Je vais vous dire
Posté par traverse le 9 octobre 2013
Je vais vous dire, j’en ai lu des manuscrits, des pauvres et de très maigres, des opulents et de gras prétentieux, des malins et des mas-tu vu, des gouailleurs et des pince-fesse, à l’eau de rose, de purin ou de Lourdes, des tout frais débarqués de chez maman-papa qui rêvent de prix, de tirages, d’édition tout de suite, j’peux pas attendre, j’ai vingt poèmes et c’est urgent, je vais vous dire, j’en ai découverts aussi de belles formes et de justes proportions, des excédés et des tire-au flancs, des valets à la demande, des dissidents de n’importe quoi, des énervés et de doux évasifs, des prétentieux qui savent où le vent souffle en subventions et bourses annuelles, des poussifs, des toussifs et des fumistes de fausses flibustes, de tout, c’est normal, ça parle de nous et c’est nous qui parlons, je vais vous dire, rarement il faut en lire très peu pour entendre le vide, l’entendre sonner, se déployer, frissonner dans le bonheur de ses échos flatteurs, le vide vertigineux des ratés de l’oreille, de l’œil et du cœur plus souvent, mais soudain deux pages remettent le monde en scelle, quelques lignes nous sauvent de la bêtise originelle, pas de simples mots disposés sur la page, pas ces artifices des joueurs sans dangers, des faiseurs de powèmes impuissants (danser avec les mots, nourrir les mots, cueillir, jardiner, ensemencer, fumer, chanter, les mots, « écrire sans rien attendre », voilà le nouveau leitmotiv, écrire sans intention, écrire comme une manie, écrire comme un prurit, écrire pour faire comme si, juste écrire comme et pas écrire dans, ah…simagrées de l’écriture, simulacres, singeries et sauts de puces…), ces valses impuissantes sont des danses de saint-guy pour abonnés absents de la télépathie poétique ; j’vais vous dire, j’en ai reçu et en recevrai encore, les lirai parfois avec un soulagement soudain, ça y est, tout se rejoue dans ces pages-là, tout est à nouveau en jeu et rien ne se donnera facilement, la joie est là, le sentiment que rien n’est encore perdu, que ça va faire mal, ces phrases-là dans le Grand Contentement…allez, on s’y remet, la pile des manuscrits est haute et les nuages bas, au travail !
Quel texte! Quelle force! Je sens tes doigts palpiter à la lecture et cela me donne le cinglant, l’élan et le vertige à la fois… j’aimerais te lire Daniel, tu pourras me prêter un de tes livres stp? Amicalement, sylvie.