Arthis – La Maison Culturelle Belgo-Roumaine
organise
Rencontre littéraire avec Gabriel Badea-Paun et Louis Savary
Vendredi 18.10.2013 à 19:00 chez Arthis 33 Rue de Flandre, 1000 Bruxelles
Lancement des livres
Fluturi sărutându-se l Din cugetările şi poeziile unei Regine
Une anthologie de pensées et poèmes de Carmen Sylva
Edition et chronologie de Gabriel Badea-Paun
Préface de S.A.S. le Prince Radu de Roumanie
Pictori români în Franţa (1834-1939)
Peintres roumains en France (1834-1939) de Gabriel Badea-Päun, Noi Media Print, Bucarest, 2012
Des premiers tabous au dernier baroud De la primele tabuuri la ultima lupta
Anthologie poétique bilingue de Louis Savary,traduite par Cecilia Burtica
Lecture artistique des textes de Louis Savary par les acteurs
Jean-Claude Derudder et Christian Léonard
Entrée libre Info et réservations: 02/511 34 20 – info@arthis.org
Je vais vous dire, j’en ai lu des manuscrits, des pauvres et de très maigres, des opulents et de gras prétentieux, des malins et des mas-tu vu, des gouailleurs et des pince-fesse, à l’eau de rose, de purin ou de Lourdes, des tout frais débarqués de chez maman-papa qui rêvent de prix, de tirages, d’édition tout de suite, j’peux pas attendre,j’ai vingt poèmes et c’est urgent, je vais vous dire, j’en ai découverts aussi de belles formes et de justes proportions, des excédés et des tire-au flancs, des valets à la demande, des dissidents de n’importe quoi, des énervés et de doux évasifs, des prétentieux qui savent où le vent souffle en subventions et bourses annuelles, des poussifs, des toussifs et des fumistes de fausses flibustes, de tout, c’est normal, ça parle de nous et c’est nous qui parlons, je vais vous dire, rarement il faut en lire très peu pour entendre le vide, l’entendre sonner, se déployer, frissonner dans le bonheur de ses échos flatteurs, le vide vertigineux des ratés de l’oreille, de l’œil et du cœur plus souvent, mais soudain deux pages remettent le monde en scelle, quelques lignes nous sauvent de la bêtise originelle, pas de simples mots disposés sur la page, pas ces artifices des joueurs sans dangers, des faiseurs de powèmes impuissants (danser avec les mots, nourrir les mots, cueillir, jardiner, ensemencer, fumer, chanter, les mots, « écrire sans rien attendre », voilà le nouveau leitmotiv, écrire sans intention, écrire comme une manie, écrire comme un prurit, écrire pour faire comme si, juste écrire comme et pas écrire dans, ah…simagrées de l’écriture, simulacres, singeries et sauts de puces…), ces valses impuissantes sont des danses de saint-guy pour abonnés absents de la télépathie poétique ; j’vais vous dire, j’en ai reçu et en recevrai encore, les lirai parfois avec un soulagement soudain, ça y est, tout se rejoue dans ces pages-là, tout est à nouveau en jeu et rien ne se donnera facilement, la joie est là, le sentiment que rien n’est encore perdu, que ça va faire mal, ces phrases-là dans le Grand Contentement…allez, on s’y remet, la pile des manuscrits est haute et les nuages bas, au travail !
Les éditions Le Cri, basées à Bruxelles, sont en liquidation, a annoncé jeudi dans un communiqué la maison d’édition. Le Cri a acté sa liquidation le 13 septembre dernier lors de son assemblée générale.
« Depuis plus de 30 ans, les éditions Le Cri ont eu à coeur de publier des ouvrages ciblés et de qualité dans les domaines de l’histoire et de la littérature. Le Cri a toujours voulu rester fidèle à cette vocation première, que le contexte général actuel de l’édition et de la librairie ne lui permet plus de réaliser », souligne Le Cri. « C’est probablement ainsi la plus ancienne maison d’édition à caractère littéraire de Bruxelles qui disparaît, emportée par les réalités d’une société en profonde mutation », conclut la maison d’édition. »
Voilà ce que j’ai reçu dans ma boîte mails. Comme tous les auteurs de la Maison Le Cri, les journalistes, les libraires, les médiateurs du Livre,…
Ca doit en faire du monde!
L’édition est un marché, évidemment, mais aussi un champ d’expérimentation, une boîte de résonnances des idées et des goûts, des comportements et des déviances. Une sorte de miroir à facettes des humains et des lecteurs en particulier. Et cette boîte rétrécit, le miroir se brise, les échos ralentissent, la valeur s’estompe, la confusion règne.
Il n’y a pas longtemps, des gens de théâtre se réjouissaient de la fermeture d’un théâtre ennemi, pas concurrent, non, ennemi (on sait que la haute valeur symbolique des biens culturels et des manifestations sociales qui en découlent se basent aussi sur le mépris de ce qui se fait chez celles et ceux qui n’ont pas la même voilure idéologique, sémantique ou tout simplement clientéliste).
Quelqu’un rappela que la fermeture d’un théâtre appauvrissait tout le secteur théâtral et les quolibets cessèrent, officiellement.
Hier, je passais un moment avec une personne charmante, cultivée, dynamique, ouverte à la littérature, le monde, les autres…Bref, nous bavardions, elle évoqua Balzac, ce chiant Balzac, cet encombrant Balzac. « Tu mets ça dans la littérature, Balzac? » Elle parlait de produits, de productions,…J’ai exigé, oui, c’est horrible, j’ai exigé, qu’elle appelle ça une œuvre. J’ai essayé de faire entrer à nouveau Balzac dans l’univers de la littérature et, je vous rassure, Balzac a réintégré sa place.
C’était une querelle amicale, les balles étaient à blanc. En réalité, la question-même de cette personne intelligente, venait de m’abattre. Je devrais être habitué, dans des cas plus lourds, à ces rafales quotidiennes de la haine masquée (qui équivaut à l’ignorance légitime) de la littérature, mais non, on ne s’y fait pas, phénix, on remonte au front et hop, une grenade, une mine, un silence, l’ignorance, et surtout le mépris.
Balzac, c’est chiant, nous sommes bien d’accord.
Alors nous avons parlé d’autre chose, mais Balzac me restait en travers de la gorge. Récemment, un de mes amis, jeune écrivain, affirmait lors d’ une rencontre publique qu’il ne voyait pas l’intérêt de connaître l’héritage littéraire, l’histoire, quoi, l’avant, l’avant-soi. La salle était ok et pas ko. Il est intelligent, doué et ne pensait certainement pas ce qu’il disait, mais il l’a dit, comme ça, dans le flux et c’est passé, comme ça, dans le reste.
Avant-hier, c’était tout aussi bien… « Mon Contrat, mon Contrat, mon Contrat…. » Un auteur chantant l’air des Bijoux. L’auteur, une Castafiore contemporaine ? Oui, informé du passé, rêvant de l’avenir et ne connaissant à peu près rien du présent de l’édition, des contraintes, du marché, des réalités des ventes, de l’évaporation des lecteurs. Ils les voient ces réalités pourtant, la plupart font leurs achats chez les Amazones du livre… Ils sont autistes les auteurs, les lecteurs ?
Mais là, j’exagère, comme d’habitude, pour rire…
Et les libraires ? Aaah, les libraires ! Evidemment, j’aime, je vénère les libraires. Toute vénération se fonde sur des anamorphoses. Que de fois, des lecteurs, avec qui je travaille, me disent, m’écrivent « Ils ont dit que c’était épuisé… ». Et évidemment, ce n’était pas épuisé, mais il fallait chercher, suivre, servir le café, vendre une plante verte, une pizza, un tapas, garder les mômes, surveiller les infirmes, accrocher les stars, bêler « citoyen » et pendant cela « ma bonne dame, vous pensez que faire cette recherche sur la Toile, ça prend du temps, et en plus, je suis pas sûr qu’ils (l’éditeur, le diffuseur-distributeur,…) vont suivre (fréquent) et je vais devoir recommander ! » etc…Bref, c’est épuisant-épuisé.
Les Amazones ricanent, bandent leur arc et tirent.
Le lecteur serait donc passé au numérique ?
« Onlit » éditions (éditeur numérique en Belgique francophone) ne semble pas de cet avis, sinon, il aurait vendu à tours de bras et de clicks… J’imagine qu’en ce momnet « Onlit » réfléchit, négocie, accuse le coup. Allons, je blague…Le numérique, c’est la tablette, le Smartphone, pas le texte, innocent! Ah oui, on confondrait donc le support, le flux, le véhicule avec la matière ? Oui, c’est ça…Comme si on parlait de livres devant une usine de pâte à papier.
Enfin, je cherche des articles, des réactions, des « likes » Fbook…rien. Passez, muscade, circulez, y a rien à voir. Et je n’entrevois pas de manifestations de « culturels » avant mai 14, aucune réaction à ce jour en ce domaine. Je ne parle pas de ces gueulantes poussées devant le Cabinet d’un ou d’une Ministre (en l’occurrence ici, de la Culture) et qui se clôturent en général « entre amis ».
C’est que, dans le monde de la Culture, ça se fait « entre amis ». Ca ne déborde pas, « On ne sait jamais ». On est un coup dans la Commission (des Lettres, des Arts, du Sport, des Centres culturels, des Frelons tueurs, de la Bande des Quatre, …), un coup on la sollicite.
Pays trop petit, trop de confusion. On est écrivain, journaliste, critique, éditeur, conseiller, …on doit tout faire soi-même, donc on se retrouve à un moment ou un autre avec ces merveilleux amis de la Culture à siéger pour une Bourse, un Gala, une Aide, un Colloque.
Tout ça n’a pas d’importance au regard de l’Histoire, n’est-ce pas ? On va réinventer, aller de l’avant, mimer la poésie, marmonner, chuchoter, lisoter, administrer des potions lectorales marathonées dans des « starslectories ». Oui et titiller son écran jusqu’au roupillon général.
On parviendra à se défaire de Balzac, on y est presque.
Reste les auteurs vivants, mais ça, ça c’est une autre histoire.
Nous avons tendu l’oreille en cette époque bruissante de clicks et nous avons compris, enfin, l’univers des clicks…Le futur passe toujours par le passé, nous l’avions un instant oublié et une revue de vulgarisation nous le rappelle à point…« Souvent considéré comme le plus ancien groupe de langues connues, l’origine du phylum Khoisan (langues à clicks) remonterait à plus de 20.000 ans Ces langues se caractérisent par l’utilisation de clicks produits par des claquements de langues, modulés de façon à obtenir des intensités différentes » (1)
Partout, ça clicke, ça crépite et le bourdon des clicks nous revient comme une langue babélienne, enfin transculturelle, universelle et à la portée de (presque) tous, le clickage. Le clickage, différent du cliquètement en ce qu’il ne se construit pas sur une sorte de registre étale, repris en boucle, comme l’énoncé sonore d’une machinerie fine, le clickage donc, bruisse de partout et de façon chaotique. Ca clicke en rafales, dans la lenteur d’un doigt fatigué et nerveux face aux écrans papillonnant de charme.
Le clickage sonne comme la langue dispersée des dieux bavotant leurs promesses dans la technologie. Ca clicke à tour de bras, aux quatre points cardinaux, ça clicke un chant du monde entonné sans mesure… Nous étions, clickant en chœur, parfois encore, étonnés de commettre des bruits hors du champ magnétique de la nourrice numérique.
Nous feuilletions, bouquinons, piquetions des phrases par-ci, par là dans des ouvrages du Grand siècle, de papier et de colle, de carton et de fils, et nous nous étonnions de ne voir nulle part recensées ces pratiques sonores dans la vaste grammaire des sonorités vagues.
Alors, nous nous sommes réunis et avons réfléchi à cette étrange omission. Pourquoi donc ces échos étouffés par des doigts délicats n’auraient-ils pas droit au Recensement moderne de la communication et de la Joie des éduqués ?
C’est ainsi que nous avons, pour notre modeste compte relevé en un an, dans le champ strict de nos activités professionnelles (librairies, éditions, lectures, Foires aux livres, Rencontres privées et publiques, …), une vertigineuse comptabilité sonore…
Nous ne voulions pas que ces résonnances périphériques soient entièrement oubliées et nous la publions ainsi sans volonté d’exhaustivité (ces conduites sont aussi, par ailleurs, nous le savons, des actes fort intimes) :
- 32.000 feuilletés de pages
- 12.678 couvertures touchées
- 2.347 livres regardés pendant plus de quatre secondes en vitrine
- 897 livres observés longuement en notre librairie
- 269 livres cités avec une récurrence de 10
- 178 avec une récurrence de 9
- 145 avec une récurrence de 8
- Ainsi de suite jusqu’à la citation de livres qui n’existaient pas (à notre connaissance) et sont donc invérifiables
- Les livres à jaquette colorés sont regardés plus longuement que les livres ternes
- Les livres de grand format plus longuement que les petits volumes
- …
Nous ne savons encore ce que nous ferons de cette vaste Enquête, mais il nous semblait nécessaire de la communiquer au public afin de participer à l’économie de la citation, de la « touche », autrement dit du clickage.
La vente des ouvrages étant encore en cours, nous ne pouvons énoncer ici un processus toujours en mouvement et dans un flux tendu. Espérant avoir enrichi ce subtil débat, nous vous donnons rendez-vous l’année prochaine pour le Recensement nouveau.
Bonnes lectures!
Daniel Simon
[1] Aux origines des langues et de l’écriture, Cahiers Science et Vie (Collection Les essentiels), Hors-série, septembre 2013.
Une histoire croisée entre belges, luxembourgerois, allemands…
« …Je vais vous le dire, c’était pas comme vous le dites, pas entièrement, c’était mieux, comment on dit ? Mieux que mal, …pire…c’est ça …pire. Moi j’étais à la ferme, Helmut était pas là, Helmut était loin et moi je livrais le lait, les œufs, je livrais tout ce que je pouvais livrer pour garder la ferme, ne pas la perdre, être capable de la tenir si Helmut était revenu comme ça du jour au lendemain. Mais je pensais toujours qu’il reviendrait pas, mais ça je pouvais pas le penser vraiment, ça venait comme çà, quand j’arrêtais de travailler, le soir souvent, ou le matin, quand je me réveillais et que le lit était vide de lui. Je me suis jamais habituée à ça, le matin quand il faut se lever et qu’on parle à ses pantoufles comme à un chien allongé au pied du lit, un bon chien avec ses oreilles pendantes, un chien qui dit rien mais qui reste près de vous, là au pied, je parlais à mes savates et je me disais que j’allais devenir folle un jour, alors je me lavais et je m’y mettais dur, la ferme, la traite, les œufs, les tournées, les bonjour, les ça va, les oui, oui, tout ça sans Helmut c’est dur, alors je me suis dit que peut-être que si je faisais comme si de rien n’était ça irait mieux, et je me suis mise à rire, aller mieux, ça me faisait rire, Helmut avait été engagé de force, il était parti au front, en Flandres, chez les français, enfin contre, nous on était contre et Helmut il savait pas contre qui en fait il devait tirer, des français on en connaissait, on avait un cousin qui avait marié une française, de Strasbourg, et on les aimait bien, on les avait vus trois fois, mais chaque fois c’était bien, comment ils nous avaient reçu, vous pouvez pas savoir, une grande table, plus longue que vous pouvez imaginer, elle dépassait de la salle-à-manger, ils pouvaient la dresser qu’en été, d’à cause qu’ils devaient ouvrir la porte de la cour pour la laisser sortir, elle commençait dans la cour cette table et terminait dans le jardin, de l’autre côté de la maison, une table comme un bateau, je sais pas moi, jamais vu de pareille, et à cette table on était toute la famille, mon Helmut avait dix ans de moins et moi aussi du fait, et les cousins fêtaient leur premier, un beau gamin, mais il est resté muet, je sais pas pourquoi, il a jamais vraiment parlé, comme si c’était pas nécessaire, il comprenait tout mais il parlait pas, il regardait, faisait des choses sans les dire, c’était pas nécessaire pour lui de parler, bref, mon Helmut il est en France maintenant et il m’écrit que ça va, que c’est dur mais que ça va, il m’a dit qu’il allait aussi bien que le cheval, qu’il galopait et qu’il se sentait jeune et fort, mais on n’a pas de cheval, et je sais qu’il me dit ça pour la censure, on n’a pas de cheval, c’est Helmut qui fait le cheval, en Flandres contre les français… »
*** Éric Brogniet, Académicien, Directeur de la Maison de la Poésie de Namur, parlera de son recueil de poésie À la table de Sade, Le Taillis Pré, 2012.
Présentation par Isabelle Bielecki, et lectures par le groupe littéraire les Saintes-Nitouches, composé d’Océane Odyssée, Jessy Ketels et Isabelle Bielecki.
*** Béatrice Libert, écrivaine et comédienne, parlera de ses derniers livres, en dialogue avec Daniel Simon.
Béatrice Libert anime et dirige la Collection « Carré d’as » chez Couleur livres asbl
Dans la collection Carré d’as, les poèmes illustrés sont suivis d’un carnet d’activités pour écrire, peindre, créer à son tour. Une manière d’aimer et de semer en poésie…
Où ?à La Fleur en Papier Doré / Het Goudblommeke in Papier
Rue des Alexiens, 55 / Cellebroersstraat 55
1000 Bruxelles / Brussels
(c’est-à-dire au bas du Sablon, non loin du Mont des Arts, à deux pas de la Clinique César De Paepe)
J’ai le plaisir de présenter l’écrivain Mohamed Berrada ce jeudi 19 septembre 2013 à 19h, à la Librairie Cent papiers (23, avenue Louis Bertrand – 1030 Schaerbeek).
Un roman fort sur les « années de plomb » au Maroc. Un beau roman aussi en regard des questions narratives qu’il distribue avec délectation entre ses trois personnages…
Romancier marocain arabophone, considéré comme le chef de file du roman moderne marocain
Né à Rabat en 1938, Mohammed Berrada est romancier, critique littéraire, traducteur ; il enseignait la littérature arabe à la faculté des lettres de l’université Mohammed-V à Rabat. Il a été de 1976 à 1983 président de l’Union des écrivains marocains et est membre du Conseil scientifique de la revue maghrébine du livre Prologue.
Mohammed Berrada a appartenu au courrant littéraire qui a expérimenté de nouvelles techniques d’écriture (que les critiques marocains appellent attajrib (expérimentation). Le texte néglige l’intrigue romanesque et s’écrit par tableaux, scènes, réflexions, portraits… Dans le domaine de la langue c’est le recours aux dialectes, notamment le fassi (celui de Fès), aux jeu de mots et allusion ludiques.
Depuis 1978, Mohammed Berrada est l’époux de Leïla Shahid, déléguée générale de la Palestine auprès de l’Union européenne. Le couple vit et travaille à Bruxelles.
