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Dans la clarté, il y a de la lumière

Posté par traverse le 31 octobre 2008

Dans la clarté, il y a de la lumière qui nous effleure un court instant avant l’ombre qui tombe comme une mauvaise nouvelle sur les épaules des passants. Le temps de s’ébrouer et la clarté revient mais la lumière a fui dans les diagonales du souvenir.

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Pessoa dans l’entre-deux

Posté par traverse le 30 octobre 2008

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J’aime les photos d’ombres, je m’y emmêle parfois ne sachant plus si ce sont les morts qui nous regardent, comme Pessoa, lunettes sévères et lèvres pincées dans l’impatience de tout ce qu’il n’a pu achever, ou nous qui les guettons, sous les formes les plus improbables. Ici, il semble nous attendre, étonné que nous jouions avec lui le jeu des apparitions….L’enfant en skate se fiche de cette image que je construis entre trois temps et file dans la vitesse, hors de ces endroits de lumière et de pierre où nous allons doucement.

 

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Littérature à la Dolce Vita

Posté par traverse le 29 octobre 2008

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Les 12 et 13 novembre en soirée, je lirai  Révolutions de palais à la Dolce Vita…. Pour plus d’infos….lire la suite.
Bienvenue…  

Lectures dans le cadre de la Fureur de

lire 2008 sur les Révolutions 

Me 12 et Je 13 novembre à 20h   Performances/Slam/Lectures/Débats/ Rencontres 

avec les écrivains Alexis Alvares Barbosa, Nicolas

Crousse,  Daniel Simon, Françoise Pirart, Françoise

Nimal, Théophile de Giraud, Jean-Luc De Meyer ,… 

Durant ces 2 jours, l’Atelier de la Dolce Vita entre en révolution.  En révolutions plus précisément, car il faut durant ces deux jours s’attendre à une déclinaison du thème.  De nombreux artistes ont en effet répondu à notre invitation et présenteront des projets qui nous feront (r) évoluer dans leurs univers.  Nous pourrons nous délecter de courts textes de slam après avoir écouté une nouvelle, puis passer d’un court métrage à un morceau de musique électronique doublé d’une performance.  L’Atelier de la Dolce Vita  en pleine mutation y trouvera assurément de quoi nourrir sa dynamique. 

« Révolutions de palais » de Daniel Simon 
Le projet consiste en une lecture performance d’un texte à propos des lieux communs de la pensée et de la langue qui sont les véhicules des fausses émotions avant le temps des impassibles..(le texte sera composé de plusieurs « mansions » (sortes d’étapes qui vont de l’enfer au paradis dans la scénographie du Moyen Age ) qui permettront des lectures fragmentées et/ou même des lectures chorales. 
Ce texte sera communiqué dans le cours du mois d’octobre sous sa forme définitive. La performance sera accompagnée d’une projection vidéo. 

Daniel Simon, né en 1952 à Charleroi.  Ecrivain, metteur en scène indépendant, formateur en communication, il collabore également à plusieurs projets au Portugal, Maroc, RDCongo, Roumanie, Tunisie,…Anime des Ateliers d’écriture depuis 25 ans. Chroniques, articles, entretiens, collaborations culturelles diverses…  Publie des poèmes (à L’arbre à paroles, L’Ambedui et récemment, « D’un pas léger » aux éditions Le Taillis Pré), des textes dramatiques (une vingtaine de pièces jouées ou publiées (Lansman, Aven, Archipel,…), des nouvelles (« L’échelle de Richter », chez Luce Wilquin),… Anime
la Revue de Récits de Vie
JE et la collection de livres du même nom où il vient de publier un récit, « L’école à brûler ». Vit entre Bruxelles et ses lieux voyage…  Blog : http://traverse.unblog.fr   -  daniel.simon@skynet.be  0477/763622     02/216.15.10 

texte en ligne: http://traverse.unblog.fr/2008/10/29/revolutions-de-palais-2/

Françoise Pirard 

Révolutions… De la révolte populaire à celle de l’individu face à sa solitude.  Trois hommes dans un endroit clos, une cellule de prison, trois qui hommes remettent en question leurs espoirs et leurs certitudes. Un texte de Françoise Pirart.   

BIBLIOGRAPHIE   Romans et nouvelles 

-         La croix de Saint-Vairant, roman, Éditions Pré-aux-Sources-Bernard Gilson 1992 

-         Le rêve est une seconde vie, roman, Éditions Pré-aux-Sources-Bernard Gilson 1993 

-         Le décret du 2 mars, roman, Éditions Luce Wilquin 1994 

-         L’oreiller, nouvelles, ÉditionsLuce Wilquin 1995  -         Les uns avec leur amour, les autres avec leur haine, roman, Éditions
Luce Wilquin 1997 

-         La Grinche, roman, Éditions Pré-aux-Sources-Bernard Gilson 1999  -         Mes grandvoyages à travers le vaste monde et les atmosphères qui l’entourent, roman, Éditions Luce Wilquin 2000

 -         La valse du Pont suspendu, roman, Éditions Ancrage 2001  -         La fortune des Sans Avoir, roman, Éditions La Renaissance du Livre 2004/Éditions Le Grand Miroir-Luc Pire 2005  

-         Le trois-mâts de Sébastien, récit pour enfants, Éditions Averbode 2006  -         La nuit de Sala, roman, Éditions Arléa 2006 

-         Le chapeau de Monsieur Prune, album pour enfants, Éditions Delphi 2008 

-         Simon, l’enfant du 20e convoi, Éditions Milan 2008     Piet Lincken 

Lecture de mes textes inédits sur ce thème « Révolutions »; ce serait des textes courts sur lesquels je peux interpréter des oeuvres sur piano ou synthétiseur composées pour l’occasion .La durée totale est libre, à vous de choisir en fonction de l’organisation de la soirée.  Une soirée « Révolutions » m’intéresse bien entendu au plus haut point, tu t’en doutes !
 
