L’école à brûler/L’école sous tension
Posté par traverse le 20 décembre 2008
REGARD
L’école sous tension
Monique Verdussen
Pourquoi apprendre ces choses « que je sais même pas à quoi ça sert ».
De ce livre, on ne se dit pas qu’il est beau, attachant, bien ou mal écrit. Il est juste nécessaire. Dans l’air d’un temps qui n’est plus ce qu’il fut, où personne n’entend personne, où chacun se rassure comme il peut à coup d’idées convenues, de réflexes simplistes ou de gestes destructeurs. Et l’école, celle qui va mal sans que l’on en saisisse toujours les raisons profondes, semble le révélateur de ce malaise ambiant. On n’y chante plus avec l’insolence provocatrice mais inoffensive d’hier « les cahiers au feu ». L’école, on la brûle. Par défi. Par désespoir. Par ce sentiment qu’ont certains jeunes de n’y apprendre pas ce qu’il faut pour vivre, pour avoir un métier, pour être parmi les autres dans une existence qui ne ressemble pas à celle de son père. Et surtout pas à celle de sa mère.
Sur ce sujet éminemment d’actualité, Daniel Simon propose un parcours à entrées multiples pour approcher de l’intérieur ceux et celles qui attendent de cette école plus peut-être ou autre chose que ce qu’elle peut donner. Faisant appel à ses souvenirs, l’écrivain remonte à l’école de son premier jour avec larmes, sentiment d’abandon, peur de l’inconnu, ignorance de ce qu’il convient de « dire ou pas dire ». Il dit l’arène d’apprentissage qu’est une cour de récréation. Il s’attendrit sur la petite sœur qui le rassurait de ce bruit en lui « qui me met parfois hors de moi ». Il évoque la curiosité faite d’attraction et d’inconnu que l’on éprouve, à l’adolescence, pour les filles d’à côté et fixe l’instant de douceur d’une maîtresse attentive qui « aide à tenir debout ». Il se glisse dans l’ennui de l’internat dont on hait les « geôliers » même quand on les plaint et où l’on se rêve une vie de l’autre côté des murs bien qu’encore protégée des horreurs du monde que l’on comprend mal. Les guerres. Les violences. Les défaites de parents « qui s’engueulent comme des tarés », les usines qui ferment, la normalité de la laideur
L’enfant, les enfants dans la tête desquels s’insinue l’auteur de « L’école à brûler » ne veulent plus que ça dure tout ce temps trop long à attendre d’être grand et de pouvoir faire les choses selon leurs envies et leurs espérances. « Font tout pour nous dire que c’est beau bon bien cette école, font tout ce qu’il faut, mais rien pour voir vraiment de quel mal je souffre, de quoi je me défais. »
Et, un jour, l’école brûle. Mêlant les temps, les voix, les registres d’écriture, Daniel Simon suit, sans outrance polémique mais avec une attention compréhensive, le parcours qui, de l’amour/haine d’autrefois, a basculé dans une fureur destructrice face à laquelle « je sais plus quoi faire », se désespère le directeur d’une école désormais sous tension. En parallèle, il met en exergue l’incompréhension des contestataires face aux adultes « qui veulent que j’apprenne des trucs que je sais même pas à quoi ça sert ».
Daniel Simon est écrivain et éditeur. Il fait du théâtre dans les écoles et forme des enseignants. Il vit de près ce dont il écrit.
La Libre Belgique du 19 décembre 2008
(dessins de Serge Goldwicht)
love it
unfortunately we have to spend time at school learning many useless things too