Traducteur de Barthes et Le Clézio en arabe, son œuvre de romancier, saluée par les récompenses les plus prestigieuses du royaume (prix du Mérite culturel 1999, prix de la Critique 2004…), est avant tout celle d’un esprit libre.
Trois personnages, une femme émancipée, hôtesse de l’air de son métier, un homme du peuple, averti et charmeur, et un vieux politicien déluré, se racontent et se confient, se croisent et se séduisent, s’entraident et se dupent. En filigrane de leurs confessions se dessine une image contrastée de la société marocaine contemporaine, avec ses aspirations au changement et ses blocages structurels. Les « vies voisines » sont autant de quêtes existentielles qui questionnent l’origine du plaisir, le sens et la raison d’être au monde, le drame de la temporalité et de la finitude humaine.
Aux voix des personnages principaux s’ajoute celle d’un narrateur qui a partagé la vie, voisine, des trois héros, enregistré leur récit et qui le relate ici. S’élève enfin la voix d’un conteur, ou râwî, figure centrale de la littérature populaire arabe. Il se charge de mettre à distance et de présenter ces existences entremêlées. Chacune est ainsi contée plusieurs fois, jusqu’à ce que le conteur, revendiquant sa propre subjectivité, choisisse à son tour son mode de narration.
On retrouve dans Vies voisines le souci permanent de Mohamed Berrada d’associer « les modalités traditionnelles de la littérature arabe et les procédés de la narration occidentale, pour livrer les clefs des désarrois identitaires du Maroc contemporain ».
Mohamed Berrada est né à Rabat en 1938. Romancier, nouvelliste, critique littéraire, traducteur, il a été professeur de littérature arabe à l’université Mohamed-V à Rabat et, de 1976 à 1983, président de l’Union des écrivains marocains. Sindbad/Actes Sud a publié Le Jeu de l’oubli (1993), Lumière fuyante (1998) et Comme un été qui ne reviendra pas (2001).
Courrier des auteurs le 27/03/2013
1) Qui êtes-vous ? !
Je suis Mohammed Berrada, écrivain marocain d’expression arabe. Quatre de mes romans sont traduits chez Actes/sud-Sindbad. Pour moi, écrire un roman est un plaisir d’habiter le monde de la fiction et se poser en même temps des questions sur mon pays le Maroc toujours à la recherche d’une Modernité qui le sort du passéisme et du pouvoir absolu…
2) Quel est le thème central de ce livre ?
Le thème essentiel de « Vies voisines » se dessine à travers des personnages prototypes qui constituent le tréfonds de la société et qui confrontent les transformations inexorables imposées par le Temps, la société et l’angoisse de l’existence.
3) Si vous deviez mettre en avant une phrase de ce livre, laquelle choisiriez-vous ?
Ces expériences profondes, loin des conventions et des habitudes, nous touchent corps et âme, mettent l’humain à nu, et font vaciller les normes de la morale héréditaire. » p. 20
4) Si ce livre était une musique, quelle serait-elle ?
En musique le roman correspondrait à la chanson de Léo Ferré : « Avec le temps… »
5) Qu’aimeriez-vous partager avec vos lecteurs en priorité ?
J’aime partager avec les lecteurs la complicité tissée par la fiction et l’univers imaginaire qui nous incite à réinterpréter le monde.
La revue de presse : Catherine Simon – Le Monde du 28 mars 2013
Mohamed Berrada compose, dans un choeur à trois voix, le portrait poignant du Maroc des années 1970…
A travers ce livre-inventaire aux résonances multiples, c’est un tableau tout en ombres et lumières, que peint Mohamed Berrada. Né à Rabat en 1938, aussi fin connaisseur de la culture française que fidèle artisan de la langue arabe et de la culture maghrébine, l’auteur de Vies voisines (quatrième de ses romans traduits en français) fait le portrait de » son » Maroc et du demi-siècle écoulé. » Ma nostalgie est une aspiration à vivre heureux « , explique son » narrateur/narrataire « , nom donné par l’auteur à l’un des griots de ce roman gigogne. En plongeant dans ces trois » vies voisines « , il n’a cherché, ajoute-t-il, qu’à s’immiscer » dans l’espace de silence créé par l’écriture « , afin de découvrir, en lui-même, à force d’écoute et de patience, les » dédales de relations et de mémoires imbriquées « . Pari gagné, jolie plongée.
La revue de presse : Françoise Germain-Robin – L’Humanité du 14 mars 2013
Roman, récit, conte, entretien, lettres, théâtre… On trouve toutes ces formes d’écriture dans le dernier roman de l’écrivain marocain Mohamed Berrada. S’y mêlent des personnages – Naïma, Wariti et le fils de H’nia – dont on ne sait s’ils sont réels ou inventés, sur un arrière-fond d’histoire du Maroc des années de plomb.
Le célèbre écrivain marocain arabophone Mohamed Berrada a récemment publié son dernier roman, « Vies voisines », dans lequel il retrace une facette de la société marocaine des années 1970, rapporte Le quotidien belgeLa libre. Un portrait à la fois lointain des réalités connues de cette époque, mais également très proche de celle de la société d’aujourd’hui.
« Des personnages qui résument la société marocaine »
« Vies voisines », c’est trois récit de vies différentes à la base, mais qui « se racontent et se confient, se croisent et se séduisent, s’entraident et se dupent », selon l’auteur. Le premier personnage, Naïma Aït Lahna, est hôtesse de l’air. La jeune femme donne l’impression d’être austère et religieuse, mais au fond, vit comme une femme émancipée et charmante habituée des relations avec des hommes hauts placés du pouvoir. Pour maintenir son train de vie et éduquer son fils, elle se laisse entraîner dans un trafic de drogue vers l’Espagne et se retrouve en prison.
Vient ensuite Ould H’nia, un homme du peuple, averti et charmeur. Il n’hésite pas à devenir l’amant d’un riche Marocain exilé en Allemagne, afin de mener un train de vie tel qu’il en rêve. Le troisième personnage, Wariti, est un ex-conseiller royal. Au soir de sa vie, il cherche la jouissance prônée par les poètes soufis et les épicuriens.
Aux côté de ces trois personnages, un narrateur ayant partagé la vie des trois héros raconte leurs histoires. « En racontant trois itinéraires différents, j’ai voulu implicitement représenter des modèles et des personnages qui résument la société marocaine. Pour moi, les titres sont très importants, et l’idée du voisinage renvoie autant à la forme du roman qu’à sa signification », confie l’auteur dans une interview accordée à Jeune Afrique.
D’après M. Berrada, Naima représente les couches modernes, qui vivent sous l’influence de la francophonie. Ould H’nia, à l’exemple de millions d’oubliés au sein la société chérifienne. Il vit de petits métiers, dispose d’une expérience, mais semble condamné à vivre en marge. Alors, il essaie par tous les moyens de se faire une place au soleil. Wariti quand à lui, « incarne la continuité, le type cultivé traditionnellement qui évolue au sein du Makhzen », explique le romancier. Et d’ajouter : « le narrateur, Samih, est la figure de l’intellectuel engagé ».
« Vies voisines », sorti le 9 février dernier aux éditions Actes Sud, Arles en France, est le quatrième roman de Mohamed Berrada traduit en français après Le Jeu de l’oubli (1993), Lumière fuyante (1998) et Comme un été qui ne reviendra pas (2001).
Des corps et tout ce qui en sort, de trivial et de sublime, notre humanité en hachis, corned-beef ou carbonnades halal… En Irak (1) , trop de choses rentrent de force dans des chairs et des cœurs fatigués depuis cinq ans et tellement plus longtemps que la mémoire hésite: ferrailles, bombes, shrapnels, gaz divers, terreurs insomniaques, infamies et dénis, insultes et sévices, humiliations et menaces, balles explosives et baïonnettes,manipulations et poignards, sirènes et sifflements, de tout pour entamer l’avenir, le présent et la nuit qui marquent le passage d’un temps d’horreur à un autre et jettent sur la scène de Babylone détruites de nouvelles épouvantes.
(1) écrit il y a cinq ans. Remplacer par ce que vous voudrez, que l’actualité vous offre.
www.lamaisondulivre.be Ateliers Récits de vie...Bienvenue, encore quelques places...Ateliers et stages Mélanie Ferrier : 02 / 543 12 22 - m.ferrier(at)lamaisondulivre.beRécit de vieÉcrire à partir de soi ? Écrire un récit de vie suppose que l’on puise volontairement en soi les éléments et les circonstances du récit. Cette dynamique d’écriture invite aussi à travailler une forme. Rien ne se livre sans traitement, aucune écriture sans point de vue, sans « résonances internes ». De quoi s’agit-il donc quand j’écris mon récit en je ou en il ou elle ? Pourquoi écrire mon récit de vie ? Pour de multiples raisons, bien sûr, mais souvent pour transmettre, établir un bilan, écrire sans le malaise de l’imagination apparemment en panne… C’est aussi poursuivre en dix séances l’exigence et le partage des lectures, des conversations critiques, des explorations, des nouvelles pistes… Enfin, il s’agit de soutenir chez chaque membre de l’atelier une volonté d’aboutir à un résultat : créer une dynamique d’écriture… Nous tenterons de jouer au « Petit Poucet » perdu dans la forêt cherchant sa piste dans les pierres du chemin…Animé par : Daniel SIMON, écrivain, formateur et éditeur (www.traverse.be)Dates : 10 mardis de 14h à 17h du 17 septembre au 10 décembre 2013Public : adultesPrix : 190 euros, acompte de 90 euros, possibilité de payer le solde en effectuant 2 versements de 50 euros ou 4 de 25 eurosNombre maximum de participants : 12
Ce dimanche, 15-17h….Bienvenue avec vos textes et prises de parole.
Verre d’accueil offert et les Feuillets offerts au 30 premiers arrivés!
Librairie 100 papiers, 23 avenue Louis Bertrand à 1030 Schaerbeek
« Ceci n’est pas une critique », plutôt une interprétation erronée ou un détournement, un amalgame, un débat glissant, un dialogue piégé, une analyse tendancieuse, une lecture partiale, un jugement à l’emporte-pièce, un conseil d’ami, une remarque fielleuse, une réaction mielleuse, un coup bas, une fusillade, un attentat, un règlement de comptes, une trahison commune, un lâchage général, une alliance perverse ou un avis bienveillant ?
La gestuelle idoine consiste alors à lever la main devant soi paume de paix vers l’interlocuteur, poignet cassé vers l’intérieur, yeux grands ouverts, bouche arrondie (avec variations jusqu’au cul de poule), voix haut placée, yeux baissés. Le ton se pose, le rythme ralentit, la douceur s’installe, le corps s’incline légèrement vers l’avant, le recul se prépare, et enfin le silence. Le tout agrémenté de « Mais… » (toujours placé au plus tôt de la remarque), « C’est mon simple avis », « Enfin, c’est ce que je pense », et autres fariboles pour mieux lâcher sa mitraille.
Mais ce n’est pas une critique.
DS
Lancement du n° 11 des Feuillets de corde
Revue effervescente paraissant 6 fois l’an
"Ce n’est pas une critique"
Photo : Helder Wasterlain
Texte : Catherine Ysmal
Dimanche 15 septembre, de 15h à 17h.
Vos textes et contributions sont les bienvenues, lectures ouvertes!
«Les vingt-quatre victoires d’étape du peintre Belgritte» – Paul Émond
88 pages – 10 euros – 14×20,5 cm - plus >>
978-2-87505-151-6 » Un tableau chaque jour ! Quel rythme effréné ! Quel invraisemblable et incessant appel à ses forces créatives ! Quel don de soi du plus pro- fond, sans reprendre haleine, sans le bénéfice du moindre répit, sans tenir compte de la plus élémentaire nécessité qu’avait son génie de se ressourcer avant de s’exprimer à nouveau au plus vif et au plus éclatant ! «
En 1958, le grand peintre Belgritte prit une décision des plus audacieuses : il suivrait les vingt-quatre étapes du Tour de France (son cousin Luc Varenne, le valeureux reporter sportif de l’époque, acceptant de lui céder une place dans la voiture de notre radio nationale) et, le soir venu, il transposerait la spécificité de chaque étape en un tableau magistral.
Seulement, à un moment donné la belle machine belgrittienne se grippe et alors son fidèle assistant Veuillot vient à son secours avec un remède miracle qui rapprochera notre peintre des grands sportifs qu’il suit !
Vous êtes las, vous aussi, de la platitude contemporaine ? De la veulerie des annonces publicitaires ? Des idéaux débiles vers lesquels nous poussent tant de discours tonitruants ? D’un formatage de l’existence qui ne tient compte que de l’image que l’on donne de soi ? Du discours dominant qui proclame que seul ce qui peut être comptabilisé n’a de réalité ? D’une existence de somnambule, qui n’a plus rien à voir avec ce désir qui, parfois encore heureusement, s’en vient nous réveiller pour nous rappeler qu’il y a moyen d’être autrement, de vivre autrement ? Oui ? Alors, n’hésitez pas, acquérez (vous comprendrez vite qu’il importe de le relire plusieurs fois) le merveilleux petit livre d’Armel Guerne, L’âme insurgée, consacré à quelques-uns des plus grands esprits du romantisme, Hölderlin, Novalis, Kleist, les frères Grimm, Nerval, et jusqu’à Merville et Stevenson qui écrivent encore dans le même sillage.
Armel Guerne (1911-1980), merveilleux poète, grand résistant, immense traducteur. Parmi tant d’œuvres traduites par ce passeur inlassable : Moby Dick, les Sonnets de Shakespeare, Le Territoire de l’homme de Canetti, Le cirque Humberto d’Eduard Bass (je garde précieusement dans ma bibliothèque ce superbe gros roman d’un écrivain tchèque, relatant une vie passée dans un cirque, depuis l’embauche du jeune garçon comme homme à tout faire jusqu’à la place de directeur qu’il finira par occuper – si vous tombez sur ce livre, surtout achetez-le ! je me rappelle l’avoir lu quasi d’une traite quand je découvrais, il y a plus de trente ans, la littérature tchèque et je l’ai relu, il y a peu, avec le même plaisir), et puis, bien sûr, la formidable anthologie des Romantiques allemands, publiée dès 1957 (rééditée chez Phébus, coll. Libretto).
Une anthologie à la lecture de laquelle il n’y a pas de meilleure introduction, justement, que L’âme insurgée. Quels beaux portraits de ces êtres d’exception en quête d’absol, et dont l’œuvre témoigne si intensément de la fièvre et du génie ! Premier chapitre du livre, un texte intitulé « Laissez-moi vous dire » : rédigé en 1977, il pourrait avoir été écrit aujourd’hui, tant est encore actuel le constat qui s’y fait déjà de la tyrannie des bruits du monde, de la paupérisation du langage, du déni du passé, d’une offre culturelle passée à la moulinette. Et quelle écriture ! Lisez donc ces extraits :
Laissez-moi vous dire
que le poète n’a pas la vie facile dans un monde devenu ce manteau de ténèbres, pailleté d’éphémère par une actualité exténuée en quelques heures, qu’on renouvelle tous les jours et qui tient toute la place avant de s’effacer. Un monde où le niveau des larmes, cependant, ne cesse de monter. Un monde pilonné, trituré, sermonné de plus en plus sévèrement par le verbe surnaturel des catastrophes, couché sous le vent fort de ce langage, le plus clair et le plus nu de tous, dont les statisticiens s’emparent aussitôt pour le rendre inintelligible. Les cœurs sans le savoir, les esprits sans le percevoir et, tout au fond, les âmes sans le dire sont tellement dans le besoin que le silence de leur cri – formidable colonne en creux – requiert et mobilise contre lui l’acharnement insupportable et sans répit de tous les bruits du monde, organise la fuite et le refuge de chacun dans ce supplice étroit, la collaboration funeste de tout individu, par soumission servile ou par complicité déshonorée, à cet attentat fracassant qui le disjoint, l’émiette, le pulvérise et le disperse. S’abstraire de l’essentiel, tout est là. Sortir le plus possible du dedans de la vie; rester dehors. L’information, laissez-moi vous le dire, est l’instrument parfait, la corde lisse et le nœud bien coulant de cette pendaison : l’information, procédé éminemment artificiel et abstrait, destiné à rendre informe et sans leçon tout ce qui peut, tout ce qui risque d’avoir, originalement, une forme certaine et peut-être un enseignement. L’informatique a perfectionné le système en le mécanisant et désormais, sans le concours de personne, l’analyse devient si fine que tout danger est écarté : même par accident il ne peut plus rester, non, même à la loupe on ne saurait trouver le grain le plus infime de concret dans la pensée lisse et liquide qu’elle dégorge. Le rien est souverain et triomphe dans le bourdonnement enthousiasmé des bavardages. Car sait-on jamais ? La trace seulement d’une poussière pourrait suffire à accrocher un souvenir, un rappel, découvrir une analogie, voire amorcer un rêve, éveiller un silence, engendrer l’incongruité d’une de ces légendes qui parlent à travers le temps !
Abandonné de tous, le génie souple et prompt de notre langue est sans emploi, comme un ange au chômage. Vu de demain, regardé seulement de la pointe du prochain matin, le français est déjà une langue morte, écrasée, accablée, enterrée sous ses mines où s‘amusent encore, inconscients, égarés, les producteurs rentiers d’une littérature qui n’a d’autres raisons que la « modernité », c’est-à-dire le goût du jour. L’argent, seul étalon de toutes les valeurs, ne quitte plus jamais le devant de la scène. Écoutez bien, tendez l’oreille: « euh… ! beuh… ! » Nous sommes entrés dans le siècle de l’onomatopée et nous voici déjà tout occupés à convertir les mots en chiffres. Sans le lyrisme des milliards, avouons-le, auquel les moins riches ne sont pas les moins accessibles, la politique serait sans effet, sans écho, et les prisons de l’idéologie s’ouvriraient d’elles-mêmes, relâchant en plein air la cohue de leurs détenus fascinés, tout surpris de se retrouver libres de leur pensée, de respirer un air de leurs propres poumons. L’argent (qui n’est depuis longtemps plus synonyme de richesse, mais de besoin), s’il fut depuis toujours servi par les ambitieux, ne l’a jamais été avec le cynisme imbécile et l ‘unanimité éhontée de nos contemporains: la masse humaine la plus mendiante et la plus lâche, la plus confuse et la plus confondue que le monde ait portée. Seul le nanti n’en a jamais assez ; et c’est toujours lui qui crie le plus fort, du haut en bas de l’échelle sociale, surtout en bas. Laissons.