Suis fort débordé pour l’instant : pas le tps donc de remplir le dossier en détail, mais aurais bien envie de participer en lisant des extraits de mon dernier bouquin intitulé « Diogenèses, poèmes pour patienter entre deux génocides« , tout un programme, non ? :-)
 
Ce texte est publié aux éditions Maelström, dans la collection Booklegs. Un ami que je t’ai déjà brièvement présenté, Jean-Luc De Meyer (chanteur de Front 242, le célèbre groupe électro) vient aussi d’y publier un savoureux, virtuose et rigolo recueil de textes oulipiens intitulé « Tous contraints« . Jean-Luc étant un performer hors pair, je te proposerais donc de l’inviter aussi à venir lire qlqs extraits de son recueil à cette occasion. 
   Irène Kaufer, Garance asbl02 216 61 16info@garance.be    N
icolas Crousse      

Poésie  Lecture de textes courts mettant en scène les révolutions opérées par le regard poétique sur les  actes du quotidien
Il s’agit donc de proposer une lecture de textes brefs, aphoristiques (pas plus de six-sept vers)  qui jettent un certain regard sur le quotidien, en confrontant ce dernier à l’absolu que prétend rechercher le poète. Les textes lus seront de la même teneur que ceux présentés lors de la soirée en hommage à Marcel Hennart. Les poèmes sont comme des pointes acides, pleines d’ironie et d’humour noir.  
Biographie de l’artiste:
Alexis Alvarez Barbosa est né à Namur en 1980. Il a étudié les Langues et Littératures Romanes à Namur, Louvain-la-Neuve puis Madrid, où il s’est  spécialisé en littérature hispano-américaine. Il a été chercheur à l’UCL, lecteur de français à l’univeristé de Valence et  actuellement il enseigne le français à Namur et Liège, ville dans laquelle il réside. Sa poésie s’exprime tantôt de manière très ramassée dans des poèmes de type aphoristique (Viatiques pour nulle part), tantôt dans des textes en prose (Exercices de chute). Il publie régulièrement dans des revues en France (Pyro, La page blanche, Nouveaux Délits…) et en Belgique (Le Fram, Barillet, Reflets) J’ai aussi publié quelques textes en espagnol dans des revues en ligne (Deriva, Cuerma)    
(http://petitefrappe.blogspot.com)Informations pratiques     

Prix du spectacle: 8€  Bar et restauration Ouvert de 18h à 23h30 en fonction de nos activités, expositions, partenariats et locations. Notre bar vous accueille pour déguster, entre autres, d’excellentes bières spéciales et vins originaux, d’incomparables tartes sucrées, toutes artisanales.  Attendez-vous également à des plats surprises ou menus orientaux ou encore des spécialités turques et bien entendu de succulentes tartes salées qui vous régaleront lors de notre table d’hôte au Bateau Lavoir. Service traiteur sur demande: buffets originaux ou menus, ou encore des cocktails sur mesure pour minimum 50 personnes… Réservation au 0485 40 33 44 ou par mail :  sofianeibsaine79@yahoo.com  Location de salle  Toute l’année, en fonction de notre programmation, il est possible de louer notre salle : les informations détaillées et les tarifs sont disponibles sur notre site ou sur demande écrite ou téléphonique. Nos salles sont louées uniquement pour des répétitions, des conférences, des séminaires, des réunions, des stages, des cocktails de début de soirée,  Réservation / Billetterie Nos activités commencent à l’heure. La billetterie est ouverte 1h avant l’activité). Si vous avez réservé votre place, merci de vous présenter 30 minutes avant le début de l’activité, au risque de voir votre réservation annulée. Si vous vous désistez, merci de nous le signaler au moins une heure avant. Le prix le plus bas concerne les étudiants, les chômeurs. Les personnes faisant partie d’un groupe de 10 personnes au moins bénéficient d’une réduction de 1 €. La carte Senior vous donne droit à 1 € de réduction. La convention Article 27 donne droit à une entrée à 1,25 €. Nos activités sont gratuites pour les enfants de – de 6 ans.  Abonnements 

La carte de membre à 15 € l’an vous permet de recevoir notre brochure périodique et un verre de bienvenue lors de votre première visite. Coordonnées bancaires : KBC 421-7148231-93  Heures d’ouverture  Administration / Infos : de 12h à 17h du mercredi au vendredi  Réservation : par mail ou sur répondeur 24h/24h et 7 jours sur 7 Exposition : entrée libre  de 12h à 17h du ma au ve, sur rendez-vous, après les spectacles durant la période de l’exposition et vernissage… Billetterie: ouverte 1 h avant le début de l’activité Bar : ouverture de 18h à 24h uniquement durant les activités culturelles ou les locations de salle… Le dernier verre est servi à 23h30  Stages Gospel ou week-ends d’écriture: ouverture dès 9h30 Ateliers conte ou écriture: ouverture dès 18h30 / Les spectacles en soirée: ouverture dès 19h  Informations pratiques Contacts 37a rue de la Charité,  1210 Bruxelles  Tél./Rép. : +32 (0) 2 223 46 75 GSM: 0494/ 79 86 07 Site web: www.atelierdolcevita.be E-mail : info@atelierdolcevita.be 

