Quelques ateliers animés en 2008 par Daniel Simon

Posté par traverse le 24 août 2008

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Bibliothèque Mille et Une pages et Traverse asbl 

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Les rendez-vous du mercredi 

Ateliers d’écriture de fictions 

avec Daniel Simon à la Bibliothèque Mille et une pages de Schaerbeek 

1, 8, 15, 22, 29 octobre,  5, 19, 26 novembre,  3, 10 décembre de 18h15 à 20h45 

Dix séances consacrées à l’écriture de « formes brèves »: nouvelles, contes, récits…pour tenter de témoigner de notre expérience d’être au monde…  Raconter une histoire, c’est aussi prendre pied dans l’espace et le temps autrement, avec la distance que crée le récit et qui nous permet de créer des intimités, des existences et des univers singuliers… Dix séances pour lire et confronter à la dynamique d’un atelier les textes écrits par chacun et bénéficier ainsi d’un accompagnement de manuscrits…Bibliothèque Mille et une pages – Place de la Reine 1 à 1030 Schaerbeek
PAF: 135€ payables en plusieurs fois.
 

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L’Auberge espagnole

des écrits en cours 

Vous êtes à la veille d’un projet à écrire et vous souhaiteriez un accompagnement régulier ? Vous écrivez un texte de longue haleine et vous souhaitez  mieux baliser votre travail par la lecture critique d’un tiers ?  Vous vous posez de multiples questions à propos de telle ou telle dimension de votre manuscrit et vous souhaiteriez gagner du temps en entreprenant un dialogue régulier avec un lecteur-animateur ? L’Auberge espagnole (on y mange… ce qu’on y apporte) des écrits en cours est ouverte pour vous dès octobre. Huit séances par an, des rendez-vous individuels à la carte, des réactions par courriels,…voilà le menu ou la carte de l’Auberge… Ces séances seront collectives et certaines, plus centrées sur des « Focus » de chaque manuscrit. Huit après-midi Dates : Du 23 octobre au 28 mai de 14h à 17h. Prix : 135€ Octobre        23 Novembre      27 Décembre      18 Janvier          22 Février         

19  Mars             26 Avril             30 Mai              28  juin   

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Ecrire un récit de vie  

Ecrire un récit de vie, c’est approcher le souvenir et l’émotion d’une expérience d’un moment de vie et tenter d’en faire état en faisant remonter de multiples sensations, perceptions et sentiments nés alors… Mais cette écriture s’enrichit aussi des émotions qui affleurent pendant l’écriture du récit. Comment mettre tout ça en forme ? Comment ne pas banaliser son expérience intime en évitant de la réduire  à un langage qui rigidifierait cette mise à jour par l’écriture ? 

C’est le projet de l’atelier de récits de vie où les textes écrits à domicile seront  « ouvert » en ateliers afin de mieux faire attendre la voix singulière de chaque auteur… 

Dates :  10 jeudis de 18h à 20h30    Du 25 septembre au 04 décembrePrix : 110€ 

Septembre       25

Octobre           02-09-16-23

Novembre       06-13-20-27

Décembre        04

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Ecrire un récit de vie (Approfondissement) 

Vous écrivez ? Vous avez déjà écrit, entre autres des écrits de l’ordre du biographique ? Vous souhaitez poursuivre un projet de longue haleine ? Vous êtes engagé(e) dans un processus qui suppose des « retours » réguliers sur les lignes fortes de votre récit ? Vous avez besoin de l’écoute critique des autres participants de l’atelier ? Enfin, vous souhaiteriez trouver de nouvelles voies qui correspondent mieux à la complexité de la mémoire et des récits qui en émergent ? Cet atelier « Récit de vie » approfondissement vous est ouvert 

6 lundis de 18h à 21h du 6 octobre au 17 novembre 

Prix : 110€ Octobre           06-13-20 Novembre       03-10-17 

A la Maison du Livre : 

Responsable des ateliers et stages :

Gitla Szyffer  au 02/543.12.22 Attention, en cas de désistement, les frais d’inscription ne seront pas remboursés. http://www.lamaisondulivre.be/ateliers.htm 

