Emigration des lettres…

Posté par traverse le 31 mai 2013

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Le Portugal, le peuple portugais, vit des heures politiques, économiques, sociales, culturelles tendues où la crise de l’austérité ouvre la porte à des suppressions historiques. Nos amis et collègues portugais portent durement aussi le poids de cette régression sociale, dans les domaines artistiques, de l’éducation, des pouvoirs publics, de l’université, de la culture. Le tissu social que permettent aussi ces « instruments de l’esprit »…se déchire de jour en jour en

Jose Geraldo, avec qui je travaille depuis près de vingt ans, vient de m’envoyer ceci…

Les lettres même émigrent…

Que faire? Ecrire jusqu’à l’incompréhensible, jusqu’au chaos annoncé ou regagner ses lettres de haute lutte?

Bonne lecture!

Daniel Simon

 Normes Orthographiques

Narration populaire dont la lecture en public et à voix haute est déconseillée!

 

Je dédie cette nouvelle au Premier-Ministre de mon pays, lequel, en moins de deux ans de gouvernement, a déjà provoqué plus de mort et de souffrance que bien des criminels de guerre dans le cours de  toute une carrière.

 

 

Il y avait, il y a longtemps, un royaume où, comme dans toutes les nations, les gouvernants réclamaient des sacrifices au peuple, propageant des mensonges et supprimant des droits ancestraux au nom du bien de quelques uns et d’un futur sans promesses.

 

A la surprise de quelques ministres, la population n’a pas compris la politique suivie: les gens n’aimaient pas être volés, voir sessalaires baisser, les impôts augmenter, les emplois disparaître, le système national de santé, qui avait si bien fonctionné pendant tant d’années, fermer ses portes, et celui de l’éducation se dégrader jour après jour,  lui qui avait été jugé par certains comme exemplaire, tant et si bien  qu’il avait été imité par d’autres nations, les gens n’aimaient pas voir la justice servir seulement les intérêts politiques ou financiers, ou spéculateurs ; les théâtres fermaient leurs portes, les champs étaient ruinés et le pain chaque jour plus cher.

 

Le peuple, suivant une antique tradition, commença alors à émigrer et à chercher d’autres terres pour poursuivre sa vie.

 

Non, cette histoire n’est pas celle de mon pays… quoiqu’il ne faille pas s’étonner si d’aucun y trouvait quelques similitudes.

 

Non, dans mon pays les voleurs ont été élus par la majorité du peuple. Nous sommes pillés, exploités, spoliés, mais ce n’est pas la même chose. Ici le pillage a une légitimité démocratique.

 

Un jour, l’état de la Nation était déjà si catastrophique… si pitoyable que la lettre Z, suivant l’exemple des habitants du royaume, décida elle aussi de quitter le pays et de poursuivre sa vie dans sous d’autres cieux.

 

Ne pensez pas que cela a été une décision facile: comment le pays irait-il se gouverner avec une lettre de l’alphabet en moins?

 

La réalité, pourtant est que la lettre Z, outre d’être la dernière lettre de l’alphabet, fait auquel elle ne s’était jamais résigné — “il faut que quelqu’un soit le dernier”, lui disaient les autres lettres —, était une lettre peu utilisée. “Je ne manquerai pas tant que ça et n’occasionnerai pas beaucoup de fautes”, expliqua le Z au J peu avant d’émigrer.

 

Malgré que la lettre émigrée ne fût pas une des plus employées, son absence fut aussitôt perçue. Ce n’était pas facile de parler, ou écrire sans faire usage de la lettre disparue.

 

Le Premier-Ministre fut alors placé devant un dilemme: ou bien il tenait la fuite comme une action de rébellion et essayait de récupérer la lettre égarée à travers un mandat de recherche international, ou il décidait d’épargner au pays une lettre de l’alphabet. Dans ce cas il serait nécessaire d’établir une nouvelle norme orthographique pour remplacer la lettre disparue. Il choisit la deuxième résolution.

 

Le gouvernement a publié alors une nouvelle loi qui disait: “Dans tous les cas où il ne sera pas possible, la non utilisation de la lettre à présent non présente dans notre alphabet, la même sus-non-dénommée dernière lettre de l’alphabet doit s’orthographier avec deux xx”.

 

Quand peu après, la lettre V décida elle aussi d’essayer d’autres terres pour poursuivre son labeur orthographique, elle fut remplacée, sans difficulté, par la lettre B, laquelle a commencé à faire le travail de tous les deux sans aucune récompense supplémentaire.

