Sous influence
Ivan Vanaise
Vitraux
Musée du Masque de Binche


Sous influence,
Ivan Vanaise crée des vitraux,
rend hommage à la Commedia dell’arte
et aux étapes et rites de la vie en cours.
Exposition organisée par le Musée du masque de Binche
(Rue Saint Moustier, 10 – 7130 Binche).
du 6 au 29 septembre 2013
Le vernissage a eu lieu le 5 septembre 2013 à 19h00
© Les photos des vitraux d’Ivan Vanaise ont été réalisées par Olivier Desart, régisseur au musée du Masque de Binche.
Lors de la séance inaugurale, Fabio Mangolini, acteur de la Commedia dell’arte, proposera au public présent une incarnation des personnages de la Commedia.
Catalogue édité par les Editions Couleur Livres asbl et réalisé par Daniel Simon.

Dans le jardin, l’atelier
Deux établis, des outils accrochés au mur, des réglettes de plomb, des éclats colorés, des feuilles de verre de couleurs et de matière diverses rangées dans des loges de bois, des vitraux en préparation, des dessins, des encadrements fraîchement peints et mis à sécher sous la lampe…
La forme est dans le verre, elle court dans les reflets, les épaisseurs de la tranche, les miroitements de la lumière. La forme flotte dans le verre avant d’être choisie.
La forme a toujours été là, infinie, hors de l’atelier, du jardin, là-bas, au loin, dans des lieux d’abandon où les formes se reposent. Elles attendent la plume, le stylet, le calame, le burin, le pinceau, le grattoir et la pointe, mais elles sont prêtes, inattendues, aux horizons d’un imminent départ.
Il manipule la vitre, la retourne, la caresse de la paume, la tourne et la retourne, bas, haut, gauche, droite, la forme va apparaître, il le sait mais il ne la connaît pas encore. Elle court, là, dans les reflets, elle va s’arrêter pour se distinguer de toutes les autres, elle va surgir de l’indistinct coloré et de la lumière, des réseaux, des veinules et des traces, elle est bientôt là, il l’entrevoyait, retourne encore la matière, et enfin, elle est là, il la suit des yeux, la main approche, se retire, tout n’est pas encore fixé, elle tremble.
C’est maintenant dans les entours que sa main s’aventure, dans ce qui n’est pas encore entrevu, en suspens dans la rétine des expériences, des mémoires, des émotions qu’un éclat réveillera.
La main pressera contre la matière, tracera des formes fugaces, esquissera des vallées et des pics, forcera le barrage des perspectives et des raisons, prendra le biais, raccourcira et allongera, la forme soudain prend, elle ne scintille pas encore, elle grommelle, elle articule mal sa figure, elle hésite, elle se rétracte mais les traces sont là, dans le regard, tout est vif, sacré, tout se rejoue, la maison, le verre, l’esquisse, le futur.
Le papier suit, le crayon et le papier, des traits, des deuils, des amours, des repentirs. L’homme avance dans la saisie de ce qui rôde encore.
Retour à l’établi, une feuille de verre, des flammes bleues ondulent dans la masse. Il fait glisser le papier sur la vitre, il s’arrête, il a trouvé le point d’appui, c’est là que la valse va commencer, c’est là que la mise en scène se construit.
Tout s’accélère, les feuilles de verre se succèdent et sont offertes à la lumière de la lampe, les couleurs s’irisent, les matités se concentrent, les éclaboussures jettent leurs feux.
L’homme choisit, dépose, déplace, repose, range, reprend, recommence et soudain, frémissements, il s’arrête, c’est celle-là qui conviendra, c’est elle qui cachait les figures esquissées juste avant, la découpe va commencer.
Les heures et les jours passent, le vitrailleur a découpé, ouvert les ailes des plombs, enchâssés les fragments de verre, mis en place l’ensemble, refermé les ailes et soudé le tout.
Masticage, ponçage et nettoyage suivront. L’atelier est encombré, des vitraux sont rangés, des encadrements profilés, des vernis étalés.
L’histoire va enfin commencer, une histoire de transparence et de regards perdus dans les aléas maîtrisés des formes et de la matière.
Une histoire de familles, de temples et de regards levés. Les vitraux ont besoin de lumière comme les vivants et les cryptes, parfois, leur servent d’abri en temps de bouraques et de saccages.
Une histoire de fragiles paraboles empruntées au chœur de l’homme.
Le vitrailleur ferme la porte de l’atelier, le jardin frémit dans la rosée du matin, l’aube se lève, le vitrailleur regarde la lumière qui perle dans les arbres, il rentre chez lui.
Daniel Simon,
Août 2013.