Entendre sa voix et la parole relationnelle 

Quatre séances autour de la voix et de la parole relationnelle, du souffle, de la respiration, de la gestuelle,…
    Quatre séances pour (re)trouver sa voix, en douceur, dans son propre déploiement, sans modèle, à « sa place»…
   Travail par exercices individualisés et de groupe, gestion du stress et du trac, équilibre émotionnel et parole relationnelle… Un atelier de travail sur la parole, la relation, la gestuelle, la lecture publique, le souffle, la relaxation…
   Un atelier où la pratique d’exercices collectifs alterne avec de nombreux exercices individuels…Un atelier ouvert à toute personne, quels que soient âge, culture, pratique professionnelle…
   Un atelier basé sur une longue et multiple expérience du formateur qui s’adresse autant aux étudiants qu’aux personnes qui utilisent professionnellement la parole quotidiennement…
 

4 séances de 3 heures à la Bibliothèque Mille et une pages de Schaerbeek les samedis 15, 22, 29 novembre et le 13 décembre de 14h à 17h     

PAF : 100 euros  Possibilité de paiements échelonnés pour toutes les formations. Les formations sont données par Daniel Simon (écrivain, éditeur, formateur en prise de parole et animateur d’atelier d’écriture)  

068-2144376-24 de Traverse asbl
Renseignements/inscriptions :
 
Daniel Simon – 86/14 avenue Paul Deschanel – 1030
00.32.2.216.15.10 ou 00.32.477.76.36.22
daniel.simon@skynet.be
 

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Des corps et tout ce qui en sort

Posté par traverse le 9 août 2008

…hier abasaourdis par le faste terrible de l’ouverture des Jeux, La Géorgie et la Russie se battent pour l’Ossétie…des morts, une capitale détruite, du malheur dans l’écho des feux d’artifice… 

Des corps et tout ce qui en sort, de trivial et de sublime, voilà notre humanité… Trop de choses rentrent de force dans des chairs et des cœurs fatigués depuis tellement longtemps que la mémoire hésite: ferrailles, bombes, shrapnells, gaz divers, terreurs insomniaques, infamies et dénis, insultes et sévices, humiliations et menaces, balles explosives et baïonnettes,manipulations et poignards, sirènes et sifflements, de tout pour entamer l’avenir, le présent et la nuit dans lesquels nous allons au bras des espérances.

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Lentement la leçon d’anatomie

Posté par traverse le 5 août 2008

Lentement la leçon d’anatomie arrive au terme où tout se noue en toi et flotte et cristallise, tu crois échapper à ton sens de la géographie, tu connais tes sources, tes cascades, tes estuaires, tes terrains d’assèchement, tes gorges, tes remparts, tu connais mille choses qui échappent au commun et cependant tu peines à vivre dans ce temps qui se moque des doutes, des vagues et des fantômes. Tu te hisses chaque jour au-dessus des mêlées et des sanglots pour atteindre ce qui flotte en chacun et qui pèse du plomb quand les anges s’envolent au loin dans des ciels sans avenir. 

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Les papillons de la bibliothèque

Posté par traverse le 5 août 2008

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 Il avait emménagé en catastrophe, les déménageurs avaient porté jusqu’au premier étage les centaines de boîtes de livres qui pesaient de plus en plus lourd à chaque trajet et il les avait fourrés n’importe comment dans sa bibliothèque.  Les grands à côté des grands, les petits avec les petits, la poésie près du théâtre et les romans emmêlés aux essais ou aux inclassables. Il avait rempli des étagères plus qu’autre chose. C’était à l’image de sa vie sentimentale. Un peu de tout et jamais au bon endroit. Les livres d’art étaient faciles à ranger. Hauts, lourds, peu manipulés, ils occupaient les rayonnages du bas  Mais la place manquait et il avait alors allongé une seconde rangée devant celle du fond et deux épaisseurs de livres donnaient à l’ensemble un air de désordre sympathique, comme si l’empressement était la règle du lieu. 

Il n’en était rien. Tout dans sa vie avait été placé sous le signe du provisoire. Il avait même replié soigneusement les boîtes en carton vides à la cave au cas où il devrait quitter le lieu au plus vite. Il aurait alors de quoi déserter avec ses bouquins si encombrants. Ses bibliothèques occupaient une grande part des murs et comme les fenêtres abondaient, que la lumière était reine, aucun espace n’échappait et l’appartement avait rétréci quelques heures après le départ des derniers copains venus donné un coup de main en fin de journée . C’était un asile, un repli plus qu’un foyer. La bibliothèque s’était révélée très vite le centre du conflit avec sa femme. 