 

Dans les mots du Premier-Ministre, la situation était non seulementcontrôlé, comme surtout était la preube irréfutable de sa ténacité pour ménager le pays, entamant par couper dans le gaspillage encore existant, en usant l’alphabet justement pour faire office d’exemple; les lettres de l’alphabet qui abaient déjà emigré, le XX et le B, n’étaient pas seulement l’abant-garde de l’abenir, comme faisaient boir, à trabers son exemple, à tous les citoyens superflus au pays, son deboir en face de la patrie d’émigrer et d’aider pour le salut national.

 

Dans ce cadre, il abait décrété le bannissement du royaume pour quelques autres lettres aussi inutiles, à saboir: le H, lequel n’est plus articulé pas même du tout par personne, était tout simplement aboli de l’alpabet, établissant les deux exceptions suibantes: quand la lettre disparue suibait un C on ortograpie X; quand c’est le cas d’un P on écrit F. Les lettres K, Q et Ç abec une cédille étaient elles aussi obligées d’émigrer et remplacées par la lettre C sans cédille, lacuelle, tel cue le B, accumulait des fonctions. La lettre W aussi, était désormais écrite BB. Le même arribait abec le Y, cui est debenu ortograficuement la lettre I. On ne sabait pas encore combien le paisépargnerait abec cette remoulage ortograficue, mais la promessed’encore plus de tranxages est arribée sans attente.

 

Le reste des lettres tint une séance, préoccupées par la situation. Les unes plaidaient cue l’eure était arribé de faire une grèbe général; les autres, cu’il fallait résister aux assauts du goubernement pour détruire l’alfabet et poursuibre à oubrer; les suibantes argumentaient cue le temps c’était pour renoncer et départir, cuitter le roiaume et laisser le premier-ministre abec un problème en fait grabe pour résoudre.

 

Le goubernement a anticipé toutes les prébisions, cuand le jour suibant a proclamé deux mesures supplémentaires: en premier, la taxation de tous les accents, lescuels sont debenus a etre regardes comme des marxandises de luxe, seulement passibles d’utilisation ecrite a trabers le paiement d’un taux millionnaire — curieusement c’etait pour implanter cette loi cue le goubernement a reactibe un ministere disparu il i a des siecles, celui de la censure, maintenant denomme des contrabentions ortograficues. Ensuite, a decrete encore une diminution de la xarge de utilisation de la lettre U, ci etait supprimee toutes les fois ce suibait les lettres C ou G.

 

Les lettres se rejoignaient de noubeau et craignaient pour leur abenir.Comment poubaient-elles surbibre? Celle politice etait celle-la?Celc’unes abec des trabaux doubles, des autres presce sans trabail. Ce pensexx-vous de ca?

 

C’etait cette meme annee ce le premier-ministre fut laureat pour le Nobel de la Patafisice. Dans son discour d’acceptation il a rapporté ce son rebe de creer la lange abec l’alfabet le plus bref parmi toutes les langes ecrites, etait deja non seulement une realite, comme en plus il souhaitait l’agrandir abec des nouveaux tranxages alfabetices au futur. Il profitait l’occasion solennel pour annoncer au monde ce la lettre U etait soopprimee en definitif de son roiaome et desormais ortografie abec oon O, cand elle sooibait oone boielle, oo deox OO cand c’etait le cas d’etre la premiere lettre d’oon mot, oo de sooibre oone consonne. Aox reporters ce looi on demande ce c’arriberait a la lettre soopprimee, il a repondoo c’elle serait bien traitee, ao cas oo elle resolbait de ne pas emigrer, coice il fallait en ce cas c’elle soit isolee doo monde.

 

Cand il a retoorne a son roiaome, rabi abec le prix recoo, il a resoos de finir abec la lettre I — en premeeer eel a pense a l’ecreere abec deox EE, comme le font les anglaees, majs apres jl s’a rappele ce les romajns ootjljsajent le J. Eel est reste emplee d’eencerteetoodes. Emplj d’jncertjtoodes. Alors eel a deceede de le faeere d’oone geese ploos arteesteece: les moees cee abaeeent oon R, de Septembre a Abreel, les moees ploos froeeds de l’annee, on ecreeraeet a la maneeere anglaeese, abec deox EE; les aotres mojs, sans R, de Maj a Aooot, les mojs ploos xaods, on ecrjbajt a la facon romajne, abec oon seole J. Ploos tard, comme c’est connoo, par des motjfs d’ordre fjnancjere, on est debenoo a l’ortografjer tooojooors abec oon J.