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Révolutions de palais/poème

Posté par traverse le 29 octobre 2008

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Un premier souffle est né, un autre se prépare et déjà il

expire.                                              

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Tombeau premier pour ma colère dans la voix rouillée de trop d’intransigeance, bienvenue aux phrases de défaite, de délabrement et de désastre, bienvenue aux rêves éteints dans le froid couloir des palais, bienvenue aux relents et remugles qui ne tombent jamais que dans l’oreille d’un sourd, bienvenue ! Tombeau premier pour cette bourrasque qui ne devient jamais murmure quand elle fore son chemin entre les muscles  thoraciques et les marais abdominaux, bienvenue !  Tombeau deuxième pour nommer cette colère qui découpe la lame qu’elle croit lever, et frappe sur le corps de qui l’entretient et qui la veut définitive, arrachée aux fulgurances de la voix, aux intransigeances de notre voix dans le corps qui se fait lourd alors qu’elle se détend comme on l’entend, qu’on la voit prendre place dans le centre de ce corps trop petitement cousu pour les débordements, qu’elle invite à inaugurer d’autres lieux plus secrets, le ventre, le sexe, la croix des épaules quand la peur tombe, que les chairs s’affaissent et que l’âme s’élève, allons rions de cette élévation, de cette colère blanche, oubliée des couleurs de tous crus et rions encore plus de cette chaleur qui tombe sur la terre et où nous nous asséchons en rêvant de fontaines. Tombeau troisième pour les voleurs de sang qui entrent sans cesse en moi et me le prennent comme s’ils entraient dans un jardin public, s’en vont et me laissent dans mon sang qui illumine le sol dans l’ombre des pardons espérés et jamais reçus, m’ont laissé et s’en vont, barbares agiles et lâches, frappent n’importe où, quitte à se frapper eux-mêmes, arrivent, frappent, s’en vont et laissent tout ce sang s’échapper des branchies qu’ils nous font dans les lignes des flancs. Tombeau quatrième contre la généalogie des illusions, les pitiés et les circonstances des tribus, contre l’attachement des clans et des familles étroites, contre cette chose terrible qui dévore la bonté au nom de la bonté, contre cette machine de remords et de crainte, contre cette homélie, ce chant de désespoir que les pauvres des  pauvres chantent en se prenant la main pour se sentir moins seuls à beugler dans le vide, tombeau quatrième pour les dieux anciens tombés au fond des fosses et que nous recouvrons d’une amnésie commune. Tombeau cinquième pour le carrousel des mensonges, beau carrousel et tourne carrousel jusqu’à ne plus nous laisser voir chevaux de bois et carrosses de sucre, carrousel de la main sur le cœur, du contentement, des yeux humides, de la voix enrouée et des raisons majeures, carrousel magnifique des soliloques du mépris et de la tentation, tourne et tourne, emporte tes enfants qui mentent comme des arracheurs de dents, emporte-les au loin, cavale et roule carrosse, cavale, vale, vale, vale…et noie-les au plus proche de la rivière qui te mouille les pieds. Tombeau sixième enfin avant bien d’autres que vous reconnaissez au plus profond de vos terres intimes, tombeau sixième de la colère quand les baisers ne valent plus que le temps de les donner, baisers perdus, tombés du bout des lèvres, baisers d’accompagnement qui abondent chez ceux qui abandonnent, baisers de sucre roucoulés sous le couvert des morts, baisers si froids qu’ils brûlent à tout jamais, baisers que j’attends et que je donne ne sachant que faire pour me défaire de cet antique goût des baisers premiers, colère d’en être encore à compter ce miracle au nombre des usages racoleurs et des espérances mises à sécher comme linge d’après boire.                                                                                                                 