Des livres dans la salle à manger, des livres sur le palier, des livres dans son bureau, des livres dans la chambre, des livres aux toilettes, des livres partout certes, mais pas en pagaille, plutôt dociles et adaptés aux lieux. Pas de piles instables à même le plancher, pas de volumes épars au pied du lit, pas de magazines oubliés dans le fatras des choses quotidiennes, non, mais des livres partout, bien alignés, pressés sur des étagères en bois naturel qu’il avait bricolées et installées quelques jours avant l’arrivée du camion. C’étaient, il lui semblait alors, ses seuls alliés, ses compagnons de toujours et il n’avait aucune intention de les abandonner au nom d’un amour qui n’aimait la lecture que conjuguée au passé ou renvoyée au temps de sa jeunesse. Elle aimait tellement la lecture, disait-elle, qu’elle ne lisait plus…  « Quand j’ouvre un livre, je ne le lâche plus…Alors, tu vois, avec tout ce qu’il y a à faire, je ne lis plus, je suis bien trop passionnée ». Il avait souri mais d’un coup la certitude de son échec lui était tombée sur les épaules. Il s’était trompé, il le savait depuis le premier jour mais il s’était consciencieusement livré à l’ennemi au nom d’un amour fulgurant, profond, affolant et désastreux. Il apprit bien vite qu’une femme qui ne lit pas a assez de croyance dans le réel pour qu’elle puisse vous pourrir la vie en toute bonne foi. 

La lecture était pour sa femme un acte masturbatoire, une sale affaire qu’on se refile entre dépressifs ou ratés. C’était pour elle d’une prétention sans bornes de rester assis ou couché à lire, c’est-à-dire à ne rien faire qui tienne le monde debout, alors qu’on ne sait pas déboucher un wc ou changer une roue de voiture. Cette vanité des lecteurs était encore plus forte à ses yeux qu’elle avait en horreur, tout autant qu’elle en était fascinée, les écrivains et les personnes susceptibles de passer par les mots des énigmes auxquelles elle pressentait ne pas avoir accès. Plutôt que de lire, elle agissait comme la plupart de ses semblables, elle maudissait secrètement les lecteurs et les moquait à chaque occasion avec quelques mots faussement admiratifs où l’inspiration revenait plus souvent que le reste. Elle considérait la lecture comme une pratique religieuse mais en rien une extase mystique. Cela puait la vénération des grenouilles de bénitiers ou des bigotes de mosquées. Elle reconnaissait les gestes mais pas ce qu’ils révélaient. Peu à peu, elle ajouta à mes occupations de lecteur des tares qui me renvoyaient aux limites de l’impuissance ou de la perversité. J’étais un enculé de première dès que j’avais un livre en mains .Je lui avais fait remarqué que son image était insultante pour les homos et les lecteurs mais elle avait repassé les plats en disant qu’il fallait être un homme qui n’en n’avait pas pour consacrer autant de places aux livres dans un appartement où une femme aurait dû être le seul centre. 

Un soir, alors qu’elle lui intimait une fois encore l’ordre de vider l’appartement des bibliothèques, il lui demanda naïvement où il déposerait alors tous ses livres ? Elle le regarda, la fureur dans les yeux, lui lança un de ses anathèmes favoris et quitta l’appartement. La séparation mit des années à se régler mais sa vie ne fut plus jamais la même. Ces livres, ces théories de volumes apparemment sans secrets particuliers, étaient, alors qu’il avait consacré sa vie à les choisir et à les aimer, la seule véritable raison de son célibat forcé. Il avait un goût amer en bouche quand il repensait à la haine qui brillait dans les yeux de sa femme qui rêvait d’autodafés permanents. Elle était de la tribu des incendiaires. Lui, aimait les textes, le papier, les livres de tous genres et de toutes époques, les bibliothèques, les lecteurs et cette vertu si récente dans l’histoire de l’homme qui l’avait conduit d’enfers en résurrections peu à peu dans le silence étonné de la lecture. Cette femme était une fausse innocente qui vivait en toute quiétude une époque de muets et de sourds. Elle avait aussi en horreur le temps consacré par son mari à l’écriture, elle en était cruellement jalouse, elle méprisait ce temps qui ne lui était pas consacré, elle vomissait ces dimanches où il se réfugiait dans son bureau au lieu de se promener avec elle, bras dessus, bras dessous le long des étangs. 