 

La goootte en soorploos est arrjbee cand le goobernement a demande ao people oon sacrjfjce encore et a voooloo approoober oone loj poor aboljr la dernjere lettre des mots abec cjnc lettres oo ploos, alleganoone epargn national d’encr tooote les ans de baleo de celce million.

 

La stoopefactio etaj genera. Malgr aboi ete approoobe a l’Assemble, c’etaj djffjcjl la mettr en pratjc. Aocoo ne pooobaj accepte oone loj ajns. Jamaj. Le peopl se soooleb. Sort pooo les rooe. La poljc sort aoss, arme joosc’ao dent.

 

A roogj comm des xjen enrage. Les lettre regarden. Et alor decjden de fajr greb, tooote ensembl, a deboote majntenan, a la proxajn ljgn

 

José Geraldo, le 13 Octobre 2012

(pour le portugais et pour la traduction française)

 

© Tous droits réservés à José Geraldo

(Ecrivain, metteur en scène, professeur,…de Coïmbra, Portugal) 

Edition française,

Traverse asbl, 2013

www.traverse.be

traverse@skynet.be 

Photographie de Daniel Simon

 

 

 

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C’est du belge, de l’universel!

Posté par traverse le 31 mai 2013

« L’universel, c’est le local sans les murs » Miguel Torga.

A la librairie Cent papiers le 16 juin de 15 à 17h, deux écrivains belges,

Jean Jauniaux et Gérard Adam

Présentation et lectures, Daniel Simon

deux animateurs de littérature (éditer, Webradio, revues,…)

C'est du belge, de l'universel! jauniaux-c1

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Présentation bibliographie et webradio Jean Jauniaux

(et  pseudo Edmond Morrel comme journaliste et critique)

Livres:

Chez Luce Wilquin:

http://www.wilquin.com/tag/jauniaux-jean/

« Le Pavillon des douanes », 2005, recueil de nouvelles

« Les Maraudeurs de l’obscur « , 2006,  (recueil de nouvelles)

« Les Mots de Maud »,2008 (Roman),

 (ces livres sont tous encore disponibles en librairie, mais le libraire devra sans doute les commander) 

Chez Avant-Propos Editions:

http://www.avantpropos.eu/auteur/jean-jauniaux

« L’Année dernière à Saint-Idesbald », 2013 , Roman,

Interviews à propos de ce livre:

« Rencontres » de Martine Cornil, La Première :

http://www.rtbf.be/lapremiere/emissions_rencontres?emissionId=5062

« Les Coups de Midi » à la bibliothèque des Riches-Claires à Bruxelles

en audio: http://espace-livres.be/Jean-Jauniaux-L-annee-derniere-a

en video: http://www.dailymotion.com/video/xydgvg_jean-jauniaux-15-03-2013_creation#.UWuvYaXULv8

Articles

La Libre Belgique

http://www.lalibre.be/culture/livres/article/810944/l-entretien.html

Vers l’Avenir :

http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20130415_00296491

 

Gérard Adam

DE L’EXISTENCE DE DIEU(X) DANS LE TRAM 56

Nouvelles, 2013

200 pages
ISBN: 978-2-930333-57-1
18 EUR


Chaque trimestre, Jacques De Decker (écrivain, critique, secrétaire perpétuel de l’Académie royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique) propose à des écrivains un thème d’actualité et leur demande de réagir par une fiction pour la revue Marginales qu’il dirige.
Gérard Adam a choisi parmi ses textes publiés dans ce cadre, ainsi que dans d’autres revues ou des ouvrages collectifs, ceux qui lui semblaient offrir à la fois une cohérence d’inspiration et d’écriture, et une diversité suffisante pour constituer un recueil conjuguant véritables nouvelles, autofictions et récits autobiographiques plus ou moins transposés.

