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Pas de soucis

Posté par traverse le 24 octobre 2010

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Il était assis à la terrasse du Café Belga, place Flagey. Il n’aimait pas particulièrement cet endroit convenu mais il y campait de temps à autres pour observer les jeunes bailler bouche ouverte sur le vide, mâchoire décrochée pendant que les esprits des morts s’engouffraient dans leur gosier dilaté.

Et ça baillait ferme dans le brouhaha des conversations de ce bel ilot branché. Ca roucoulait et prenait des poses, ça bruissait et ça se voulait original et différent. C’était joyeux comme le sont les rencontres familiales à la clôture des enterrements : sans entrain au début mais le diesel chauffe vite et les relations passent sans peine à l’intime.

On voyait se presser dans ce qu’il était convenu d’appeler le paquebot, des élégantes avec ou sans voiles, des hommes mûrs lorgnant les jeunettes en ponctuant leurs discours de déclarations plus humanistes les unes que les autres, des étudiants en art, ça se voyait dès l’entrée, et des paumés de première catégorie, la plus délicate, celle des cocus des rébellions perdues. Cet endroit, il en était sûr, allait un jour être gratifié du prix Nobel des bonnes intentions, tout y était de bonne foi et de bon aloi, les paroles ne mangent pas de pain pour ceux qu’enrobe l’âge des dernières victoires.

Il faisait beau et froid, les étangs bordés de hauts arbres oscillants dans le vent donnaient à l’ensemble un air de sud trop feuillu. On était surpris de ne pas distinguer de palmier dans l’horizon qui avait échappé de justesse à une récente tentative municipale pour faire de cette promenade bourgeoise une plage au sable rare piquée de-ci de là de bars bambou aux boissons exotiques. Le Mojito se sirotait maintenant en ville dans la senteur des ambres solaires, au son des salsas les plus sommaires. Les mamas se frottaient les mains, les petits blancs allaient se faire avoir une fois encore en quelques gorgées.

« Pas de soucis ». C’était la huitième fois qu’on la lui servait l’expression de l’époque, « pas de soucis » à tous propos. En fin de journée, il arrivait régulièrement à plus de vingt recensements. L’antienne s’incrustait partout. Plus les infos devenaient dures et impitoyables, plus « pas de soucis » faisait florès. Les pauvres allaient en file indienne sur le bord des fenêtres, oscillaient au-dessus du vide en marmonnant, comme une formule magique « pas de soucis, pas de soucis, pas de soucis »…

Devant un café serré, il méditait sur leur hésitation à faire le dernier pas. La plupart reculaient, reportaient leur décision à plus tard, comptant sur le temps pour les détourner d’une des rares décisions de leur vie. Ils se frottaient les yeux, dépliant leur corps fatigué. Ils avaient le cœur lourd, ils savaient que l’appuie de fenêtre grandirait à la mesure de leur désir d’en finir et ils descendaient prudemment de leur plongeoir en marmonnement à l’instant le « pas de soucis » de leur libération.

Il ne prenait évidemment aucun plaisir à voir tomber ses semblables mais ces chutes lui apparaissaient comme une suite logique à la cécité générale qui tenait lieu de morale. Et ils tombaient les hommes, par grappes, par fournées, par générations.

Au pied des immeubles, comme des nochers battant le pavé, les fumeurs semblaient comploter dans le froid humide, chassés des bureaux surchauffés. Ils tiraient sur leur clope comme on mange un sandwich en marchant, rapidement et sans goût. Quelque chose de plus profond avait été saccagé au nom de la santé publique. La vérité se tripotait entre deux portes d’où allaient surgir les fantômes du passé. Le bonheur du fumeur était renvoyé au besoin de nicotine.Ca n’avait rien à voir, tout le monde le savait mais ça arrangeait les prudes et les bigots. Il fallait bien que raison du plus fort se fît. Et puis, « pas de soucis » gagnait chaque jour du terrain. La vertu la plus ancienne du souci de soi s’envolait dans des airs de complicité.

Il commanda un deuxième café et regarda les pigeons glaner les miettes des terrasses opulentes. Il se sentait vieillir. Il découvrait de mois en mois une évidence que sa génération était la première à vivre :il ne resterait pas éternellement jeune comme il le croyait depuis plus de cinquante ans, il ne rebondirait pas éternellement, il ne prendrait plus les mêmes risques, il commençait à vaciller en enfilant son slip, à s’essouffler en faisant l’amour, il toussait plus longuement et plus profondément qu’avant, bref, il abordait aux rives de cet âge parfait qui semble toujours celui qui nous voit aller sans chagrin dans le jour qui vient. Mais c’était un moment instable, un point de vacillement qu’on emportait en soi, dans une apnée dérisoire avant de se voir fouetter par les premières bourrasques.

Il demanda à la jeune serveuse s’il pouvait emprunter le journal qui traînait sur le comptoir. Pas de souci. Il se leva et lut les grands titres debout. Il hésita, le reposa sur le zinc et retourna s’asseoir.

