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Ne trouves-tu pas que le temps change ?

Posté par traverse le 8 mars 2012

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Dans ces textes courts, l’auteur nous livre ses impressions du monde, par touches brèves et mots choisis, et ces impressions sont loin d’être roses. La morosité est à la mode en ce début de siècle et Daniel Simon sacrifie bien à cette tendance. Il émane de ces récits volontairement touffus un sentiment de malaise et de tristesse latente, de vie lourde aux épaules. L’ambiance générale est sombre malgré le foisonnement d’images et de couleurs.

Ces tranches de vie à peine effleurées en quelques pages à travers une brume de mots, de bouts de phrases, comme des pensées fugitives traversant l’esprit des personnages presque à leur corps défendant, comme surgissant librement à la dérive, nous sapent un peu le moral…

La recherche littéraire est évidente, les phrases entourloupées tourbillonnent entre réalisme et surréalisme, entre rêve et raison, se complaisent à errer dans les délicieux aléas de la pensée humaine pour nous en faire savourer la moindre miette – souvenirs, avenir, devenir….

Ce ne sont pas des nouvelles à proprement parler, mais des bris de vie, des émotions, des ressentis longuement explorés, consciencieusement commentés, amoureusement analysés. Que penser de ceci :

Tout, autour, laiteux, visqueux, lisse et odorant, tout, autour, souple et enveloppant, gras et glissant tout le long, long des bras, des jambes, des fesses, du sexe et de la nuque, tout, autour, des grumeaux broyés, des couches mêlées, des ivoires réduits en poudre, tout, autour, des choses tombées dans la matière du gras, tout, autour, encrassé et déchiré, les nuages enfoncés dans la gorge des abîmes, le ciel retourné dans les rizières de plomb et le silence, le silence enfin, cette bizarre interruption des langages salaces, cette apnée gigantesque avant la grande irruption du brouillage final, la vague arrive, dressée comme une forteresse aux marches de l’Empire, le liquide reprend sa place, initiale et terrible, il soulève encore une fois le monde et la rue et le banc et l’appartement aux fenêtres circulaires, le calme des enfants, l’agitation des mères et la vertu hypocrite des vieillards…

Essoufflant, non ?

Daniel Simon aime faire de la littérature et ne s’en cache pas. Ne fait-il pas dire à l’un de ses personnages : Je ne sais pas pourquoi mais je ne peux vivre sans imaginer que ça va servir à quelque chose qui a à voir avec l’écriture. J’aime certains de mes échecs pour la matière qu’ils m’ont offerte. Je me soupçonne même de me compliquer la vie pour aiguiser mes outils (!)

Effectivement, tout peut servir de matière première à qui veut écrire.

Comme cette scène – cinq minutes, dix minutes ?- où un automobiliste sue de peur, coincé derrière une voiture à l’arrêt où se trament de sombres deals entre voyous de rue, sans qu’il ose klaxonner pour demander le passage ni même verrouiller ses portières car cela pourrait s’entendre… Je connais personnellement le cas d’une personne à qui c’est arrivé. Et ce n’est pas Daniel Simon. Ni moi ! C’est ça, le nouveau Bruxelles…

Il aurait bien raison, Daniel Simon, l’avenir n’est pas si rose !

Isabelle Fable

 

(dans Reflets Wallonie-Bruxelles N°31, mars 2012)

Daniel Simon – Ne trouves-tu pas que le temps change ? – Le Cri – 122 pages – 15 €

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