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A présent qui rendra justice à ma colère dont je cherche ici à partager la dépouille encore chaude,  notre nourriture à jamais, qui rendra justice pour ce qui est tombé sous la herse des larmes, pour ce qui a été vendu à l’encan des évidences, pour qui s’est endormi en rêvant de sentinelles dans le jardin où j’aimerais me coucher au milieu du combat des chairs brunes et sucrées mais je ne peux que rappeler à moi la voix forte de la colère qui est comme une épine plantée dans le talon et dire au milieu de ces rêves de chairs, de caresses et d’emportements que je ne vis pas dans un château de verre, que le monde vient jusqu’à entrer en moi au-delà des limites, que le sommeil ne m’est plus d’aucun secours si ce n’est à perdre l’usage ébloui de la parole, dire qu’à l’époque, au début, dans un temps que je n’ai pas connu mais je vous en assure, que j’ai mille fois visité, dire que je n’avais aucune idée de ce que allait être ma colère et que je ne le voulais pas telle, aussi inextinguible, dire que je n’avais et n’ai toujours aucun désir de céder à cette compassion des apostats, aucune inclination pour le goût des renoncements ou des arrachements infructueux au sirop et à la moiteur du monde, rien qui me désigne comme objet livré à cette sainte déraison, non rien et surtout pas l’emportement ni la hargne ni la furie ni la mise hors de soi mais la simple colère, la terrible et impitoyable colère qui n’attend que la nuit pour s’en prendre à la simplicité du mal, à cette impossibilité à jamais de dire aux murs qui se referment qu’ils ont toute raison de masquer le monde et de nous encercler dans cette nuit à étapes, éperdument recommencée, que cette colère interdit l’innocence des massacres, elle vous fait rengainer le sabre dans le fourreau au milieu de la bataille parce que votre plus évident ennemi vous a craché au visage et que vous, Mahomet au coeur du carnage et de vos rêves de conquête, vous avez essuyé ce crachat en ravalant ce qui n’était plus qu’une simple éraflure sur la joue de votre orgueil, un souffle qui ne vous atteignait plus, une ombre effacée dans le retrait de votre regard, oui, cette colère qui crépite ou qui cuit à feu lent sur le visage de ceux qui viennent de tout perdre et qui sont renvoyés au lieu commun de l’indignité, cette colère comme une chronique des temps de l’infamie, une colère qui tombe au coeur des hommes comme un oiseau mort changé en vermine en plein vol, une colère qui déroule ses eaux calmes aux quatre saisons et qui emporte des cités dont les barrages ont cédé aux premières menaces, une colère apprise dans l’expérience du corps qui s’effondre lentement, du corps qui décline ses adjectifs de fatigue et de l’amour qui se confond si souvent avec le refuge du sommeil ou les funérailles des éblouissements, cette colère qui a trouvé refuge dans l’ancien temple, dans la maison du doute et de l’inquiétude où culmine l’horreur du temps et la passion de la durée, cette colère qui me rend plus coupable qu’autrefois et autrefois se dissout en moi à chaque instant comme on déplace un rocher pour masquer la vallée et c’est alors une tumeur plantée au milieu de l’entrelacs des muscles, des nerfs et de la graisse que vous avez tant aimé alors que ce corps qui est le vôtre n’avait pas encore livré toutes ses conséquences, qu’il était offert sans gratitude à la beauté des langues étrangères, aux doigts agiles et odorants, aux vertus humides, aux dents des passagères et à leurs paroles qui vous paraissaient invulnérables, à cette dévoration primitive où vous avez chanté le mouvement du sang et l’absence de miracles parce que c’est dans la présence du sang que vous voyiez tout miracle et que vous vouliez effacer le pourrissement de votre vocabulaire et que vous ne le pouviez qu’à condition de mourir à l’instant et que cela vous ne le vouliez pas…tout de suite, cette colère que je dressais contre les temps de la crédulité, je pensais donc pouvoir en couvrir les pans de ma détestation, les lames de cet enfermement qui faisait que mon corps était tout entier dans l’ordre du renoncement et je savais qu’il était puéril de tenter cette chose qui est d’échapper à ce qu’on ne veut pas, ou plus, ou jamais plus, je savais qu’il me fallait aller plus droit, plus intensément vers le cœur de cet embarras qui est au fond de chacun qui renonce soudain aux tourbillons et qui se hisse un peu plus hors de lui, je savais qu’un peu de calme allait surgir de cette façon de dire pleinement oui à ce qui ne cessait de m’agiter et de me battre, de me tordre et de m’essorer enfin dans la liquéfaction des colères sans combats et je dois vous ajouter que ce passage du non vers le oui a besoin d’une irrémédiable blessure, une marque que chacun peut reconnaître, oh combien de fois avez-vous tenté de l’effacer ce stigmate silencieux? Combien de fois avez-vous tenté de la réduire, de la circonscrire, cette colère qui accélère soudain l’équilibre instable des cellules ? Combien de fois n’avez-vous pas baissé la tête devant cette marque que vous aviez patiemment gravée depuis que vous pratiquiez le babil des survivants ?                                                                                                                                                          

