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J’ai hérité d’un monde étrange et dangereux

Posté par traverse le 31 décembre 2009

 J'ai hérité d'un monde étrange et dangereux dans Textes 301220091058

J’ai hérité d’un monde étrange et dangereux où je vais aller longtemps. Je traverse la nuit dans un rêve de lait bleu et la forêt résonne de bruissements incertains. Il n’y a rien d’autre à souhaiter que cette nuit qui va se raccourcir un jour sur le printemps qui vient.
J’entends sonner dans cette chambre sans murs des voix que je connais.
Ce sont les premiers mots, ceux qui ne s’arrêteront jamais.
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C’est toujours un cheveu qui m’aide à revenir

Posté par traverse le 31 décembre 2009

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C’est toujours un cheveu qui m’aide à revenir.Ou à partir.Tout tient toujours à un cheveu. Un cheveu encore pour rebrousser chemin. J’ai des tristesses soudaines devant ce cheveu qui flotte dans les ordures du jour. Je souffle, il bouge à peine, il s’incruste dans la maille, dans la moiteur. Je souffle sur un cheveu qui n’est plus rien que la lumière vermicelle d’une disparition. Je roule ce filament et le porte à la bouche, sur ma langue où il glisse entre salive et paroles tout le reste de la journée dans le chuintement sonore de son absence.

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Ce bruit dans ta poitrine

Posté par traverse le 30 décembre 2009

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Ce bruit dans ta poitrine, comme un cheval qui frappe l’horizon de l’enfance,
l’entends-tu se perdre dans le battement du sang?
Qui veut écrire cet écho des sabots s’évanouit et tombe au coeur du minéral.

L’hiver arraché comme un bandage des yeux, trop de lumière tombe soudain dans le sang.
Les mots déçoivent les enfants qui parlent de mensonges, leurs mains alors dénoncent la mésentente du jour.

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Silence. Ou comment épeler cette absence

Posté par traverse le 30 décembre 2009

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Silence. Ou comment épeler cette absence quand le monde décline jusqu’au sommeil?
Il manque une marche à l’escalier qui monte jusqu’au sommet, jusqu’à l’abécédaire.
On babille, on grogne, on gémit et le silence se referme sur ces dernières protestations.
Une marche, rien qu’une encore, dis-je en accusant la vitesse, les voisins, l’agenda.
Silence, comme un instant hors de portée.

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Elle porte ses seins comme une chronique du bonheur

Posté par traverse le 29 décembre 2009

Elle porte ses seins comme une chronique du bonheur.

C’est en apnée qu’elle exhibe sa poitrine tatouée de tissus. Elle emballe ses mamelles d’ébène comme à regret. Ce sont des fougères ondulant sous la brise, elle offre aux aveugles des senteurs de gingembre et des parfums sonores.

Ses seins abondent et la précèdent comme des sanctuaires en maraude où chacun veut presser ses ampoules de lait. C’est un Stabat Mater de talc et de clapotis sucrés. Une histoire sans fin aux aurores pointues où des mouettes dorées viennent pondre.

C’est un bouillonnement de vagues, une conversation avec des hôtes de tafetas, un commencement, une confusion, un rivage choyé. Quelqu’un, un jour, s’est emparé de ce mystère après une lente expédition au centre même de la chaleur. Il a écouté battre le coeur sous le sein, courir le sang sous le sein, flotter la chaleur dans le sein et il s’est endormi. Des éblouissements l’ont fait tomber si bas qu’elle a dû se pencher et sa poitrine fraîche est venue le narguer. Il a ouvert un oeil et très vite la bouche. Ses mains se sont levées, ont offert leurs empreintes aux couronnes granelées.

C’est une barque que je prends, un navire de printemps, une arche de douceur. Il se disait cela en signant les rondeurs d’un baiser sans témoins.

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Monique Phoba, réalisatrice, documentariste et poète/RD Congo

Posté par traverse le 28 décembre 2009

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« LA POÉSIE ME PERMET DE SOUFFLER UN PEU ET DE REPRENDRE DU COURAGE »

entretien de Tanella Boni avec Monique Mbeka Phoba,mars 2009
MONIQUE MBEKA PHOBA, CONNUE COMME REALISATRICE DE DOCUMENTAIRES, PUBLIE SON PREMIER RECUEIL DE POEMES, YEMADJA*.

Vous êtes réalisatrice de documentaires depuis 18 ans. En poésie, il s’agit de votre premier recueil, même si quelques-uns de vos poèmes ont déjà été publiés par Pius Ngandu Nkashama, dans une anthologie (1). Comment s’est fait ce passage d’un art à l’autre et je suppose que l’image et le mot ont toujours cheminé ensemble ?