(…)
Un pareil désarroi, des hommes plus humains, beaucoup moins négatifs, l’ont pressenti déjà comme pour nous aider, hurlant alors de toutes les manières la fureur de la faim spirituelle, clamant et proclamant l’insurrection de l ’âme aux quatre coins du monde, s’arrachant à leur siècle qu’ils jugeaient imbécile et qui ne manquait pas d ’incommodités, plongeant dans le passé, secouant l’avenir en le prophétisant jusqu’au bout de leur force d’imagination comme pour mieux l’exorciser, cherchant partout des appuis et des frères, recensant l’univers et les trésors intérieurs, se prodiguant à cœur ouvert, risquant sur eux un perpétuel tout pour le tout que rien ne pouvait arrêter, ni la folie, ni le suicide, ni la mort qu’ils ne cessaient de frôler, toujours a cet extrême d’eux-mêmes qu’ils ne cessaient de hanter par souci de vivre dignement, noblement, sans rien omettre. Jamais peut-être on n’avait fait autant de littérature ; et jamais sans doute on n’y mit tant de sang, tant de cœur, tant de fièvre et aussi de merveilleux caprice, de liberté. Ils ont tout essayé, tout appelé à leur secours pour étendre le cercle autour de la raison et trouver des issues, ne pas s’y enfermer. Ils ont couru tous les chemins qu’ils croyaient deviner. S’ils se trompaient, tant pis pour eux ! mais ils y allaient voir – et malheureusement, égarés dans le marécage d’une langue peu faite pour la rigueur, la rectitude ou le redressement de la pensée aventurée sur un terrain mystique, ils se trompèrent souvent et moururent beaucoup.
(…)
Ce Romantisme, bien évidemment, n’a rien de commun avec la gentillette école littéraire qui fit florès en France sous ce nom ; rien de commun non plus avec la rhétorique douceâtre et la fadeur sentimentale, les rubans et les fanfreluches que l’on s’est plu souvent à attacher à ce mot. Les Français à vrai dire, Nerval à peu près seul excepté, sont restés à l’écart de ce mouvement, qui a fleuri d’abord et surtout en Allemagne avec Hölderlin et Novalis, avec Arnim, avec Kleist, avec Hoffmann et tant d’autres, mais aussi en Angleterre – avec Keats bien plus qu’avec Byron ou Shelley, et par-delà les sombres splendeurs du « Roman noir » jusqu’à Stevenson –, mais encore dans la lointaine Amérique chez deux êtres aussi différents — et aussi nécessairement complémentaires – que Poe et Melville, sans oublier les pays slaves où l’élan mystique du hassidisme juif et cet autre élan qui soulèvera plus tard les récits de Dostoïevski sont manifestement d’essence romantique, au sens le plus exigeant que l’on voudra bien donner à pareille désignation.
(…)
C’est que pour eux, le Romantisme était vraiment une façon d’être. Un combat pour la plénitude. Une bataille désespérée contre l ‘abdication capitale, contre ce vide désespérant qui laisse l’homme comme une viande douée de réflexes dès qu’il oublie son âme, dès qu’il quitte ses rêves, dès qu’il cesse de reconnaître et de nourrir – pour ne plus faire qu’alimenter l’autre – Cette moitié divine dont il est compose’ et qui respire au milieu des étoiles.
Car on ne devrait jamais l’oublier, la vie n’est pas un état mais un risque, et qui s’ouvre toujours plus. Grandiose. Une conquête qui n’en finit pas. Un « voyage » – au sens où Schubert l ’a certainement vécu – mais un voyage incertain et dur, à la mesure de ceux, et de ceux-là seuls, qui sont capables de marcher.
Il vaut donc mieux, croyez-moi, ne pas trop se fier aux ruminants intellectuels qui vivent à la ferme, engrangeant le foin et la paille de leurs savoirs récoltés. Les hommes de cabinet, laissez-moi vous le dire, ne font pas de bons compagnons de route.
Stefan Zweig disait des nouvelles de Kleist (1777-1811) qu’elles étaient « les plus concises, les plus froides, les plus concentrées de la littérature allemande ». Plaisir de reprendre quelques grands textes de cet écrivain fascinant, magnifique auteur de théâtre (Penthésilée, La Cruche cassée, Le Prince de Hombourg…), personnage toujours en quête d’absolu, à la vie chaotique, passionnée et toujours déçue (il finit par se donner la mort avec Henriette Vogel, son amie), un de ces êtres dont Armel Guerne disait qu’ils étaient « … toujours à cet extrême d’eux-mêmes qu’ils ne cessaient de hanter par souci de vivre dignement, noblement, sans rien omettre » (L’Âme insurgée, coll. Points-Seuil).
Pour preuve de ce qu’avançait Zweig, cette nouvelle qui tient sur deux pages et demie, parfaite dans son déroulement narratif et très caractéristique d’un univers imaginaire où le fantastique vient parfois remédier à l’injustice des hommes :
La mendiante de Locarno
Au pied des Alpes, à Locarno, il y avait un vieux château merveilleusement situé, appartenant à un marquis. On peut en voir encore aujourd’hui les ruines quand on descend du Saint-Gothard.
Un jour, la marquise recueillit par charité une vieille femme malade qui s’était présentée devant elle en demandant l’aumône. La marquise fit mettre de la paille dans une des nombreuses et spacieuses salles du château et y fit coucher la pauvresse. Le marquis, revenant de la chasse, entra par hasard dans cette salle, où il avait l’habitude de ranger ses fusils. Apercevant la vieille, il lui intima de se lever et d’aller s’installer derrière le poêle. En se levant, celle-ci glissa sur ses béquilles et se blessa grièvement à la colonne vertébrale, de sorte qu’après avoir péniblement réussi à se lever et à traverser la salle, elle s’affaissa en gémissant derrière le poêle et mourut.
Plusieurs années après, le marquis ayant de graves embarras d’argent par suite de la guerre et d’une mauvaise récolte, un chevalier florentin descendit chez lui, dans l’intention de lui acheter le château. Le marquis, qui tenait beaucoup à conclure l’affaire, chargea sa femme de loger l’étranger dans la pièce ou était morte la mendiante ; la salle, restée inoccupée depuis lors, avait été fort agréablement transformée. Mais quelle ne fut pas la stupéfaction des hôtes lorsque au milieu de la nuit le chevalier, pâle et défait, accourut vers eux, jurant ses grands dieux qu’il y avait des revenants dans le château, que quelque chose, échappant à ses regards, s’était levé dans un coin et, avec un bruit de paille piétinée, avait lentement traversé la salle d’un bout à l’autre, à pas chancelants mais bien distincts, pour aller s’effondrer en gémissant derrière le poêle.
Le marquis, effrayé sans trop s’expliquer pourquoi, se moqua du chevalier en affectant une grande sérénité et lui qu’il se lèverait pour passer la nuit en sa compagnie. Mais le chevalier le supplia de ne pas le renvoyer dans la salle hantée et de lui permettre d’achever la nuit dans un fauteuil. Le matin venu, il fit atteler et, après avoir pris congé, quitta le château.
Cet incident, qui fit énormément de bruit, rebuta plusieurs acquéreurs, chose fort désagréable pour le marquis, et comme d’autre part la rumeur tout à fait incompréhensible et déconcertante selon laquelle on entendait marcher vers minuit dans a fameuse salle du château, se répandit parmi ses gens de maison, le marquis, pour y couper court, résolut de faire une expérience décisive en examinant lui-même la chose. Un soir, il fit donc placer son lit dans la pièce soi-disant hantée et attendit minuit sans dormir. Quel ne fut pas son trouble lorsqu’en effet, l’heure des spectres ayant sonné, il entendit l’inexplicable bruit ; il semblait que quelqu’un ou quelque chose se levait en provoquant un crissement de paille, puis traversant la salle de long en large, s’affaissait en soupirant et gémissant derrière le poêle. Quand le marquis descendit le lendemain matin, son épouse lui demanda le récit de sa nuit. Après avoir jeté des regards timorés et hésitants autour de lui et avoir poussé le verrou de la porte, le marquis lui confirma que l’histoire du fantôme était vraie ; elle tressaillit étrangement et le pria de procéder de sang-froid et en sa compagnie cette fois, à un nouvel examen des faits.
La nuit suivante donc, les deux époux, de même qu’un domestique qu’ils avaient pris avec eux, entendirent le même bruit inexplicable et fantomatique ; et seul l’impérieux désir de se débarrasser à n’importe quel prix du château leur donna la force de cacher l’effroi qui s’était emparé d’eux et d’expliquer les événements de la nuit par quelque cause fortuite et superficielle que l’on finirait bien par découvrir.
Le troisième soir, ayant décidé de percer définitivement le mystère, le marquis et son épouse, en arrivant devant la porte de la chambre maudite y trouvèrent leur chien de garde que quelqu’un avait sans doute détaché ; sans trop se demander pourquoi, peut-être dans l’obscur désir d’une présence vivante, ils le laissèrent entrer avec eux.
Vers onze heures, après avoir posé deux chandelles sur la table, le couple s’étendit chacun sur son lit, la marquise tout habillée, le marquis l’épée et le pistolet à ses côtés. Pendant qu’ils s’efforçaient de poursuivre un maladroit dialogue, le chien se coucha au milieu de la pièce et, recroquevillé sur lui-même, la queue sous la tête, se mit à ronfler. Minuit venant de sonner, l’effroyable rumeur recommença ; une créature que des yeux humains n’auraient su regarder se dressa sur des béquilles, – là-bas, dans le recoin ; on entendit des bruissements de paille, et au premier pas, clic clac ! le chien se réveilla et bondit en dressant les oreilles, puis grogna, aboya et s’enfuit en reculant vers le poêle. Voyant cela, la marquise, les cheveux se dressant sur sa tête, se précipita hors de la salle, tandis que le marquis, brandissant son épée, s’écriait « Qui vive ! » Comme personne ne répondait, il fendit aveuglément l’air de son épée.
La marquise, décidée à regagner la ville, fit atteler. Le de temps de rassembler quelques bagages et avant même que la voiture n’eût franchi le portail, elle vit des flammes s’élever du château.
Le marquis, ayant perdu la raison, saisissant une chandelle, avait mis le feu aux quatre coins du château. Le feu se répandit d’autant plus vite que les murs étaient lambrissés de boiseries. C’est en vain que la marquise envoya des gens au secours de son mari, il avait déjà trouvé une mort pitoyable.
Aujourd’hui encore, les blancs ossements du marquis, recueillis par des paysans, reposent dans ce coin de la salle d’où il avait ordonné à la mendiante de Locarno de déguerpir.
Heinrich von Kleist, « La mendiante de Locarno », Romantiques allemands, vol. 1, Bibliothèque de la Pléiade, traduit de l’allemand par Maxime Alexandre
Les Portugais l’appellent saudade : une envie de quelque chose de tellement indéterminé presqu’indéfinissable. Les amours, les accidents misérables de la vie, comment le monde des choses était ce qu’il était et que ce temps est passé, les gens déjà mort, ceux qui sont partis et l’océan qui les jeta sur les rives d’une terre différente — toutes expériences nées de l’âme et qui peuvent seulement être ressenties. —
« Ceci n’est pas une critique », plutôt une interprétation erronée ou un détournement, un amalgame, un débat glissant, un dialogue piégé, une analyse tendancieuse, une lecture partiale, un jugement à l’emporte-pièce, un conseil d’ami, une remarque fielleuse, une réaction mielleuse, un coup bas, une fusillade, un attentat, un règlement de comptes, une trahison commune, un lâchage général, une alliance perverse ou un avis bienveillant ?
La gestuelle idoine consiste alors à lever la main devant soi paume de paix vers l’interlocuteur, poignet cassé vers l’intérieur, yeux grands ouverts, bouche arrondie (avec variations jusqu’au cul de poule), voix haut placée, yeux baissés. Le ton se pose, le rythme ralentit, la douceur s’installe, le corps s’incline légèrement vers l’avant, le recul se prépare, et enfin le silence. Le tout agrémenté de « Mais… » (toujours placé au plus tôt de la remarque), « C’est mon simple avis », « Enfin, c’est ce que je pense », et autres fariboles pour mieux lâcher sa mitraille.
Mais ce n’est pas une critique.
DS
Lancement du n° 11 des Feuillets de corde
Revue effervescente paraissant 6 fois l’an
"Ce n’est pas une critique"
Photo : Helder Wasterlain
Texte : Catherine Ysmal
Dimanche 15 septembre, de 15h à 17h.
Librairie 100 papiers, 23 avenue Louis Bertrand à 1030 Schaerbeek
Vos textes et contributions sont les bienvenues, lectures ouvertes!
Lors de la séance inaugurale, Fabio Mangolini, acteur de la Commedia dell’arte, proposera au public présent une incarnation des personnages de la Commedia.
Catalogue édité par les Editions Couleur Livres asbl et réalisé par Daniel Simon.
Dans le jardin, l’atelier
Deux établis, des outils accrochés au mur, des réglettes de plomb, des éclats colorés, des feuilles de verre de couleurs et de matière diverses rangées dans des loges de bois, des vitraux en préparation, des dessins, des encadrements fraîchement peints et mis à sécher sous la lampe…
La forme est dans le verre, elle court dans les reflets, les épaisseurs de la tranche, les miroitements de la lumière. La forme flotte dans le verre avant d’être choisie.
La forme a toujours été là, infinie, hors de l’atelier, du jardin, là-bas, au loin, dans des lieux d’abandon où les formes se reposent. Elles attendent la plume, le stylet, le calame, le burin, le pinceau, le grattoir et la pointe, mais elles sont prêtes, inattendues, aux horizons d’un imminent départ.
Il manipule la vitre, la retourne, la caresse de la paume, la tourne et la retourne, bas, haut, gauche, droite, la forme va apparaître, il le sait mais il ne la connaît pas encore. Elle court, là, dans les reflets, elle va s’arrêter pour se distinguer de toutes les autres, elle va surgir de l’indistinct coloré et de la lumière, des réseaux, des veinules et des traces, elle est bientôt là, il l’entrevoyait, retourne encore la matière, et enfin, elle est là, il la suit des yeux, la main approche, se retire, tout n’est pas encore fixé, elle tremble.
C’est maintenant dans les entours que sa main s’aventure, dans ce qui n’est pas encore entrevu, en suspens dans la rétine des expériences, des mémoires, des émotions qu’un éclat réveillera.
La main pressera contre la matière, tracera des formes fugaces, esquissera des vallées et des pics, forcera le barrage des perspectives et des raisons, prendra le biais, raccourcira et allongera, la forme soudain prend, elle ne scintille pas encore, elle grommelle, elle articule mal sa figure, elle hésite, elle se rétracte mais les traces sont là, dans le regard, tout est vif, sacré, tout se rejoue, la maison, le verre, l’esquisse, le futur.
Le papier suit, le crayon et le papier, des traits, des deuils, des amours, des repentirs. L’homme avance dans la saisie de ce qui rôde encore.
Retour à l’établi, une feuille de verre, des flammes bleues ondulent dans la masse. Il fait glisser le papier sur la vitre, il s’arrête, il a trouvé le point d’appui, c’est là que la valse va commencer, c’est là que la mise en scène se construit.
Tout s’accélère, les feuilles de verre se succèdent et sont offertes à la lumière de la lampe, les couleurs s’irisent, les matités se concentrent, les éclaboussures jettent leurs feux.
L’homme choisit, dépose, déplace, repose, range, reprend, recommence et soudain, frémissements, il s’arrête, c’est celle-là qui conviendra, c’est elle qui cachait les figures esquissées juste avant, la découpe va commencer.
Les heures et les jours passent, le vitrailleur a découpé, ouvert les ailes des plombs, enchâssés les fragments de verre, mis en place l’ensemble, refermé les ailes et soudé le tout.
Masticage, ponçage et nettoyage suivront. L’atelier est encombré, des vitraux sont rangés, des encadrements profilés, des vernis étalés.
L’histoire va enfin commencer, une histoire de transparence et de regards perdus dans les aléas maîtrisés des formes et de la matière.
Une histoire de familles, de temples et de regards levés. Les vitraux ont besoin de lumière comme les vivants et les cryptes, parfois, leur servent d’abri en temps de bouraques et de saccages.
Une histoire de fragiles paraboles empruntées au chœur de l’homme.
Le vitrailleur ferme la porte de l’atelier, le jardin frémit dans la rosée du matin, l’aube se lève, le vitrailleur regarde la lumière qui perle dans les arbres, il rentre chez lui.
A Radio Panik, une heure d’émissions (« Rêveries nocturnes ») autour de poètes choisis par Eric Piette et Daniel Simon: Daniel Fano, Ovide, Achille Chavée, Jean-Claude Pirotte, Sapho, Sony Labou Tansi, Michaux, Pessoa, Dugardin, Jouffroy, Cocteau, Toulet, White… Entre prose et poésie, la littérature sera fraternelle.
Toujours plus bas, toujours plus bête, toujours plus fat, toujours plus gras, toujours plus ras, toujours plus joyeux et obscène, toujours, toujours plus con, toujours plus magnifiquement racoleur pour nos petits en batterie, voilà (roulements de tambours), le distributeur automatique de frites !
L’actualité est dure, l’Islam chauffe, l’Afrique pédale, l’Europe s’emballe dans des draps noirs et bruns, les autocars renversent dans les ravins, les trains déraillent, les avions tombent, les bateaux coulent, c’est triste, oui, mais c’est normal, c’est le temps de l’élagage, mais les frites…
Aaah, petite qui pose sur la photo de prom’ ou de com’ contre quelques sous envoyés à ta chère maman, petite, comme tu a l’air biesse avec tes frites en gros plan et la sauce qui va te tomber sur le menton, biesse comme celles et ceux qui bâillent mâchoires ouvertes dans le métro, tram et bus, libres et cons, amygdales au vent, avant de retéléphoner ou de pianoter sur leur GSM, ah comme c’est triste cette nouvelle de frites distribuées dans l’anonymat d’une machine (petit commerce menacé, relations sociales dynamitées, qualité frelatée, et ma sauce, ma bonne sauce que je pouvais avoir un fifrelin en plus si j’étais gentil avec la dame ou le monsieur).
Aaah, les frites, cet or du pauvre, ce bâtonnet de la faim dernière, cette mine roborative pour les damnés de la terre et des sorties de minuit, les frites sont en perdition, c’est bien le cauchemar climatisé (merci Mister Miller) qui se déroule dans nos vies si précieuses et si fraîches. Aaah, les frites !
(Biesse: en wallon, un peu bête, gentiment bête, assez bête, totalement à la masse, au choix)
A propos de Voz, à Radio Panik (Rêveries nocturnes), la nuit du 12 au 13 août 2013. Avec Yannick Gueuning (Son), Eric Piette, Sylvie Girault, Daniel Simon et sous la houlette de Lauren Herfeld à propos de Voz de Eric Piette…
Extrait de l’argumentaire du jury du Prix Nicole Houssa 2012 (Académie royale de langue et de littérature française de Belgique) :
Eric Piette est né à Charleroi en 1983. Après des études de romanes à Namur, il s’oriente vers la philosophie morale à l’ULB. Il a obtenu son agrégation avec un mémoire sur Spinoza.