…et la honte est peut-être une réponse à ce que je vis ici, la honte, le remords, quelque chose de retenu, comme du sang qui ne vole pas au secours de la douleur, de l’oxygène qui pourrit d’être trop vicié, de la matière qui n’arrive plus à monter dans les vapeurs, une certaine idée du mal qui ne fabrique pas son antidote, quelque chose de mort qui se prend pour la vie, rien de bon, de la misère en somme, du fracas dans le vide, du feu ajouté au feu, de la colère à la colère, tout ce fatras à ce fatras qui vous invite à des rêves d’ordre et il vous incombe de toujours, encore et encore organiser le chaos, cet état dans lequel vous n’êtes pas sûr d’y arriver parce que cet état vous met en situation de déséquilibre, vous avez essayé d’imprimer jusqu’au fond de chaque cellule de chaque membre et de chaque organe qui vous constituent, cette colère qui est une façon de dire à votre tête, à votre ventre, à votre sexe, à vos bras et vos jambes que décidément non, il ne s’agit pas d’accepter que vos cellules se mettent en ordre, elles ne vivent que pour ce désordre futur qui vous emportera, , l’ordre vous dis-je, l’ordre toujours, cette chose qui fait mourir la colère et nourrit le crabe qui vous dévore, et ce désordre sera leur raison d’être, elles bougeront, vivront, voleront au secours les unes des autres grâce à ce désordre initial qui sera un jour le rêve du corps, quand les clones, les reproductions auront testé cet ordre et nous enverrons dans l’enfer de la similitude, mais ne rêvons pas, l’absolu miracle de la nature, l’équilibre qui nous maintient c’est ce désordre, cette façon d’achever l’inachevé, cette manière de nous maintenir dans le monstre alors que nous tentons d’être anges, montres vous dis-je, monstres toujours, témoins du désordre et de l’anéantissement, témoins de la destruction des rêves et de la fastueuse trahison de la mort qui remet sans cesse dans ce désordre l’ordre du recommencement voilà soudain cette cellule mangée de l’intérieur alors que nous la scrutions, elle se déplace peu à peu vers des endroits que nous ne voyons pas encore, elle mute d’un coup, elle avive sa capacité à nous échapper, elle glisse vers ce que nous n’avons pas encore pensé, elle disparaît et nous sommes là, le ventre, le sexe, la tête, les bras, les jambes encerclés de douleur, ne sachant plus à quels désespoirs nous vouer, nous coulons lentement, la lumière se dissout peu à peu et puis, ça y est, une étincelle, cette explosion qui nous dit que nous sommes plus vaillants que jamais à rebrousser ce fantôme qui traînait sur la plaine et qui refermait sur nous le désert et la steppe, ça y est la bousculade a commencé, les murs s’effondrent, de l’air entre enfin, vous hissez la tête hors de vos épaules, vous la maintenez presque hors de vous et vous regardez à nouveau la prairie et la pluie et le vent vous couvrir, vous vous décidez alors à maintenir ce regard aussi loin que la vallée vous le permet parce que vous êtes devenu plus fort d’un seul coup et d’un seul coup la vallée s’effondre et vous devez encore vous hissez plus haut pour voir plus loin et ainsi de suite jusqu’à ce que vous vous désarticuliez, membres distendus, cœur débordé, cerveau chauffé à blanc, ça y est, la colère a réussi à vous étreindre et tout ce corps qui n’était que désirs, ce corps accueille enfin tous les autres, vous n’êtes plus plein de rien, vous vous videz littéralement et c’est infiniment lent à faire entrer, le monde, ça se bouscule parfois mais ces petits effrois ne sont rien à côté de ce renflouement qui vous occupe, vous êtes submergé, ébloui par la légèreté qui envahit le territoire que vous comptiez garder pour vous, il faudrait renoncer souvent à ce puissant appétit d’ordre, d’entendements, de souvenirs d’évidence et de savoirs, les techniques viendront peu à peu, les silences suffiront aux liens et la bête se nourrira de ce qui veut bien la pénétrer mais un jour la bête a faim, si faim qu’elle accélère le mouvement de ce qui la dévore, cette bête chaude, cette bête rouge qui vient quand le soleil se couche, cette bête féroce qui dévore tout ce qui semble tenir et d’un coup, plus rien ne tient et ne marche, la bête est venue chercher son dû et il faut donner un peu trop, un peu plus que ce qui était annoncé et ce plus, ce trop ce tout petit peu pas prévu fait lever en vous, comme en moi aujourd’hui, fait lever la colère et ça gronde et ça monte jusqu’à importuner le bon entendement de ce qui devait tourner et aller de soi et d’un coup, c’est ça, d’un coup, le trop, le plus vient ensemencer les déserts et les steppes et tout se lève d’un coup après la pluie, ça germe et meurt du même élan, j’hésite à continuer, c’est difficile de voir tout germer et mourir dans la même averse, c’est difficile et il faut de la patience, il faut de la patience, vraiment, de la patience, une longue et inaltérable patience, de la patience, patience et patience encore.                                                               

                                                          

                                                                                  

Non. Ce n’est pas un coup de tonnerre un coup de sang, c’est du trop plein, de la vague qui vient dessus la vague, cela qui noue et dénoue à la fois mais qui arrache ce qui traîne et qui n’a plus de force, ça vrille, fore et écrase, ça revient quand on la croit partie et voilà que ça revient encore et encore, il faut faire mourir en soi la vertu des mesures, la vertu…c’est fait, c’est dit, c’est déjà le dénouement en vous et ce n’est plus grâce à vos yeux, cette chose immonde qui ne vous a pas annoncé sa venue, cette chose qui est venue un jour en moi, ce tout petit peu en trop, cette marge qui avait glissé un peu trop loin, cette démesure qui vous a pris au dépourvu et contre laquelle vous ne pouviez plus rien, plus rien puisque vous étiez, je le rappelle, je prends mon temps en disant cela, à le rappeler, que vous étiez prêts à l’ordre et au désordre, au grand combat de cet envahissement contre la peste et vous étiez, j’étais, prêts à ouvrir la porte à la peste, je l’ai ouverte, je vous rappelle l’éblouissement et tout ce qui s’en suit, je vous rappelle l’anéantissement, le subtil nouveau mélange en vous du monde et de ce que vous pensiez, croyiez même un peu être et moi aussi j’étais prêt au débordement mais je suis mort d’étouffement peu à peu, c’est le trajet annoncé de toute vie enterrée au cœur fragile des hommes mais les hommes ne savent que faire de cette chose, là tout au fond et qui les rappelle sans cesse à eux-mêmes, elle les ranime quand ils se laissent enfin couler, elle les étreint quand ils sentent encore un peu d’amour les traverser, cette chose étrange qu’ils tentent d’oublier de toutes leurs forces et c’est quand elle est en moi,  presque inavouée, transparente, qu’elle est la plus définitive, je suis obligé de la reconnaître, moi qui ne suis pas encore arrivé à la simple connaissance du cristal, de la fumée ou de la joie et qui a mis la vertu des colères au centres des mirages.