Elle crachait sur ce bel argent disparu dans du vulgaire papier  mais elle se pavanait, elle rayonnait, elle gloussait, elle tortillait du croupion, elle conchiait les autres quand, à l’occasion de l’une ou l’autre lecture publique, elle pouvait se montrer à son bras et soutirer de ces rencontres convenues une gloriole qu’elle exhibait sans pudeur. Son orgueil de pacotille la rendit pitoyable à ses yeux. Elle déclara donc la guerre à la bibliothèque. Des livres disparaissaient, des pages arrachées, des couvertures croquées, … Elle gémissait au milieu des livres en lui lançant des insultes nouvelles chaque semaine. Il avait honte de ce que cette haine produisait en elle. Elle lui rappelait l’internat, la grossièreté de certains pions qui confondaient le dortoir avec une chambre basse de justice. L’alcool augmentait chez certains la conscience de leur médiocrité et il n’était pas rare que le plus lâche, un gros quinquagénaire à la main leste sur les petits, envoie valdinguer contre les murs les bouquins qui traînaient au fond des armoires ou sous les oreillers. Les internes couraient alors les récupérer comme des affamés ramassent les miettes sur le chemin, ils allaient courbés, les yeux baissés et ils emportaient leurs livres en vitesse, sans demander leur reste. Ils méprisaient ces surveillants de l’ennui pour une raison qu’ils ne comprenaient pas mais ils savaient qu’ils souillaient leurs livres de leurs sales mains trempées dans la poisse d’une vie qu’ils devaient maudire plus que le troupeau de pensionnaires attardés qu’ils formaient. Ces adultes sans grâce les renvoyaient ainsi dans une bêtise qui était la leur et dont ils ne se défaisaient jamais. Ils les voyaient encore libres et ils en crevaient. 

Quand elle en eut assez, elle se tourna vers lui et déclara que cette bibliothèque était un endroit malsain et que des sales choses allaient nous arriver : la poussière, les acariens, des microbes…Les livres, c’était comme les pigeons, on pouvait les regarder voler mais il valait mieux ne pas les toucher au risque d’être atteints de maladies de peau, d’irritations ou allergies de toutes sortes. Elle prit les poussières comme une hystérique, elle vaporisait d’insecticide les livres et le parquet tout autour, elle frappait les jaquettes des plus gros contre les tentures bleues comme on secoue une couette ou un oreiller. En attaquant de ses soins la bibliothèque chaque jour, le tout ressembla à une vitrine de bouquiniste scrupuleux qui met ses lots récents en valeur comme un joaillier le ferait avec une rivière de diamants entourée des bijoux assortis. Elle garrottait les étagères de  ses caresses permanentes où elle enfermait les livres de plus en serrés chaque jour. Il étouffait, elle jubilait. Il n’y avait plus d’amour entre eux mais une sombre affection de tous les instants, quelque chose qui les unissait comme un terrible secret, un crime commis dans le crépuscule des coeurs, elle était restée, il ne s’était pas enfui. 

La bibliothèque était devenue inaccessible. Elle était présente comme jamais mais l’approcher familièrement était devenu impossible, c’était comme un tombeau fleuri de formats et de couleurs, une nécropole élégante qu’on longeait le regard vague. Elle était comme une couronne mortuaire dans laquelle nous vivions et tournions comme des chats  maussades. Les mois passaient, les années faillirent faire de même mais la répulsion de sa femme pour la bibliothèque atteignit alors des sommets qu’il ne pouvait comprendre sans une certaine admiration. C’était une guerrière qui se battait tranchée par tranchée et ce genre de combat amènes vite les troufions adverses à des accolades qu’on pourrait prendre pour une humanité d’exception, alors que l’ennui de la mort et des insultes se tarit aussi vite que n’importe quelle passion. Il faut du renouveau à l’horreur, des plages de calme, des bivouacs apaisés et ça repart alors comme jamais dans le pus et le sang, dans l’allégresse et un terrible consentement. Ils en étaient là. Cette haine était leur seule intimité. Et les livres des prétextes sans actualité. Il ne les ouvrait plus, les évitait même, il lisait à l’extérieur, dans le métro, le train, sur les bancs publics, au parc, mais plus chez lui. Ils étaient un symbole qui s’éloignait de leurs besoins réels, ils tapissaient les murs d’une cathédrale de savoir où personne n’entrait, ils s’éteignaient de jour en jour alors qu’il les avait toujours regardés comme les vitraux colorés d’un temple où il faisait bon vivre à certaines heures du jour ou de la nuit. 