J’ai écrit très jeune, encouragée par mon père, qui avait une dévotion pour la littérature et, singulièrement, pour la poésie. Il a fait tant et si bien que j’ai commencé très tôt, pour lui faire plaisir, à bricoler de petits textes vers 9 ans, qualifiés indûment de poésies. Mais, j’ai persévéré et il y a eu une époque où je pondais littéralement des poèmes, au point, à la fin de mes études secondaires, de trier les meilleurs pour en faire un recueil d’une centaine de pages dénommé : « Effervescences ».

Malheureusement, il n’a pas trouvé preneur dans une maison d’édition, c’est d’ailleurs à ce moment-là que Pius Ngandu Nkashama, qui l’avait lu et apprécié, a pioché quelques œuvres pour les inclure dans son anthologie de la poésie zaïroise. Finalement, un peu découragée, j’ai trouvé un autre terrain d’expression dans le domaine de l’audiovisuel (la radio, plus précisément) pendant 5 ans, puis dans le documentaire, depuis 18 ans.

Mes poèmes sont des textes que j’écrivais pour moi, au fil des années, sans souci de publication. Je retrouvais parfois, des années après, des gribouillis au milieu de mes scenarii de documentaires, écrits et presque aussitôt après oubliés. Je le faisais entre les moments où je me pressais les méninges pour rédiger mes scenarii de documentaires. La poésie était quelque chose qui me ressourçait, me délassait, me permettait de souffler et de reprendre courage… Ce n’est pas évident pour moi de voir ces textes publiés. A priori, c’était des petites choses pour moi et mes intimes, conservées dans les marges de ma vie. Ce qu’ils révèlent est apparemment perturbateur, beaucoup des gens qui me connaissent par ailleurs, disent que c’est extrêmement surprenant de me découvrir auteur de tels textes, si passionnés, si désinhibés… Que ça ne correspond pas à l’image qu’ils se faisaient de moi.

Mais, la documentariste et la poétesse sont deux facettes de moi et je ne pense pas qu’elles soient contradictoires.

Paul Emond, un de mes professeurs, écrivain de théâtre belge, m’a décrit qu’il était (je le cite) « admiratif de ta grande sobriété et du ressenti des mots qui forment le poème, admiratif aussi de l’assemblage si simple et en même temps très subtil de ces mots ».

Et c’est exactement cela : j’écrivais pour moi et je n’avais pas besoin de m’épater moi-même. Écrire, c’est comme une autre respiration.

Ce recueil a un titre évocateur, Yemadja, divinité marine que l’on retrouve aussi bien sur les côtes africaines (Golfe du Bénin) qu’à Cuba mais aussi ailleurs en Amérique latine, au Brésil, au Venezuela. Qui est Yemadja et pourquoi avoir choisi le nom d’une divinité pour un recueil de poèmes ?

J’ai vécu au Bénin entre 1995 et 2007 et j’avais des amis dans le milieu littéraire, à qui, incidemment, j’ai fait lire de vieux poèmes. Je n’en écrivais plus tellement, peut-être un ou deux valables par an. Un metteur en scène béninois, Hermas Gbaguidi, a décidé d’en assembler quelques-uns et d’en faire une mise en scène pour le théâtre : « Départs / Chœurs de femmes » : cela a été l’embryon de « Yemadja ». À partir de ce moment-là, j’ai recommencé à écrire des poésies à la même cadence que lorsque j’étais adolescente : c’était très gai. Quand Hermas Gbaguidi venait me voir pour me tenir informée de l’avancement de la pièce, à chaque fois il repartait avec une nouvelle cargaison de poèmes. Il m’a fait vraiment un très grand cadeau. Quand la pièce a été créée, j’en ai écrit encore un certain nombre. Et puis, l’idée m’est venue de les proposer pour l’édition. Mais, ce projet a encore beaucoup traîné jusqu’à ce que je rencontre Bienvenu Mongaba Sene, alors que j’avais quitté le Bénin et étais revenue à Bruxelles. Ce professeur de sciences d’origine congolaise, qui travaille en Belgique, a décidé de monter une maison d’édition pour publier la nouvelle génération des auteurs congolais : les éditions Mabiki. J’ai adoré ce volontarisme et nous avons coédité le recueil ensemble. Il faut dire que j’ai été encouragée par un de mes frères qui trouvait inadmissible de voir ces poèmes dormir dans un tiroir et ne m’aurait pas laissée tergiverser plus longtemps.

Ce recueil, composé de quelques longs poèmes peut se lire comme un appel au voyage autour des éléments cosmiques, du soleil, de la Terre-mère mais surtout de la mer. La dernière partie s’intitule « rivages »… Et vous prenez la peine d’expliquer, à la fin du recueil, l’univers de « Yemadja ».

