d’un Atelier où une très vieille femme m’a promis qu’elle écrirait encore et encore dans le temps qui lui restait
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