Ils s’habituaient à cette zone de conflits comme on se familiarise avec une maladie grave, dans l’attente du pire mais encore en deçà. Une nuit alors qu’il s’était relevé pour aller aux toilettes, il sentit une très légère odeur de brûlé dans le salon, quelque chose comme une cigarette qui se consume dans un cendrier. Sa femme ne fumait évidemment pas et il était très attentif à ne jamais laisser aucun mégot mal éteint avant d’aller se coucher. Ce n’était rien, une simple cigarette mal éteinte dans le fond du cendrier marocain qu’elle lui avait rapporté d’un lointain voyage. Quelques vagues fumerolles mais il n’y avait aucun danger. Il s’inquiéta de ce signe. Il se demanda si ce n’était pas lui qui avait négligé d’écraser le mégot. Il repassa tous ses gestes en mémoire mais rien. Il n’y avait pas de trous dans ses souvenirs récents et ce ne pouvait être lui. Alors c’était elle mais le geste était si infime, si inconséquent, si apparemment naturel qu’il aurait vite déclenché des hostilités pour un peu de cendre tombée dans le fond d’un cendrier froid. Ca n’en valait pas la peine et il se résigna à regagner la chambre où elle dormait profondément. 

Elle avait toujours sur les cheveux ce filet qui retenait sa belle chevelure enroulée et serrée comme un bonnet. Elle savait que cette habitude de célibataire sans grâce le hérissait et avait mis fin à tout désir entre eux.Ca et le reste. Les jalousies morbides, les instabilités quotidiennes, les agressions soudaines ne suffisaient pas. Il fallait que ce filet clôture la journée et entame la nuit où ils dormaient encore côte à côte. Elle n’envisageait pas autre chose. Ils étaient mari et femme et pas question de déroger à ce sacrement, même s’il était vide de toute intimité. La forme, rien que la forme, encore la forme, c’était ça son seul but, son unique obsession. Et la bibliothèque en faisait partie. Un jour, elle ne se sentit pas bien, la poitrine, le cœur, elle ne savait pas. Trois mois plus tard, elle mourait d’un cancer généralisé. Il régla tout, le rapatriement du corps dans son pays natal, la liquidation des dettes communes et il se retrouva seul. Il avait arrêté de fumer et il se sentait vide. Vide mais apaisé. 

Il s’installait souvent le soir dans son canapé, face aux fenêtres donnant dans un élégant arrondi sur les arbres de l’avenue et il rêvassait. Il pensait aux voyages qu’il avait faits, aux amours de sa vie, aux livres qui l’avaient changés, aux échecs qu’il tentait de dissimuler dans des sommeils vagues. Il pensait à cette femme, à son pays qu’il aimait, à sa fin soudaine et un papillon vint voleter devant lui, maladroitement. Il le regarda inquiet. D’où pouvait-il venir ? Une mite ? Il se leva, chercha l’antimite et vaporisa tellement l’appartement qu’il dut sortir et se promener une heure dehors dans l’allée avant de rentrer chez lui. Plus rien  le papillon avait disparu. Le lendemain, même scène mais ils étaient trois. Il en écrasa deux mais il renonça au troisième trop agile et alla se coucher. Cette nuit, il ne dormit pas. Les papillons le préoccupaient. Peut-être venaient-ils de la cuisine, du garde-manger des conserves, pâtes riz et féculents divers ? Il se leva et vida l’armoire, aspergea le tout de désinfectant, nettoya, examina l’ensemble mais rien, pas d’infection. Tout était normal… 

Les soirées s’enchaînèrent sans événements précis si ce n’est que les papillons, chaque soir étaient plus nombreux. Il pouvait les écraser entre ses mains, d’un essuie bien torché, ils revenaient chaque soir. Il vaporisa encore le tout d’insecticide mais les papillons étaient là quelques jours plus tard. Il ne savait plus que faire. Les papillons faisaient maintenant partie de son univers. Ils tournaient lentement dans la pénombre des soirées et son manège reprenait : il les chassait, les écrasait, allait se laver les mains, se rasseyait dans son canapé et reprenait sa lecture. . Un matin, il eut besoin d’un livre précis qu’il ne trouvait pas. Il farfouilla un peu partout et se souvint vaguement d’un endroit où il devait se trouver… Il dégagea quelques livres de la première rangée mais rien. Il attaqua la deuxième, et toujours rien, enfin, il tomba sur ce qu’il cherchait : un volume épais, ancien, au papier ivoire. Il était satisfait, heureux même, il avait, depuis des années reconstituer un ordre mental dans le chaos apparent des classements et à chaque fois qu’il trouvait l’ouvrage désiré, il jubilait. Ca avait été pendant des années comme une résistance passive face à l’acharnement de sa femme. Il saisit le livre et il découvrit sidéré des grappes de larves accrochées à la tranche. Il en sortit un deuxième, même chose, un troisième, un quatrième, …des larves partout. 