Je n’ai pas vraiment eu, durant mon séjour au Bénin, la démarche d’essayer d’en savoir plus sur le vodoun. Je trouve que tout le monde se précipite, que ça devient une sorte de piège à touristes, avec un côté voyeur. J’ai été attirée par cette divinité, Yemadja, parce que j’ai développé une véritable intimité avec la mer, durant mon séjour au Bénin. Très souvent, même en n’y allant pas, je me voyais dans la mer et ressentais le besoin de la mer. Et le fait que Yemadja serait à l’origine des amours difficiles de ses adeptes est une histoire qui m’a complètement fascinée. Mais, encore une fois, je n’ai pas fait de recherches particulières et n’ai pas eu le désir d’un engagement plus formel envers cette divinité. Cependant, j’ai fait de Yemadja une sorte de marraine de tout mon vécu béninois, du fait d’avoir écrit là-bas, d’y avoir fait des films, d’y avoir organisé un festival, d’y avoir fait des rencontres, qui resteront extrêmement importantes, d’y avoir eu tellement de projets, de rêves, exagérés bien sûr, comme tous les rêves…Yemadja, c’est aussi un titre qui me permet de dire au revoir à ce pays, au revoir à ma jeunesse et à toute son ardeur amoureuse. Car j’entre maintenant dans mon âge mûr, je commence une autre étape de ma vie.

Mais il s’agit aussi de poèmes d’amour, de cheminement ensemble (p.67) de fusion parfois ou de séparation ?

Poèmes de voyage un peu, mais plutôt poèmes d’amour, de fusion, de ruptures, de solitude, c’est plutôt cela. Il y a l’amour, la passion, le ressenti et le partage et, à côté, la certitude de la solitude et de la mort.

Vous n’oubliez pas de célébrer, en passant, des personnages historiques comme Lumumba, Nkrumah et Sankara notamment dans le poème « Indépendances ».

Les indépendances sont une sorte de constante dans mes films, dans mes écrits, une antienne : qu’avons-nous fait de notre indépendance, de tous ces rêves, de toute cette joie, de cet investissement, de ce sentiment d’invulnérabilité et de puissance, qu’avaient tous ces gens, et que l’on perçoit encore dans les photos, dans les textes… Le plus célèbre étant le discours de Lumumba. Où dorment, cassés et reniés « 7 fois avant le chant du coq », nos héros, des gens comme Lumumba, Cabral, Sankara, qui nous faisaient vibrer, nous réclamaient notre courage, notre investissement, notre passion… De passage à Ouagadougou, en vacances, en 1986, j’ai un jour envoyé un courrier à Sankara, pour lui demander une interview pour ma radio estudiantine : et il m’a écrit pour accepter. Cette interview reste un des plus beaux souvenirs de ma vie. Qui aurait aujourd’hui cette générosité, cette attention aux autres, parmi nos dirigeants ? J’avoue que je ne me retrouve pas dans cette époque de calculs, cette suprématie du système libéral qui nous a conquis jusqu’aux os et qui est le piège dans lequel nous nous délitons. Ce n’est pas ce que mon père m’a appris et, malédiction ou pas, je reste fidèle à son « rêve d’indépendance », qui est d’ailleurs le titre d’un de mes films. Cette obsession qui était la sienne est devenue la mienne. Et cela, d’autant plus qu’il est mort et que je suis héritière de sa douleur d’avoir vécu l’échec de sa génération.

Daniel Simon, votre préfacier, dit, à propos de votre poésie, qu’il s’agit d’une « tentative de reconstruction du monde, d’un monde plus beau et plus juste ». Qu’est-ce que la poésie, pour vous ?

Tenter de se créer un monde plus beau et plus juste, un monde habillé de vos mots, c’est l’éternelle magie du poème, cette scansion, cet émerveillement de mots s’enfantant l’un l’autre, bijoux de lumière.
Mais, tout cela, sans être dupe : ce n’est qu’un poème…

Filer le temps entre deux doigts

Certains gagnent leur vie en la rêvant, ils passent d’une incertitude majeure, celle de vivre, d’exister, à une béatitude banale, à la portée de tous : vivre ici et maintenant en n’ignorant rien du temps qui passe.

Monique Phoba semble de ces anges-là, elle saisit le temps, cette coulée invisible d’éternité entre ses doigts et des papillons s’envolent pour se poser au hasard des rencontres entre les pages de son cahier. Peu à peu, les papillons s’apaisent et les poèmes se mettent à vibriller….
J’ai été plus d’une fois touché au plus profond en lisant ces textes d’amour et de tentative de reconstruction du monde, d’un monde plus beau et juste, bien sûr, que celui dont nous avons hérité dans une malédiction incommensurable. Nous savons où la grâce se loge et nous n’y avons que si rarement accès…

C’est la vertu du poème de nous y emmener de temps en temps, quand les vers sont délivrés de toute afféterie, que la musique ne se donne pas à entendre comme unique et exemplaire mais au contraire, dans la résonance de tout ce qui précède, de tout ce qui est advenu avant nous…
Monique Phoba nous donne ici, dans son recueil Yemadia, une majestueuse accolade, elle bat le rythme des accords, elle peaufine ce qui pourrait nous rassembler, elle vise au cœur de notre incertitude et ce sont des mots simples qui nous rassérènent alors, des mots qui ne se paient pas de fausses élégances, des mots passés au fil des désirs exacerbés et des attentes si longues que la vie est soudain trop courte.