Éric Piette fait partie de ces poètes comme Cendrars, Larbaud ou Pirotte que l’on peut appeler sans hésitation aucune « ces étonnants voyageurs ». Voz (qui signifie trainen serbe) témoigne d’ailleurs de ses nombreuses pérégrinations dans le monde et particulièrement les Balkans, une écriture qui traverse ainsi Serbie, Croatie, Turquie ou s’inspire d’atmosphères de villes comme Istanbul, Belgrade ou Amsterdam. Le poète français Christophe Mahy qui préface cet ouvrage écrit d’ailleurs fort justement que : « Éric Piette laisse sa voix se perdre dans le brouhaha du monde, comme une bouteille jetée à la mer, et que la vie ramène obstinément à lui. » La ville approchée ou le paysage décrit ne sont en fait que prétextes au questionnement sur lui-même, sur l’amour ou ses proches et tout particulièrement la figure du père. Éric Piette pourrait probablement faire sienne cette phrase de Otavio Paz dans Le singe grammairien où le poète mexicain écrivait : « À chaque tournant, le texte se dédoublait en un autre… Je me rends compte à présent que mon texte n’allait nulle part, sinon à la rencontre de soi-même. » Ceci me semble particulièrement bien s’appliquer au livre d’Eric Piette.
Une femme danse, ses seins lourds tendent son chemisier carmin, elle tourne sur elle-même, s’offre à la caméra en douceur, remue ses hanches et balance ses fesses en cadence où rebondissent des clochettes d’argent. Ses yeux noirs et brillants éclairent le visage par saccades, au rythme de la musique, ses paupières se lèvent et retombent en contrepoint. Les bras se dressent soudain et les bracelets glissent jusqu’au coude. Elle frappe dans ses mains au ralenti. Les musiciens la regardent fascinés, ils augmentent le rythme de la mélodie et la caméra filme maintenant en travelling arrière pour terminer le plan dans un zoom avant du visage de la danseuse où des perles de sueur glissent lentement sur le maquillage. Les instruments s’arrêtent net, elle baisse la tête, des oiseaux s’envolent dans le ciel.
Jim travaille sur cette séquence depuis plus d’une heure. Il passe et repasse les images, scrute l’écran de son ordinateur sans bouger. Il n’est plus dans sa boutique de vidéos « Hollywood Dreams », il disparaît dans « Kuch kuch Hota Hai » de Karan Johar, il succombe au parfum de la danseuse qu’il découvre, scène après scène, un film après l’autre…Il a passé la nuit devant « Lagaan », « Verre Zaara, le classique « Pakeesah » et bien d’autres dont il oublie le nom aussitôt.
Il s’est décidé récemment, il s’y est mis sérieusement, il a compris le message de ses clients, il va augmenter le chiffre, faire exploser les statistiques et les prévisions, les Pakis lui ont dit, « Hollywood, fini, maintenant Bollywood ! ».
Et des Pakis, il en connaît un tas, ceux de la nuit, les night-shops, les snacks à deux balles, les vendeurs de légumes,…Il les voit parler avec les arabes, toujours en train de comparer des vedettes, des stars, des films qu’il ne connaît pas. Il les regarde, ils sont heureux.
Alors, il s’y est mis, il a cherché sur Internet, a déniché quelques films chez ses clients. Les autres, il les a commandés à son fournisseur. Un matin, un commercial lui a détaillé le catalogue des offres bollywoodiennes.
Des milliers de titres. Des comédies, des drames, des musicaux, il a tout écumé. Il apprend vite, il commence à s’y retrouver, il a le nez fin, il reconnaît les talents, il apprécie les genres, il découvre les codes. Mais Jim ne peut se passer de ce qu’il aime avant tout, Hollywood, les comédies musicales, les films des Studios en Technicolor, les romances,…
Il regarde ces épopées américaines et il comprend l’Amérique, il comprend les américains, et donc il comprend mieux le monde, dit-il. L’Amérique, c’est du cinéma et le cinéma, c’est les images du réel sans le réel. Tout est nettoyé et devient cinéma. Il aime ça, le nettoyage par le cinéma. Il dit souvent que le cinéma, c’est le meilleur moyen de rester en vie. Enfin, un truc comme ça.
Mais les affaires sont les affaires, Hollywood et Bollywood se disputent le marché. Les anciens pauvres deviennent les nouveaux riches. Ils commencent à lancer des modes, les émigrés ont envie de rêver dans leurs couleurs à eux, leur musique, leurs clichés, leurs ritournelles. Jim a décidé de marcher sur deux jambes, il a une idée. Il va se le faire lui-même son cinéma. Il va y mettre son grain de sel. Chez les uns, trop de baisers suspendus, chez les autres, trop de baises attendues.
Alors, Jim se met au montage, il glisse une longue scène de danse au cœur de « Laurence d’Arabie », sous la tente du chef bédouin joué par Anthony Quinn, là où il dit, en se retournant vers ses guerriers qui se massent autour de la tente, « Je suis une rivière pour mon peuple ! ». Juste avant la marche vers Akaba, Jim, greffe la nouvelle scène assortie d’un baiser mielleux infini et les guerriers arabes peuvent se lancer alors à l’assaut des Turcs plus gaillardement encore. Peter O’Toole n’en revient pas, lui qui se croyait la seule femme du film, dans ses élégances de voiles blancs.
Jim mêle les genres, corrompt les usages, ouvre de nouvelles merveilles dont il est, la nuit, le premier artificier. Les clients ne s’y sont pas trompés, ils ont apprécié les scènes plus chaudes au cœur des lamentations kitches des deuxièmes couteaux de la filmographie indienne et les amateurs hollywoodiens ont goûté avec volupté à ces remakes balancés de grâces asiatiques.
Jim a créé un nouveau catalogue, une sorte de temple pour initiés et le vendredi soir, on fait la file devant sa boutique. Il s’attaque maintenant aux classiques, aux films familiaux, à tout ce qui peut accueillir le mélange des désirs et la violence des frustrations. Le cinéma amplifie son voltage, l’électricité file dans tous les sens, Jeanne d’Arc se met à brûler avec aisance sur son bûcher, ses hanches frissonnent dans les flammes, ses yeux se lèvent vers les cieux dans des abandons de sitars et de tablas.
« La Charge de la Brigade légère » se fracasse maintenant contre l’ennemi après une pause de chants amoureux au pied de cataractes brumeuses. Le monde se donne tout entier dans ce cinéma des croisements, rien ne résiste à la fécondation de Jim.
Ca a duré une bonne année.
« Jim, où es-tu ? Jim, enfoiré, t’es où ? Lord Jim, mon bon, quand vous aurez le temps ? Jimmy, s’il-te-plaît, Jim, Jim, Jim… »
Toute la journée, Jim par-ci, Jim par-là, il n’en pouvait plus Jim, Jim le frimeur, le débonnaire, le téméraire, le trafiquant, l’honorable escroc, Jim est fichu le camp, Jim a amassé une somme rondelette, a fini de payer les traites de la boutique et a engagé un vendeur. Il a créé une boîte de production mixte, America-India. Il envisage un bureau à New-York et un autre à Mumbai. En attendant, il passe sa vie dans les avions entre les deux continents. Durant ses trajets, il a le temps de travailler à ses scénarios.
Sa boutique est toujours pleine et ses clients tambourinent la nuit sur les volets métalliques tagués depuis des lustres, des tags orientaux, des allusions indiennes, des yeux ouverts un peu partout et d’autres fermés plus perçants encore dans leur luminescente couleur.
Ils attendent le retour de Jim, ils rêvent d’un cinéma permanent dont Jim serait le Prince bienveillant. Ils sont heureux depuis les premiers bidouillages cinématographiques de Jim mais Jim s’en est allé, exit Jim, foutu le camp. En Inde, en Amérique ? Personne ne le sait, Jim a vidé les lieux, reste un Hollywood flanqué d’un « B » majestueux qui traine sur la façade, comme un clin d’œil sibyllin du maître des lieux.
Certains pensent que Jim a dû se dissoudre dans le cinéma, qui est la vie sans les merdes, comme il aimait à le répéter. « La vie, sans les emmerdes », et il riait en glissant un nouveau DVD dans le lecteur.
Il ne s’agirait pas de voir l’ennemi en l’autre (ce qui est très mal porté en ces temps de coutures apprêtées) mais plutôt dans ce qu’il y a de plus pacifié en soi.
La part d‘éduqué en nous, celle que nous nommions l’évolué (1) face à l’indigène dans le Congo ex-colonial, consiste en un résidu humaniste qui a survécu dans une socio-culture de l’abondance (négationniste par le lissage, le nivellement, l’évitement, la réconciliation, la dégradation, l’égalitarisme des dénis, le rabotage des perspectives, le mêlement, le résumé, l’exotisme, …).
L’éduqué aime les choses culturelles, les événements, les pèlerinages muséaux, la littérature du consentement, l’écologie des arts et la joie des savoirs anciens.L ‘éduqué ne sait rien du monde et il en connaît pourtant de si belles images.
C’était l’objet de son éducation. Il rêve le monde dans des ritournelles de lieux communs et des salmigondis de vérités éternelles, il chasse l’autre dans le bien systématique de son aveuglement tolérant. L’éduqué est bas et veule, parce que l’éduqué a oublié qui il était.
Cet éduqué, au fil des ans, a détruit de mille façons les aspérités, les angles, les arrêtes, les impasse, l’objection, la salissure et la fermentation, … Il a simplifié dans l’évitement de la complexité, il a ignoré les exigences de l’Histoire dans son obsession du bonheur dans la liberté.
L’art a été dévalué au bénéfice de la culture sous-alimentée par assujettissement et aides variables. L’éduqué a du monde une vision simple. Elle renvoie aux illusions qu’il prend pour morale. A ses espoirs, ses croyances et intérêts. L’éduqué sait aussi qu’il va sombrer bientôt. Il n’a pas de point d’appui.
La joie des éduqués
La pluie tombe souvent, de longues périodes durant, puis, le gris du ciel et parfois le soleil. Puis la pluie. La morosité coule le long des vitres et on regarde la rue le cœur vide. Ca va comme ça, ça se passait comme ça, ça aurait pu se passer autrement, et on le sait, mais ça se passe comme ça, en glissement interminables.
C’est aux éduqués que la tâche a été confiée. On n’est touchés chez eux par rien de particulier si ce n’est la caducité de leur regard, leur surdité chantante, la commodité avec laquelle ils oublient ce qu’ils ont prononcé la veille.
On ne leur connait rien de précieux ni de particulier, ils sont la brume sur la plaine, l’écume des vagues, ils sont volatiles et légers, ils répandent autour d’eux une sorte de coulis de merveilles un peu sales, habitués au vide et au contentement. Ils ont des idées puissantes, des phrases, des mots, des bijoux parfois, leur cœur n’est transporté de rien et leur savoir tourbillonne dans des espaces étriqués. Ignorants de tout dans l’appétit sans faim des enfants fatigués, leur désir de croître s’est à peu éteint dans un besoin d’apparaître vif et sans quartiers qui les jette sur la scène de sages simagrées.
Les éduqués ont pour les choses communes des idées sans mesure, ils peuvent s’émouvoir de tout et de rien, ignorer ce qu’ils glorifient soudain, tendus vers un azur où chacun cherche sa place dans l’ascenseur général.
Ils aiment les visions partagées et sortent éblouis des lieux où ils se rassemblent, dans le sépulcre des inanimés et des inertes, dans la vaste cité des musées et des choses aimables, ils aiment vivre ensemble ces joies de passage entre deux occupations nécessaires.
De la même façon, ils se réjouissent en famille dans des embrassades dominicales, bercés de contes, de légendes et d’histoires sans apprêts qui font office de rites sans dangers. Ils s’abreuvent à des calices emplis de vertus anciennes qu’ils rêvent au présent tant leur avenir les plonge en toute naïveté dans les effrois et les ténèbres.
» (…) Dans mon essai « Pour la littérature », je pars de la constatation qu’on emploie de plus en plus le mot écriture, de moins en moins celui de littérature.
L’écriture, c’est ce qui s’attache avant tout au langage au détriment d’un contenu.
Littérature, c’est ce qui préserve à la fois le contenu, le sens, et le langage. Cela pour aller vite car c’est évidemment plus complexe.
L’écriture est d’essence narcissique.
La littérature prend les autres en compte. L’idée de cet essai était de contribuer à ce qu’on reparle de littérature. (…) »
Dans les Ateliers d’écriture, même dits « littéraires », l’expression par la phrase, le texte d’un Moi en Narrateur ou toutes autres explorations apparaissent souvent détachées des exigences de la littérature.
Le mot, pour le mot, la phrase pour la phrase, des idées, des effets, de la sincérité, de la vérité, mais le sentiment de recul est souvent (pas généralement) d’assister à la mise à jour d’un projet identitaire, narcissisme souvent, qui se poserait en dehors de toute histoire, comme si l’écriture était en flottement intemporel, hors l’histoire…
Une des remorques récurrentes dès lors qu’un récit, qu’un texte se détache apparemment de tout contexte déclaré, c’est qu’il deviendrait alors universel (et prendrait le statut, ipso facto, d’ un texte inerte appelé fable, conte, parole étrangère,…)
Je prépare un livre (un récit polyphonique) sur le thème et la question des Mendiants. Je cherche des témoignages, pas des réflexions de type moral ou sociologique, mais des expériences de la mendicité ou FACE à la mendicité, aux mendiants, aux stéréotypes (de tous bords).
Des rencontres, des surprises, des chocs, des faits, …Si vous souhaitez m’en parler, m’envoyer vos contributions, merci déjà.
Un texte remarquable, sans pudibonderie, intelligent, d’une puissance littéraire qui renvoie les atermoiements charitables par-dessus les montagnes, qui s’arrête devant le Mendiant et s’interroge sur sa place ici-bas, et la nôtre à côté de lui…
« Souvent il faisait avec moi tout le chemin jusqu’à la maison, maintes fois pour emprunter un livre, et ce livre était toujours de la poésie. Puis il décampait, retournait mendier sur la route, le volume glissé dans la poche de sa veste en lambeaux; et bien qu’il lui arrivât de le garder assez longtemps, l’ouvrage finissait toujours par me revenir, sans avoir beaucoup souffert de son voyage au pays des mendiants. »
Extraits de Mendiants, de Robert Louis Stevenson
Stevenson s’inspire des souvenirs que lui laissèrent les vagabonds croisés en Écosse durant ses jeunes années pour composer ce court texte, à la fois réflexion morale sur le don et célébration de la profondeur de l’instinct littéraire. L’écrivain s’y présente à son lecteur avec la simplicité et la force d’un style qui le classe parmi les grands.
MARTIAL (Marcus Valerius Martialis, 38 – 104 ap. J. – C.)
Epigrammes.
I, 10
Gemellus demande Maronilla en mariage,
il se fait tendre, il insiste, il supplie, il fait des cadeaux.
Elle est belle à ce point-là ? Au contraire : rien de plus repoussant.
Qu’est-ce qu’il recherche donc, qu’est-ce qui plaît en elle ? Elle tousse !
I, 19
Si je me souviens bien, Aelia, tu avais quatre dents :
Une première quinte de toux en a chassé deux, une seconde les deux autres.
Maintenant, tu peux tousser sans danger toute la journée :
une troisième quinte n’a plus rien à faire ici.
I, 32
Je ne t’aime pas, Sabidius, et je ne peux pas dire pourquoi.
Je peux seulement dire ceci : je ne t’aime pas.
I, 33
Quand elle est toute seule, Gellia ne pleure pas la mort de son père,
mais s’il y a quelqu’un, les larmes jaillissent sur commande.
Il n’est pas en deuil, celui qui cherche la louange,
mais celui qui souffre sans avoir de témoins, celui-là souffre vraiment.
I, 38
C’est le mien, ce petit livre que tu récites, Fidentinus,
mais quand tu le récites mal, il commence à être ton oeuvre.
I, 47
Diaulus, récemment, était médecin : maintenant il est croque-mort.
Ce qu’il fait croque-mort, il le faisait déjà médecin.
I, 64
Tu es belle, je le sais bien, jeune, c’est vrai,
et riche, qui peut le nier ?
Mais quand tu en parles trop, Fabulla,
tu n’es plus ni riche, ni belle, ni jeune.
I, 76
Celui qui préfère donner à Linus la moitié plutôt que lui prêter la totalité,
celui-là préfère ne perdre que la moitié.
I, 91
Alors que tu ne publies pas tes poèmes, Laelius, tu critiques les miens.
De deux choses l’une : ne critique pas les miens, ou publie les tiens !
I, 102
Celui qui a peint ta Vénus, Lycoris,
a voulu à mon avis flatter Minerve.
II, 13
Le juge réclame, l’avocat réclame ;
Je suis d’avis, Sextus, que tu payes ton créancier.
II, 15
Quand tu n’offres à boire à personne,
tu agis humainement, Hermès, pas avec panache.
II, 21
Aux uns, tu fais des baisers, aux autres tu serres la main.
Tu me demandes : « Qu’est-ce que tu préfères ? Choisis. »
Je préfère la main.
II, 38
Tu me demandes, Linus, ce que me rapporte ma propriété de Nomentum ?
Elle me rapporte ceci : je ne t’y vois pas, Linus.
II, 58
Superbement vêtu de neuf, tu te moques, Zoile, de mes habits rapés.
Ils sont rapés, ces habits, Zoile, mais au moins ils sont à moi.
II, 87
Tu dis que les belles filles brûlent d’amour pour toi,
Sextus, toi qui as le visage de quelqu’un qui nage sous l’eau !
III, 8
« Quintus aime Thaïs ». « Quelle Thaïs ? » « Thaïs la borgne ».
A Thaïs il manque un oeil, à lui, deux !
III, 9
On dit que Cinna écrit contre moi des petits poèmes.
Il n’écrit pas, celui dont personne ne lit les vers.
III, 28
Tu t’étonnes que Marius sente fort de l’oreille ;
C’est toi, le responsable : tu lui parles sans cesse à l’oreille.
IV, 24
Lycoris a enterré toutes les amies qu’elle avait, Fabianus :
pourvu qu’elle devienne l’amie de ma femme !
IV, 41
Pourquoi, sur le point de réciter, t’entoures-tu le cou de bandelettes ?
elles conviendraient mieux à nos oreilles.
IV, 87
Ta Bassa, Fabullus, porte toujours avec elle un bébé,
elle l’appelle mon joujou, mon petit amour,
et, ce qui est plus étonnant, elle n’aime pas les enfants.
Comment expliquer cela ? Elle pète sans arrêt.
V, 29
Quand parfois tu m’envoies un lièvre, Gellia, Tu dis :
« Tu seras beau toute la semaine, Marcus ».
Si tu ne te moques pas, si tu dis la vérité, ô mon soleil,
tu n’en as jamais mangé, toi, du lièvre.
V, 43
Thaïs a des dents noires, Laecania les a blanches.
Quelle en est la raison ? Celle-ci les a achetées, celle-là a les siennes.
VI, 12
Fabulla jure que ces cheveux qu’elle a achetés, sont les siens.
Est-ce qu’elle fait un faux serment, Paulus ?