Il sortir le spéculoos de son emballage et le posa sur sa cuillère qu’il trempa légèrement dans le café tiède. Le biscuit se défit immédiatement et il sentit sa gorge se nouer. Une infinie tristesse lui cloua les épaules. Il regardait la pâte se diluer dans la tasse et il eut envie de pleurer.

Un homme, la quarantaine emmitouflée, passa sur la place en s’aidant de deux cannes pour marcher. Il avançait par à-coups, un peu mécanique, le corps penché vers l’avant, volontaire et soudé au monde. C’était aussi comique cette façon de robot japonais mais personne ne riait et les regards retombèrent dans les conversations.

Le soleil déclinait et la clientèle arrivait maintenant du pas de la fin de journée, harassé et heureux d’avoir franchi le Rubicon une fois encore. Des femmes allaient au bras des hommes en se pressant contre l’épaule du loup qui allait gentiment les dévorer le soir.

Il se leva, paya ses consommations et se dirigea vers le petit restaurant portugais qu’il affectionnait dans le quartier. En quelques minutes, il redescendit sur terre. On l’accueillit avec des plaisanteries réservées aux habitués et il sourit de contentement. Lentement il digérait le spéculoos de la terrasse. La télévision diffusait un match de foot sur écran géant.

Il choisit une bacahlau bien sûr et trempa ses lèvres dans l’apéritif au porto que le patron lui avait servi d’autorité. Il aimait ses façons de père de famille avec la clientèle. Il retrouvait ici des attentions que ses illusions confondaient avec l’affection mais il faisait chaud et les rires sonnaient clairs.

Des voisins de table parlaient de leur famille, des enfants qui n’écoutaient plus, des jeunes qui devenaient sots à aller avec leurs écouteurs sur la tête, des homos qui se voulaient à la fois dans le centre et dans la marge, plus catholiques que le pape, ajouta la femme en riant fort, des étrangers qu’on devrait mieux traiter mais ils devraient faire un effort, des pédophiles qui si la peine de mort et du climat enfin, de la fin des ours, des marées noires, de la crise économique, de l’Islam qui quand même et de l’Irak qui jamais. Ca parlait haut et fort et il remarqua en bout de table deux enfants, huit et dix ans à peu près, une fille et un garçon, en train de chipoter dans leur assiette de soupe. Ils semblaient écouter d’un air vague la fin du monde que les adultes déclinaient dans un joyeux catastrophisme. Ils tournaient et tournaient leur cuillère dans l’assiette en se jetant discrètement des regards vifs.

C’était de leur vie que parlaient leurs parents avec cette désinvolture qu’offre le vin et ça ne semblait pas leur donner l’appétit qu’ils étaient censé avoir à cette heure. La petite fille déposa son couvert lentement le long de l’assiette, se leva et se dirigea vers les toilettes. La mère s’interrompit en l’apostrophant. Le père répondit, pas de souci, elle est grande assez, elle saura se débrouiller. La gamine disparut et la conversation reprit. Quelqu’un s’inquiéta après un temps assez long de son absence et la mère se précipita vers les toilettes. Un grand cri suivit. Elle revint avec la fillette en pleurs dans les bras, le père la relaya et berça l’enfant. Le garçon repoussa son assiette et son voisin discrètement la fit glisser vers les assiettes sales en bout de table.

Quelqu’un dit qu’ils étaient sensibles à cet âge et qu’ils ne comprenaient pas grand chose à la conversation des grands. Ils devaient s’ennuyer, c’était certain. On les autorisa à regarder le match et la petite fille se calma en rechignant un peu, mais un bizou sonore sur les deus joues la rassura. Ils s‘installèrent devant l’écran, la tête levée vers les buts.

La bacahlau était délicieuse et l’homme se sentit rasséréné par ce plat de vacances. L’équipe portugaise marqua trois penalties et la salle se congratula en riant.

(paru dans Marginales N° 276, automne 2010, La société cosmétique)

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Se souvenir pour écrire un récit biographique

Posté par traverse le 19 octobre 2010

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Les mots qui vont surgir savent de nous des choses que nous ignorons d’eux…
René Char

Se souvenir pour écrire un récit biographique

Chaque écrivain, on le sait, puise son œuvre dans son expérience personnelle confrontée au réel. Boris Vian ajoutait, « Tout ce que j’ai inventé est vrai puisque c’est moi qui l’ai inventé… » Mais en réalité, l’écriture est une façon de réparer le texte déchiré de chaque vie, une façon de recoudre avec le fil du récit la matière, le tissu dans lequel nous enroulons nos vies. Raconter, donc, est une façon de reconstruire, une façon de donner à nouveau existence à ce qui fût. Cela, chacun le sait au fond de soi. Mais dès lors que quelqu’un se mêle d’écrire du biographique, un récit de vie par exemple, et les reproches s’accumulent. « Cela ne s’est pas passé comme ça, c’est une pure invention, ce n’est pas possible,… ». A libitum.

En fait, la matière de la mémoire a besoin de se dissiper dans des souvenirs qui peu à peu, eux aussi, se transforment jusqu’à nous laisser croire en la nouvelle mouture du récit de notre vie que nous reproduisons. Chocs de la vie, maladies, amours, deuils, éblouissements artistiques,…toutes ces effractions dans le corps de notre récit-vie fléchissent le cours et c’est de celui-là dont nous nous souvenons.