C’est une cinéaste, une auteure, une poétesse, une femme attentive à ce qui sourd de la bouche des vivants quand ils ne sont sûrs de rien, quand ils sont un peu perdus dans le brouillards des vies qui s’effritent, c’est une nourricière qui nous offre matière à sustenter notre faim irréfragable d’amour.
« J’ai des livres que je ne lis pas/Ils me tombent des mains/Le monde est ardu à explorer/Et pourtant je suis libre/J’ai du temps je suis jeune (…) » Les vers sonnent juste, ils ne tambourinent pas de terribles mélopées, ils se posent dans des évidences contiguës au mystère. Ils se déplient dans des échos d’Histoire (l’ombre de Lumumba set présente), dans des reconnaissances familiales, dans des désirs insatisfaits qui se concentrent en un vocable et en un continent, l’Afrique.

Monique Phoba explore ce qui nous manque tous, les lieux de l’origine, les traces d’un bonheur volatile, les preuves d’une filiation irrémédiable.
Un livre que j’aimerais poser sur ma table comme la photo d’un être cher que l’on rêve de retrouver encore et encore, jusqu’à la fin.

Daniel Simon
Octobre 2008

EXTRAIT DE « RIVAGES », YEMADJA (P.71)

Peut-être baisser les armes
Et nous rendre la mer…
La mer et ses gestes chauds
L’écharpe de ses vagues au cou
La mer et sa complainte débordante
Autour du ventre
La mer et son grain de sable
Et son perpétuel questionnement d’écume
La mer et sa grotte de suppositions
Dans son alambic verdâtre
La mer et son goût d’écume et de vent
Dans lequel on n’est plus rien
La mer et son tambour battant de gouttelettes
Sur le rivage qui n’en peut mais
La mer et son adieu chuchoté de coquillage
A la voix de Yemadja


1. Pius Ngandu Nkashama, La terre à vivre, La poésie du Congo-Kinshasa, Paris, L’Harmattan, coll.Poètes des cinq continents, 1994.

Yemadja, Bruxelles, éditions Mabiki, février 2009, 73 pages
disponible aux éditions MABIKI, chez Bienvenu MONGABA, email : editionsmabiki@ yahoo.fr

http://www.africultures.com/php/

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2010 Odyssée de l’espèce…

Posté par traverse le 27 décembre 2009

Le jeu de mot est facile, déjà vu, déjà fait, déjà annoncé mais quand même, il nous renvoie à la pensée de Paul Virilio qui nous invite à penser à l’accéléraration de l’Histoire vers l’Evenement, puis vers l’Actualité fondée sur l’émotion accélérée, c’est-à-dire l’Accident, et enfin sur l’avénement prochain du Micro-temps qui acompagnera nécessairement le temps des nanotechnologies. Il est le penseur de la Catastrophe (fonde l’Université du Désastre) et non pas le philosophe catastrophiste. Penser la Catastrophe, c’est une façon d’y faire face et non de la souhaiter…

Comme le dit Hannah Arendt, « Le progrès et la catastrophe sont l’avers et le revers d’une médaille. »

Paul Virilio Philosophe

Urbaniste, il est né en 1932 à Paris d’un père italien et d’une mère bretonne. Il est un enfant de la guerre, et c’est à partir de son expérience de la guerre qu’il a commencé à penser, adulte, le monde autour de lui. Depuis trente ans, il s’intéresse à l’accélération de la vitesse du monde, où il percoit la possibilité du désastre. Il a théorisé la place de l’accident et de la catastrophe dans le monde moderne. Il est l’auteur d’une vingtaine d’essais, dont le dernier s’intitule Le Futurisme de l’instant – Stop-Eject. Il a également monté deux grandes expositions à la Fondation Cartier.

http://www.arte.tv/fr/2394340.html

Emission du jeudi 3 juin 2009 /ce-soir-ou-jamais.france3.fr/

La bande son de l’émission complète.

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La neige tombe, du silence, de vilaines chansons

Posté par traverse le 20 décembre 2009

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La neige tombe, du silence, de vilaines chansons, des airs pauvres comme des mélancolies artificielles sur des hommes encombrés de promesses comme des vœux
à la sauvette qu’on lance à l’invisible et leurs enfants tendent la main vers le passé en attendant que les vertus anciennes, comme des trésors enlevés dans de sombres rapines, leur piquent le cœur alors qu’ils sont déjà si secs et promis au désastre. La neige tire un trait sur de vielles esquisses et dépose à nos pieds un déroulé joyeux où nous allons dans l’enthousiasme des résurrections faciles.

