Etre belge, c’est avoir besoin de l’autre pour se définir
Posté par traverse le 21 mai 2010
Face à ce qui se passe en Belgique, nous avons décidé de prendre notre plume. Non pas pour râler, ni accuser. Non, juste pour laisser sortir notre cri de colère, avec douceur et apaisement.
Ce vendredi sort dans la Libre Belgique mon texte. Il s’intitule « Être belge, c’est avoir besoin de l’autre pour se définir » (http://www.lalibre.be/debats/opinions/article/583968/qu-est-ce-qu-etre-belge.html). De Morgen a publié la version neerlandaise.Rejoins par des amis, le texte est cosigné par 3 jeunes concitoyens des différentes Régions/Communautés.
Une envie de toucher les gens, de sortir des questions techniques, de reparler d’idéal et du coup de vision. De temps en temps, cela fait du bien, non ?
Pour vous mettre l’eau à la bouche, voici l’introduction :
FR : Face aux discours du genre « mais, nous n’avons rien en commun, tout nous sépare », nous répondons par la question suivante : « qui peut se prétendre belge aujourd’hui ? » Personne. Tout le monde. Etre belge, n’est-ce pas cette humilité d’accepter d’avoir besoin de l’autre pour se définir. De ne pas pouvoir représenter à soi tout seul un modèle type. Nous vivons à l’heure de la multiculturalité, et les belges ont été, dans le passé, précurseurs d’une identité multiple, complexe, floue, fragile, mais tellement belle. Etre belge, c’est accepter ne pas être belge à soi tout seul. C’est accepter qu’une partie de nous nous échappe. Etre belge, c’est reconnaitre, en nous, notre part d’étranger. « Un pays n’est pas quelque chose de géographique » disait Brel. Etre belge, c’est plus qu’une réalité, c’est un état d’esprit.
NL: We horen tegenwoordig vaak het argument “we hebben niets gemeenschappelijk, we zijn zo anders”. Wij reageren vandaag met een wedervraag: “wie kan zich vandaag identificeren als de typische Belg?” Niemand. Iedereen. Is ‘Belg zijn’ niet de typische bescheidenheid om te aanvaarden dat je de ander nodig hebt om jezelf te bepalen; dat wij alleen geen typevoorbeeld vertegenwoordigen? We leven meer dan ooit in een multiculturele omgeving, en Belgen zijn steeds een complexe, breekbare, maar ook mooie identiteit gekend. ‘Belg zijn’ is aanvaarden dat je niet alleen Belg kan zijn. “Etre belge, c’est reconnaitre, en nous, notre part d’étranger.” Jacques Brel heeft ooit gezegd dat een land veel meer is dan een geografisch gegeven. ‘Belg zijn’ bestaat niet. ‘Belg zijn’ is een opvatting, een levenshouding.
J’espère que ce texte apolitique fera germer en vous des envies semblables d’exprimer vos pensées les plus profondes face au défaitisme qui règne actuellement. Je serai ravi, et très flatté, de lire vos réactions, mêmes si elles devaient s’avérées très brèves.
A lire et à faire lire sans modération… car la politique doit générer des espérances !
Une version allemande et anglaise sont consultables sur http://tobelornottobel.blogspot.com/
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Très belle journée à vous tous,
Quentin Martens
+32 (0) 496 71 16 75
quentin.martens@coleurope.eu
Etre belge, c’est avoir besoin de l’autre pour se définir
Face aux discours du genre « mais, nous n’avons rien en commun, tout nous sépare », nous répondons par la question suivante : « qui peut se prétendre belge aujourd’hui ? » Personne. Tout le monde. Etre belge, n’est-ce pas cette humilité d’accepter d’avoir besoin de l’autre pour se définir. De ne pas pouvoir représenter à soi tout seul un modèle type. Nous vivons à l’heure de la multiculturalité, et les belges ont été, dans le passé, précurseurs d’une identité multiple, complexe, floue, fragile, mais tellement belle. Etre belge, c’est accepter ne pas être belge à soi tout seul. C’est accepter qu’une partie de nous nous échappe. Etre belge, c’est reconnaitre, en nous, notre part d’étranger. « Un pays n’est pas quelque chose de géographique » disait Brel. Etre belge, c’est plus qu’une réalité, c’est un état d’esprit.
On trouvera toujours des raisons de se séparer. Aujourd’hui, ce sont les tensions linguistiques sur fond d’écarts sociaux, demain cela pourrait être les questions religieuses.
L’autre, par définition, nous est toujours différent. Faire ce chemin de nous-mêmes vers l’autre n’est pas une question linguistique, c’est une question d’épanouissement réciproque qui se présente à nous en voyage, dans nos familles, entre collègues, dans nos couples. L’essence de nos vies n’est-elle pas faite de cela ?
Nous vivons à une époque où nos identités sont davantage à construire qu’il y a cinquante ans. Mais, comment ne pas comprendre que l’identité belge n’a jamais été une évidence statique. Elle a toujours été à chercher, à inventer, et à réinventer et cela depuis que la Belgique est née. Cette identité en recherche et en reconstruction permanente est créatrice. Cela vaut pour les francophones et les néerlandophones, les germanophones, mais aussi pour les italiens, les espagnols, les marocains, les congolais, les turcs qui, hier, ont choisi la Belgique. Aurions-nous fait naître des personnalités comme Toots Thielemans, Jacques Brel, Arno, James Ensor, Jan Fabre, Magritte, Hergé, si nous n’avions pas eu ces brassages, cette complexité, cette non-évidence ? La Belgique est surréaliste, et pourtant elle représente un projet auxquels des générations ont consacré leur vie.