Ce qu’ils en ont dit

Les nouvelles réunies par Gérard Adam sous ce titre aussi insolite que narquois sont sous-tendues par deux éléments : la mémoire qui se teinte de nostalgie (« trouver un sens à ma remémoration », écrit-il) et une ouverture à un multiculturalisme pacifiant à travers une « macédoine d’êtres et de pensées » en espérance « d’un monde polyphonique ». C’est dire que la tonalité de l’ouvrage sera, d’une part, une certaine hargne vis-à-vis des dysfonctionnements et paradoxes de notre actuelle société ; d’autre part, la tendresse lucide de l’humanisme ouvert de quelqu’un qui a « trop bourlingué pour être angélique ».
Il s’agit de fictions, même si, proches par moments de l’autofiction, elles sont à l’évidence nourries par l’autobiographique. Leurs sujets sont puisés dans le quotidien ordinaire de la Belgique prospère même si elle est « acariâtre en instance de divorce », pays de Bob Morane et de Magritte ou de Zorglub autant que d’un curé jouant ‘L’Internationale’ à l’harmonium : celui des trajets en tram, celui de la Leffe brune, celui de l’Exposition universelle de 1958, celui des vieillissants en chemin vers la mort, celui des sans papiers parqués dans des centres plus ou moins fermés, celui de l’intégration de différentes générations d’immigrés.
Mais aussi dans son quotidien dérangeant comme l’éventuelle scission du pays, l’évasion du sieur Dutroux, les petites corruptions cachant les grandes, les faillites bancaires ; quotidien aussi des chômeurs à l’ « univers ratatiné », celui d’enseignants encore animés malgré leur travail ingrat, celui du planton d’un président de conseil d’administration, celui du harcèlement des démarchages téléphoniques, celui d’un grand-père soucieux de sa petite-fille… En arrière-fond, les soubresauts du monde : guerre au Zaïre et en Bosnie, génocide au Rwanda, crise économique européenne en Grèce et ailleurs, mouvement des indignés de Stéphane Hessel, etc.
Tout ceci ne mène cependant pas vers un livre voué à la grisaille du misérabilisme. L‘humour n’est jamais loin et sa causticité qu’elle soit du registre de l’ironie ou de la remarque acide est décapante.
Gérard Adam a « toujours été contestatairement incorrect ». Il aime remettre en place (c’est-à-dire déplacer) les vérités toutes faites, qu’elles soient historiques ou politiques. Il cherche à retrouver et à prôner l’humain. Et cela fait du bien en dépit d’un certain pessimisme !
L’ensemble possède sa diversité. Et l’une des caractéristiques du style de l’auteur permet au lecteur de mieux cerner les êtres et les événements décrits : l’accumulation. En effet, comme une caméra qui explore, l’inventaire aide à la prise de conscience de la multiplicité des éléments constituant un réel que chacun n‘appréhende souvent que sous un seul angle de vision. Cela nous est donné avec « ce mélange de scepticisme et d’enthousiasme sans lequel il n’est rien d’authentique ».
Michel Voiturier, Reflets Wallonie-Bruxelles

*

Gérard Adam trempe sa plume, dit-il, « aux sources de la vie, et donc de la souffrance et de la mort ». Mais, tandis qu’il trouve autour de lui matière à cette littérature engagée en faveur de l’homme (et de la femme), l’écriture l’en détourne parfois et il se débat dans les interstices.
Son expérience de médecin, qui l’a entraîné à l’étranger et dans les questions plus proches de nous, devient matière à un questionnement fondamental.
De quoi écrire des nouvelles puissantes, à lire sans précipitation. une à la fois. Elles bousculent quand même notre petit confort.

Pierre Maury, Le Soir

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Musée des Manuscrits/Lectures Torrekens/Kovačič

Posté par traverse le 20 mai 2013

Lectures – rencontres autour de la littérature européenne…lectures par des écrivains européens et…belges cette fois-ci, le 16 mai 2013 dans plusieurs lieux de Bruxelles.

http://www.literaturenights.eu/2013/city/brussels/location/?lang=fr

 

Musée des Manuscrits/Lectures Torrekens/Kovačič  p1010577-300x225

Jérémy Lambert de Institute of Polish Culture

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Jeroen Olyslaegers et Michel Torrekens

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http://www.citybooks.eu/fr/villes/citybooks/p/detail/une-autre-joue

 

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Daniel Simon

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Photos Eric Piette

Musée des Lettres et Manuscrits

 Daniel Simon lira en français ces deux auteurs :

 

Jeroen Olyslaegers lira en néerlandais ces deux auteurs:

Lojze Kovačič / Slovénie

Lojze Kovačič est né en 1928 à Bâle, d’un père slovène et d’une mère allemande. En 1938, la famille est expulsée de Suisse et doit s’installer sur le territoire de l’actuelle Slovénie. Kovačič a vécu une enfance difficile dans un grand dénuement et, tout juste à sa majorité, a souvent connu des démêlés avec les autorités à cause de ses écrits. Ses œuvres sont largement autobiographiques et traitent régulièrement de sujets existentiels comme la vie et la mort, le déplacement et l’exil, le rêve et la réalité. Kovačič a obtenu de nombreux prix littéraires, y compris la plus haute reconnaissance nationale slovène dans le domaine de la création artistique, le prix Prešeren. Il est mort à Ljubljana, en 2004.