Il nettoya toute la bibliothèque, tranche par tranche mais il n’en trouva plus par la suite. C’était, dans la chaleur des vieux livres protéges par la ligne des plus récents que les papillons avaient fait leur nid. Pendant des années, des larves avaient dormi là et maintenant qu’il était enfin seul, les papillons surgissaient comme si le temps de prendre leur envol était enfin arrivé.  Ce soir-là, il s’assit comme d’habitude dans son canapé, regarda les branches des arbres onduler dans la pluie de la nuit et remarqua un papillon voltiger dans la lumière des lampes basses. L’insecte tournait dans la lumière sans crainte, presque sous son nez. Il l’observa longuement et se remit à lire dans le crépitement de la pluie contre les vitres… 

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N’entrez pas dans ce lieu

Posté par traverse le 4 août 2008

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(Une scène de théâtre. Un jeune fille, assise sur le bord, les jambes pendantes, écoute,la nuque cassée, effondrée sous les paroles qui viennent. On entend des avions décoller, des trains passer et s’éloigner, des bruits de marches lentes,…) 

Une femme bien plantée sur ses jambes nues et désignant le sol, un peu au devant d’elle: 

N’entrez pas dans ce lieu si vous n’avez  ni moyens ni permis d’en sortir, fuyez aéroports et gares sous surveillance, 

partez par les chemins et restez dans l’ombre des grands arbres, faites silence sur ce qui vous serre la gorge et ne parlez que lorsque vous pourrez vous garantir protections et distance. 

Voilà ce bel endroit, penché sur son flanc rose,  sur l’Euphrate et ses chansons dorées, sur le soleil couchant et ses vignes serrées, voilà cet endroit large comme la main et accueillant comme des doigts fermés sur une paume sombre, voilà ce bel endroit et comment il se porte, voilà où nous jouons en relevant la tête parfois quand le souffle du taureau nous rafraîchit la nuque, voilà où nous allons en claudiquant et marchant sur une jambe, trop heureux d’échapper au sinistre, au froid et à l’éteint, trop heureux d’être ici, dans l’enchevêtrement des promesses anciennes et des oublis récents, trop heureux d’être ici dans un temps sans chaos  ou plutôt sans effroi mais au cœur du désastre, n’entrez pas dans ce lieu si vous croyez encore à ce que vous entendiez quand vous étiez si loin que le son des souffleurs ne portait jusqu’à vous et que les chansons borgnes vous semblaient si heureuses et belles comme le pain sur la table le matin quand la faim vous réveille. 

Un homme arrive, qui enlace la femme et prend sa place en la repoussant d’un sourire et d’un bras fermes : 

N’entrez pas dans ce lieu si vous êtes nus et faibles,  Sans voix et sans paroles, confiants dans la sagesse, élevés dans le souci des offrandes communes, fuyez et baissez donc la tête, votre place n’est pas ici, vous êtes des organes, des bras, des sexes, des sourires, des narines bouchées sur la puanteur vague des cités ordurières, vous êtes de la viande qui poussera la viande dans le chariot des ventres à venir,  fuyez mais attention où votre pas vous porte,  plus loin, c’est le silence ou les chants obligés, le fouet et la main tranchée comme un souffle qui passe, plus loin, c’est l’endroit d’où vous partez pour arriver ici et cependant ici n’est pas ce bel endroit dont vous rêviez dans l’ombre des façades, c’est un lieu opportun où vous serez heureux le temps de vous y faire à cet ennui commun qui se plaît à changer les moulins en farines et se donne pour attraits tout ce qui vous ruinera.
Mais cet endroit est là, à portée du regard, les cartes sont étroites, les mises en garde vaines, les récits abondants, cet endroit est celui qui vous verra renaître et aussi celui où vous serez si seuls que vos enfants bientôt ne suffiront plus à vous garder debout, vous allez vous coucher le long des souvenirs comme on se glisse le soir contre un corps attendu et désiré si fort que le mal vous saisit d’abord au creux du ventre, puis la poitrine, la gorge, encore le ventre et le tout en même temps pour remonter enfin  vers le silence et des larmes soudaines que vous reconnaissez comme celles que vous pensiez laisser là-bas au pied froid des façades. 