Quand nous affirmons que ce récit est vrai nous voulons dire précisément que nous avons tenté le plus sincèrement possible de le restituer tel que nous l’ avons gardé en mémoire. Sachant que notre mémoire a engrangé la plupart du temps des événements que nous n’avons pas entièrement vécus mais qui nous ont marqués au plus haut point. Je veux dire que la violence d’un parent à l’égard d’un enfant fait naître en lui des paroles, des situations qu’il a peu à peu construites autour du noyau dur que constitue l’événement initial. Il convient d’abord de préciser ce que recouvrent les termes « se souvenir » et « récit autobiographique ». Ensuite il sera possible d’examiner comment le travail de la mémoire est nécessaire à ce même récit autobiographique. Mais est-il pour autant sans pour autant la seule source à laquelle nous puisons ?

Le souvenir » et le « récit biographique »

Un souvenir est un résidu qui flotte en nous, un résidu émotionnel, une matière volatile faite d’affects plus ou moins vécus directement. Le récit biographique est cette mise en forme des souvenirs dans le fil d’un récit qui donne sens, momentanément ou pour l’éternité (relative du sujet). L’auteur d’un récit vde vie par exemple prendra soin de consigner ce qu’il a vécu et sera attentif à relier, à coudre (raptein coudre en grec,), à se faire rhapsode de lui-même. Cette couture des événements intimes ou publics vécus par l’auteur ne prendra tout son sens à ses propres yeux et oreilles que s’il en transforme la forme. Du flottant et éloigné souvenir, on fabrique un récit net, déclaré, ouvert à l’exploration de la lecture

Le récit de vie est profondément personnel et unifié par la vie de l’auteur. Cette unicité du récit de vie ne le met cependant pas à l’abri de ce que nous appellerons communément des « lieux communs ». Ces lieux communs sont des façons de régler la température du récit sur la température ambiante et collective. Une façon de dire et de ne pas avouer, une façon de ne pas préciser ce qui fait soudain l’expérience unique car, je le pense, nous vivons en permanence dans cette double mesure du monde qui est de nous sentir si profondément inatteignables dans cette forme unique d’existence qui est la nôtre et en même temps nous rejoignons le groupe, la foultitude des vivants par la répétition des mêmes comportements, par la répétition des mêmes rites, par la répétition du même langage.

Vérité et sincérité

Vérité et sincérité n’appartiennent pas ici à la même loi. L’étymologie de sincérité est assez belle que pour être convoquée ici …Michel Angelo, sculpte avec ses élèves dans l’Atelier de grandes et fortes sculptures de marbre. Parfois le burin des élèves dérape et pour masquer la griffure, la trace de maladresse, l’élève y remédie en bouchant la fissure de cire mêlée à de la poussière de marbre. Lors des grandes Ventes publiques des statues du Maître, le Courtier prenait bien la peine de préciser, que cette pièce, si elle était de la main du Maître était sine cere (sans cire), c’est-à-dire « sincère »…La sincérité donc est cette façon de ne pas retirer ni d’ajouter ce qui fût vécu. Pas de cire dans ce récit qui a souvent des allures de galop. La vie se laisse attraper au lasso et pour la consigner, il s’agit d’en consigner les moments forts et visibles. Les pensées intérieures déjà semblent échapper à ce récit de vie qui est alors en train d’échafauder des mines et des façons. Mais l’important est, au nom de cette sincérité de fixer l’événement, notre relation au monde et d’en rendre compte au plus près…Et cette sincérité permettra à l’auteur de défigurer le réel à l’envi, c’est-à-dire à transformer l’entendement commun en matière personnelle, intiment restituée telle qu’elle fut vécue ou telle que la mémoire de l’auteur la retenue dans le filet aux mailles qui se distendent de jour en jour…

La vérité, c’est autre chose…

La vérité requiert d’autres qualités ou d’autres dispositifs. On peut même risquer que la vérité souvent ne s’embarrasse pas de la sincérité ou plutôt elle s’appuye sur un autre type des sincérités, celle qui consiste à aller contre le sens commun qui rassemble, qui unit, qui réunit dans le souvenir commun. Et soudain, la vérité offusque, décrie, dénonce un réel que nous avions pris soin de transformer. Pourtant cette vérité n’est pas utile si elle ne passe pas le plus souvent par des accents de sincérité. Autrement dit, la représentation du vrai doit atteindre le sujet par le biais du vécu, du sincère pour pouvoir mettre en mouvement le lecteur ou l’auteur/ Cette vérité suppose aussi de s’informer alors que la sincérité déforme pour la vraisemblance du récit.

Ecrire du biographique, c’est toujours naviguer entre ces deux eaux. Ce qui nous importe dans l’atelier d’écriture, c’est de mettre l’auteur au travail de cette reconnaissance et de l’inviter à choisir, à poser des balises, à distinguer, donc à …discriminer les souvenirs du réel.
C’est dans cette apparente impasse que se loge le récit singulier que nous cherchons à tisser…ou à coudre.