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Découverte d’un Blog littéraire sur www.mabiblio.be

Posté par traverse le 14 décembre 2009

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Le Blog des Bibliothèques de Schaerbeek est riche en filigrane numérique de la même inventivité et énergie que développe ce secteur dans la commune où la plus belle bibliothèque de la Communuaté française vient d’être ouverte….SESAME (Boulevard Lambermont, 200).

C’est une…caverne d’Ali Baba en matières de médias, de livres, de possibilités d’accueil, de lectures de formations, de rencontres d’ateliers,…
J’y ai rencontré, justement, un Blog qui peut être une magnifique ressource pour les passionnés ou amateurs de littératures… http://textespretextes.lalibreblogs.be/

Allez-y faire une tour… Ça vaut le déplacement et c’est très spécifiquement une présence sur le Net qui montre à quel point le livre, la littérature sur ce Medium peut (re)prendre sa place en mettant le texte en avant. La télévision vit cette difficulté: le corps de l’écrivain, ses sourires ses impasses, ses coups de gueule, son sens du spectacle font la une. Mais comment filmer un texte? Alors c’est le corps de l’auteur qui recouvre le texte. Et le spectacle continue.
Mais que peut faire un média qui est de plus en plus concurrencé par des pratiques d’information et de création qui échappent aux rendez-vous télévisuels du prime-time ou des heures de la nuit… culturelle (éternelle justification)?

Le Net impose d’emblée une autre voie: la matière littéraire et textuelle fait la une et le corps est plutôt anecdotique. Tant mieux.

Nous pérparons quelques rendez-vous en cette matière bientôt au printemps avec des écoles, les bibliothèques et l’Echevinat de Georges Verzin (Bibliothèques, Instruction Publique, Culture) et l’asbl Traverse. A suivre…

Le Blog Textes & prétextes- Notes et lectures d’une Bruxelloise – Tania
indique d’emblée: « Pas un jour sans lire. »
« Livre: la substance vitale dont on se nourrit. » Claude Lévi-Strauss

De Blog à Blog, voici le billet que je lui envoie..

Madame,

Merci pour votre engagement passionné et documenté sur ce Blog. Il s’agit, et nous le savons, dans l’édition, dans la littérature, dans les réseaux bibliothèques des vrais relais critiques de la littérature. La presse papier fait ce qu’elle dit pouvoir faire, c’est-à-dire peu. Elle est débordée d’offres de services de presse, vit un manque de place disponible ou volontairement consacrée à la critique. Les journaux ouverts à cette question se comptent sur les doigts d’une main, les professionnels en la matière qui se haussent au-delà du copier-coller de la quatrième de couverture sont rares et tellement précieux…Les Blogs font aussi en cette matière partie de la révolution du passage de l’édition au numérique; CE QUI N’EXCLUT EN RIEN LE PAPIER MAIS QUI ADDITIONNE LES OUTILS INTERNET AU SECTEUR. Vous faites un travail utile, revigorant pour nous tous, que je relaierai avec plaisir.
DS

Quant à Sésame, nous nous y retrouverons jeudi soir pour une lecture publique des textes des auteurs des ateliers d’écriture mais aussi d’invités et de toute personne qui souhaite présenter ses textes. (film et son: Jacques Deglas). Animation: Daniel Simon et l’équipe des bibliothèques.

Vous êtes les bienvenus et vous serez particulièrement attendus, si vous le pouvez…

« Les ateliers se font entendre »

    Les auteurs participants aux ateliers d’écriture du mercredi (1001 pages), et ceux des ateliers que j’ ai la chance d’animer, les auteurs amis, les invités de toutes sortes et qualités, lisent ou font lire leurs textes lors d’une soirée où vous êtes invité ( e )s à écouter, à partager vos expériences, et à dire haut vos textes lors d’un micro ouvert.

    Vous pouvez aussi les faire lire par un(e) de nos lecteurs(trices) en nous les envoyant par avance à traverse@skynet.be.

    Les lectures seront enregistrées et feront l’objet de podcasts sur les sites des bibliothèques et de Traverse asbl.

    Soirée ouverte à chacun et chacun, micro ouvert à tous.

    Le Jeudi 17 décembre à partir de 19h, Bibliothèque Sésame, 200 Boulevard Lambermont (complexe Kinetix) Schaerbeek

    Réservations: Traverse asbl (0477/76.36.22 – 02/216.15.10

    http://textespretextes.lalibreblogs.be/

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Quand vous serez obligé de déplacer le centre

Posté par traverse le 12 décembre 2009

Quand vous serez obligé de déplacer le centre qui a pris place en une enfance où vous alliez dans des remue-ménages sans pareils, une voix née en vous et qui ne vous quitte plus, articule le bien et le sinistre sous des instances comme de sombres abris, vous avez pris votre mal en patience et le centre a fondu dans des résolutions où vous tombez un peu plus chaque jour, persuadé et conquis par la chanson maligne des efforts, quand vous serez dans des chambres sans fin, abandonné au hasard d’être toujours ici, vous filerez entre vos doigts vieillis des cordages et des échelles qui se défont aussitôt comme on jette dans le vent des promesses anciennes.