(La femme qui s’était éloignée revient vers le centre du plateau et vide ses poches tout en parlant. Elle jette des objets, mouchoirs, clés,…sur le sol devant elle et tourne lentement sur elle même comme si elle dansait à l’extrême ralenti un flamenco de mort) 

La femme :  …rien, presque rien, quelque chose qui passe inaperçu au début, presque rien mais quand même la petite fille commence à se rendre compte qu’elle n’aura pas le choix, que décidément elle n’a pas le choix, que c’est déjà trop tard, qu’il va falloir se résigner, accepter que toute cette tourmente ait un visage une voilure et un équipage, que toute cette tourmente frappe de plein fouet la résignation que ses chers parents tentent déjà de lui inculquer, et tu ne feras ni ceci ni cela ma chère enfant et tu ne mentiras point et tu resteras désarmée là où les hommes vont le visage peint des signes de l’impuissance et du mensonge, tu accepteras, petite, de te faire traiter de petite et tu seras ainsi le visage dans tes boucles, le corps dans ses secrets, l’âme dans cette éternelle apnée qui garrotte le souffle des enfants qui ont compris trop vite que le monde qu’ils devront traverser est particulièrement beau et dangereux pour les enfants de tous acabits, petits et forts, grands et faibles, muets et arrogants, habiles et consternés…

Ces tout petits enfants pourraient faire lever le monde comme une pâte fine et légère mais ils grandissent déjà et la pâte s’alourdit, le levain surit, l’air n’est plus subtil et s’effondre par endroits, les petits enfants alors se redressent, leur larynx se détend et les premières phrases montent vers le ciel des dieux qui poussent encore la corne au seuil des désastres et ces enfants parlent un babil de fée et d’enchanteur, … Petite la jeune fille tournera la tête comme pour dire qu’elle n’en aura plus pour longtemps à écouter les lamentations des vieillards et des repentis, la petite fille prendra ses cliques et ses claques et s’en ira danser ailleurs pour épuiser toute cette tourmente qui est en elle et qui se noue déjà dans l’abri chaud du ventre, elle n’aura plus de respect, surtout pas de respect, petite fille pour ceux qui sans cesse  usent de ce mot – respect- et en abusent -respect- alors qu’ils méprisent ceux qui tentent de donner à leurs gestes l’élégance d’une bienveillante nature –respect- voilà l’insulte enfin nommée –respect- et cette ritournelle d’impuissance tourne et moud le grain des pauvres d’esprit –respect- petite fille en as-tu assez pour tout ce que tu sais et qui te vient de loin, de si loin que déjà on s’éloigne à peine a-t-on appris la nouvelle chanson, et te voilà petite fille à nouveau, jeune et belle, la tourmente te prend toujours le ventre mais tu as appris à rire d’une nouvelle voix et tu ris à gorge déployée et ris et ris encore contre ce respect –respect- qui sera un jour et tu le sais le seuil de tes ennemis mais en ce moment tu avances vêtue de ta plus belle colère, jeune fille tu marches vers celle que tu deviendras sans les grimaces de la sagesse et du respect, tu marches lentement crois-tu alors que déjà tu cours à perdre haleine et ta colère est là qui te précède alors que tu la croyais loin derrière dans les abris et les casemates enfumées des hommes assemblés, tu la croyais déjà perdue, cherchant sa place dans le ventre d’une autre, tu l’as voulais ailleurs pour mieux t’alléger et te séparer un peu plus du monde et de ce plomb qui te saisira les chevilles trop longtemps, cette colère que tu ne connais pas encore, qui babille ses imprécations, qui ne remue que de la cendre –respect et cie- mais qui a compris que tu accepterais de l’abriter pour un temps et que ça suffirait à laisser en toi des marques que chacun reconnaîtra plus tard en te disant dans un souffle « calmez-vous jeune fille vous y passerez comme les autres » mais tu ne l’entends pas de cette oreille, tu renâcles déjà, tu t’obstines à ne pas comprendre et à ne pas entendre « calmez-vous jeune fille vous y passerez vous aussi » mais ça ne passe pas, ça obstrue, ça grimace et la phrase en verra de toutes les couleurs, anéantie de bleu et de rouge pivoine, toute cerclée de diamants et de fleurs odorantes, la phrase reviendra peinte comme les petites filles aux allures de putain, la phrase résonnera alors qu’elle est déjà farcie des bêtises communes, elle arrivera jusqu’à cette petite fille qui se dresse sur la pointe des pieds pour éviter le pire qui est de ressembler aux enfants qui font semblant d’être des enfants, donc elle en est là cette petite, le ventre un peu délesté de cette peste ancienne qui traîne dans les cours où vont jouer les enfants, elle avance vers cette beauté nouvelle qu’elle a cru reconnaître et qui est celle d’une femme qui guette déjà sous des airs détachés tout ce qui empêchera sa colère de trouver son orchestre, sa fosse, son public, tout ce qui empêchera un court très court instant le monde de tourner et la jeune fille de faire ses simagrées sans trop y croire mais bon, faut payer son écho à la marche des grands singes, grandir et tirer ses culottes, peigner ses cheveux et agrandir ses yeux, faut arrondir les angles partout où on se blesse et soudain on découvre que tout est émoussé, que la colère s’essouffle, que la terre vomit chaque jour sa coulée d’enfants sages et que peut-être enfin elle, la petite devenue jeune et femme, est tranquillement en train d’oublier que la tourmente est passée sur elle il n’y a pas si longtemps, que la colère exige sa ration quotidienne de taille, de rage et vertu, que la bête a grand faim et qu’il faut la nourrir, que l’ogresse va les yeux vagues et les mains à tâtons dans le fourbi du monde chercher sa nourriture, bêtise, cruauté, entendement et raison partagée…     