On comprendra bien donc que le récit biographique ou le récit de vie peuvent se couler parfois dans des formes apparentées à la fiction. Quand l’auteur cherche à mettre à jour ces distinctions, il lui faut souvent entonner le chant de la fable pour y déceler des ingrédients qui ne se laisseraient pas manipuler sans l’usage de ces « pinces fictionnelles »…

La mémoire constitue donc le matériau le plus évanescent, le plus subtilement instable. Il s’agit, dans le récit, de le capter, comme on chasse le papillon, d’un trait bref et sec et sans aucune violence. Le texte doit viser un endroit précis et dans le même temps, l’auteur sait que pour l’atteindre, il devra contrôler son mouvement, anticiper sur le moment de la capture en mettant en place un dispositif qui permettra de rendre compréhensible par chacune et chacun ce moment de chasse incongrue.

La vraisemblance et l’inscription de la vie de l’auteur dans le Récit, sous quelque forme que ce soit, permet évidemment de ramener le papillon et de le décrire alors tel qu’il n’est pas mais tel que nous souhaiterions qu’il fût…

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Un noir et blanc très en couleurs…

Posté par traverse le 14 octobre 2010

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A l’occasion du 50ème anniversaire du Congo (RDC), la Cinnematek a publié un Double DVD d’archives (N/B et couleurs) accompagné d’un livre présentant les commentaires essentiels sur les auteurs et les conditions de tournage des oeuvres. Depuis les années 20 jusqu’au années 50, des amateurs, des fonctionnaires, sont chargés de récolter des images dans le but d’éduquer, de former, d’informer, de promouvoir de maîtriser un Congo encore vécu comme l’Eldorado peuplé d’hommes et de femmes regardés dans l’étrange éloignement que les images rapportent.

Bien sûr la sympathie, l’amour même des belges à l’égard des congolais n’est pas à mettre en doute, on en connaît de multiples exemples, ainsi que la réciproque des congolais à l’égard des belges. Mais la question essentielle que posent ces films me semble résider dans l’étrangeté de l’autre montrée comme exotique et surtout comme « aimable ».

On est « touché » par ce film nous présentant un Roi Baudouin, notre Roi chagrin, si à l’aise « là-bas », loin d’ici, un Roi photographiant, riant, marchant d’un pas léger. Il ne sait pas encore que Lumumba sera le fils de cette époque et viendra lui planter son Discours de Libération dans la face alors que nous attendions, dans la deuil de la perte congolaise, des violences ou des insultes, mais pas la revendication de la Justice de l’Histoire. On sait que Lumumba fut la répétition de Mobutu sur un plan: la naissance de la fierté nationale congolaise. Les deux hommes se détestaient peut-être mais se sont si longtemps ressemblés dans le courage et l’audace qu’ils avaient de relever la tête.

Ces films, émouvants, pétris d’une part de notre mémoire coloniale que nous ne pouvons gommer ni embellir fait trace de commémorations de sombres tragédies et d’une longue histoire d’ambivalence. Le colon regretté (parti trop tôt…alors que la pays n’était pas encore prêt… l’antienne est connue) et détesté tout autant…Il suffit d’entendre les paroles simples glanées ci et là par les cinéastes de cette édition pour comprendre que ce « continent » fut l’objet de toutes les ambitions et d’une violence sans commune mesure dans l’histoire des colonialismes occidentaux.

Mais ce qui est le plus intéressant dans cette publication, c’est le choix des auteurs-réalisateurs. Ils filment dans le souci de nous apprendre le maximum d’informations et on sent la passion de ces cinéastes pour leur sujet. Avec le recul et notre connaissance de l’histoire, on comprend mieux les passions qui s’y sont déchaînées et qui marquent la plupart des familles d’ici et de là dans les générations qui se sont succédées jusqu’à l’Indépendance.

Et dans la vision de ces images, soudain, on bondit hors de l’histoire et on entre dans le cinéma…Ernest Genval, Gérard De Boe, André Cauvin se partagent les plages de ces deux DVD nécessaires à notre mémoire comme à l’avenir de nos relations belgo-congolaises…Les images alignent dans le même émerveillement sidéré des fleurs, des rapides et des visages. Autre part, on assiste aux rituels de danse et de célébration catholique, ailleurs encore, l’anthropologie rudimentaire côtoie l’intelligence d’observations qui font résonances déjà avec ce qui s’écrivait dans les textes de l’école française d’ethnologie ou chez Michel Leiris dans son livre magnifique, l’Afrique fantôme (Gallimard)…

Dans les difficultés politiques et institutionnelles que connaît actuellement la Belgique, nous pouvons imaginer à quel point le spectateur se met à rêver, à son insu, non pas au Congo, mais à une Belgique qui tenait si unie, entre autres, grâce au Congo…

Par ailleurs, la Cinematek organise tout ce mois des projections de films sur le même sujet. Regrettons la part congrue de cinéastes ou de films congolais qui feraient contrepoint, même dialogique à cette aventure que notre belle Cinematek nous offre!

Un noir et blanc très en couleurs... dans carnets pdf cameracongo.pdf

www.cinematek.be
DVD1: 138 min
DVD2: 138 min. Prix 21 euros.