La Belgique, le miroir de l’Europe
L’Europe est un idéal de vivre ensemble. Ce qui se passe dans notre pays nous dépasse. L’enjeu est bien plus grand que nos frontières. Aujourd’hui, l’Europe a besoin de nous, non pas seulement comme Etat membre, mais comme modèle d’un vivre ensemble.
De par notre mixité, notre diversité de cultures, la rencontre des mondes latin et germanique, nos richesses linguistiques, la Belgique a été et reste un des laboratoires de l’Europe. Notre histoire n’est-elle pas la plus européenne de toutes les histoires ? Depuis toujours, nous sommes un carrefour de civilisations. Nous sommes, que nous le voulions ou non, un symbole. C’est notamment, en nos terres et dans nos esprits, tel que celui de Paul-Henri Spaak, que l’idéal européen d’unité a germé.
Ce qui se passe en Belgique, la méfiance de l’autre et le repli sur soi, est la boite de Pandore de tous les Etats membres. Les minorités linguistiques existent partout en Europe, à l’exception du Portugal. Demain ce seront l’Ecosse, la Catalogne, les minorités slovènes en Autriche. Comment pouvons-nous admirer le projet de paix, de réunification avec les pays de l’Est, célébrer la chute du Mur de Berlin, symbole de rassemblement et d’union, et ne pas être prêts à faire le travail nécessaire sur nous-mêmes pour comprendre l’autre et travailler ensemble? Si nous ne sommes pas capables de vivre ensemble, qui en Europe l’est encore ? L’Europe est un idéal, que nous lui avons, en partie, inspiré. Si nous perdons cet idéal, où va l’Europe ?
De par notre histoire, de par l’actualité marquée par les crises et les doutes et de par notre présidence à venir, nous avons un devoir d’exemple.
L’inspiration des consciences dirigeantes
Il y a 50 ans, Paul-Henri Spaak proclamait, lors de la signature des Traités de Rome : « tâchons de léguer au futur la source d’inspiration que nous puisons dans l’immortel passé ». Il est légitime de se demander où est l’inspiration de la classe dirigeante aujourd’hui ?
C’est un fait : les espaces de rencontres et d’échanges entre francophones et néerlandophones se rétrécissent : les universités et les partis politiques ont été scindés. Et nous n’avons jamais eu de médias unitaires bilingues. Nous sommes aujourd’hui dans une centrifugeuse qui s’accélère. Nous nous côtoyons, sans vraiment nous connaître. Mais est-ce une raison pour tout abandonner ? Abandonner notre idéal d’union, et ce que nous avons construit ensemble, n’est-ce pas se mentir à nous-mêmes, et nous embarquer dans la perte de sens que toute la société déplore aujourd’hui ? Ces espaces sont à réinventer. Tous, nous devons y travailler : les artistes, les universitaires, les enseignants, les journalistes, les hommes politiques, les jeunes. Il en va notre responsabilité à tous. Transformons notre désarroi en véritable action commune.
Malgré tout, les hommes politiques ne portent-ils pas une très lourde responsabilité dans la crise actuelle ? La politique est une vocation difficile, certes, trop souvent décriée et méprisée. Mais cette fonction, dont nous nous désintéressons trop souvent, à tort, semble se vider, de jour en jour, de tout idéal. La preuve en est qu’elle n’inspire plus, ni les citoyens, ni leur confiance. Du coup, les frustrations citoyennes se radicalisent depuis des années à force de statu quo et de dégradations. Nous allons vers de nouvelles élections. N’est-ce pas le meilleur moyen de faire perdre le dernier filet de confiance et d’espoir qui rattachait les citoyens à leurs représentants ? « De nouvelles élections : d’accord, mais avec quels nouveaux visages ? » Quelles nouvelles voix ? Quelles nouvelles idées ?
Les « égos » vont-ils laisser place à l’humilité, la méfiance à la confiance, et les disputes à l’écoute ?
Tout est encore possible. Brel ne chantait-il pas : « on a vu souvent rejaillir le feu de l’ancien volcan qu’on croyait trop vieux… ».
Ne laissons pas à une poignée de politiciens, le monopole de notre avenir.
Dans moins de deux mois, l’Europe offrira à notre pays, la Belgique, la chance de prêter son visage au projet européen en lui donnant les clefs de la Présidence de l’Union européenne. C’est un honneur et une grande responsabilité. Nous avons un devoir d’exemple. Interrogeons nous : « quel visage voulons-nous offrir au monde ? »
Refusons la fermeture et de l’intransigeance. Exigeons l’ouverture et l’entente de nos hommes politiques. Exigeons de vrais hommes d’Etat, dignes de ce nom, pas des politiciens. Recommençons à espérer. Alors, peut-être pourrons-nous porter un regard neuf sur ceux que nous sommes.
Car être belge, ce n’est pas se dévisager. C’est s’envisager.
Quentin Martens, 26 ans, Bruxelles
Louis-Alfons Nobels, 26 ans, Turnhout
Antoine de Lame, 26, Rosoux
Sandrine Siegers, 28 ans, Eupen
Version néerlandaise, allemande et anglaise sur http://tobelornottobel.blogspot.com/
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