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J’ai failli ne jamais partir (suite De l’herbe, des plantes…)

Posté par traverse le 10 décembre 2009

J’ai failli ne jamais partir, rester accroché à ma vie insatisfaite mais suffisamment rassurante que pour pouvoir la supporter, puis soudain cette femme, sa folie douloureuse, ses fusées de vérité, son égoïsme terrible, ses joies d’enfant réconcilié, cette femme aux longs cheveux cendrés, fluette et d’une force d’animal blessé, cette femme rencontrée, aimée, quittée, cette femme qui m’appelait « son frère » pour mieux me garder à distance et me rapprocher d’elle sans danger, cette femme aux yeux de rivière glacée, cette femme à la peau chaude et blanche qui faisait l’amour comme d’autres tentent de se saouler avec soin et acharnent, ne laissant au hasard aucune place, cette femme m’avait à nouveau fait rêver et j’avais parcouru mon rêve à pied, chaque jour et chaque nuit et le monde ne m’avait pas paru plus grand mais plus petit, tellement plus petit que j’avais fini par y éprouver le sentiment de ne plus avancer, de ne plu bouger, d’être figé dans le paysage et d’y disparaître.

Cette femme était en train de me faire disparaître et pour me sauver, il me fallait quitter le bateau, ramer seul, jusqu’à épuisement, couler peut-être mais ne plus éprouver ce sentiment amer d’impuissance, de dissolution. Il me fallait quitter ce rêve comme on déserte, comme on oublie d’appareiller un matin et qu’on reste sur le quai les yeux dans le sillage du paquebot déjà loin.

J’avais donc décidé de retourner sur mes pas, de vérifier ce qu’il en était de mes beaux souvenirs, des mensonges répétés qui s’étaient lentement transformés en système et auquel j’avais été le premier à croire. J’étais à Marrakech, j’aurais pu être à Varsovie ou à Moscou où j’avais traîné mes vingt ans mais ces temps étaient encore purs et je ne faisais pas la différence entre la vérité et le travestissement de la vérité. Je tissais des histoires que je cardais de fois en fois, les racontant à qui s’étonnait qu’on puisse aller là-bas où il n’y avait rien si ce n’est misère, mensonges et enfermement. Je racontais et ma toile lentement grandissait. Le monde alors était simple : son horreur était connue et des lendemains allaient encore chanter, suffisait de s’y mettre…Par contre, Marrakech m’avait accueilli alors que ma quarantaine débutait, la vie tentait encore de me forger, je résistais comme je pouvais, j’évitais les coups, j’en donnais quelques uns, j’étais encore jeune.

A Marrakech je ne connaissais personne. J’allais sur les traces des poètes et des femmes rêvées, je fuyais la Belgique et les noms ridicules dont elle s’affublait tous les dix ans, je fumais longuement devant la mer, je buvais des cafés « courts », je me préparais à la nuit sans trop de crainte, je déambulais dans une ville où je pensais pouvoir avoir encore ma place, j’étais heureux.

La journée a passé sans que je m’en aperçoive, la lumière glisse vers un rose ambré que l’Atlas au loin fait miroiter le long des murailles.

Puis, la nuit, encore et toujours insatisfaite, courant dans des landes de lait, caracolant dans le velours des sommeils, hennissant dans la torpeur. La nuit affamée qui se fait attendre comme un enfant avant le coucher. La nuit sans le confort du jour qui amortit le vif des choses. La nuit enfin qui étrangle ce qui reste du jour et qui permet de tenir le jour enfermé dans la nuit. La nuit obscurcissait tout et n’apaisait rien. Elle me donnait sans cesse le goût d’une autre image, et d’une autre encore jusqu’à l’épuisement. Je me réveillais le matin encombré de ces images encollées dans la nausée. Je me mettais debout après quelques minutes de concentration douloureuse, le corps déjà frappé, comme la langue garde longtemps le goût d’une insanie.

Pendant tout ce temps, je ne suis pas capable d’une pensée vraiment élevée. Je lutte pied à pied dans les tranchées, la terre me roule sur la nuque, l’odeur des morts ruisselle dans la terre qui embourbe mon nez et mes yeux. L’odeur de ce que je sais être la destination du pétrissage de deux corps dans la fabrique humaine.

Mais voilà que mon temps est passé et que, les poings serrés, je ne peux me le rappeler. Alors, je compte le temps sans rien retirer aux secondes, sans rien ajouter aux temps morts. Je comptabilise tout, de façon égale. Je compte juste pour tenir la coulée d’étoiles qui file au-dessus de ma tête, encore un instant entre deux doigts. Et pour la voir s’évaporer dans la nébuleuse de mes deux doigts soudés par ce désir de ne voir que deux doigts, alors que j’ai tant guetté les étoiles.