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Des dessous très goûteux…

Posté par traverse le 14 octobre 2010

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Les dessous de table (1)

Nicole Versailles n’est pas une inconnue pour celles et ceux qui s’intéressent à la littérature numérique, aux blogs etc… Elle avait déjà publié dans la collection Je un livre très documenté et passant au crible il y a trois ans une expérience de « Blogeuse », « Tout d’un Blog » (www.couleurlivres.be éditions). Le livre avait marqué alors que le sujet semblait inépuisable. C’est que Nicole Versailles a une plume efficace et une réelle volonté de partager ses aventures.

Elle avait publié ensuite et dans la foulée, « L’enfant à l’endroit,l’enfant à l’envers » chez Traces de vie (Annemarie Trekker) et elle fait paraître ici son dernier opus, « Les dessous de table ».

Nombre de ces nouvelles furent écrites dans le cadre d’ateliers écriture que j’anime et les voir ici rassemblées et publiées me donnent chaud au coeur.

De quoi s’agit-il? Des vices et (rares) vertus qui nous rassemblent autour des tables. Le sujet est générateur de fables. On se souvient de la Dernière Cène, qui se conclut par un massacre, plus près , de nous, dans une vigueur bien hispanique, Luis Bubuel nous avait donné « Le Charme discret de la bourgeoise » et enfin Ferreri avait lancé son brûlot « La grande bouffe ».

La table a engendré nombre de films et de romans. On pourrait dire que tout le roman picaresque choisit la table comme ouverture du lit et laisse entendre que les plaisirs de la table laissent flotter plus de mystère que le lit où la « chose » vite ou longuement faite n’appartient qu’à l’intelligence des amants. La table, par contre requiert d’accueillir tout un art, qui s’appelle la culture…

Nicole Versailles nous place ses personnages et ses intrigues dans des histoires de tables dont les dessous sont tantôt frivoles, amoureux, dramatiques ou franchement méchants. On souhaiterait la voir parfois encore plus radicale dans le traitement de ses personnages, dans leurs destins, dans la relation de causalité que la table fatale a provoquée..Hormis ce regret, saluons l’auteur ici pour la délicatesse du regard et la fermeté de la phrase. Chaque nouvelle rapporte un peu de notre manière de vivre et de nous détruire dans la bêtise et la stupidité du monde qui est celui que nous aimons tant, manifestement.

Ce sont des nouvelles à offrir avant de passer à autre chose…Noël est une belle occasion, Pâques aussi et la Trinité, si vous êtes patients…

Belle lecture!

(1) Edition Memory press, 159 pages, 14 euros.
Son Blog: http://coumarine.blogspot.com)

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Mémoires et notes diverses prises au cours de la traversée de Bruxelles

Posté par traverse le 13 octobre 2010

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Mémoires et notes diverses prises au cours de la traversée de Bruxelles ou de ce qui y ressemble

Conférence

En ce qui concerne ce périple et tout ce qui y touchera, il conviendra de lire ces notes et les essais de mémoires qui y sont consacrées avec la circonspection qu’il se doit.

Bruxelles (Latitude 50° 50′N et longitude 4° 20′) est apparemment une région de haute civilisation mais quelques pratiques, que nous décrirons plus loin, nous font douter parfois de cette assertion.

Temps brumeux, pluie, froid en fin de journée, voilà en quelques mots les éphémérides résumées. Bruxelles campe au cœur de ce pays petit, coupé au nord par une Mer plus dangereuse qu’il n’y paraît, que les marins reconnaissent comme une tueuse, et dans le sud, fleuves, rivières et forêts se longent ou se coupent dans le schiste ou le grès. Du soleil tombe parfois brutalement sur ces régions aux grâces discrètes et du climat il est toujours question, même au plus dur des combats. Au centre, une région bâtarde faite de tout ce que les hommes aiment quand ils les sauvent des flammes des envahisseurs ou les soustraient aux cupidités des argentiers.

Bruxelles brille souvent le matin dans le reflet de ses hautes bâtisses. Les dorures des temples et les dômes des agoras réfractent dans l’horizon mouillé de nuages effilochés des zébrures lumineuses dans des ciels tourmentés. Les rues y sont larges souvent mais dans le centre ancien de la cité on peut encore aller dans des ruelles où un homme et son chien ambedui marcheraient à l’étroit. Des communes, sortes de cités agglutinées autour de la cité centrale, y vont chacune de leurs prérogatives.

L’une accueille plutôt les pauvres et les moins éduqués, l’autre abrite les maîtres d’hier et d’aujourd’hui. Il est fort à parier quand on regarde ces communes que bientôt certains points d’équilibre changeront de lieux et que des vertus naîtront dans ces quartiers aujourd’hui voués à de banales misères qui muent souvent en énergies nouvelles.

Des parlers gutturaux, des langues d’Orient et d’Occident, des dialectes du Sud et de plus loin encore déboulent et s’entremêlent dans le brouhaha des marchés. On peut y entendre déjà le belge, le français, le flamand, le wallon, le luxembourgeois, l’italien, l’espagnol, le portugais, l’albanais, le turc, le kurde, le serbo-croate, le grec, le russe, le polonais, l’arabe, le berbère, l’hindi, le tamoul, l’allemand, le hollandais, le basque, le breton, le catalan, le swahili, le kinyarwanda, le lingala, le roumain, le bulgare …et l’inuit parfois en fin d’hiver.

