Marionnettes morales
Posté par traverse le 11 octobre 2012
Frankenstein avait raison.
De plusieurs corps, peut-être un seul, parfait, allait naître ? On connaît la suite, la débandade générale, la fureur, la violence, la revanche, la fuite, la fin.
Dans ce mythe du 19ème siècle, Mary Shelley crée un des personnages les plus importants de la littérature populaire. Les deux siècles qui suivirent lui ont donné raison : guerres mondiales, atome, destructions, clonage, cellules souches, virtualité, tout est en place pour un nouveau genre : le transhumain.
Les marionnettistes connaissent cette histoire. Ils la poursuivent pacifiquement depuis des millénaires. Une forme est brandie, manipulée et ce qui était informe en nous se met à jouer. La chose est faite de pièces ramenées de tous les savoirs, de toutes les matières.
La marionnette est une figure qui a du jeu, comme on le dit d’un engrenage usé. Et c’est de ce jeu-là aussi que nous nous réjouissons. Rien ne tient parfaitement, tout est ajusté, mais la triche l’emporte. Cette fameuse triche qui permet de représenter le vécu en échappant au réel, comme dans toute entreprise artistique. De cette mise en pièces naît la vie, de ce jeu naît la vérité.
Et dans cet entre-deux du vivant et de la vie, de l’inerte et du joué se donne à voir et à entendre ce que les hommes obscurcissent et voilent à l’infini : la morale. Cette loi non écrite qui consiste à nous éclairer intimement sur les façons de nous supporter et si possible de nous projeter vers l’avenir. La morale.
La marionnette est toujours morale. Elle concentre en elle le moins et le plus, le monstre et la foule, l’unique et le néant. La marionnette ose, nous donne la force d’aller vers ces endroits que les corps ne peuvent atteindre, elle ouvre alors en nous des perspectives anciennes, celles de nos origines, quand nous ne nous croyions pas encore parfait ni éternels.
Octobre 2012
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