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Cinq ans d’édition COULEUR LIVRES

Posté par traverse le 9 décembre 2009

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• “Couleur livres au cœur de l’actualité”
• Venez fêter avec nous nos 5 années d’édition à Charleroi.
Couleur livres organise deux Journées Portes Ouvertes,
les 11 et 12 décembre 2009.
Pour en savoir plus : Portes Ouvertes

Cinq années d’édition à Charleroi

Cela fait 6 nouvelles collections, 127 nouveaux livres
parus à Charleroi et diffusés partout en Francophonie, et surtout…
une foule d’amitiés et de partenariats…

Venez les découvrir lors de nos “journées portes ouvertes”
Rue Lebeau, du 11 et 12 décembre et recevez votre livre gratuit.

Trois conférences-débats ponctueront ces festivités :

Philippe Béague : Halte à la sinistrose, revenons à l’humain !
le vendredi 11 à 17h30
Plus d’informations : Philippe Béague

* * *
Yves de Wasseige : Noël de crise, quelle crise ?
le samedi 12 à 11h00
Plus d’informations : Yves de Wasseige

* * *
Daniel Simon : La vie de récits en récits…
le samedi 12 à 15h00
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Quand vous serez déchaussés de la vie apparente

Posté par traverse le 5 décembre 2009

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Quand vous serez déchaussés de la vie apparente et que vous irez sur des chemins qui tombent dans l’estuaire final, vous direz peut-être peste de mes longues simagrées attachées aux choses sans importance, peste des allégories et des procès sans fin pour ne pas établir le juste nécessaire que le vivant requiert, peste des contraires et des affirmations, peste de ce trou en chacun par où fuit le bonheur, peste des horloges et des cadrans, peste. Quand vous irez dans les vestiaires terminaux, le temps trouvera l’oubli comme raison majeure et nos chaussures resteront devant des casiers vides. Et d’autres, en passant comme on éteint le soir la chambre des enfants, les chausseront à l’instant.

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De l’herbe, des plantes, des arbres, des insectes de toutes sortes

Posté par traverse le 2 décembre 2009

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De l’herbe, des plantes, des arbres, des insectes de toutes sortes, des oiseaux en bataille, du petit gibier, des clients de plus en plus insupportables, rêvant de jardins improbables et au meilleur prix, des kilomètres de tondeuses à pousser pendant trente ans, ça suffisait, il connaissait le métier, il l’avait appris de son père qui, lui-même…

Aujourd’hui, c’est son fils qui reprend le flambeau et fait des journées à rompre un forçat. Il se demande s’il n’aurait pas dû foutre le feu dans tout ça, dans la réserve de produits, de pesticides, d’engrais, de sulfates et de tronçonneuses bien huilées que le grand-père leur avait laissés.

Mais le vieux était mort et le fiston avait retiré ses économies de son compte de la Poste, avait commandé une carte de crédit, une gold, une qui coupe tous les liens et avait pris l’avion pour l’Amérique du Sud en regrettant que le bateau soit tombé en désuétude pour ces affaires d’exode, d’abandon ou de désertion. Il était parti vers le Mexique et aujourd’hui, Michel était seul.
La ferme était rénovée depuis peu, il avait mis plus de trente ans à planter les derniers clous mais ça y était, il voyait l’avenir avec un recul qui était neuf pour lui, il pouvait tout perdre, tout oublier, tout dissoudre dans l’alcool, la marche ou des voyages qu’il faisait presque en apnée tellement il roulait vite sur les routes d’Europe pour faire un trekking de trois jours à mille bornes de chez lui ou pour retrouver des amis lointains qui lui permettaient de faire la fête une fois encore et de rentrer, le nez dans le volant, sonné, presque heureux et vide comme une outre d’après boire.

Michel était seul depuis trop longtemps et il se marrait souvent en se disant que son nom, Berlin, évoquait une ville anciennement séparée, coupée en deux, emmurée dans ses souvenirs et ses trahisons et que ça lui allait bien ce nom, Berlin, car en matière de souvenirs et de trahisons il en connaissait un bout. Il sentait sa vie se défaire et il s’embrouillait dans des activités de plus en plus vaines à ses yeux. Il servait les clients en ricanant sous barbe, il entretenait leurs jardins avec une désinvolture qui plaisait mais il savait que ça ne durerait qu’un temps et que sa désinvolture glisserait bientôt vers l’ennui et l’amertume. De ça, il ne voulait pas. C’était le lot de ses contemporains, accrochés à leurs téléphone portable et se jetant dans le désastre comme on fait l’amour à une femme qu’on va quitter, furieusement.

