Lectures à l’Association des écrivains belges…
Posté par traverse le 24 avril 2013
Daniel Simon, Ne trouves-tu pas que le temps change ?, nouvelles, éd. Le Cri, 2011, 124 pp, 15 €.
DanielSimon a le sens de l’intrigue, il sait ménager les chutes du récit, ainsi dans la première nouvelle, Les Papillons de la bibliothèque, nous fait-il assister au combat épique entre une femme et une bibliothèque. Dans Zéro mort, un rythme très rapide, avec des phrases très courtes, et c’est découpé un peu à la manière des plans dans un film. Un modèle de stress inutile, de peur, de lâcheté et de bonne conscience.
Des nouvelles courtes, assez souvent un monologue intérieur du personnage qui se dévalorise, parfois se méprise lui-même. Il excelle à rendre une ambiance, ainsi celle d’un restaurant portugais, p.54. Parfois aussi de très longs monologues, l’auteur affectionne le langage parlé.
A la page 73, à propos de l’abus des demandes de pardon, il traduit l’excès de misère par un tableau fantastique, qui ne va pas sans évoquer les enfers que peignaient les artistes du Moyen-Age, les visions de Jérôme Bosch. Cela fait un tableau assez extraordinaire, une sorte de jardin zoologique transplanté dans la Cour des Miracles. Parfois aussi de très longues phrases, qui font songer à des litanies, et ce sont les litanies de la misère. Avec leurs allitérations, leurs rimes internes (p.84) Ou encore, proche, très proche de la poésie (p.86), une poésie très ample nourrie d’une belle générosité, d’une compassion pour les déshérités qui est véritablement vécue. Mon fils n’a pas de semelles de vent. On le voit, un très beau talent, très varié, aux multiples facettes, qui sait varier son style presque à l’infini : on ne s’ennuie jamais à la lecture deDaniel Simon.
Joseph Bodson
Daniel Simon, Quand vous serez, proses poétiques, éd. M.E.O., 94 pp, 14 €
Un livre écrit à la hussarde, à l’emporte-pièce, et qui dévale ainsi qu’un torrent, entraînant tout sur son passage. Car il y a chezDanielSimon une grande force de vie, une capacité d’enthousiasme, mais aussi de mépris, assez peu commune.
Ainsi, p.9, le style prend son envol en larges bandes, comme des oiseaux de mer. Il y a là une sorte de grande houle, qui a la force et l’ampleur de certains beaux textes romantiques – même si l’auteur, par ailleurs, rejette toute accointance avec le romantisme. Avec une coupure brusque à la fin, qui clôture, mais pas définitivement : en attente :
…des voyages immobiles, des femmes qui fredonnent aux enfants sans colère, quand vous serez une île, et la mer et la barque, une façon de rire et de dire la joie de se perdre, le matin pour découvrir le soir, quand vous serez.
Et puis, à la page 28, le ton change tout à fait, et c’est une autre phrase qui sert de leitmotiv : Ça, je le sais, sans que cela réponde à toutes les questions, à toutes les angoisses : ce qu’il sait, en fait, c’est la nostalgie d’une certaine enfance,, ou de choses que l’enfant sait et que l’adulte a oubliées. Une sorte de paradis perdu : le monde des adultes qui pouvait paraître, aux yeux de l’enfant, un accomplissement total, voilà qu’il laisse les questions ouvertes, avec en plus un goût de revenez-y. Un passage superbe.
Bien sûr écrire est une question d’enfance mais ne pas écrire ?, demande-t-il p.36. Et il reprend, p.44 : Une eau qui coule de l’enfance me piquette les pieds.
Oui, c’est bien cela, une force de la nature, ancrée au plus profond de nos rêves, de notre enfance, et qui nous prend pour ne plus nous lâcher, entraînant avec elle toutes nos compromissions, nos faux-semblants, pour en nouer la gerbe de quelques instants précieux entre tous. Et voilà que me revient en mémoire le poème de Milosz :
Dans un pays d’enfance retrouvée en larmes,
Dans une ville de battements de coeur morts,
(De battements d’essor tout un berceur vacarme,
De battements d’ailes des oiseaux de la mort,
De clapotis d’ailes noires sur l’eau de mort.
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