VII, 3
Pourquoi je ne t’envoie pas mes recueils, Pontilianus ?
Pour que tu ne m’envoies pas, Pontilianus, les tiens.
VII, 94
C’était du parfum, ce que contenait il y a un instant ce flacon :
depuis que Papylus a mis le nez dessus, voilà, c’est du garum !
VIII, 9
Récemment, Hylas le myope voulait te rembourser, Quintus, les trois quarts de sa dette :
Maintenant qu’il est borgne, il ne veut plus donner que la moitié.
Accepte sans tarder : rares sont les occasions de gagner de l’argent.
Quand il sera aveugle, il ne te remboursera rien.
VIII, 79
Tu as des amies qui sont toutes vieilles,
laides, ou plus repoussantes que des vieilles ;
tu les mènes comme compagnes et tu les traînes avec toi
aux banquets, au portique, au théâtre.
C’est ainsi que tu belle, Fabulla, c’est ainsi que tu es jeune.
IX, 15
Aper a transpercé le coeur de sa riche épouse avec une flèche,
mais pendant un jeu ; Aper sait jouer !
X, 84
Tu te demandes pourquoi Afer ne va pas se coucher ?
Tu vois, Caetidianus, avec qui il couche ?
XI,101
Tu as pu, Flaccus, voir Thaïs qui est si négligeable ?
Je pense que toi, Flaccus, tu peux voir ce qui n’existe pas.
XII, 7
Si Ligeia a autant d’années que de cheveux sur le crâne, elle a trois ans.
XII, 20
Tu te demandes, Fabullus, pourquoi Thémison n’a pas d’épouse ? Il a une soeur.
XII, 22
Tu veux que je te dise en deux mots à quel point Philaenis la borgne est laide ?
Aveugle, elle serait plus belle si elle était aveugle.
XII, 23
Tu as de fausses dents et une perruque, et tu n’en as pas honte.
Comment vas-tu faire avec ton oeil,
Laelia ? ça ne s’achète pas !
XII, 73
Tu dis, Catullus, que je serai ton héritier.
Je n’y croirai pas, Catullus, tant que je ne l’aurai pas vu écrit.
A Tomes On peut se figurer le désespoir d’Ovide lorsqu’il se vit enfin dans cette ville. Il n’entendait pas la langue de ce peuple sauvage, et, pour ne pas désapprendre la sienne, il en répétait tout bas les mots qu’il craignait le plus d’oublier. Des hommes à là voix rude, au regard féroce, aux habitudes sanguinaires, tels étaient désormais les concitoyens du poète galant de la Rome impériale. Sans cesse menacés, attaqués sans cesse par les hordes voisines, les Tomitains vivaient armés, ne quittaient jamais leurs traits empoisonnés du fiel des vipères. Les toits des maisons étaient hérissés de flèches lancées par les Barbares ; souvent les sentinelles jetaient le cri d’alarme, car des escadrons d’ennemis avaient paru dans la plaine, cherchant à surprendre et à piller la ville ; les habitants couraient tous aux remparts, et il fallut plus d’une fois qu’Ovide couvrît d’un casque sa tête blanchissante, et armât d’un glaive pesant son bras affaibli. Le climat était digne des habitants ; le poète latin en fait des descriptions si affreuses que les Tomitains, blessés de ces invectives, l’en reprirent durement, et qu’Ovide fut obligé de leur faire des excuses et d’attester qu’il n’avait point voulu médire d’eux. Il ne voyait, eu effet que des campagnes sans verdure, des printemps sans fleurs, des neiges et, des glaces éternelles. Les Sarmates conduisaient sur le Danube et sur le Pont-Euxin des chariots attelés de boeufs. Les longs cheveux et la barbe qui cachaient leur visage retentissaient du cliquetis des glaçons Le vin, endurci par le froid, ne se versait pas, mais se coupait avec le fer.
Tandis que je parle, et que j’hésite entre le désir et le regret de m’éloigner, avec quelle furie la vague vient de frapper le flanc du navire !
Elegies, 4, Livre 1, Ovide, Les Tristes
Depuis que je suis exilé de la patrie, deux fois la moisson a comblé les greniers, deux fois la vigueur de la grappe a jailli sous le pied nu qui la foule ; cependant l’habitude du mal ne m’a pas rendu le mal plus supportable, et j’éprouve toujours la vive souffrance d’une blessure récente. Ainsi l’on voit de vieux taureaux se soustraire au joug, et le coursier dressé se montrer parfois rebelle au frein. Un supplice est d’ailleurs plus cruel encore qu’au premier jour ; car, fût-il toujours le même, il augmente et s’aggrave par la durée. Je ne connaissais pas aussi bien toute l’étendue de mes maux ; aujourd’hui, plus ils me sont connus et plus ils m’accablent.
C’est beaucoup aussi de n’avoir pas encore perdu toutes ses forces, et de n’être pas vaincu par les premières attaques du malheur : l’athlète qui débute dans l’arène est plus fort que celui dont le bras s’est lassé par de longs exercices. Le gladiateur au corps sans blessures et aux armes encore vierges est plus vigoureux que celui qui a déjà rougi son glaive de son propre sang. Récemment construit, le navire résiste aux plus violentes tempêtes ; et s’il est vieux, il s’entrouvre au moindre orage. Et moi aussi j’ai lutté plus vaillamment contre les malheurs que je ne lutte maintenant, et leur longue durée n’a fait qu’accroître son intensité. Oui, je l’avoue, le courage me manque, et je sens, à mon dépérissement rapide, que je n’ai pas longtemps à souffrir ; mes forces s’épuisent, mon teint se flétrit chaque jour, et à peine une peau mince recouvre mes os. Mais si mon corps est malade, mon âme l’est plus encore ; elle languit, éternellement absorbée dans la contemplation de ses maux. Rome est loin de moi. Loin de moi sont mes amis, objets de ma sollicitude. Loin de moi la plus chérie des épouses. Autour de moi, une populace scythe et des hordes de Gètes aux larges braies, si bien que ceux que je vois et ceux que je ne vois pas me tourmentent également. L’unique espoir qui me console dans cet horrible état, c’est qu’une mort prochaine termine mon supplice.
Elégie VI, livre 4
ÉLÉGIE VIII
Déjà ma tête imite la couleur des plumes du cygne, la vieillesse blanchit ma noire chevelure ; déjà s’avance l’époque de la caducité, l’âge de la faiblesse ; déjà mes jambes chancellent, j’ai peine à me soutenir. Voici le temps où, libre enfin de tous travaux pénibles et de toutes inquiétudes, je devrais passer doucement le reste de mes jours au milieu des loisirs, toujours si attrayants pour mon esprit, et de mes chères études ; chanter ma modeste demeure, mes vieux pénates et les champs de mes pères, aujourd’hui privés de leur maître ; vieillir enfin paisiblement entre les bras de mon épouse et de mes petits enfants, et au sein de ma patrie. Tel est le bonheur que je rêvais autrefois, et c’est ainsi que je me croyais digne de finir ma carrière.
Les dieux en ont ordonné autrement, eux qui, après m’avoir éprouvé par mille vicissitudes sur terre et sur mer, m’ont jeté sur les rivages de la Sarmatie ! On relègue dans les arsenaux de marine les navires endommagés, de peur qu’exposés imprudemment aux flots ils ne viennent à sombrer ; on laisse le cheval épuisé paître en repos l’herbe des prairies, de peur qu’il ne succombe dans la lutte et ne flétrisse les palmes nombreuses qu’il remporta jadis : le soldat qui devient, après de longs services, impropre à la guerre, dépose aux pieds de ses Lares antiques les armes qu’il ne peut plus porter. Ainsi donc moi, dont les forces défaillent peu à peu aux atteintes de la vieillesse, il serait temps enfin qu’on me gratifiât de la baguette libératrice ; il serait temps de ne plus être l’hôte d’un climat étranger, de ne plus étancher ma soif à des sources gétiques, mais tantôt de goûter dans mes jardins des plaisirs solitaires, et tantôt de jouir encore de la société de mes concitoyens et de la vie de Rome. Je n’avais pas, hélas ! le secret de l’avenir quand je me promettais ainsi une vieillesse paisible. Les destins s’y sont opposés ; et s’ils ont voulu que ma vie commençât dans les délices, ils l’empoisonnent à ses derniers jours. J’avais déjà fourni dix lustres sans faillir, et c’est quand ma vie touche à son terme que je succombe !
Déjà près du but, et croyant l’atteindre, j’ai vu mon char s’abîmer dans une chute effroyable. Insensé que je fus ! j’ai donc forcé de sévir contre moi le mortel le plus doux qui soit au monde ! Ma faute a vaincu sa clémence ; et toutefois il m’a laissé la vie par pitié pour mon égarement ! Mais cette vie doit s’écouler loin de la patrie, sur les bords où règne Borée, sur la rive gauche du Pont-Euxin ! Quand Delphes, quand Dodone même me l’aurait prédit, j’eusse traité ces deux oracles de menteurs. Mais il n’y a rien de si solide, fût-il fixé par des chaînes de diamant, qui puisse résister au choc violent de la foudre de Jupiter ; rien n’est placé si haut, rien ne s’élève tellement au-dessus des dangers qu’il ne soit dominé par un dieu, et soumis à sa puissance ; car bien qu’une partie de mes maux soit la conséquence de ma faute, c’est au courroux du dieu qu’ils doivent être attribués. Pour vous, apprenez du moins par mon déplorable exemple à vous rendre propice un mortel égal aux dieux. .
Elégie vII, livre 5
La neige couvre la terre, et alors ni soleil ni pluies ne la peuvent dissoudre: Borée la durcit et la rend éternelle. Avant que la première soit fondue, il en tombe une nouvelle, et il est assez commun d’en voir, sur plusieurs points, de deux années différentes. L’aquilon, une fois déchaîné, est d’une telle violence qu’il rase des tours et emporte des maisons. Des peaux, des braies grossièrement cousues, les garantissent mal du froid ; leur visage est la seule partie du corps à découvert. Souvent on entend résonner, en se choquant, les glaçons qui hérissent leur chevelure ; souvent on voit luire dans leur barbe le givre argenté. Le vin se soutient par lui-même hors du vase qui le contenait et dont il conserve la forme ; et ce n’est plus une liqueur que l’on boit, ce sont des morceaux que l’on avale. Dirai-je commnet les ruisseaux sont condensés et enchaînés par le froid, et comment on creuse les lacs pour y puiser une eau mobile ? Ce fleuve même, aussi large que celui qui produit le papyrus et se décharge dans la mer par plusieurs embouchures, l’lster, dont les vents glacés durcissent l’azur, gèle et se glisse furtivement dans les eaux de l’Euxin. Où voguait le navire, on marche d’un pied ferme, et l’onde solide retentit sous le pas des coursiers. Sur ces ponts d’une nouvelle espèce, au-dessous desquels le fleuve poursuit son cours, les bœufs du Sarmate traînent des chariots grossiers. Sans cloute on aura peine à me croire, mais qui n’a point intérêt à mentir doit être cru sur parole.
J’ai vu le Pont-Euxin lui-même immobile et glacé, et ses flots captifs sous leur écorce glissante ; et non seulement je l’ai vu, mais j’ai foulé cette mer solide et marché à pied sec sur la surface des ondes. Si tu avais eu jadis une pareille mer à passer, ô Léandre, le fatal détroit n’eût point été coupable de ta mort ! Les dauphins à la queue recourbée ne peuvent plus bondir dans les airs, car le froid rigoureux comprime tous leurs efforts. Borée agile en vain ses ailes avec fracas, aucune vague ne s’émeut sur le goufre assiégé ; les vaisseaux, entourés par la glace, comme par une ceinture de marbre, restent fixés à leur place, et la rame est impuissante à fendre la masse durcie des eaux. J’ai vu arrêtés et enchaînés dans la glace des poissons dont quelque-uns même vivaient encore. Soit donc que le froid gèle la mer ou les eaux du fleuve débordé, nos barbares ennemis traversent sur leurs coursiers rapides l’Ister transformé en une route de glace ; et, aussi redoutables par leur monture que par leurs flèches d’une immense portée, ils dévastent les campagnes voisines dans toute leur étendue.
Les habitants s’ennuient, et la terre, abantlonnée par ses défenseurs, est à la merci des barbares et dépouillée de ses trésors. II est vrai que ces trésors se réduisent à peu de chose ; du bétail, des chariots criards et quelques ustensiles qui font toute la richesse du pauvre agriculteur. Une partie de ces malheureux, emmenés captifs et les mains liées derrière le dos, jettent en vain un dernier regard sur leurs champs et sur leurs chaumières : d’autres tombent misérablement percés de ces flèches dont la pointe recourbée en forme d’hameçon était imprégnée de poison. Tout ce qu’ils ne peuvent emporter ou traîner avec eux, ils le détruisent, et la flamme ennemie dévore ces innocentes chaumières. Là, on redoute la guerre au sein même de la paix ; la terre n’y est jamais sillonnée par la charrue ; et comme sans cesse on y voit l’ennemi ou qu’on le craint sans le voir, le sol abandonné reste toujours en friche. Le doux raisin n’y mûrit jamais à l’ombre de ses feuilles, et le vin n’y fermente pas dans des cuve, remplies jusqu’au comble. Point de fruits dans tout le pays, et Aconce n’en trouverai pas un seul pour y tracer les mots destinés à sa bien-aimé ; on y voit toujours les champs dépouillés d’arbres et de verdure : enfin c’est une contrée dont l’homme heureux ne doit jamais approcher. Eh bien, dans toute l’étendue de l’immense univers, c’est là le lieu qu’on a trouvé pour mon exil !
Ca y est, la nouvelle vient de tomber, le travail sur les cellules souches ouvrirait la voie aux aveugles. La vue retrouvée, un des miracles du Christ, de Lourdes et de La Mecque enfin rattrapés par la médecine, la génétique, bref, des affaires de charlatans bidouilleurs du troisième œil. Bonne nouvelle, certes mais vu l’état du monde, il s’agira de se garantir de certains apostats devant le spectacle sidérant de nos vertes campagnes, océans moutonnants et ciels limpides. La vue, ça se construit et la retrouver abruptement, un jour de pluie et d’embouteillage, de grogne et de grève, c’est moche.
Il y a quelque vingt ans, je me fis opérer les deux yeux pour cause de myopie galopante. C’était simple, ça se faisait au diamant, ça s’est fait au laser par la suite, ça ne se fait plus aujourd’hui sauf dans des auberges ophtalmo sans vergogne. Les effets sont passagers, et les ennuis commencent alors, des lunettes furent alors à nouveau nécessaires. Une paire me suffisait, il m’en faut deux aujourd’hui. Les doubles foyers, (la consonance immorale peut-être ?) ne me conviennent pas. Je ne sais jamais où je suis et comme le rappelait Eric Rohmer dans les Comédies et proverbes « Qui a deux femmes perd son âme, qui a deux maisons perd la raison. »
Les lunettes, donc. Encombrantes, chères, cassantes, perdues, embuées, griffées, irritantes, moches, désolantes, élégantes, tendance, érotiques, jetables, à deux balles, de soleil, spécial frime, de toutes matières et designs, les lunettes restent la voie majeure. Bien sûr, les lentilles, mais les yeux rouges, les blépharites, les irritations, les rejets, le nettoyage, la poussière, la sécheresse, …font de la lentille un objet qui tend à se fondre dans la masse oculaire, à la recouvrir si finement qu’elle semble faire corps alors que c’est d’un corps étranger qu’il s’agit et on connaît les difficultés aujourd’hui, dans la régulation de ces corps, étrangers…
A Florence au XIIIe siècle, le physicienSalvino degli Armati met au point une paire de lunettes sans branches, posées sur le nez. L’ergonomie se déplacera, passant par le monocle (surtout dan s le cinéma allemand) et les montures pliables, souples, incassables et garanties. Les lunettes reconnaissent le corps, la bonne distance qu’il s’agit de maîtriser pour éloigner de nous tout ressemblance ou approche androïde, les lunettes se posent sur, sont extérieures au corps et résistent à l’intrusion que la génétique et les nanotechnologies nous annoncent depuis belles lurettes.
Dehors et sur et non dedans, dans la masse des organes. Matrix ne passera pas par moi, mais par ces temps de chaleur, quelle peste, quel embouteillage nasal…
Daniel Simon
Prochain objet: « Godemichet, olisbos, gode et cie »
21, 28/9 ; 5, 12, 19, 26/10 ; 2, 9, 16, 23,/11 ; 7, 14/12 de 10h à 13h
Ecrire et lire ou se faire lire… en dix séances dans la connivence et le respect, voilà le projet de cet atelier d’écriture où la liberté de créer est en jeu … Les ateliers d’écriture sont des moments de nouveaux d’apprentissages, d’expérimentation, de mises en chantier de projets personnels. Ce sont aussi des lieux pour s’abandonner au doux voisinage des mots de celles et ceux qui prennent le temps des récits……
PAF: 140€ (payables en 4 fois) (100 euros pour les schaerbeekois)
Bibliothèque Mille et une pages
Place de la Reine, 1- 1030 Schaerbeek
Les tables de Mémoire
Tables de mémoires du lundi:
16, 23, 30/9 ; 28/10 ; 11/11 ; 2, 9, 16, 23/12 de 14 à 17h (et une séance d’évaluation et de récapitulation à choisir ensemble)
Dans les Tables de mémoire,j’invite chacune et chacun à travailler une forme qui lui conviendra…
Récits longs, récits courts cousus bout à bout, qu’importe…Il s’agit de soutenir chez chaque membre de l’atelier une volonté d’aboutir à un résultat :
créer une dynamique d’écriture…Aucune expérience d’écriture préalable nécessaire.
PAF: 140 € (payables en 3 fois) (100 euros pour les schaerbeekois)
les dimanches de 15 à 18 h à Mille et une pages, les 29 Septembre, 13 et 27 octobre, 17 novembre, et 22 décembre
Les auteurs participants aux Tables d’écoute pourront développer leur projet faire entendre des extraits de leurs textes, se faire conseiller, échanger des expériences, se donner des échéances… Cinq rendez-vous annoncés, peut-être d’autres si le groupe le souhaite. Tous les textes sont bienvenus, ils seront accueillis avec l’attention d’un groupe réuni autour du même objectif : aller de l’avant…
PAF: 90 € payables en 3 fois au compte 068-2144376-24 de Traverse asbl
Renseignements/inscriptions : Daniel Simon – 86/14 avenue Paul Deschanel – 1030
00.32.2.216.15.10 ou 00.32.477.76.36.22 daniel.simon@skynet.be
Tous les Ateliers sont animés par Daniel Simon : écrivain, éditeur, animateur d’atelier d’écriture.