 http://laquinzaine.wordpress.com/2011/11/17/lojze-kovacic-les-immigres-lenfant-de-lexil-tome-i/

Les Immigrés

Traduction : Andrée Lück Gaye

Sa trilogie autobiographique Les Immigrés (1984-1985) a été élue « roman du siècle » par les critiques littéraires slovènes et a été traduite en allemand, français, espagnol et néerlandais. Le roman s’ouvre sur l’expulsion de sa famille de Bâle. Pour le narrateur de dix ans, cela ne s’apparente au début qu’à une aventure. Il ne comprend pas ce qui se trame et décrit le voyage avec une naïveté déconcertante. Ce n’est qu’arrivé en Slovénie qu’il commence à saisir que le déclin de sa famille est inévitable. La Slovénie, le pays féérique, devient l’enfer, un abîme social, culturel et mental. Kovačič décrit méticuleusement, avec audace et sincérité le monde objectif de tous les jours, dans un style limpide et direct.

Michal Torrekens / Belgique

Michel Torrekens est né à Gembloux le 25 avril 1960. Depuis 1990 il signe des articles et des critiques de livres pour le journal Le Ligueur dont il est rédacteur en chef adjoint depuis 1996. Par ailleurs il est membre du Conseil de rédaction de la revue de critique littéraire Indications et y a publié plusieurs analyses de romans. Il est également chroniqueur de la revue Le Carnet et les Instants et y lance en 2010 une nouvelle rubrique intitulée « Mon éditeur et moi ». Il publie régulièrement des nouvelles dans des revues telles que La Revue générale, Marginales, Europe, Le Spantole, Archipel, etc. Il est l’auteur de trois publications chez des éditeurs belges, suisses et français : L’herbe qui souffre (1997), Fœtus fait la tête (2001), Le géranium de Monsieur Jean (2012).

Le Géranium de Monsieur Jean

Comment vivre dans un espace de quelques mètres carrés ? Son confinement conduit Monsieur Jean à retrouver des petits bonheurs oubliés : le toucher d’une peau aimée, la saveur d’un verre d’eau, l’odeur de l’herbe coupée, la vision fugitive d’un vol de martinets… L’existence ne l’a pas épargné ‒ ce n’est qu’à la fin du livre que s’éclaircira le mystère de la disparition de sa femme au Pérou ‒ mais Monsieur Jean espère encore secrètement une ultime réconciliation. Avec lui-même et avec ses proches… Récit simple et pudique, Le Géranium de Monsieur Jean pourrait faire sienne la phrase de Jean-Jacques Rousseau : « J’ai retrouvé la sérénité, la tranquillité, la paix. »

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Le trou noir

«J’ai beaucoup réfléchi ces dernières semaines », dit

Pauline qui interrompt le cours soudain rapide de mes

pensées.

« J’ai eu des moments très difficiles à la Commission

européenne. Une sorte de crise existentielle. Je ne voyais plus

le sens de mon travail. On est là-bas pour progresser sur

l’échiquier d’une carrière, mais tout cela manque d’humanité.

Paradoxalement, on se consacre à de grandes questions,

mais nous le faisons dans une ambiance totalement

aseptisée, où l’on est en négociation continuelle, où l’on se

soupçonne en permanence. Entre ressortissants de pays

différents, entre groupes politiques, entre services, les alliés

ne sont jamais que d’un temps et de circonstances.

 

Et puis j’ai beaucoup repensé à toi, à maman, à nous. Il me semble

que j’ai passé ces dernières années à combler le vide qu’elle

a laissé. Bien sûr, tu nous en as beaucoup parlé quand nous

étions enfants, et tu as bien fait, mais je crois que cela ne m’a

pas suffi…

 

Je me suis lancée dans une course folle contre le

temps, mais le temps a fini par me rattraper. »

J’écoute Pauline et j’ai l’impression d’immerger d’une

longue plongée en apnée, de respirer à nouveau à l’air libre.

Pauline m’explique, rationalise, analyse. Ces paroles, je les

devinais déjà dans ses silences, mais sans pouvoir les interpréter.

Comme une partition qu’un musicien ne réussirait

pas à déchiffrer. Pauline a décidé de devenir l’interprète

de ses silences. Je regarde la photo de sa mère. Elle ne lui a

jamais autant ressemblé qu’aujourd’hui.

