Fragment de voix/Helmut

Posté par traverse le 20 septembre 2013

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Un personnage, une voix, une histoire cachée…

Une histoire croisée entre belges, luxembourgerois, allemands…

« …Je vais vous le dire, c’était pas comme vous le dites, pas entièrement, c’était mieux, comment on dit ? Mieux que mal, …pire…c’est ça …pire. Moi j’étais à la ferme, Helmut était pas là, Helmut était loin et moi je livrais le lait, les œufs, je livrais tout ce que je pouvais livrer pour garder la ferme, ne pas la  perdre, être capable de la tenir si Helmut était revenu comme ça du jour au lendemain. Mais je pensais toujours qu’il reviendrait pas, mais ça je pouvais pas le penser vraiment, ça venait comme çà, quand j’arrêtais de travailler, le soir souvent, ou le matin, quand je me réveillais et que le lit était vide de lui. Je me suis jamais habituée à ça, le matin quand il faut se lever et qu’on parle à ses pantoufles comme à un chien allongé au pied du lit, un bon chien avec ses oreilles pendantes, un chien qui dit rien mais qui reste près de vous, là au pied, je parlais à mes savates et je me disais que j’allais devenir folle un jour, alors je me lavais et je m’y mettais dur, la ferme, la traite, les œufs, les tournées, les bonjour, les ça va, les oui, oui, tout ça sans Helmut c’est dur, alors je me suis dit que peut-être que si je faisais comme si de rien n’était ça irait mieux, et je me suis mise à rire, aller mieux, ça me faisait rire, Helmut avait été engagé de force, il était parti au front, en Flandres, chez les français, enfin contre, nous on était contre et Helmut il savait pas contre qui en fait il devait tirer, des français on en connaissait, on avait un cousin qui avait marié une française, de Strasbourg, et on les aimait bien, on les avait vus trois fois, mais chaque fois c’était bien, comment ils nous avaient reçu, vous pouvez pas savoir, une grande table, plus longue que vous pouvez imaginer, elle dépassait de la salle-à-manger, ils pouvaient la dresser qu’en été, d’à cause qu’ils devaient ouvrir la porte de la cour pour la laisser sortir, elle commençait dans la cour cette table et terminait dans le jardin,  de l’autre côté de la maison, une table comme un bateau, je sais pas moi, jamais vu de pareille, et à cette table on était toute la famille, mon Helmut avait dix ans de moins et moi aussi du fait, et les cousins fêtaient leur premier, un beau gamin, mais il est resté muet, je sais pas pourquoi, il a jamais vraiment parlé, comme si c’était pas nécessaire, il comprenait tout mais il parlait pas, il regardait, faisait des choses sans les dire, c’était pas nécessaire pour lui de parler, bref, mon Helmut il est en France maintenant et il m’écrit que ça va, que c’est dur mais que ça va, il m’a dit qu’il allait aussi bien que le cheval, qu’il galopait et qu’il se sentait jeune et fort, mais on n’a pas de cheval, et je sais qu’il me dit ça pour la censure, on n’a pas de cheval, c’est Helmut qui fait le cheval, en Flandres contre les français… »

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