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J’ai failli ne jamais partir (suite De l’herbe, des plantes…)

Posté par traverse le 10 décembre 2009

J’ai failli ne jamais partir, rester accroché à ma vie insatisfaite mais suffisamment rassurante que pour pouvoir la supporter, puis soudain cette femme, sa folie douloureuse, ses fusées de vérité, son égoïsme terrible, ses joies d’enfant réconcilié, cette femme aux longs cheveux cendrés, fluette et d’une force d’animal blessé, cette femme rencontrée, aimée, quittée, cette femme qui m’appelait « son frère » pour mieux me garder à distance et me rapprocher d’elle sans danger, cette femme aux yeux de rivière glacée, cette femme à la peau chaude et blanche qui faisait l’amour comme d’autres tentent de se saouler avec soin et acharnent, ne laissant au hasard aucune place, cette femme m’avait à nouveau fait rêver et j’avais parcouru mon rêve à pied, chaque jour et chaque nuit et le monde ne m’avait pas paru plus grand mais plus petit, tellement plus petit que j’avais fini par y éprouver le sentiment de ne plus avancer, de ne plu bouger, d’être figé dans le paysage et d’y disparaître.

Cette femme était en train de me faire disparaître et pour me sauver, il me fallait quitter le bateau, ramer seul, jusqu’à épuisement, couler peut-être mais ne plus éprouver ce sentiment amer d’impuissance, de dissolution. Il me fallait quitter ce rêve comme on déserte, comme on oublie d’appareiller un matin et qu’on reste sur le quai les yeux dans le sillage du paquebot déjà loin.

J’avais donc décidé de retourner sur mes pas, de vérifier ce qu’il en était de mes beaux souvenirs, des mensonges répétés qui s’étaient lentement transformés en système et auquel j’avais été le premier à croire. J’étais à Marrakech, j’aurais pu être à Varsovie ou à Moscou où j’avais traîné mes vingt ans mais ces temps étaient encore purs et je ne faisais pas la différence entre la vérité et le travestissement de la vérité. Je tissais des histoires que je cardais de fois en fois, les racontant à qui s’étonnait qu’on puisse aller là-bas où il n’y avait rien si ce n’est misère, mensonges et enfermement. Je racontais et ma toile lentement grandissait. Le monde alors était simple : son horreur était connue et des lendemains allaient encore chanter, suffisait de s’y mettre…Par contre, Marrakech m’avait accueilli alors que ma quarantaine débutait, la vie tentait encore de me forger, je résistais comme je pouvais, j’évitais les coups, j’en donnais quelques uns, j’étais encore jeune.

A Marrakech je ne connaissais personne. J’allais sur les traces des poètes et des femmes rêvées, je fuyais la Belgique et les noms ridicules dont elle s’affublait tous les dix ans, je fumais longuement devant la mer, je buvais des cafés « courts », je me préparais à la nuit sans trop de crainte, je déambulais dans une ville où je pensais pouvoir avoir encore ma place, j’étais heureux.

La journée a passé sans que je m’en aperçoive, la lumière glisse vers un rose ambré que l’Atlas au loin fait miroiter le long des murailles.

Puis, la nuit, encore et toujours insatisfaite, courant dans des landes de lait, caracolant dans le velours des sommeils, hennissant dans la torpeur. La nuit affamée qui se fait attendre comme un enfant avant le coucher. La nuit sans le confort du jour qui amortit le vif des choses. La nuit enfin qui étrangle ce qui reste du jour et qui permet de tenir le jour enfermé dans la nuit. La nuit obscurcissait tout et n’apaisait rien. Elle me donnait sans cesse le goût d’une autre image, et d’une autre encore jusqu’à l’épuisement. Je me réveillais le matin encombré de ces images encollées dans la nausée. Je me mettais debout après quelques minutes de concentration douloureuse, le corps déjà frappé, comme la langue garde longtemps le goût d’une insanie.

Pendant tout ce temps, je ne suis pas capable d’une pensée vraiment élevée. Je lutte pied à pied dans les tranchées, la terre me roule sur la nuque, l’odeur des morts ruisselle dans la terre qui embourbe mon nez et mes yeux. L’odeur de ce que je sais être la destination du pétrissage de deux corps dans la fabrique humaine.

Mais voilà que mon temps est passé et que, les poings serrés, je ne peux me le rappeler. Alors, je compte le temps sans rien retirer aux secondes, sans rien ajouter aux temps morts. Je comptabilise tout, de façon égale. Je compte juste pour tenir la coulée d’étoiles qui file au-dessus de ma tête, encore un instant entre deux doigts. Et pour la voir s’évaporer dans la nébuleuse de mes deux doigts soudés par ce désir de ne voir que deux doigts, alors que j’ai tant guetté les étoiles.

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Une Réponse à “J’ai failli ne jamais partir (suite De l’herbe, des plantes…)”

  1. canada goose norge dit :

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