 

—J’ai repensé à toute cette période. Je me suis souvenue

que je ne voulais pas écouter maman quand elle évoquait les

préparatifs de son voyage. Elle nous avait offert des livres sur

le Pérou, ses paysages, sa faune, de superbes ouvrages avec

de grandes photographies. Bernard et France en parlaient

avec enthousiasme. Sais-tu que je viens de les ouvrir pour la

première fois il y a deux mois ?

— Deux mois ! Tu ne les avais jamais regardés auparavant?

— Non, je ne voulais pas. Ils avaient d’ailleurs suivi

Bernard et France dans leurs déménagements. C’est chez eux

et grâce à eux que je les ai retrouvés.

— Ils ne m’ont rien dit…

— Je ne sais pas s’ils ont soupçonné l’importance que ces

livres représentaient pour moi. Ils avaient fini par sombrer

dans le grand trou noir qu’avait créé en moi la disparition

de maman. Une sorte d’amnésie. J’avais voulu tirer le rideau

sur ces années pénibles. Et puis, peu à peu, ma mémoire est

revenue baigner de ses vagues cette plage désertée. Et j’ai

compris…

— Tu as compris. Qu’est-ce que tu as compris ?

— J’ai pris conscience que je n’avais jamais accepté le

voyage de maman, ni les précédents. J’avais huit ans, je n’ai

jamais pu le dire clairement, mais j’aurais voulu empêcher

ce départ. Et comme je n’y parvenais pas, je t’en ai voulu de

ne pas être intervenu, de ne pas avoir essayé de stopper ce

projet. J’étais convaincue que personne ne tenait compte de

mon avis.

— Et aujourd’hui, tu le crois encore ?

— Aujourd’hui ? Aujourd’hui… Si je savais ce que j’en

pense exactement. Je cherche simplement à ne plus vivre de

regrets ou de rancoeurs cachées. »

— Et tu crois que j’aurais vraiment pu interdire à ta mère

de partir ?

— Bien sûr que non. Mais je ne l’ai compris que très

récemment. Quand je me suis opposée à mon chef de service,

figure-toi. Tout à coup, m’est apparu le visage de maman

dans ses grands jours. C’est d’ailleurs pour cela et quelques

autres petites choses que je ne t’en parle qu’aujourd’hui.

 

Le fil de notre conversation se dévide avec bonhomie.

Nous n’en tenons pas encore le bout. Pas encore. Sur l’appui

de fenêtre, mon géranium a atteint son plein épanouissement,

avec de belles feuilles vertes et des corolles de fleurs

resplendissantes.

— Et qu’entends-tu par d’autres petites choses ?

— Cela me trotte dans la tête depuis quelques semaines.

Ce ne sont pas des décisions faciles à prendre quand votre

situation professionnelle a été acquise à la force du poignet.

 

Mais voilà, le fil s’est tendu, tendu et il a fini par lâcher. Voilà

ce que je voulais t’annoncer : j’ai donné ma démission à la

Commission européenne. C’est fait. Je l’ai remise avant-hier.

 

Michel Torrekens, Extrait de « Le géranium de Monsieur Jean »,

Edition Zellige, Léchelle, France, 2012

 


 Les Immigrés

“© Študentska založba and heirs”

Dehors, parallèles au train, il y avait une rue, des arbres, tout le reste était dans l’obscurité. C’était monotone et désert comme un chemin de traverse.

« Venez, je vais vous montrer quelque chose, » dit Vati. « Laisse les enfants tranquilles, nous allons dormir« … Vati me saisit par le bras avec une détermination dont il n’avait jamais fait preuve auparavant et nous longeâmes le bâtiment gris de la gare. Derrière une grande maison sombre de l’autre côté de la rue, c’était de plus en plus lumineux. « Regarde, » dit-il. Au milieu du ciel noir, je vis soudain un éclatant château de verre. C’était quelque chose !

« Un château de verre, » dis-je. À ce moment-là, c’était vraiment ça. La lumière imprégnait ma peau, mon manteau, mes cheveux, elle me frôlait comme un spectre. Je ne sentais plus aucun des miens à côté de moi.