La vie des natifs semble perturbée par l’afflux de migrants venus des quatre coins du monde. Ces migrants sont le fond de sauce de ce pays qui, depuis le début de sa courte existence, a connu l’ironie de l’histoire, les drames, les tragédies mais aussi une richesse que les anciens regrettent encore en soupirant et proférant à tous propos « Cela ne nous rendra pas le Congo »…

Que ce soit du Nord au Sud, il n’y a pas de jour qu’on ne parle de ces personnes, familles, enfants venus dans cette cité centrale pour y trouver refuge et avenir. Les philosophes à la petite semaine, donneurs de leçons patentés et autres vaticinateurs semblent ignorer les réalités nées de ces confrontations obligées et le moral d’une partie non négligeable de la population est miné par des considérations d’un autre âge. Reporter l’affrontement éventuel d’un désastre au lendemain est un exercice que les velléitaires pratiquent volontiers quand il s’agit de maintenir les privilèges de sa prébende et de résister aux exigences de la charge.

Il faut comprendre que les édiles de cette étrange ville sont particulièrement muets en ce qui concerne ces prurits et ces irritations. Nous avons constaté à quel point le langage de ces représentants est souvent construit de quelques mots, reliant des phrases qui semblent contenir des idées alors que ces déclarations sont subtilement vides.

Certains au sein des assemblées qui les représentent doutent de leur pérennité et mettent en scène violemment les inquiétudes qui les assaillent quant à la qualité de leurs frontières et donc de leurs alliés ou de leurs ennemis.

L’art du creux, comme le saut à la corde ou le lancer de fléchettes, passionne souvent les représentants de cette région majestueusement silencieuse…Ce qui se dit n’est jamais évidemment ce qui se pense et cette sorte de schizophrénie dans le langage en ce qui concerne la matière des cohabitations culturelles est le propre de cette grande ville qui en a vu d’autres et qui sait que tout ce qui trempe un jour suffisamment longuement dans son jus prendra naturellement, par une sorte de mimétisme naturel, le goût de la macération commune

Mais, et c’est remarquable, d’autres, les plus nombreux, font, face à cette multitude brassée par la proximité, ce que tout honnête homme se doit de faire, vivre à côté de son voisin, quelles que soient ses façons de faire bouillir l’eau et ne pas chercher à l’aimer particulièrement. On se fréquente, on s’habitue, et la détestation, bien naturelle entre membres de tribus différentes, ne tient à s’exprimer au-delà de ces frontières de cultures autrement que dans des remarques ou des idiomes souvent savoureux et peu chargés de cette haine rédhibitoire qui fait se lever les amoureux des saignées et des ventouses que tout corps social recèle ailleurs.

La haine est un plat que goûte assez peu le bruxellois moyen. Bien sûr, nous le répétons, des détestations, des incapacités à vivre ensemble dans l’harmonie pompeuse que les élus semblent revendiquer pour les autres, sont le lote de chaque jour alors que ces mêmes représentants du peuple sont dans un temps où, chacun le remarque aisément, le politique se reproduisant comme chacun, il donne naissance à une lignée de filles et de garçons qui se mettront eux aussi en « politique », comme on se mettait jadis dans le rouge de l’armée ou le noir de la soutane.

Nous avons pu noter également quelques expressions qui mériteraient toutes d’être développées si la place et la finalité de cet opuscule n’étaient tout autres…Nous pouvons cependant affirmer que l’adjectif « mon » ou « ma », dans la bouche de la bruxelloise et du bruxellois moyens, expriment surtout une relation et non une possession grossière.

On dira donc le plus naturellement du monde « mon épicier marocain », « mon poissonnier portugais », « mon restaurant iranien »,…On y ajoute aussi le qualificatif « petit », qui rend compte directement, dans la conversation, du degré d’intimité reliant le client à son fournisseur.

« Mon petit restaurant vietnamien » signifie donc qu’il n’est pas cher, que les plats qui y sont servis sont délicieux, que le service y est gracieux et que le personnel, outre son sourire énigmatique, offre souvent ce petit alcool en fin de repas qui marque un point final agréable aux agapes (versé en général dans ces minuscules bols au fond ovoïde et transparent qui permet, quand l’alcool est limpide, d’y admirer une beauté exotique dont les rues de Bruxelles laissent parfois entrevoir le charme des mêmes élégantes qui s’y promènent).

Cette considération, qui n’entre pas dans nos observations par manque d’outillage suffisamment précis et adaptés à l’estimation des traumas ou des blessures symboliques que chaque camp s’estime le droit de ressentir, est cependant déterminante dans les comportements, les us et coutumes et les valeurs de transmission que chaque autochtone semble vouloir défendre avec acharnement.