Site : ww.traverse.beBlog : www.traverse.unblog.fr
Vl’là l’Podcast (entendu un jour, « Un pote qui se casse »)
Mardi 9/7 à minuit : Ce mardi, Rêveries Nocturnes sera consacrée aux auteurs chers à Daniel Simon et Eric Piette. Ils nous feront partager des textes d’Ovide, Michaux, Pessoa, Dugardin, Sapho, Labou Tansi, Jouffroy, Chavée, Cocteau, Toulet, Fano, White… Entre prose et poésie, la littérature sera fraternelle.
Plus de 600 titres, des livres spécialisés, introuvables, des documents touchant à l’histoire du théâtre, à la dramaturgie, à la scénographie, aux marionnettes, …
Bibliothèque consultable sur place (Schaerbeek/Bruxelles sur rendez-vous)
Une semaine pour se familiariser avec le Récit de vie et pour entreprendre un premier voyage sous forme de récit(s). En cinq après-midi, nous allons travailler à partir d’éléments biographiques puisés dans le patrimoine photographique familial de chaque participant.
Écrire des récits, devenus souvent de la fiction, construire des séquences biographiques ou fictionnelles à partir de photographies ou de tout autre trace de mémoire (objet, musique,…) que chacun emporte dans cette semaine, voilà le cadre de ces cinq rendez-vous.
Le principe est simple : écrire dans le continu de ces cinq séquences journalières et prendre son temps, disponible comme une main ouverte sur ce qui se passe (ra).
Une bibliothèque consacrée au récit et du récit de vie sera à disposition des participants.
Animé par : Daniel SIMON, écrivain, formateur et éditeur (www. traverse.be) Dates : du lundi 15 au vendredi 19 juillet de 14h à 17h Public : adultes Prix : 110 euros, acompte de 60 euros, possibilité de payer le solde en effectuant 2 versements mensuels de 25 euros. Nombre maximum de participants : 12
1. Enfant je suis et fais ce que je veux, ce que je peux, que je veux et que ne peux aussi, puni parfois mais content, content de faire quand je fais, fabrique, construit, détruis et refais, je suis ce que je fais ; ne suis pas le pilote mais l’avion dans le même étonnement, le vent aussi, les nuages et la terre qui me regarde faire ce que je suis quand je le fais…Le temps est long et je m’ennuie, m’amuse à m’ennuyer, ne sais ce que je suis, seul ce que je fais et qui se défait dans le temps infini de la durée. Couper à vif, dire le vrai du vrai, la chose et son contraire dans le silence des soliloques, disparaître dans la nuit dans des bancs de brouillard et aller sans armure au profond des combats, battre le fer et aiguiser sa lame au feu des dieux si proches qu’on ressort de ses joutes plus légers qu’un flocon qui descend des nuages glacés sur notre front levé. Aller et ne rien dire, ou si peu, parfois rien, et frapper son tambour avant que de grandir dans des corps trop sucrés, mous et convaincus de rien si ce n’est de son poids sur la pesée des besoins du troupeau.
2. Femme vêtue de noir, jambes de soie et voix de velours, tout se bouscule dans la fabrique des hormones, petit, petit grandit et fait le grand, le malin, le gaillard, le castard, jeune homme à la tête rasée, enfant encore et qui le cache dans des allures d’homme à venir, de jeunot, de petiot vite grandi et encore si pâlot, gamin de paresse et d’allusions cruelles, ne fais rien qui ne vaille que je fasse, ne suis que ce que je ne fais pas, ne dis, ni ne fais, je suis sans voilures et ma coque est fêlée, planches disjointes et malencontreuse allure, je ne fais que peu de choses et me résume à ce très peu qui m’envahit et me secoue le vide où je résonne en babelant des bêtises de Cambrai et d’ailleurs, fredonnant des airs du levant au couchant en ignorant des airs que je me donne en galurin, casquette, béret et mitre du jeune âge, du moyen à venir et qui se fait en douce dans le secret des bazars à tous vents.
Une émission de radio sur Radio Panik, ( Lauren Herzfeld, Eric Piette et en invité: Daniel Simon) la nuit du 2 juillet 2013, » Rêveries nocturnes « … sous le signe d’Alain Germoz.
Une idée d’Archipel …que je relaierai sur notre site (diffusion Les Carnets du dessert de lune). Prix Adam de la Poésie (il en souriait car il connaissait aussi TOUTES les difficultés que rencontrait une revue francophone de littérature internationale installée à Anvers. Les Régions et Communautés ne s’y retrouvaient pas…Mon dieu comme c’est difficile de comprendre…
Alain Germoz est né en 1920. Il vit à Anvers. Auteur de nombreux recueils de poèmes, de récits, d’aphorismes et de pièces de théâtre. Il a créé « Archipel » Cahier International de littérature pour se compliquer la vie. A une aversion profonde pour le prêt-à-porter intellectuel, l’esprit d’orthodoxie, la pensée prétendue correcte, la vanité littéraire, les clichés et les modes. Vit à la fois avec son temps, contre son temps et hors du temps, assumant allègrement ses propres contradictions. Aime découvrir ou redécouvrir des auteurs ou certains textes. S’intéresse à tout, son seul regret ; car tout, c’est beaucoup trop.
Format 14,8 x 21 cm 76 imprimées sur papier bouffant 90 gr. ISBN 978-2930235-99-8 Parution : juin 2010
Des projets lui venaient avec une belle constance…Récemment il m’avait dit, sortant de l’hôpital, »Ils se sont emparés de mon corps, il s’agit maintenant que je m’occupe de Germoz… »
Il m’écrivait en août 2011, répondant à une suite de questions que je lui envoyais dans me cadre de la préparation d’une promenade anversoise que nous voulions entreprendre et publier…(dans Amberesk, aurait-il rappelé…)
DS: Alain Germoz, vous êtes écrivain et éditeur francophone en Flandre ou de Flandre ?La langue française qui serpente encore si joliment dans votre ville d’Anvers semble aussi une ligne d’amnésie ou de fracture aujourd’hui….Ou en êtes-vous dans le sillage de ce beau serpent francophone ?
AG: Je suis un auteur et éditeur francophone de Flandre. Comme tel, je me meus dans une sorte de no man’s land. Flamand de souche, mais dont les aïeux sont originaires de la Flandre profonde, j’entends la Flandre authentique autour de Gand et de Bruges, qui forment les deux provinces dignes de ce nom, si on omet la Flandre française que Louis XIV a arraché de son contexte pour se faire la main dans le domaine militaire et faire régner son soleil sur ce qui ne lui appartenait pas (un gangstérisme royal très en vogue jusqu’à la Première Guerre mondiale), je suis né et réside à Anvers depuis toujours et me sens plus Anversois que Flamand, ce qui a aussi des raisons historiques, mais je me garderai d’allonger la sauce dans un pays qui se paient des charognards en guise de politiciens.
A Anvers plus personne ne conteste que les fransquillons sont à la base du déclin de la langue et, partant, de la Culture françaises à Anvers. Moi je serpente entre diverses langues mais je me suis rendu compte assez tôt que mes premiers poèmes en néerlandais ne correspondait pas à ce que je voulais. Je me suis senti plus à l’ aise dans la langue française et j’ai persévéré. Je savais que par leur comportement hautain, ils n’avaient aucune chance de survie.
Le malheur est qu’il existe un équivalent flamand, les « vlaamskillons », comme les appelle Jozef Deleu, le fondateur de « Ons Erfdeel » et de « Septentrion ». Ils ont pris la relève dans l’autre sens et ça a nourri la politique des flaminguands et fait tâche d’huile où une partie des Flamands se prennent les pieds. Sous cette pression maléfique, ce n’est pas seulement le français qui cède le pas à l’anglais mais c’est toute la culture française qui est frappée et, dans bien des cas, frappée d’interdit, ce qui est une forme sournoise de censure Inacceptable dans l’Europe d’aujourd’hui. (…) «
DS: Anvers est une ville sinueuse et massive à la fois, belle, forte, hiératique, hanséatique disent certains…Mais Anvers est aussi une ville de sous-entendus, de dangers fantasmatiques, de « trafics », de concentration diamantaire, aujourd’hui d’une xénophobie dure etc…Bref, Anvers, est riche opaque et transparente…à la fois. Si vous deviez raconter votre fantasme anversois, votre Anvers aimée et redoutée, quelles en seraient les figures?
AG: « Qu’Anvers ait été une ville hanséatique est un fait historique, mais j’ignore en quoi cela serait encore visible ou sensible au XXIe siècle. Peut-être par l’essor du port, un des trois plus grands d’Europe, avec Hambourg et Rotterdam, et des cinq du monde, avec Hong Kong et Singapour. Le second atout économique d’Anvers, le milieu diamantaire, l’est aussi pour le pays. Il n’empêche qu’on peut se poser la question: pour combien de temps encore ? Car il y a un déplacement en cours et la population, hors du ghetto juif, n’a pas l’air de s’en rendre compte. Le réveil peut être dur, pas seulement pour la ville. Est-ce qu’un poisson rouge pourrait décrire son bocal ? La ville est mon biotope et j’y édifie mes propres paysages imaginaires, apparemment pour échapper à une réalité qui m’ennuie. J’admire mon cousin Amand de Lattin qui à consacré sa vie à décrire cette ville sous toutes ses formes, rue par rue, maison par maison, n’oubliant ni l’histoire, ni le folklore, ni les moeurs, ni les professions qui se rattachent au temps qu’il évoque.
Cela permet de mesurer les distances. Elle sont énormes et les souvenirs lointains qu’on portent en soi deviennent de plus en plus précieux pour celui qui, comme moi, accumule les décennies. Mes paysages intérieurs, je leur donnais une forme concrète en inventant villes et pays que je matérialisais dans ma chambre avec des blocs de construction, de la terre glaise, du carton, tous les matériaux utiles permettant de remplir le sol de constructions et d’y ajouter le nécessaire préfabriqué, c’est à dire des maisons, des ponts, des autos, tout jouet adapté. Je dessinai une population, créant des personnages, habillé selon leur métier, ce qui n’est plus possible aujourd’hui.
Dans mes rêves nocturnes, je parcourais Anvers mais aussi Malines, Bruxelles et Paris. Pourquoi ces villes là et pas d’autres ? Je n’ai pas de réponse mais je savais dans quelle ville je me trouvais, les mêmes rues, avenues, places et boulevards réapparaissant, fût-ce à des semaines d’intervalle. L’étonnant était de savoir où je me promenais alors que rien, pas le moindre détail architectural ou urbanistique ne présentait une quelconque ressemblance avec la réalité. En résumé, comme j’ai été très tôt fasciné par l’architecture, je cultivais donc une sorte de rejet ou de désintérêt pour l’image de ma propre ville. Si j’ai fantasmé, c’est par la faune que furent mes compagnons de jeu du quartier, dont la simplicité naturelle contrastait avec la respectabilité et les conventions de la bonne bourgeoisie du boulevard où j’habitais. Je n’avais qu’à tourner le coin pour retrouver une ambiance de « l’Opéra de quat’ sous ».
Sans parler des matrones de la minque et des ouvrières du port, toutes ultra rubeniennes, avec les mêmes formes que les sympathiques chevaux des nations, depuis longtemps remplacés par des tracteurs et des camions, me privant de mon admiration pour les grosses merdes sculpturales, annonciatrices d’un art moderne qu’allaient développer Arp, Brancusi, et les Russes d’avant la Révolution d’Octobre. Plus tard, grâce au cinéma, je compris et approuvai avec enthousiasme Mae West, star bien en chair, qui lança un charmant axiome euclidien: « The curved line is the loveliest distance between two points ».
DS: Quelle est la place d’Anvers dans votre oeuvre?
AG: « Que ce soit poèmes ou fictions, Anvers n’y figure pas. Même pas d’une
façon détournée. En revanche, lorsqu’on m’interroge sur mes rapports
avec cette ville, je suis chaque fois saisi par l’apparition immédiate
de mes souvenirs d’enfance des plus agréables d’une part, et de l’autre,
par ceux de l’occupation allemande qui m’ont laissé un goût amer.
Actuellement, la ville change à vue d’oeil, suite aux grands travaux
qu’on y pratique tout azimut. Il me reste donc des impressions mitigées,
soutenues par des sentiments strindbergiens d’amour-haine. Les dégâts
subis par cette ville au cours de ma vie sont incalculables et dus
principalement aux forces immobilières, financières et politiques sans
vision d’ensemble, bref , sans la justification visionnaire d’un
Hausssmann. Heureusement, il y a l’Escaut et en tant que dinosaure
scaldien, je sais que je ne pourrais pas vivre dans une ville sans
A l’écoute! Radio Panik mardi 2 juillet…à 00h00, 105.4fm
» Rêveries nocturnes »: avec Lauren Herzfeld, Eric Piette et invité: Daniel Simon…
Lectures de textes et d’inédits…Dialogues…
Il est tard… Vos yeux se ferment, votre esprit, alangui, réclame une histoire, des voix qui l’accompagnent jusqu’à l’orée du sommeil… Entre fictions et fantasmes, laissez-vous porter. La nuit ne peut que bien commencer, avec Rêveries Nocturnes,
16,8 x 24 cm (6.6 x 9.4 in), 112p. indekeuken editions, 2013 Offset print @ Cassochrome € 12 + shipping order : contact@indekeuken.org
Mon texte: A côté du sentier
« Ecrire sur rien », Flaubert
(à propos d’Un cœur simple)
La plus sévère claustration n’était pas son fort, la débauche non plus. Il lui restait l’attente de l’événement imprévu, il attendait donc, patiemment, le regard porté sur un avenir sans relief. Cela dura une trentaine d’années. Des années de vie attentive à ce qu’il allait vivre, ça allait arriver, il en était certain. Statistiquement, c’était prévisible, il allait trouver son chemin, celui qui le rendrait légitime à ses propres yeux. Alors, il attendait avec la conscience que tout serait un jour absolu et serein.
Il rencontra une femme merveilleuse, en tomba amoureux juste ce qu’il fallait pour ne pas perdre la tête, elle avait un enfant, une petite fille. Il l’aima donc, c’était attendu et assez confortable. Ils furent heureux, tout arrivait et rien ne se passait.
C’était la vie, lui disait-on. La vie était donc infinie et prévisible. Pourtant aucun malheur, aucune peste, nulle guerre dans son horizon de contentement. Des fusées, des moments d’exception, des bonheurs inattendus, des joies de passage, oui, mais rien de quoi remplir une vie jusqu’à son terme.
Il vécut ainsi pendant une vingtaine d’années et ils se séparèrent. Sa femme s’inscrivit à une multitude de stages et d’ateliers. Sa fille était une femme maintenant et elle se débrouillait seule avec ces questions. Il ne s’éloigna pas d’elles véritablement, simplement ils ne partageaient plus que de rares nouvelles à propos de leur santé.
Les années passèrent dans le plus parfait des scénarios : il vieillissait, s’en distrayait et regardait le monde avec plus d’amusement qu’avant. Marcher à côté de son temps était même devenu son bonheur, comme on marche dans l’herbe en dehors du sentier tout en le suivant. Le plaisir était sans danger mais il savait que la jouissance n’avait pas de principe ni de morale. Il allait dans les chemins creux de son époque, dans le contrebas, sans la superbe des régiments de première ligne. Il allait en discrétion.
Il lisait peu, de rares livres occupaient son temps, il préférait pianoter les infos sur Internet, ça convenait à son esprit inconstant, ça glissait lentement sur tout, ça n’accrochait pas, ça occupait et ne remplissait rien…Il était informé et ne savait évidemment que faire de ces flux permanents si ce n’est produire les lieux communs de sa génération. Il observait, annotait l’Histoire et vérifiait chaque jour l’éternité des bassesses serties dans de somptueux discours de bénitiers new tendance. Les jeunes n’échappaient pas à la volupté des clichés et s’y donnaient à cœur joie, construits dans la bêtise du gavage et des rébellions sponsorisées.
Il lisait peu mais ne renonçait pas pour autant à quelques lectures hygiéniques, on ne sait jamais, se disait-il. En feuilletant l’un ou l’autre livre, il tomba sur un court volume, une cinquantaine de pages, un opuscule presque tant l’ouvrage était mince, Bartleby. Plus précisément, Bartleby, le scribe, de Melville. Il chercha qui était ce Melville. Une rapide visite sur Internet et il apprit que ce n’était pas le cinéaste français mais l’écrivain américain qui l’intéressait. Le sujet lui plut, la lecture en serait courte et la matière ne semblait pas ardue. Un simple scribe chez un homme de loi à Wall Street, pas de quoi fouetter un chat.
« I would prefer not to ». C’était enfin ce qui lui convenait, ce “J’aimerais mieux pas”, ce “Je préférais ne pas”, ce “Je ne préférerais pas”, qu’importe. C’était le refus sans appui, le fait de décliner sans argumenter, la pensée même de ce désintérêt systématique et affirmé qui l’avait pris à la gorge. Tout se jouait là, dans cette négligence métaphysique qui devait être au plus près de ce qu’il imaginait être le bonheur. Les stoïciens, les épicuriens, les désinvoltes du désir ne disaient pas autre chose, ce ne pasprenait toute la place, ce not to éclatait au visage d’un siècle kitsch qui se voulait du style.
La fuite pour la lutte, l’esquive pour l’être-là, le retrait pour le siège, tout était dit et il se délecta. Une vie sans histoires, un destin de caniche, des amours opportunes, tout n’avait été chez lui finalement que la traduction, en creux, d’un « ne pas » qui le tenait tout entier debout. Ce « ne pas » avait fait la fortune de sa maison exigüe et il s’y était adonné toute une vie durant. La soustraction était sa façon d’accumuler le néant au néant et il avait pris un goût vif à cette atonie sans danger.
L’ennui était devenu sa matière d’expertise et dans cet ennui il se lovait avec la grâce d’un ver de farine. Il connaissait de l’ennui toutes les facettes et les déclinaisons les plus subtiles. Il en connaissait les sources et les développements, la géographie et l’histoire, les tracés et les durées. De l’ennui, il avait fait une matière en soi, un phénomène et non un état, une position plus qu’un mouvement. L’ennui était la matière première de toutes les aventures, le principe même du désir, la source de toutes les exactions.
Sa vie se déplia encore un temps avant de se défaire à l’aube d’un jour d’avril. Il regarda le printemps picoter la fenêtre et ressentit la grande joie, l’intense bonheur de n’éprouver pour cette instant, somme toute assez banal, qu’un intense ennui qu’il confondit dans son dernier soupir avec un sentiment qu’il n’avait su entrevoir jusqu’ici que de loin : il était heureux et ça finissait bien.
Ecrit en décembre 2012 à Bruxelles, face à la pluie.
