Un noir et blanc très en couleurs…
Posté par traverse le 14 octobre 2010
A l’occasion du 50ème anniversaire du Congo (RDC), la Cinnematek a publié un Double DVD d’archives (N/B et couleurs) accompagné d’un livre présentant les commentaires essentiels sur les auteurs et les conditions de tournage des oeuvres. Depuis les années 20 jusqu’au années 50, des amateurs, des fonctionnaires, sont chargés de récolter des images dans le but d’éduquer, de former, d’informer, de promouvoir de maîtriser un Congo encore vécu comme l’Eldorado peuplé d’hommes et de femmes regardés dans l’étrange éloignement que les images rapportent.
Bien sûr la sympathie, l’amour même des belges à l’égard des congolais n’est pas à mettre en doute, on en connaît de multiples exemples, ainsi que la réciproque des congolais à l’égard des belges. Mais la question essentielle que posent ces films me semble résider dans l’étrangeté de l’autre montrée comme exotique et surtout comme « aimable ».
On est « touché » par ce film nous présentant un Roi Baudouin, notre Roi chagrin, si à l’aise « là-bas », loin d’ici, un Roi photographiant, riant, marchant d’un pas léger. Il ne sait pas encore que Lumumba sera le fils de cette époque et viendra lui planter son Discours de Libération dans la face alors que nous attendions, dans la deuil de la perte congolaise, des violences ou des insultes, mais pas la revendication de la Justice de l’Histoire. On sait que Lumumba fut la répétition de Mobutu sur un plan: la naissance de la fierté nationale congolaise. Les deux hommes se détestaient peut-être mais se sont si longtemps ressemblés dans le courage et l’audace qu’ils avaient de relever la tête.
Ces films, émouvants, pétris d’une part de notre mémoire coloniale que nous ne pouvons gommer ni embellir fait trace de commémorations de sombres tragédies et d’une longue histoire d’ambivalence. Le colon regretté (parti trop tôt…alors que la pays n’était pas encore prêt… l’antienne est connue) et détesté tout autant…Il suffit d’entendre les paroles simples glanées ci et là par les cinéastes de cette édition pour comprendre que ce « continent » fut l’objet de toutes les ambitions et d’une violence sans commune mesure dans l’histoire des colonialismes occidentaux.
Mais ce qui est le plus intéressant dans cette publication, c’est le choix des auteurs-réalisateurs. Ils filment dans le souci de nous apprendre le maximum d’informations et on sent la passion de ces cinéastes pour leur sujet. Avec le recul et notre connaissance de l’histoire, on comprend mieux les passions qui s’y sont déchaînées et qui marquent la plupart des familles d’ici et de là dans les générations qui se sont succédées jusqu’à l’Indépendance.
Et dans la vision de ces images, soudain, on bondit hors de l’histoire et on entre dans le cinéma…Ernest Genval, Gérard De Boe, André Cauvin se partagent les plages de ces deux DVD nécessaires à notre mémoire comme à l’avenir de nos relations belgo-congolaises…Les images alignent dans le même émerveillement sidéré des fleurs, des rapides et des visages. Autre part, on assiste aux rituels de danse et de célébration catholique, ailleurs encore, l’anthropologie rudimentaire côtoie l’intelligence d’observations qui font résonances déjà avec ce qui s’écrivait dans les textes de l’école française d’ethnologie ou chez Michel Leiris dans son livre magnifique, l’Afrique fantôme (Gallimard)…
Dans les difficultés politiques et institutionnelles que connaît actuellement la Belgique, nous pouvons imaginer à quel point le spectateur se met à rêver, à son insu, non pas au Congo, mais à une Belgique qui tenait si unie, entre autres, grâce au Congo…
Par ailleurs, la Cinematek organise tout ce mois des projections de films sur le même sujet. Regrettons la part congrue de cinéastes ou de films congolais qui feraient contrepoint, même dialogique à cette aventure que notre belle Cinematek nous offre!
www.cinematek.be
DVD1: 138 min
DVD2: 138 min. Prix 21 euros.
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