Ce matin, il a du mal avec les mauvaises herbes du jardin du journaliste local où il donne le change habituellement, tout va de travers, la terre est trop humide, les mottes d’herbe se tassent sous se pieds et une demi-heure après, il n’en peut plus de tout ce travail qui n’a plus de sens pour lui. Le journaliste l’observe à travers la fenêtre de la véranda et lui apporte une bière. C’est leur façon de relancer le travail, faire une pause, boire un coup et cracher dans les mains. Mais cette fois c’est différent, le corps du jardinier est immobile, il est assis sur une pierre et regarde sa main ouverte, longuement et sans bouger. ? Le journaliste ne comprend pas cette concentration incongrue à ses yeux dispersés par l’habitude de ne rien regarder vraiment mais de tout capter.
Michel Berlin observe un insecte bleuâtre qui lui court sur le dos de la main. Un insecte comme un scarabée de jade. Le journaliste s’est approché du jardinier qui tend son bras vers lui.

« C’est pas d’ici, ça, jamais j’en ai vus de pareils avant. Et tous les jours, c’est la même chose, des plantes, des insectes qui viennent de l’autre côté, du Rif, de l’Atlas, du désert, je ne sais, mais de l’autre côté. Encore un que je porterai à l’Institut d’agronomie. Ils me diront quoi. Mais ils se rapprochent, plus besoin de voyager, ils se rapprochent chaque jour et bientôt ça sera ici comme là-bas, si ce n’est que là-bas, ils crèvent… »

2

Il avait aimé une femme récemment lors d’un voyage au Maroc qu’il s’était offert pour aller voir de plus près ses sacrés scarabées et ses adventices étrangères, il l’avait aimée tellement qu’il en était encore tout assourdi au retour.

Il se croyait incapable jusque là d’aimer avec cette conscience de la disparition, de la destruction de ce sentiment fragile qui est la clé de tout amour. Et cette femme était partie à peine était-elle arrivée. Il l’avait attendue chaque nuit, chaque jour, ne sachant que faire qui aurait pu la brusquer et, dans le même temps, convaincu que s’il cédait au doute définitif, il en mourrait, avec la pleine assurance des vies ratées.

C’est qu’il aurait capituler, il aurait abandonner sa peine au doute, et son doute à l’amertume, à la colère. Il avait attendu cette femme comme rarement il avait attendu quelqu’un, ou même une idée, une joie, une espérance. Il l’avait attendue dans la peur car il savait qu’il l’attendait trop durement. Il savait que cette peine de solitude qui était la sienne allait peut-être devenir la condition même de sa vie, que cette attente était comme une répétition générale de ce qu’il allait broyer jusqu’à la poussière. Il savait que cette femme était amoureuse de l’image de leur bonheur mais qu’elle ne savait pas en payer le prix qu’il attendait, elle aimait certainement passionnément cet homme mais elle n’avait aucun moyen pour l’atteindre, semblait-il.

Il se mit alors à écrire cette femme, à la nommer, à la déployer dans tous ses artifices, ses innombrables traces de beauté, il la déliait de sa réalité, il la désirait telle qu’elle était mais en gommait toutes les imperfections, il devenait fou.
Son père, en mourant, lui avait laissé quelques sous, il en profita pour mettre la clé sous le paillasson, laissa un lettre à son fils au cas où, envoya quelques mails, téléphona à son notaire et prit l’avion pour Marrakech.

C’est là qu’il allait enterrer sa vie ennuyeuse, retrouver cette femme déjà encombrante tellement elle prenait de la place en lui, là qu’il allait se perdre et si possible disparaître dans des brumes atlantiques et des souffles de déserts qui convenaient parfaitement à son esprit plombé de mélancolie et de remords.

Il aurait dû se jeter à ses pieds, lui raconter n’importe quoi mais avec enthousiasme, l’émouvoir dans la sobriété, évoquer discrètement la mort qui est l’avers de tout amour mais non, il avait baissé la tête, s’était tu, lui avait embrassé la main et s’était enfermé à l’instant dans une passion qui le faisait frissonner et qu’il prenait déjà pour l’amour de sa vie. Il avait tourné les talons sur son monde ancien et avait vieilli d’un siècle dans ce mouvement dont il ne se doutait pas encore du sens caché et des désastres qu’il recelait. Mais c’était un homme franc, direct, sans chichis existentiels, prêt à toutes les stupidités pourvu qu’elles soient marquées de la sincérité de tous les mendiants de l’amour.

Il lui téléphonait chaque jour mais elle ne le rappelait pas, elle n’avait pas assez d’unités, disait-elle, il aurait dû se douter que c’était la phrase dont il faut se méfier, qu’elle signifie à l’instant une relation faite de dépendances et de dominations subtiles, passant toutes par l’argent des imbéciles que certains appelaient l’argent compassionnel.
Il s’était donc éloigné et chaque pas l’entraînait verts des régions de pluie et de froid qu’il reconnaissait pour y avoir passé le plus clair de son enfance et de son adolescence.
Mais les avions ne sont pas chers aujourd’hui, ils brinquebalent des éclopés de toutes sortes.

(extrait à suivre)

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