« Comme c’est beau, » dit Maman derrière moi, qui portait Gisela éveillée dans les bras. Quand même, elle aussi finissait par reconnaître que c’était beau. La lumière nous rendait visibles, comme s’il faisait jour, elle transformait le trottoir et nous captivait comme un arbre de Noël… Le château de verre comportait une tour et un long bâtiment dont on ne voyait pas les fenêtres. Il était suspendu  à un nuage… flottait-il comme la lune ? Sur quoi était-il donc posé ? Entre lui et la ville, n’y avait-il que de l’air ? Je ne voulais rien demander pour qu’on ne me force pas à partir. Mon costume marin de Bâle, les boutons, l’ancre, tout était imbibé d’une lumière jaune topaze qui semblait miroiter. La rue où nous regardions le château de verre était dans une obscurité cotonneuse, des lumières descendaient en grappe et brillaient entre les grandes maisons … On ne pouvait rien faire d’autre que de rester là à regarder.

Nous dûmes retourner à nos bagages et traverser la route en direction des arbres puis les rails du tramway. Au milieu de la nuit profonde, la porte d’une grande maison sombre était ouverte et éclairée. Derrière le comptoir se tenait un homme en gilet rayé, de nombreuses clés étaient accrochées au mur derrière lui. Vati lui parla et l’homme lui répondit dans cette langue qui, ici aussi, dans cette maison, entre les chaises et les tables, ne voulait pas se détacher de mes rêves… On nous donna une clef fixée à une grande poire en bois. Un autre homme nous aida à porter nos bagages quand nous montâmes l’escalier recouvert d’un tapis rouge. Arrivés à l’étage, nous nous heurtâmes à des murs lambrissés de place en place, puis nous tournâmes à gauche où continuait cet escalier qui n’en finissait pas. Dans un coin du couloir, à côté d’une petite table, une porte s’ouvrit. C’était notre chambre, étroite, avec de petits lits blancs et un divan… un miroir et une cuvette toute mignonne. Le château blanc brillait à travers la fenêtre. Je voulus dormir sur le divan près de la fenêtre. Vati et Maman me laissèrent faire de mauvaise grâce. Ils s’allongèrent sur le lit double, et mirent Gisela au milieu. Quand ils eurent éteint la lumière, le château brillait doucement dans la chambre jusqu’à la hauteur de  mon oreiller. Je m’accroupis pour regarder. Maman qui, de son lit, voyait ma tête à la vitre m’enjoignit à voix basse de m’allonger.

Le matin… l’oreiller sous ma tête avait une odeur inhabituelle… je bondis quand je me réveillai soudain… De l’autre côté de la fenêtre, à l’endroit où hier soir brillait le château blanc en verre… on voyait un vieux bâtiment qui ressemblait à une ruine laide, brunâtre… une tour carrée esquintée et sa couronne en pierre trouée fermement plantée dans les nuages au-dessus d’elle. Je n’en croyais pas mes yeux… Mais je me dis en vitesse que le château de verre ne se voyait peut-être pas le jour car il était transparent… Les murs gris brun tavelés et le clocher carré se trouvaient au sommet d’une colline boisée… au-dessus de la coupole rougeâtre d’une église, de la couverture en zinc de la cour de l’hôtel, trempée par une averse jusqu’à en être noire… La pluie ne cessa pas, m’empêchant  de voir les murs de verre du château, du palais de la veille… Il était possible aussi que la terre bouge tellement vite que, maintenant, le palais de verre apparaissait à des gens à l’autre bout du monde.

J’appelai Vati dès qu’il remua les sourcils. Je lui dis que le château n’était plus en verre mais en pierre. Il bondit du lit, en caleçon long et en maillot et se pencha vers la fenêtre par-dessus mon épaule. Je m’attendais à ce qu’il se passe quelque chose quand son regard toucherait le château en ruine… mais rien ne bougea. « Tu sais, hier soir, il était seulement illuminé, » dit-il.

Je ne manquai pas lui rappeler que, la veille, je lui avais dit que le château était en verre et qu’alors il ne m’avait pas répondu.

« Tu te l’es seulement représenté comme ça. »

« Il était en verre. »

Maman dit : « Chut ! Taisez-vous, vous allez réveiller Gisela. » Je lui dis ce qui s’était passé. « Eh bien, c’était seulement un éclairage électrique. »

Vati sauta dans son lit car il avait froid aux pieds… bien sûr pour se rendormir !… Comment était-ce possible ? Encore une fois, ils m’avaient mené en bateau, sinon menti. Dehors, il n’y avait rien et, dans la chambre où ils étaient, tout était redevenu comme par le passé, cassé, amer, comme je ne sais combien de fois. Je me rejetai en arrière et fermai les yeux. J’entendis Vati qui se rasait. Il se tenait devant le miroir au-dessus du robinet et il traînait rsh ! rsh! le rasoir sur ses joues. C’était la première fois que je le voyais se raser, c’est vrai, mais le château marron gris et sa curieuse tour ne changeaient pas.