Une bonne déprime, ça fait du bien ! En plus d’une saine introspection abyssale, ça peut créer du lien social. Avec le pharmacien par exemple. Ou le thérapeute. Pour le pharmacien, les temps sont souriants, les affaires tiennent le cap, l’industrie est dynamique. Les thérapeutes prospèrent à l’occidentale, l’agenda chargé. Pas si anodin peut-être alors de conclure déjà que la déprime serait collective sous nos latitudes. Mais commençons par le début. Quel était le déclencheur de la déprime ? Ah, oui, il suffisait d’un peu de lucidité, puis de regarder l’état dans lequel le monde se vautre. Le prix des paquets de mouchoirs par exemple. Pas vrai, Pierrot ? Ça fait sans conteste du bien, une bonne déprime, et c’est en l’occurrence le meilleur moyen d’avoir une vision aussi complète que possible : la vue lucide de l’état du monde couplée à l’abyssale introspection. Avec comme rajout collatéral le dialogue : avec le thérapeute, le regard compréhensif du pharmacien, la dame à l’arrêt de bus à l’heure de pointe (« Affreux ce temps. » « Oh, oui, on ne peut vraiment plus appeler ça un printemps. »)… En dépressifs que nous sommes, nous avons donc invité à cela, au dialogue. Parce qu’inviter au dialogue est une forme de tentative de construction de bonheur social. Et la réponse à l’invitation aura été la multitude de voix et positions et gestes que nous avons pu retenir ici. En austères temps de crise bassinée, on le verra, le bonheur crache des pépites qui ne scintillent jamais pareilles. Ça veut donc dire que… Notamment que le dialogue entre usagers conscients du monde examine de près les possibles infrastructures du bonheur et de son oppression à l’échelle intime tout autant qu’à l’échelle socio-politique ; et aussi à l’intérieur des mouvements de transferts qui les lient. Là, Pierrot rit à pleines dents jaunes.
Couleur livres s’installe à Mons
Portes ouvertes et inauguration le 7 juin de 14 à 21H Les éditions [Couleur livres]
(anciennement Editions Vie ouvrière, fondées en 1958)
ont le plaisir de vous inviter à la Journée Porte Ouverte
qui aura lieu le 7 juin prochain, de 14 à 21HEn présence des auteurs et éditeurs, venez découvrir nosnouveaux locaux:
Rue Masquelier, 6, à deux pas de la gare de Mons
Dès 14H : Ouverture des portes et verre de l’amitié
A 19H : Présentation des éditions par Pierre Bertrand et de la collection de récits de vie et de fiction « Je » par Daniel Simon
suivie d’un cocktail de bienvenue.
Fidèle à l’esprit qui a guidé plus de 50 années de publications rigoureuses, critiques et accessibles, [Couleur livres] se révèle, avec ses différents partenaires, comme l’un des pôles les plus importants de l’édition progressiste et associative en Belgique et en francophonie.
[Couleur livres] se veut une édition engagée, indépendante, pluraliste et proche des associations et organisations qui constituent la société civile.
Une édition qui allie impertinence et découverte, mais aussi originalité, lisibilité et rigueur.
Notre production est large et variée. Elle s’étend de la publication d’essais sur les grandes questions de société (citoyenneté, politique, immigration, mobilité, environnement, santé…) aux récits de vie et de fiction en passant par les ouvrages d’éducation et de formation, plus spécifiquement destinés aux étudiants, enseignants et parents.
Le Portugal, le peuple portugais, vit des heures politiques, économiques, sociales, culturelles tendues où la crise de l’austérité ouvre la porte à des suppressions historiques. Nos amis et collègues portugais portent durement aussi le poids de cette régression sociale, dans les domaines artistiques, de l’éducation, des pouvoirs publics, de l’université, de la culture. Le tissu social que permettent aussi ces « instruments de l’esprit »…se déchire de jour en jour en
Jose Geraldo, avec qui je travaille depuis près de vingt ans, vient de m’envoyer ceci…
Les lettres même émigrent…
Que faire? Ecrire jusqu’à l’incompréhensible, jusqu’au chaos annoncé ou regagner ses lettres de haute lutte?
Bonne lecture!
Daniel Simon
Normes Orthographiques
Narration populaire dont la lecture en public et à voix haute est déconseillée!
Je dédie cette nouvelle au Premier-Ministre de mon pays, lequel, en moins de deux ans de gouvernement, a déjà provoqué plus de mort et de souffrance que bien des criminels de guerre dans le cours de toute une carrière.
Il y avait, il y a longtemps, un royaume où, comme dans toutes les nations, les gouvernants réclamaient des sacrifices au peuple, propageant des mensonges et supprimant des droits ancestraux au nom du bien de quelques uns et d’un futur sans promesses.
A la surprise de quelques ministres, la population n’a pas compris la politique suivie: les gens n’aimaient pas être volés, voir sessalaires baisser, les impôts augmenter, les emplois disparaître, le système national de santé, qui avait si bien fonctionné pendant tant d’années, fermer ses portes, et celui de l’éducation se dégrader jour après jour, lui qui avait été jugé par certains comme exemplaire, tant et si bien qu’il avait été imité par d’autres nations, les gens n’aimaient pas voir la justice servir seulement les intérêts politiques ou financiers, ou spéculateurs ; les théâtres fermaient leurs portes, les champs étaient ruinés et le pain chaque jour plus cher.
Le peuple, suivant une antique tradition, commença alors à émigrer et à chercher d’autres terres pour poursuivre sa vie.
Non, cette histoire n’est pas celle de mon pays… quoiqu’il ne faille pas s’étonner si d’aucun y trouvait quelques similitudes.
Non, dans mon pays les voleurs ont été élus par la majorité du peuple. Nous sommes pillés, exploités, spoliés, mais ce n’est pas la même chose. Ici le pillage a une légitimité démocratique.
Un jour, l’état de la Nation était déjà si catastrophique… si pitoyable que la lettre Z, suivant l’exemple des habitants du royaume, décida elle aussi de quitter le pays et de poursuivre sa vie dans sous d’autres cieux.
Ne pensez pas que cela a été une décision facile: comment le pays irait-il se gouverner avec une lettre de l’alphabet en moins?
La réalité, pourtant est que la lettre Z, outre d’être la dernière lettre de l’alphabet, fait auquel elle ne s’était jamais résigné — “il faut que quelqu’un soit le dernier”, lui disaient les autres lettres —, était une lettre peu utilisée. “Je ne manquerai pas tant que ça et n’occasionnerai pas beaucoup de fautes”, expliqua le Z au J peu avant d’émigrer.
Malgré que la lettre émigrée ne fût pas une des plus employées, son absence fut aussitôt perçue. Ce n’était pas facile de parler, ou écrire sans faire usage de la lettre disparue.
Le Premier-Ministre fut alors placé devant un dilemme: ou bien il tenait la fuite comme une action de rébellion et essayait de récupérer la lettre égarée à travers un mandat de recherche international, ou il décidait d’épargner au pays une lettre de l’alphabet. Dans ce cas il serait nécessaire d’établir une nouvelle norme orthographique pour remplacer la lettre disparue. Il choisit la deuxième résolution.
Le gouvernement a publié alors une nouvelle loi qui disait: “Dans tous les cas où il ne sera pas possible, la non utilisation de la lettre à présent non présente dans notre alphabet, la même sus-non-dénommée dernière lettre de l’alphabet doit s’orthographier avec deux xx”.
Quand peu après, la lettre V décida elle aussi d’essayer d’autres terres pour poursuivre son labeur orthographique, elle fut remplacée, sans difficulté, par la lettre B, laquelle a commencé à faire le travail de tous les deux sans aucune récompense supplémentaire.
Dans les mots du Premier-Ministre, la situation était non seulementcontrôlé, comme surtout était la preube irréfutable de sa ténacité pour ménager le pays, entamant par couper dans le gaspillage encore existant, en usant l’alphabet justement pour faire office d’exemple; les lettres de l’alphabet qui abaient déjà emigré, le XX et le B, n’étaient pas seulement l’abant-garde de l’abenir, comme faisaient boir, à trabers son exemple, à tous les citoyens superflus au pays, son deboir en face de la patrie d’émigrer et d’aider pour le salut national.
Dans ce cadre, il abait décrété le bannissement du royaume pour quelques autres lettres aussi inutiles, à saboir: le H, lequel n’est plus articulé pas même du tout par personne, était tout simplement aboli de l’alpabet, établissant les deux exceptions suibantes: quand la lettre disparue suibait un C on ortograpie X; quand c’est le cas d’un P on écrit F. Les lettres K, Q et Ç abec une cédille étaient elles aussi obligées d’émigrer et remplacées par la lettre C sans cédille, lacuelle, tel cue le B, accumulait des fonctions. La lettre W aussi, était désormais écrite BB. Le même arribait abec le Y, cui est debenu ortograficuement la lettre I. On ne sabait pas encore combien le paisépargnerait abec cette remoulage ortograficue, mais la promessed’encore plus de tranxages est arribée sans attente.
Le reste des lettres tint une séance, préoccupées par la situation. Les unes plaidaient cue l’eure était arribé de faire une grèbe général; les autres, cu’il fallait résister aux assauts du goubernement pour détruire l’alfabet et poursuibre à oubrer; les suibantes argumentaient cue le temps c’était pour renoncer et départir, cuitter le roiaume et laisser le premier-ministre abec un problème en fait grabe pour résoudre.
Le goubernement a anticipé toutes les prébisions, cuand le jour suibant a proclamé deux mesures supplémentaires: en premier, la taxation de tous les accents, lescuels sont debenus a etre regardes comme des marxandises de luxe, seulement passibles d’utilisation ecrite a trabers le paiement d’un taux millionnaire — curieusement c’etait pour implanter cette loi cue le goubernement a reactibe un ministere disparu il i a des siecles, celui de la censure, maintenant denomme des contrabentions ortograficues. Ensuite, a decrete encore une diminution de la xarge de utilisation de la lettre U, ci etait supprimee toutes les fois ce suibait les lettres C ou G.
Les lettres se rejoignaient de noubeau et craignaient pour leur abenir.Comment poubaient-elles surbibre? Celle politice etait celle-la?Celc’unes abec des trabaux doubles, des autres presce sans trabail. Ce pensexx-vous de ca?
C’etait cette meme annee ce le premier-ministre fut laureat pour le Nobel de la Patafisice. Dans son discour d’acceptation il a rapporté ce son rebe de creer la lange abec l’alfabet le plus bref parmi toutes les langes ecrites, etait deja non seulement une realite, comme en plus il souhaitait l’agrandir abec des nouveaux tranxages alfabetices au futur. Il profitait l’occasion solennel pour annoncer au monde ce la lettre U etait soopprimee en definitif de son roiaome et desormais ortografie abec oon O, cand elle sooibait oone boielle, oo deox OO cand c’etait le cas d’etre la premiere lettre d’oon mot, oo de sooibre oone consonne. Aox reporters ce looi on demande ce c’arriberait a la lettre soopprimee, il a repondoo c’elle serait bien traitee, ao cas oo elle resolbait de ne pas emigrer, coice il fallait en ce cas c’elle soit isolee doo monde.
Cand il a retoorne a son roiaome, rabi abec le prix recoo, il a resoos de finir abec la lettre I — en premeeer eel a pense a l’ecreere abec deox EE, comme le font les anglaees, majs apres jl s’a rappele ce les romajns ootjljsajent le J. Eel est reste emplee d’eencerteetoodes. Emplj d’jncertjtoodes. Alors eel a deceede de le faeere d’oone geese ploos arteesteece: les moees cee abaeeent oon R, de Septembre a Abreel, les moees ploos froeeds de l’annee, on ecreeraeet a la maneeere anglaeese, abec deox EE; les aotres mojs, sans R, de Maj a Aooot, les mojs ploos xaods, on ecrjbajt a la facon romajne, abec oon seole J. Ploos tard, comme c’est connoo, par des motjfs d’ordre fjnancjere, on est debenoo a l’ortografjer tooojooors abec oon J.
La goootte en soorploos est arrjbee cand le goobernement a demande ao people oon sacrjfjce encore et a voooloo approoober oone loj poor aboljr la dernjere lettre des mots abec cjnc lettres oo ploos, alleganoone epargn national d’encr tooote les ans de baleo de celce million.
La stoopefactio etaj genera. Malgr aboi ete approoobe a l’Assemble, c’etaj djffjcjl la mettr en pratjc. Aocoo ne pooobaj accepte oone loj ajns. Jamaj. Le peopl se soooleb. Sort pooo les rooe. La poljc sort aoss, arme joosc’ao dent.
A roogj comm des xjen enrage. Les lettre regarden. Et alor decjden de fajr greb, tooote ensembl, a deboote majntenan, a la proxajn ljgn
José Geraldo, le 13 Octobre 2012
(pour le portugais et pour la traduction française)
Chaque trimestre, Jacques De Decker (écrivain, critique, secrétaire perpétuel de l’Académie royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique) propose à des écrivains un thème d’actualité et leur demande de réagir par une fiction pour la revue Marginales qu’il dirige.
Gérard Adam a choisi parmi ses textes publiés dans ce cadre, ainsi que dans d’autres revues ou des ouvrages collectifs, ceux qui lui semblaient offrir à la fois une cohérence d’inspiration et d’écriture, et une diversité suffisante pour constituer un recueil conjuguant véritables nouvelles, autofictions et récits autobiographiques plus ou moins transposés.
Ce qu’ils en ont dit
Les nouvelles réunies par Gérard Adam sous ce titre aussi insolite que narquois sont sous-tendues par deux éléments : la mémoire qui se teinte de nostalgie (« trouver un sens à ma remémoration », écrit-il) et une ouverture à un multiculturalisme pacifiant à travers une « macédoine d’êtres et de pensées » en espérance « d’un monde polyphonique ». C’est dire que la tonalité de l’ouvrage sera, d’une part, une certaine hargne vis-à-vis des dysfonctionnements et paradoxes de notre actuelle société ; d’autre part, la tendresse lucide de l’humanisme ouvert de quelqu’un qui a « trop bourlingué pour être angélique ».
Il s’agit de fictions, même si, proches par moments de l’autofiction, elles sont à l’évidence nourries par l’autobiographique. Leurs sujets sont puisés dans le quotidien ordinaire de la Belgique prospère même si elle est « acariâtre en instance de divorce », pays de Bob Morane et de Magritte ou de Zorglub autant que d’un curé jouant ‘L’Internationale’ à l’harmonium : celui des trajets en tram, celui de la Leffe brune, celui de l’Exposition universelle de 1958, celui des vieillissants en chemin vers la mort, celui des sans papiers parqués dans des centres plus ou moins fermés, celui de l’intégration de différentes générations d’immigrés.
Mais aussi dans son quotidien dérangeant comme l’éventuelle scission du pays, l’évasion du sieur Dutroux, les petites corruptions cachant les grandes, les faillites bancaires ; quotidien aussi des chômeurs à l’ « univers ratatiné », celui d’enseignants encore animés malgré leur travail ingrat, celui du planton d’un président de conseil d’administration, celui du harcèlement des démarchages téléphoniques, celui d’un grand-père soucieux de sa petite-fille… En arrière-fond, les soubresauts du monde : guerre au Zaïre et en Bosnie, génocide au Rwanda, crise économique européenne en Grèce et ailleurs, mouvement des indignés de Stéphane Hessel, etc.
Tout ceci ne mène cependant pas vers un livre voué à la grisaille du misérabilisme. L‘humour n’est jamais loin et sa causticité qu’elle soit du registre de l’ironie ou de la remarque acide est décapante.
Gérard Adam a « toujours été contestatairement incorrect ». Il aime remettre en place (c’est-à-dire déplacer) les vérités toutes faites, qu’elles soient historiques ou politiques. Il cherche à retrouver et à prôner l’humain. Et cela fait du bien en dépit d’un certain pessimisme !
L’ensemble possède sa diversité. Et l’une des caractéristiques du style de l’auteur permet au lecteur de mieux cerner les êtres et les événements décrits : l’accumulation. En effet, comme une caméra qui explore, l’inventaire aide à la prise de conscience de la multiplicité des éléments constituant un réel que chacun n‘appréhende souvent que sous un seul angle de vision. Cela nous est donné avec « ce mélange de scepticisme et d’enthousiasme sans lequel il n’est rien d’authentique ».Michel Voiturier, Reflets Wallonie-Bruxelles
*
Gérard Adam trempe sa plume, dit-il, « aux sources de la vie, et donc de la souffrance et de la mort ». Mais, tandis qu’il trouve autour de lui matière à cette littérature engagée en faveur de l’homme (et de la femme), l’écriture l’en détourne parfois et il se débat dans les interstices.
Son expérience de médecin, qui l’a entraîné à l’étranger et dans les questions plus proches de nous, devient matière à un questionnement fondamental.
De quoi écrire des nouvelles puissantes, à lire sans précipitation. une à la fois. Elles bousculent quand même notre petit confort.
Lectures – rencontres autour de la littérature européenne…lectures par des écrivains européens et…belges cette fois-ci, le 16 mai 2013 dans plusieurs lieux de Bruxelles.
Jeroen Olyslaegers lira en néerlandais ces deux auteurs:
④Lojze Kovačič / Slovénie
Lojze Kovačič est né en 1928 à Bâle, d’un père slovène et d’une mère allemande. En 1938, la famille est expulsée de Suisse et doit s’installer sur le territoire de l’actuelle Slovénie. Kovačič a vécu une enfance difficile dans un grand dénuement et, tout juste à sa majorité, a souvent connu des démêlés avec les autorités à cause de ses écrits. Ses œuvres sont largement autobiographiques et traitent régulièrement de sujets existentiels comme la vie et la mort, le déplacement et l’exil, le rêve et la réalité. Kovačič a obtenu de nombreux prix littéraires, y compris la plus haute reconnaissance nationale slovène dans le domaine de la création artistique, le prix Prešeren. Il est mort à Ljubljana, en 2004.
Sa trilogie autobiographique Les Immigrés (1984-1985) a été élue « roman du siècle » par les critiques littéraires slovènes et a été traduite en allemand, français, espagnol et néerlandais. Le roman s’ouvre sur l’expulsion de sa famille de Bâle. Pour le narrateur de dix ans, cela ne s’apparente au début qu’à une aventure. Il ne comprend pas ce qui se trame et décrit le voyage avec une naïveté déconcertante. Ce n’est qu’arrivé en Slovénie qu’il commence à saisir que le déclin de sa famille est inévitable. La Slovénie, le pays féérique, devient l’enfer, un abîme social, culturel et mental. Kovačič décrit méticuleusement, avec audace et sincérité le monde objectif de tous les jours, dans un style limpide et direct.
④Michal Torrekens / Belgique
Michel Torrekens est né à Gembloux le 25 avril 1960. Depuis 1990 il signe des articles et des critiques de livres pour le journal Le Ligueur dont il est rédacteur en chef adjoint depuis 1996. Par ailleurs il est membre du Conseil de rédaction de la revue de critique littéraire Indications et y a publié plusieurs analyses de romans. Il est également chroniqueur de la revue Le Carnet et les Instants et y lance en 2010 une nouvelle rubrique intitulée « Mon éditeur et moi ». Il publie régulièrement des nouvelles dans des revues telles que La Revue générale,Marginales, Europe, Le Spantole, Archipel, etc. Il est l’auteur de trois publications chez des éditeurs belges, suisses et français : L’herbe qui souffre (1997), Fœtus fait la tête (2001), Le géranium de Monsieur Jean (2012).