Nous nous sommes prudemment tenus à l’écart de ces considérations sachant que lors de rencontres à l’occasion de notre voyage, nous avons pu tenir pour vrais les témoignages issus des deux camps. Les faits, bien sûr, ne sont pas par moi, vérifiables, mais les échos qu’ils produisent sont assurément infinis et souvent assez sombres.

Des générations semblent s’être visitées sans le goût des visites, aimées sans le goût des amours et cohabité sans le désir des querelles. Ces affrontements dont la presse et la librairie rendent compte est dû, selon nous, à un penchant certain à l’escarmouche et aux joutes verbales, ce qui est toujours le cas des hautes civilisations qui, pratiquant l’injure et plus quotidiennement encore l’insulte, évitent par là-même le passage aux actes et aux combats qui fauchent habituellement généreusement le meilleur des générations.

Bruxelles connaît évidemment des injures spéciales, des sédiments de mépris particulièrement vifs : « architecte », en fut un alors que ce mot dans de nombreuses coutumes semble connoté de talent et d’invention.

Cette capitale, nous le constatons dans le fil de l’histoire, à des espaces et des frontières mobiles. Un accordéon en quelque sorte tient lieu de fil à plomb.

Bruxelles a effectivement des frontières floues à certains endroits. Nous y promenant récemment, nous avons admiré un paysage inchangé, plat et griffé de quelques forêts ça et là. La langue y demeure inchangée, se prolonge, se dilue même à travers le tracé invisible des frontières mais l’administration, jalouse de ses prérogatives, piétine sur le pas de la porte des principes qu’elle est seule souvent à reconnaître.

Se haïr, oui, se mépriser, passe encore, mais s’occire, non merci. La vie chagrine semble, pour le bruxellois, plus douce que la mort ou la défaite qui plongent alors une cité dans la déréliction et le désespoir.

Bruxelles n’est pas Troie et aucune guerre ne pourra l’abattre, elle est au centre des négoces et de toutes les corruptions, elle brille de cette insignifiance qui est la botte secrète des grandes amoureuses et elle offre à celles et ceux qui la découvrent un jour suffisamment de ses charmes faciles que pour ne pas la détester tout-à-fait.

Nous arrêtant dans quelque estaminet nous pouvons mesurer la vertu du citoyen de ces contrées : il vit en désaccord parfait avec les représentants qu’il élit cependant avec une ponctualité de métronome et ne semble s’offusquer en rien lorsque le tribun de la veille file à la sauvette entre deux grilles royales sans demander son reste. Il sait que Bruxelles est vaste malgré son apparente étroitesse et que bientôt le temps des triomphes reviendra dans la cité cosmopolite qui bat au cœur d’une Europe incertaine.

« Non, peut-être ! » Voilà l’expression qui résume un destin. Un « non » claquant et sonnant, un « non » fier et racé, un « non » sans afféterie mais à l’instant ponctué d’un « peut-être ». On pourrait croire que cette affirmation ralentie si ce n’est délayée dans le « peut-être » signifiât un noble retrait, une hésitation, une péripétie vite déjoués par la suite de la phrase ? Et bien non.

Cette expression, « non, peut-être », signifie tout bonnement « oui », un « oui » tonitruant, un « oui » d’allégeance, un « oui » pétant de vie comme curé dans les caves vaticanes. Je ne parlerai pas ici, du « oui, sûrement » qui, selon le principe du « non, peut-être » signifie évidemment le contraire de la chose mais ne porte en son sein pas la même évidence que dans l’exemple précité.

A cet endroit de mon récit, nous nous devons, pour le repos du lecteur, de répertorier quelques plats goûtés ces temps derniers et qui, aussi roboratifs qu’ils fusent, ne gardent pas moins à mon souvenir l’élégance et la légèreté des mets le plus fins : le stoemp, la moule, la frite, remplaçant en cas de disette tous les autres plats, la sole, l’anguille, des pains de viandes de toutes sortes servis rôtis, grillés ou en sauces, des soupes et des charcuteries, des fromages blancs piqués de fines herbes et de radis,…toutes sortes de mets allégés de bières blondes ou brunes qu’il se doit de boire pour conclure une belle journée. Les pâtisseries suivent et parfois, dans il est en usage dans certains pays voisins, des fromages ou d’autres gâteries. Les farces aussi font la joie du bruxellois, celle des viandes et celle des gamins tirant les tresses des gamines. Mais dans Bruxelles, les palais délicats peuvent aussi goûter chaque jour au meilleur des cuisines, les taboulés, les caldeirades, les choucroutes, les couscous, les tajines de poissons ou de volailles, les pastillas, le foufou et le rude pondu, la moambe, le feta, les mezzés, les huitres, la bacahlau,…Tout ce qui mange sur terre a sa table à Bruxelles et comme tout ici est prétexte à fausse diablerie et à réelle embrouille de l’entendement général, manger ne suffit pas, c’est passer à table comme on passe l’arme à gauche dont il est question ici…

Ensemble filons maintenant vers son centre avant que d’entrevoir ses vastes périphéries et les couleurs locales des crimes qui s’y jouent la nuit.