Nous déjeunâmes dans une belle salle du rez-de-chaussée. Je dus rester avec Maman et Gisela car mon père partit régler quelque chose en ville. Je me postai à la fenêtre. Ce château était peut-être en vieille pierre parce que des nobles y vivaient… de vieux chevaliers, leurs écuyers et leurs chevaux, peut-être même le Prince blanc ou le Prince noir. C’était peut-être mieux ainsi, car s’il avait été en verre, il n’aurait abrité que des princesses.

 

 

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Conférence sur le livre numérique/Morlanwelz

Posté par traverse le 15 mai 2013

 

Le 23 mai : conférence sur le livre numérique

 

Dans le cadre du Printemps des Bibliothèques, la bibliothèque communale de Morlanwelz organise une conférence sur le livre numérique.

Conférence sur le livre numérique/Morlanwelz moise_web-bon-exemplaire-212x300

J’y apporterai ma contribution….Le piège est de renvoyer le papier contre le numérique. La question est ailleurs…Le temps de la lecture est fragmenté, la littérature ne fait qu’une part des lectures croisées d’aujourd’hui…La lecture-durée diminue et la lecture-séquence augmente…

Adresse: rue de Montaigu 7140 morlanwelz. Ca commence à 19h.

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Journées portes ouvertes Maison du Livre

Posté par traverse le 14 mai 2013

Journées Portes Ouvertes

La Maison du Livre a le plaisir de vous inviter à ses premières Journées Portes Ouvertes qui auront lieu les 15 et 19 juin prochains.

Nous vous offrons la possibilité de rencontrer nos animateurs et de découvrir leurs pratiques sous forme d’ateliers d’initiation d’une durée de 1h30.

Les ateliers d’initiation sont gratuits et chaque participant peut s’inscrire à un ou deux ateliersde son choix.L’inscription est indispensable et devra s’effectuer au plus tard le mardi 11 juin.

J’y serai le samedi 15 juin…

Récit de vie

- 14h-15h30
Dans cet atelier d’initiation, nous ferons apparaître les mouvements de la mémoire biographique, les nécessités du récit, comment l’intime rejoint l’histoire collective.

Animé par : Daniel Simon, écrivain, éditeur, animateur d’atelier d’écritures.
Public : adultes (10 participants max.)

http://www.lamaisondulivre.be/spip.php?article210

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Spécial Fête des Mères

Posté par traverse le 10 mai 2013

 

Spécial « Fête des Mères »

Les Feuillets de corde

Huit cadeaux en un!

Nos Feuillets sont adaptés aux différents âges de votre mère…

Pensez…

1. Les enfants chiants

2. Moutons cochons

3. L’amour vache

4. Femme à la mer

5. Pas de souci

6. Ne pas mourir idiot

7. Le sport m’a tuer

8. On s’occupe de vous!

Spécial Fête des Mères p1010523

Collector des huit premiers numéros Gravure-Texte: 13 euros (envoi compris)

sous enveloppe papier Crystal

Commande: 02/216.15.10  - 0477/763622

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« Ne pas se prendre la tête ! »

Posté par traverse le 8 mai 2013

 Revue effervescente - Les Feuillets de corde

« Ne pas se prendre la tête ! »

                                                                                                                                                                                                                                                                       « Ne pas se prendre la tête ! »  photo-300x300

Avril-juin 2013

Lancement du N°10

dimanche 12 mai de 15h-17h

avec le photographe Anthony Ozorai et l’écrivain Sylvie Girault

Présentation Eric Piette etDaniel Simon

Lectures-performances, contributions libres

(Venez avec vos textes sur le sujet)

A la librairie 100 papiers – Schaerbeek – 23 Avenue Louis Bertrand

Entrée libre

Verre de lancement offert…

www.traverse.be

Des lectures, des images… de la séance:

-http://feuilletsdecorde.unblog.fr/2013/05/20/ne-pas-se-prendre-la-tete/

—-

Collector des huit premiers numéros Gravure-Texte: 13 euros (envoi compris)

sous enveloppe papier Crystal

Commande: 02/216.15.10  - 0477/763622

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Literaturenights le 16 mai…

Posté par traverse le 2 mai 2013

Literaturenights le 16 mai... images-7

http://www.literaturenights.eu/2013/city/brussels/?lang=fr

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