(La jeune fille s’est redressée et repousse violemment la femme qui tombe à la renverse, elle l’enjambe et se plante droite sur le bord de scène et commence. Peu à peu, elle va descendre dans la salle et parle avec le public dans une sorte de douceur marquée de secousses violentes comme si elle était prise de soubresauts, de saisissements soudains, jusqu’à disparaître dans le fond de la salle. L’homme peu à peu va se rapprocher du corps de la femme étendue et se pencher sur elle, la prendre dans ses bras. C’est une mater dolorosa, une piéta qui se compose lentement…L’homme doit pleurer légèrement pendant tout le texte de la jeune fille, dans un silence total. Tous les autres bruits doivent être éteints.) 

La jeune fille :  Pour qui vous vous prenez ! Hein ? Pour qui ou quoi ? Des juges, des éducateurs, des merdes oui ! Vous parlez comme le cœur vous le dicte mais votre cœur bat dans un rythme ancien, il se gonfle de très anciens savoirs et vous pensez que vous m’impressionnez parce que je suis plus nue que ce plancher en matière de mots, de belles phrases fort balancées…  Qu’est-ce que vous croyez, hein ? Que ce monde si chiadé et tout emmitouflé de sentiments si beaux qu’on en pleure de loin… Hein, qu’est-ce que vous croyez ? Je suis ici, avec ou sans voile, le sexe sans aucune élégance, bonne à bouger mes fesses jusqu’à vous, toujours jusqu’à vous et votre vocabulaire, mais mes armes sont plus violentes, je frappe en-dessous de la ceinture, je tire dans le dos, je hurle quand vous me demandez de la fermer, qu’est-ce que vous croyez ? Que j’en sais autant que vous dans votre égalité si rapiécée que la gale est la seule évidence de votre é-gal-ité ! Qu’est-ce que je peux faire ? Quoi ? 

Il y a beaucoup d’enfants morts dans les histoires des hommes et la plupart sont enterrés dans le cœur fragile des hommes et ils ne savent que faire de cette chose là au fond d’eux qui les rappelle sans cesse à eux-mêmes, qui les ranime quand ils se laissent enfin couler, qui les étreint quand ils sentent encore un peu d’amour les traverser, cette chose étrange qu’ils tentent d’oublier de toutes leurs forces et c’est quand elle est en moi,  presque inavouée, transparente, qu’elle est la plus définitive mais que faire alors de cette colère ?

Hein, que faire ?

Je suis ici en petite fille…(un long silence) et je me mets à jouer… et ça en fait des raisons, et encore des raisons et des raisons encore…et encore, et encore, de jouer, de jouer, et de jouer encore…

                                           

Noir scène, lumière salle.

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