Des bustes, des statues équestres, des fontaines, des parcs, encore et encore des parcs, ouverts, fermés, paysagers, inhabités, à l’abandon, nettoyés au pinceau, pour enfants, vieillards et amoureux transis, des parcs partout où courent des milliers de chiens dispensateurs de crottes bien touffues que les propriétaires ramassent de plus en plus souvent, la main gantée appuyée d’un sourire qui fait pitié.

Quelle étrange coutume que de mettre des hommes aux services des bêtes et de leurs plus vulgaires besoins ! Nous devons reconnaître que cette habitude est rare et Bruxelles est une des villes la mieux policée sur ce point. Chiennes et chiens vont donc gaiement avec leurs maîtres et maîtresses qui leur courent derrière. Il faut dire que pour certains cet accompagnement canin est souvent le seul interlocuteur des jours comme des nuits.

Passons aux pigeons aimés et détestés pour les mêmes raisons que la gent canine déjà évoquée. Leurs fientes sont une des marques de Bruxelles. Monuments, façades, toits, terrasses, passants égarés parfois sous l’œil vif des volatiles, sont la proie des chiures. Et il est étrange qu’ici on consomme encore avec tant de gourmandises ces petits volatiles qui, agrémentés de raisins et bardés de lard frais, sont un régal pour le connaisseur. Dans des temps pas si anciens, il était habituel de dire qu’un pigeon était bon pour réparer la faiblesse des enfants.

Le Roi, en son palais royal de la Place des Palais hésite souvent entre ses multiples demeures, une seule lui est réservée cependant pour l’éternité dans une chapelle privée d’une église sans grâce élégiaque et qui fut récemment, dit-on, arrachée de haute lutte aux pigeons qui avaient de leurs communes déjections attaqué la pierre de l’auguste édifice.

Les Agoras citoyennes sont ouvertes aux voitures qui y vont et viennent du matin au soir et du soir au matin car il est de notoriété publique que celle ville modeste dans certaines de ses dimensions (population, transports populaires…) est vaste et orgueilleuse en matière diplomatique. Des ambassades du monde entier s’y regroupent des Institutions communes, des Services secrets et de police y poussent comme les cafés et les poètes inconnus.

Dans les temps de promenade on peut croiser à Bruxelles gens de toutes sortes et d’origines innombrables. Cela fait aussi le charme de cette capitale de province qui s’est hissée au niveau des plus grandes.

Enfin, le train et ses déclinaisons va de Jonction en dérivations et multiples encombrements. Car si le bruxellois aime son « chez soi », il est souvent amené à voyager dans son propre pays d’abord, par les contrées étrangères qui le bordent, ensuite.

Dans les périphéries de ce noyau, d’autres lois se déplient parfois, des violences banales et des amours nouvelles nous font oublier la noire turpitude des villes ancestrales. La périphérie est colorée des matières de l’étrange proximité des êtres, leurs singularités s’arasent à la banalité de la répétition et le bruxellois campe souvent sous la tente du nomade qui prend place dans la métropole sédentaire.

Nous avons rapporté ici quelques étrangetés à mettre sur le compte d’un tempérament fantasque, voilà ce qui fait probablement le caractère de Bruxelles et qui la fait aimer. Mais ce qui nous sembla le plus subtilement régional dans cette ville de bric et de broc c’est la vitesse du temps, qui, des collègues plus informés des sciences que moi l’attestent, est légèrement ralenti dans la traversée de Bruxelles.

La durée ici s’installe, le bref s’évanouit, le brusque nous échappe, le délié prend place. Le ralenti est de mise et des affaires peuvent sans raison soudain être reportées sans que le sort de la cité n’en soit paralysé. Des drames bien sûr se jouent sous des airs de kermesse mais le cœur du bruxellois moyen bat un tantouillet plus lentement que celui de ses voisins.
C’est pourquoi, il nous semble voir en cette cité un lambeau tournicoté de paradis tombé des peintures célestes qui font de ce lieu de transit qui s’appelle la terre, en ces latitude et longitude, un endroit de latence où les choses adviennent au gré des promeneurs.

DS,
octobre 2010

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Quand vous serez dissipé

Posté par traverse le 4 octobre 2010

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Quand vous serez dissipé dans la brume exhalée des vivants, que vous prendrez la mesure d’une infinie coudée votre vie passée, que vous direz en murmurant à l’oreille des enfants des choses entendues qui sauvent parfois des bouches trop goulues, que vous ferez mine de rien entre deux saules ici et deux ombres là-bas, que vous irez dans la vulgaire engeance des colères anciennes à califourchon sur de fières injustices, vous vous direz peut-être : va et note le chemin de ces quelques poèmes tombés de la poche du farouche claudiquant.

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Ne reste de ce jour

Posté par traverse le 2 octobre 2010

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Photo, Dragan Markovic

Ne reste de ce jour que souffles et miettes sur la table, mains posées sur les épaules du soir qui avance dans des détours d’automne, ne reste de ce jour en la nuit qui s’affale sur les boulevards et les impasses, paroles éparpillées dans le frottement des voix, promesses de chagrin et de stupeurs diverses, bonheur de ne plus se lancer dans les arènes anciennes des colères perdues, confiance dans le sang qui afflue encore et encore dans l’instable avenir des amours.

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