⑤Le Géranium de Monsieur Jean
Comment vivre dans un espace de quelques mètres carrés ? Son confinement conduit Monsieur Jean à retrouver des petits bonheurs oubliés : le toucher d’une peau aimée, la saveur d’un verre d’eau, l’odeur de l’herbe coupée, la vision fugitive d’un vol de martinets… L’existence ne l’a pas épargné ‒ ce n’est qu’à la fin du livre que s’éclaircira le mystère de la disparition de sa femme au Pérou ‒ mais Monsieur Jean espère encore secrètement une ultime réconciliation. Avec lui-même et avec ses proches… Récit simple et pudique, Le Géranium de Monsieur Jean pourrait faire sienne la phrase de Jean-Jacques Rousseau : « J’ai retrouvé la sérénité, la tranquillité, la paix. »
Le trou noir
«J’ai beaucoup réfléchi ces dernières semaines », dit
Pauline qui interrompt le cours soudain rapide de mes
pensées.
« J’ai eu des moments très difficiles à la Commission
européenne. Une sorte de crise existentielle. Je ne voyais plus
le sens de mon travail. On est là-bas pour progresser sur
l’échiquier d’une carrière, mais tout cela manque d’humanité.
Paradoxalement, on se consacre à de grandes questions,
mais nous le faisons dans une ambiance totalement
aseptisée, où l’on est en négociation continuelle, où l’on se
soupçonne en permanence. Entre ressortissants de pays
différents, entre groupes politiques, entre services, les alliés
ne sont jamais que d’un temps et de circonstances.
Et puis j’ai beaucoup repensé à toi, à maman, à nous. Il me semble
que j’ai passé ces dernières années à combler le vide qu’elle
a laissé. Bien sûr, tu nous en as beaucoup parlé quand nous
étions enfants, et tu as bien fait, mais je crois que cela ne m’a
pas suffi…
Je me suis lancée dans une course folle contre le
temps, mais le temps a fini par me rattraper. »
J’écoute Pauline et j’ai l’impression d’immerger d’une
longue plongée en apnée, de respirer à nouveau à l’air libre.
Pauline m’explique, rationalise, analyse. Ces paroles, je les
devinais déjà dans ses silences, mais sans pouvoir les interpréter.
Comme une partition qu’un musicien ne réussirait
pas à déchiffrer. Pauline a décidé de devenir l’interprète
de ses silences. Je regarde la photo de sa mère. Elle ne lui a
jamais autant ressemblé qu’aujourd’hui.
—J’ai repensé à toute cette période. Je me suis souvenue
que je ne voulais pas écouter maman quand elle évoquait les
préparatifs de son voyage. Elle nous avait offert des livres sur
le Pérou, ses paysages, sa faune, de superbes ouvrages avec
de grandes photographies. Bernard et France en parlaient
avec enthousiasme. Sais-tu que je viens de les ouvrir pour la
première fois il y a deux mois ?
— Deux mois ! Tu ne les avais jamais regardés auparavant?
— Non, je ne voulais pas. Ils avaient d’ailleurs suivi
Bernard et France dans leurs déménagements. C’est chez eux
et grâce à eux que je les ai retrouvés.
— Ils ne m’ont rien dit…
— Je ne sais pas s’ils ont soupçonné l’importance que ces
livres représentaient pour moi. Ils avaient fini par sombrer
dans le grand trou noir qu’avait créé en moi la disparition
de maman. Une sorte d’amnésie. J’avais voulu tirer le rideau
sur ces années pénibles. Et puis, peu à peu, ma mémoire est
revenue baigner de ses vagues cette plage désertée. Et j’ai
compris…
— Tu as compris. Qu’est-ce que tu as compris ?
— J’ai pris conscience que je n’avais jamais accepté le
voyage de maman, ni les précédents. J’avais huit ans, je n’ai
jamais pu le dire clairement, mais j’aurais voulu empêcher
ce départ. Et comme je n’y parvenais pas, je t’en ai voulu de
ne pas être intervenu, de ne pas avoir essayé de stopper ce
projet. J’étais convaincue que personne ne tenait compte de
mon avis.
— Et aujourd’hui, tu le crois encore ?
— Aujourd’hui ? Aujourd’hui… Si je savais ce que j’en
pense exactement. Je cherche simplement à ne plus vivre de
regrets ou de rancoeurs cachées. »
— Et tu crois que j’aurais vraiment pu interdire à ta mère
de partir ?
— Bien sûr que non. Mais je ne l’ai compris que très
récemment. Quand je me suis opposée à mon chef de service,
figure-toi. Tout à coup, m’est apparu le visage de maman
dans ses grands jours. C’est d’ailleurs pour cela et quelques
autres petites choses que je ne t’en parle qu’aujourd’hui.
Le fil de notre conversation se dévide avec bonhomie.
Nous n’en tenons pas encore le bout. Pas encore. Sur l’appui
de fenêtre, mon géranium a atteint son plein épanouissement,
avec de belles feuilles vertes et des corolles de fleurs
resplendissantes.
— Et qu’entends-tu par d’autres petites choses ?
— Cela me trotte dans la tête depuis quelques semaines.
Ce ne sont pas des décisions faciles à prendre quand votre
situation professionnelle a été acquise à la force du poignet.
Mais voilà, le fil s’est tendu, tendu et il a fini par lâcher. Voilà
ce que je voulais t’annoncer : j’ai donné ma démission à la
Commission européenne. C’est fait. Je l’ai remise avant-hier.
Michel Torrekens, Extrait de « Le géranium de Monsieur Jean »,
Dehors, parallèles au train, il y avait une rue, des arbres, tout le reste était dans l’obscurité. C’était monotone et désert comme un chemin de traverse.
« Venez, je vais vous montrer quelque chose, » dit Vati. « Laisse les enfants tranquilles, nous allons dormir« … Vati me saisit par le bras avec une détermination dont il n’avait jamais fait preuve auparavant et nous longeâmes le bâtiment gris de la gare. Derrière une grande maison sombre de l’autre côté de la rue, c’était de plus en plus lumineux. « Regarde, » dit-il. Au milieu du ciel noir, je vis soudain un éclatant château de verre. C’était quelque chose !
« Un château de verre, » dis-je. À ce moment-là, c’était vraiment ça. La lumière imprégnait ma peau, mon manteau, mes cheveux, elle me frôlait comme un spectre. Je ne sentais plus aucun des miens à côté de moi.
« Comme c’est beau, » dit Maman derrière moi, qui portait Gisela éveillée dans les bras. Quand même, elle aussi finissait par reconnaître que c’était beau. La lumière nous rendait visibles, comme s’il faisait jour, elle transformait le trottoir et nous captivait comme un arbre de Noël… Le château de verre comportait une tour et un long bâtiment dont on ne voyait pas les fenêtres. Il était suspendu à un nuage… flottait-il comme la lune ? Sur quoi était-il donc posé ? Entre lui et la ville, n’y avait-il que de l’air ? Je ne voulais rien demander pour qu’on ne me force pas à partir. Mon costume marin de Bâle, les boutons, l’ancre, tout était imbibé d’une lumière jaune topaze qui semblait miroiter. La rue où nous regardions le château de verre était dans une obscurité cotonneuse, des lumières descendaient en grappe et brillaient entre les grandes maisons … On ne pouvait rien faire d’autre que de rester là à regarder.
Nous dûmes retourner à nos bagages et traverser la route en direction des arbres puis les rails du tramway. Au milieu de la nuit profonde, la porte d’une grande maison sombre était ouverte et éclairée. Derrière le comptoir se tenait un homme en gilet rayé, de nombreuses clés étaient accrochées au mur derrière lui. Vati lui parla et l’homme lui répondit dans cette langue qui, ici aussi, dans cette maison, entre les chaises et les tables, ne voulait pas se détacher de mes rêves… On nous donna une clef fixée à une grande poire en bois. Un autre homme nous aida à porter nos bagages quand nous montâmes l’escalier recouvert d’un tapis rouge. Arrivés à l’étage, nous nous heurtâmes à des murs lambrissés de place en place, puis nous tournâmes à gauche où continuait cet escalier qui n’en finissait pas. Dans un coin du couloir, à côté d’une petite table, une porte s’ouvrit. C’était notre chambre, étroite, avec de petits lits blancs et un divan… un miroir et une cuvette toute mignonne. Le château blanc brillait à travers la fenêtre. Je voulus dormir sur le divan près de la fenêtre. Vati et Maman me laissèrent faire de mauvaise grâce. Ils s’allongèrent sur le lit double, et mirent Gisela au milieu. Quand ils eurent éteint la lumière, le château brillait doucement dans la chambre jusqu’à la hauteur de mon oreiller. Je m’accroupis pour regarder. Maman qui, de son lit, voyait ma tête à la vitre m’enjoignit à voix basse de m’allonger.
Le matin… l’oreiller sous ma tête avait une odeur inhabituelle… je bondis quand je me réveillai soudain… De l’autre côté de la fenêtre, à l’endroit où hier soir brillait le château blanc en verre… on voyait un vieux bâtiment qui ressemblait à une ruine laide, brunâtre… une tour carrée esquintée et sa couronne en pierre trouée fermement plantée dans les nuages au-dessus d’elle. Je n’en croyais pas mes yeux… Mais je me dis en vitesse que le château de verre ne se voyait peut-être pas le jour car il était transparent… Les murs gris brun tavelés et le clocher carré se trouvaient au sommet d’une colline boisée… au-dessus de la coupole rougeâtre d’une église, de la couverture en zinc de la cour de l’hôtel, trempée par une averse jusqu’à en être noire… La pluie ne cessa pas, m’empêchant de voir les murs de verre du château, du palais de la veille… Il était possible aussi que la terre bouge tellement vite que, maintenant, le palais de verre apparaissait à des gens à l’autre bout du monde.
J’appelai Vati dès qu’il remua les sourcils. Je lui dis que le château n’était plus en verre mais en pierre. Il bondit du lit, en caleçon long et en maillot et se pencha vers la fenêtre par-dessus mon épaule. Je m’attendais à ce qu’il se passe quelque chose quand son regard toucherait le château en ruine… mais rien ne bougea. « Tu sais, hier soir, il était seulement illuminé, » dit-il.
Je ne manquai pas lui rappeler que, la veille, je lui avais dit que le château était en verre et qu’alors il ne m’avait pas répondu.
« Tu te l’es seulement représenté comme ça. »
« Il était en verre. »
Maman dit : « Chut ! Taisez-vous, vous allez réveiller Gisela. » Je lui dis ce qui s’était passé. « Eh bien, c’était seulement un éclairage électrique. »
Vati sauta dans son lit car il avait froid aux pieds… bien sûr pour se rendormir !… Comment était-ce possible ? Encore une fois, ils m’avaient mené en bateau, sinon menti. Dehors, il n’y avait rien et, dans la chambre où ils étaient, tout était redevenu comme par le passé, cassé, amer, comme je ne sais combien de fois. Je me rejetai en arrière et fermai les yeux. J’entendis Vati qui se rasait. Il se tenait devant le miroir au-dessus du robinet et il traînait rsh ! rsh! le rasoir sur ses joues. C’était la première fois que je le voyais se raser, c’est vrai, mais le château marron gris et sa curieuse tour ne changeaient pas.
Nous déjeunâmes dans une belle salle du rez-de-chaussée. Je dus rester avec Maman et Gisela car mon père partit régler quelque chose en ville. Je me postai à la fenêtre. Ce château était peut-être en vieille pierre parce que des nobles y vivaient… de vieux chevaliers, leurs écuyers et leurs chevaux, peut-être même le Prince blanc ou le Prince noir. C’était peut-être mieux ainsi, car s’il avait été en verre, il n’aurait abrité que des princesses.
Dans le cadre du Printemps des Bibliothèques, la bibliothèque communale de Morlanwelz organise une conférence sur le livre numérique.
J’y apporterai ma contribution….Le piège est de renvoyer le papier contre le numérique. La question est ailleurs…Le temps de la lecture est fragmenté, la littérature ne fait qu’une part des lectures croisées d’aujourd’hui…La lecture-durée diminue et la lecture-séquence augmente…
Adresse: rue de Montaigu 7140 morlanwelz. Ca commence à 19h.
La Maison du Livre a le plaisir de vous inviter à ses premières Journées Portes Ouvertes qui auront lieu les 15 et 19 juin prochains.
Nous vous offrons la possibilité de rencontrer nos animateurs et de découvrir leurs pratiques sous forme d’ateliers d’initiation d’une durée de 1h30.
Les ateliers d’initiation sont gratuits et chaque participant peut s’inscrire à un ou deux ateliersde son choix.L’inscription est indispensable et devra s’effectuer au plus tard le mardi 11 juin.
J’y serai le samedi 15 juin…
Récit de vie
14h-15h30
Dans cet atelier d’initiation, nous ferons apparaître les mouvements de la mémoire biographique, les nécessités du récit, comment l’intime rejoint l’histoire collective.
Animé par : Daniel Simon, écrivain, éditeur, animateur d’atelier d’écritures. Public : adultes (10 participants max.)
Daniel Simon, Ne trouves-tu pas que le temps change ?, nouvelles, éd. Le Cri, 2011, 124 pp, 15 €.
DanielSimon a le sens de l’intrigue, il sait ménager les chutes du récit, ainsi dans la première nouvelle, Les Papillons de la bibliothèque, nous fait-il assister au combat épique entre une femme et une bibliothèque. Dans Zéro mort, un rythme très rapide, avec des phrases très courtes, et c’est découpé un peu à la manière des plans dans un film. Un modèle de stress inutile, de peur, de lâcheté et de bonne conscience.
Des nouvelles courtes, assez souvent un monologue intérieur du personnage qui se dévalorise, parfois se méprise lui-même. Il excelle à rendre une ambiance, ainsi celle d’un restaurant portugais, p.54. Parfois aussi de très longs monologues, l’auteur affectionne le langage parlé.
A la page 73, à propos de l’abus des demandes de pardon, il traduit l’excès de misère par un tableau fantastique, qui ne va pas sans évoquer les enfers que peignaient les artistes du Moyen-Age, les visions de Jérôme Bosch. Cela fait un tableau assez extraordinaire, une sorte de jardin zoologique transplanté dans la Cour des Miracles. Parfois aussi de très longues phrases, qui font songer à des litanies, et ce sont les litanies de la misère. Avec leurs allitérations, leurs rimes internes (p.84) Ou encore, proche, très proche de la poésie (p.86), une poésie très ample nourrie d’une belle générosité, d’une compassion pour les déshérités qui est véritablement vécue. Mon fils n’a pas de semelles de vent. On le voit, un très beau talent, très varié, aux multiples facettes, qui sait varier son style presque à l’infini : on ne s’ennuie jamais à la lecture deDaniel Simon.
Joseph Bodson
Daniel Simon, Quand vous serez, proses poétiques, éd. M.E.O., 94 pp, 14 €
Un livre écrit à la hussarde, à l’emporte-pièce, et qui dévale ainsi qu’un torrent, entraînant tout sur son passage. Car il y a chezDanielSimon une grande force de vie, une capacité d’enthousiasme, mais aussi de mépris, assez peu commune.
Ainsi, p.9, le style prend son envol en larges bandes, comme des oiseaux de mer. Il y a là une sorte de grande houle, qui a la force et l’ampleur de certains beaux textes romantiques – même si l’auteur, par ailleurs, rejette toute accointance avec le romantisme. Avec une coupure brusque à la fin, qui clôture, mais pas définitivement : en attente :
…des voyages immobiles, des femmes qui fredonnent aux enfants sans colère, quand vous serez une île, et la mer et la barque, une façon de rire et de dire la joie de se perdre, le matin pour découvrir le soir, quand vous serez.
Et puis, à la page 28, le ton change tout à fait, et c’est une autre phrase qui sert de leitmotiv : Ça, je le sais, sans que cela réponde à toutes les questions, à toutes les angoisses : ce qu’il sait, en fait, c’est la nostalgie d’une certaine enfance,, ou de choses que l’enfant sait et que l’adulte a oubliées. Une sorte de paradis perdu : le monde des adultes qui pouvait paraître, aux yeux de l’enfant, un accomplissement total, voilà qu’il laisse les questions ouvertes, avec en plus un goût de revenez-y. Un passage superbe.
Bien sûr écrire est une question d’enfance mais ne pas écrire ?, demande-t-il p.36. Et il reprend, p.44 : Une eau qui coule de l’enfance me piquette les pieds.
Oui, c’est bien cela, une force de la nature, ancrée au plus profond de nos rêves, de notre enfance, et qui nous prend pour ne plus nous lâcher, entraînant avec elle toutes nos compromissions, nos faux-semblants, pour en nouer la gerbe de quelques instants précieux entre tous. Et voilà que me revient en mémoire le poème de Milosz :
Dans un pays d’enfance retrouvée en larmes,
Dans une ville de battements de coeur morts,
(De battements d’essor tout un berceur vacarme,
De battements d’ailes des oiseaux de la mort,
De clapotis d’ailes noires sur l’eau de mort.
Depuis son lancement en 2010, la webradio « espace-livres.be » est devenue une formidable sonothèque littéraire et culturelle. D’un simple « clic », le visiteur peut choisir une des dizaines de rencontres d’Edmond Morrel avec des romanciers, auteurs de BD, essayistes.
Ce sont principalement des auteurs issus de la francophonie qui ont répondu à l’invitation d’Edmond Morrel (France, Haïti, Québec, Congo, Sénégal, Suisse etc). Parmi eux des « stars » ( de Jean d’Ormesson à Eric Emmanuel Schmitt en passant par Dominique Lapierre, Bernard Pivot et Richard Bohringer) et des nouveaux-venus, des « people » ( Claude Lelouch, Michel Drucker, Philippe Bouvard,) et des « pointus » (Alain Rey, Elisabeth Roudinesco, Albert Jacquart, Michel Serres, etc) Quelques incursions hors de la littérature francophone ont valu au chroniqueur des rencontres avec Mo Yan, Ken Follet, James Ellroy.
Espace-livres.be réunit différentes rubriques dans lesquelles sont mises en ligne les rencontres (BD, littérature, essais, contes, entre les lignes) auxquelles s’ajoute la chronique hebdomadaire de Jacques De Decker : « La Marge ».
Espace-livres.be n’a pas oublié son ancrage en Belgique francophone. Plus de 7O auteurs (certains à plusieurs reprises) ont été conviés par Edmond Morrel à enregistrer un entretien à l’occasion de la parution de nouveaux ouvrages. Des émissions (d’une durée de 20 à 50 minutes) offrent ainsi une occasion d’aller à la rencontre de ces écrivains d’ « Outre-Quiévrain », comme disent les voisins hexagonaux.
Quelques auteurs belges récemment interviewés par Edmond Morrel