Ce mouvement coupable
Posté par traverse le 10 janvier 2012
« …coupable, forcément coupable! » répétait Duras dans « Outside » à propos de l’Affaire Grégory. Coupable, forcément. Bien sûr, le pétard est déjà mouillé, quelqu’un lève le doigt et d’un air docte précise que responsabilité n’est pas culpabilité…Balivernes. A un certain srade de la trahison (des Clercs, de la classe moyenne, des Etats, des Syndicats, des Politiques, des…ad libitum) l’un vaut bien l’autre. A un certain stade de l’abandon des questions de base, essentielles, vitales, on est focément coupables et responsables.
Les seins siliconés qui se délitent en cancer sont épouvantables, certes, mais ne me poussent pas à un degré de compassion extrème, la pillule contraceptive de la quatième génération aux incidences catastrophiques sur certaines femmes (les jeunes surtout, « car voyez-vous, cette pilulle avec son potentiel d’oestrogènes soigne aussi l’acnée… ») ne me tire pas vers un sentiment d’effroi particulier. On se dit, in petto, tant pis…Puis on passe aux questions sérieuses, malaria, etc…
Le Sida n’est rien en regard des catastrophes provoquées par la malaria ou l’analphaébétisme responsable des sanglantes régressions religieuses et le pétrole, tiens, que l’on se colle jusque sous les mamelons, comment on va se le garder? Voilà des questions, autres que celles qui mijotent au sein de la Classe moyenne blanche fatiguée d’elle-même, indignée et festive.
Et ces temps qui courent comme une poule sans tête (j’ai toujours rêvé de placer cette expression dans un texte…): de la Fin du monde maya à la gastronomie des prochaines années: un cricket et une larve contre une tranche de boeuf aux hormones ou un poulet batterie…je me sais chaque matin définitivement plus proche de ceux qui hésitent sérieusement en ce moment encore « à jouer le jeu ». Plous proche de celles et ceux que les politiques ont nommé la France d’en bas dans cette Fracture sociale où les clowns médiatiques versus le marketing du vide construisent le « cauchemar climatisé »1 de demain.
Le cauchemar climatisé, c’est aussi cette étrange façon de parler « des autres » tout en affirmant aller vers »l’Autre » et en le regardant de loin. C’est cette schizophrènique distinction qui me fait rêver chaque nuit à ce terrible et beau moment Titanic dont le centenaire se commémore cette année…
Bonne fête!
1. Henry Miller
« A certains individus le fait d’être coupés du monde donne un développement qui dépasse la normale : ils rayonnent de puissance et de magnétisme ; leur conversation est éblouissante et stimulante. Ils mènent une vie bien remplie, paisible, en harmonie avec le milieu qui est le leur, une vie libre des ambitions et des rivalités mesquines de l’homme qui vit dans le siècle. Le plus souvent ils ne se sont pas retirés du monde sans lutte, car la plupart d’entre eux possèdent des talents et des dons que ne soupçonne pas l’intrus curieux. Ils sont plus doués par la nature, ils voient plus loin, ils sont plus dynamiques, plus inventifs et sans aucun doute ont-ils plus d’entrain. Quand ils choisissent de se retirer du monde, ce n’est pas par défaitisme, mais parce que leur amour même de la vie leur confère une sagesse qui s’exprime par le renoncement. »
Henri Miller, « Le cauchemar climatisé »
Grand Miller !