Octobre 2008

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L’aventure de l’écriture

Posté par traverse le 25 octobre 2008

 
Cette nouvelle saison 2008/2009 de Lettres Ouvertes, nous propose de partir avec le service Culture de la Commune de Schaerbeek à l’Aventure de l’Ecriture.
L’Aventure de l’Ecriture, c’est l’Aventure de la vie, notre vie, en compagnie de huit auteurs, créateurs d’univers singuliers.
Ce parcours est conçu en huit étapes par Patricia Le Hardÿ, créatrice de l’ASBL L’Atelier des Mots.
Il s’agit d’explorer à partir de huit mots clés nos vies en même temps que les mystères de la création littéraire.

Pour commencer cette nouvelle saison, l’écrivain et psychanalyste François Emmanuel déclinera le mot Origine.  L’auteur de  « Regarde la vague « « La passion Savinsen », « L’enlacement « (Le Seuil ) nous parlera de ce qui est à l’origine d’une oeuvre. Comment un livre naît-il ? Comment les écrivains racontent-t-ils qu’ils créent ?

Nous verrons qu’à l’origine de toute création, il y a un mythe.

Quel est le sien ? Quel est le nôtre ?

Chaque soirée sera animée par Patricia Le Hardÿ, journaliste.

L’Aventure de l’Ecriture: un parcours en 8 étapes, un point de vue d’auteur au départ de 8 mots-clé.

Terre Le 12 décembre, avec Sophie Buyse

L’auteur de “L’organiste”, Maëlstom, nous parlera de son dernier livre, inspiré d’un voyage au Pérou et d’une initiation chamanique. Il sera question de la nature qui se protège des hommes comme elle peut, de stérilité et même de livres qui empoisonnent leurs lecteurs…

Arbre Le 16 janvier, avec l’écrivain Lydia Flem

L’auteur de “Lettres d’amour en héritage”, “Comment j’ai vidé le grenier de mes parents”, Seuil, nous parlera de l’écriture comme un chemin pour être soi, distinct de nos ascendants et descendants. Chemin de liberté, qui pour elle, passe par les contraintes qu’elle se donne à écrire dans une forme littéraire inclassable!

Souffle Le 20 février, avec Bernard Tirtiaux

Le maître-verrier, écrivain, “Le passeur de lumière”, homme de théâtre, musicien, nous parlera de la vie qui nourrit l’écriture et du feu de la transformation et de la création qu’il s’agit d’entretenir avec enthousiasme.

Enfance Le 20 mars, avec l’écrivain Gilles Lapouge

L’auteur de “L’encre du voyageur”, Albin Michel, nous fait faire un saut au pays de l’esprit d’enfance. Ce flâneur, comme il dit, évoquera pour nous une vie riche de rencontres et de réalisations, d’Apostrophes, qu’il créa avec Bernard Pivot en 1975, du Festival des Etonnants voyageurs dont il est l’un des piliers.

Image Le 17 avril, avec Patrick Cauvin

L’auteur de “Une maison en été”, Nil, évoquera sa passion pour les acteurs d’Hollywood, son métier de critique de cinéma au Journal Pilote, ses livres adaptés au cinéma, L’amour aveugle, Monsieur Papa, E= MC2 mon amour…

Trace Le 15 mai, avec Xavier Deutsch

L’auteur de “Les poissons”, Le Cri, nous parlera de l’envie d’écrire, de la littérature comme expression de ce que l’auteur ignore plus de ce qu’il sait, et de la vie d’auteur, au service du livre et “suffisamment silencieuse” pour donner forme à ce qu’il sent naître en lui.

Rythme Le 19 juin, avec Colette Nys-Mazure

L’auteur de “Perdre pied”, Desclée De Brouwer, aime tous les modes de passage d’une flamme. Elle nous parlera de l’alternance entre “le creusement solitaire de sa voix nue” et l’écriture en échos de peintres, musiciens, graveurs, sculpteurs…

Informations et réservations:

Un vendredi par mois, de 19h à 21h30. Entrée: 15 €.


4 Square Baron Bouvier 1060 Bruxelles Tel: 02/5378382

 latelierdesmots@skynet.bewww.vivretoutsimplement.be

Le cycle complet: 100 €

Membres de l’AMAS (Amis de la Maison des Arts): 7 €

Maison des Arts

Chaussée de Haecht, 147
1030 Schaerbeek
02 240 34 99culture@schaerbeek.irisnet.be

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Trajectoires de vie en pointillés

Posté par traverse le 22 octobre 2008

A l’administration communale de Schaerbeek, Place Colignon, jusqu’au 12 décembre (ouverture de 11h à 13h et le jeudi de 9 à 19h. 

Allez voir l’exposition Trajectoires de vie de Francine D’huslt scénographiée par Stéphanie Denoiseux et coordonnée par Christiane Van Den Spiegel des bibliothèques de Schaerbeek. 

 

« …Ce matin, je découvre l’exposition : des « cabanes » en tissu tendues de textes témoignages de vies en pointillés…Des portraits photographiques de femmes immigrées et arrivées ici, chez nous, chez elles, il y a peu ou plusieurs années déjà, certaines encore dans des statuts provisoires et instables, d’autres qui se sont posées comme elles pouvaient sur la branche qu’elles ont trouvée au cours de ce long vol jusqu’à Bruxelles.

Elles viennent d’Orient, d’Afrique, d’Europe, elles sont jeunes ou déjà des « mamies » , elles sourient à l’objectif de Francine D’huslst ou se cachent derrière un carton où les mots excision et exil cohabitent, elles ont raconté une part de leur vie à l’auteur de cette exposition toute en confidences et chuchotements ; un livre est né où ces fragments de récits de vie sont mis à plat comme lorsqu’on parle à quelqu’un de confiance, elles nous disent la difficulté de vivre et le bonheur des rencontres, elle sont au cœur de la cité et elles attendent votre visite…Bienvenue. » 

 

Daniel Simon 

22 octobre 2008 

 

Infos : www.mabiblio.be 

02/240.32.80 

Stéphane Dessicy, coordonnateur Bibliothèques 

(sous le patronage de Georges Verzin, Echevin Culture, IP et Bibliothèques de Schaerbeek) 

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Rien qu’un temps entre deux lumières

Posté par traverse le 19 octobre 2008

 Rien qu’un temps entre deux lumières, les bras ouverts dans cette fluide ignorance,

aller inaperçu dans les allées d’une aube déjà froide que nous embrassons dans  

l’écarquillement des aveugles.

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Trajectoires de vie

Posté par traverse le 18 octobre 2008

Photographies et entretiens de Francine D’hulstSans titre.JPG

Dans le prolongement d’un travail photographique sur l’immigration initié il y a plus de vingt ans, Francine D’Hulst a réalisé des portraits de femmes qui fréquentent les cours d’alphabétisation et de français/langue étrangère. Elle les a rencontrées individuellement et, petit à petit, grâce à leur parole, se sont élaborés des récits de vie, traces de leur mémoire à la fois personnelle mais aussi collective et universelle. Exposition du 21/10 au 11/12/2008 à La Salle du Musée de l’Hôtel de Ville de Schaerbeek
Lu – Ma – Me : 11h-13h/ Je 9h-19h
Vernissage le 21/10 à 19h

Pour plus d’information, cliquez ici

Christiane Van Den Spiegel,
Chée de Helmet, 272 – 1030 Schaerbeek – 02/242.68.68
cvandenspiegel@schaerbeek.irisnet.be

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Le contraire de la chose

Posté par traverse le 18 octobre 2008

Un livre impertinent tout en je et en invectives….

Poèmes et dessins de l’écrivain et éditeur anversois dans une forme

époustouflante…

Le contraire de la chose de Alain Germoz, éditions Archipel, en librairies

ou chez l’éditeur: Archipel, 7, Jan van Rijswijklaan, B2  2018 Antwerpen,

89 pages, 12 euros, courriel: vzwarchipel@pandora.be

 

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Papa est en Voyage de et par HAMADI

Posté par traverse le 12 octobre 2008

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Allez, courrez, découvrez ce seul en scène où peu à peu, des générations prennent pied, celles de l’immigration et des transplantations…violentes d’un sol sur un autre, d’une culture à une autre, d’une existence précaire à une disparition annoncée… 

Et en filigrane, c’est de notre histoire qu’il s’agit en permanence. 

Un spectacle sobre, tendu, généreux, maîtrisé de bout en bout avec cette grâce qui nous rend plus heureux d’avoir approché un peu plus près ce qui nous relie avec tant d’évidence dans le souffle de Hamadi : une humanité sans pathos, un amour de la vie sans concession à nos aveuglements, une colère nourricière de justice… 

Hamadi, dans spectacle de la maturité, tisse dans une forme parfaitement épurée, une parole où s’entrecroisent le récit de vie, la mélopée, le chant, la parole murmurée et la profération contre l’insondable bêtise de l’obscurantisme ordinaire… 

Daniel Simon 

Du mardi 23 septembre au samedi 18 octobre 2008
Relâche dimanches et lundis à 20h

Au Pathé Palace 85 boulevard Anspach à 1000 Bruxelles

Infos et réservations : 02 537 01 20 ou ICI

CRÉATION

«… un être normal, peut-être, est celui qui est capable de raconter sa propre histoire. Il sait d’où il vient (il a une origine, un passé, une mémoire en ordre); il sait où il est (son identité; il a des projets (et la mort au bout). Il est donc situé dans le mouvement d’un récit, il est une histoire, et il peut se dire.» (Oliver Sacks, neurologue).

Quelque part, au Maroc, un enfant essaie le costume que son père – travailleur immigré en Belgique – vient de lui envoyer. Le costume est trop grand. La photo est prise, celle d’un enfant seul, noyé dans une immense veste grise. Dès qu’il reçoit cette photo si triste, le père fait venir auprès de lui sa femme et ses enfants. Une autre vie commence. Et l’exil du jeune Hamadi débute… Dans Papa est en Voyage, Hamadi évoque ses souvenirs d’enfances, l’exil, les départs et les retours, les figures chères aujourd’hui disparues, les confrontations entre les langues et les terres berbères du nord du Maroc et les cieux souvent pluvieux mais doux de Belgique, la parole et la vie des petites gens, leurs mythes, leurs rêves… le tout ponctué de chants sur le mode des improvisations vocales a capela des femmes berbères. L’histoire d’un homme aux prises avec sa propre histoire.

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Autour d’Helen Hanff

Posté par traverse le 6 octobre 2008

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Bruxelles, le 29 août 2008 

 

Cher ami, 

Cher Jean-Louis, 

 

Le livre que tu viens de m’envoyer est un cadeau d’une autre époque, celle de ces années cinquante, justement, où il fut écrit au fil des correspondances et d’une amitié fondée sur un  enthousiasme pudique. 

Je suis troublé par cette passion si évidente, cet amour si profond, ces sacrifices si constants que Helene Hanff  porte à tous ces livres qu’elle attend au fil des ans. 

Ce sont les années de ma naissance, à peu de chose près, et je replonge à l’instant dans un temps qui était comme entre parenthèses, la guerre venait de finir et la prochaine,  l’atomique se profilait entre Cuba et nous. C’était une époque qui était toute empesée de principes et en plus d’un demi-siècle, ces principes se sont faits rares, paraît-il, alors que c’est l’exigence intérieure qui est venue à manquer au nom de la satiété générale. 

Mais ton geste me renvoie plutôt à ma bibliothèque que je suis en train de la dégraisser de tous ces volumes qui ont compté mais qui aujourd’hui me renvoient bizarrement à une mélancolie tenace, celle du temps qui passe et qui est enfermé, là, dans ces livres qui m’ont fait et accompagné pour le meilleur et pour le pire. 

Je ne me débarrasse pas d’eux, comment pourrait-on effacer le temps qui est en nous, mais je suis occupé plutôt à faire de la place pour les livres d’un autre temps, ceux de la méditation sur l’avenir, ceux qui feront de mes jours et de mes nuits des durées irremplaçables. Comme je suis un homme de paroles, je ne doute pas que je les ferai connaître autour de moi et il est vrai que de parler des livres sont toujours une façon de les protéger et de leur rendre grâce. C’est une façon de les rétribuer de ces qu’ils déposent en chacun de nous, lecteurs ou  non. Et j’aime dans cette correspondance, le soin méticuleux apporté à décrire les livres attendus et envoyés. Ce soin, ce n’est pas cette banale maniaquerie que certains portent au papier, à l’odeur, au toucher des livres –j’ai remarqué que la plupart de ceux qui s’extasient ainsi de façon générale ne lisaient pas- mais plutôt une attention à la biographie, au récit de chaque livre. 

Cet attachement ne me semble jamais être une complaisance vieillotte mais plutôt une façon de nommer son partenaire, de lui donner formes et instance, de l’inscrire dans le cours de notre vie. Ces partenaires, je les ai si souvent appelés à mon secours alors que j’allais dans des désespérances de mon temps et à chaque fois, j’ai fait une chose que je peux dire ici, je les ai pris entre les mains, manipulés, feuilletés, entrelus et régulièrement, redéposés dans la bibliothèque. 

Je ne voulais pas défaire ce sentiment qui me remplissait, ce besoin de lecture, je n’étais pas prêt à la satisfaction  de ce désir. Je préférais ne pas lire entièrement tel ou tel auteur plutôt que de consciencieusement l’épuiser. Je préférais rester sur ma faim…et me sentir encore en attente. J’aime ces longues patiences au pied d’une œuvre, je sais approcher ce qu’elle recèle sans l’éventer d’un seul coup. Et je retrouve cette façon d’ogresse qui sait ménager ses appétits chez Helene Hanff. 

Paradoxal, diras-tu ? Oui, et non contradictoire…J’aime ces approches circulaires, ces séductions subtiles et ces bombances soudaines. Bien sûr des millier de choses se font autour du livre, mais trop souvent autour, et de plus en plus de périphéries, d’animations ,de promenades autour des livres nous éloignent d’eux, me semble-t-il. 

Dans ma bibliothèque, plusieurs livres sont arrivés chez moi de la même façon que le rapporte Helene Hanff: des correspondances, des envois d’amis qui me savaient intéressés par un sujet précis à certaines périodes de ma vie, des livres chinés chez des bouquinistes, la plupart, des hommages d’auteur qui me gratifient de leurs livres que je lis chaque fois, même si beaucoup me tombent des mains. 

L’amour est difficile, on le sait, il ne se vend pas, il s’arrache à l’indifférences des bonheurs obligés et des passions vite consommées…Les relations  avec mes livres ont été aussi intenses et imparfaites que les péripéties d’une vie amoureuse ; des histoires courtes et longues se sont assemblées au fil des ans pour constituer une bibliothèque intérieure, comme une autre scène. 

Hölderlin disait que le projet de toute vie était de trouver une forme. Certains dessinent leur vie d’un trait ferme et rectiligne, d’autres enchevêtrent les épisodes et le trait s’égare, d’autres encore soulignent en se répétant le même trait jusqu’au bout, d’autres enfin, en pointillés, marquent les hésitations les pertes, les deuils, les rendez-vous manqués, les impasses qu’il ont retenues en eux. 

Ces fuites, ces fusées, ces bonheurs, c’est notre dernière bibliothèque, celle qui est en nous, que nous emportons, résignés de ne pouvoir les lire tous…et d’en témoigner, encore et encore dans les enfers provisoires où nous allons. 

Je serai heureux d’y retrouver Helene Hanff et ses chers libraires. 

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