Literature Night du 16 mai.

Posté par traverse le 24 avril 2013

 http://www.literaturenights.eu/2013/city/brussels/?lang=fr

Musée des Lettres et Manuscrits

-          Horaires : 19h>19h30 + 20h30>21h

 Musée des Lettres et Manuscrits

Galerie du Roi 1

Literature Night du 16 mai.

 J’aurai le plaisir de lire des extraits de ces deux écrivains, belge et tchèque.

Mon homologue néerlandophone sera Jeroen Olyslaegers

Michel Torrekens / Belgique

Michel Torrekens est né à Gembloux le 25 avril 1960. Depuis 1990 il signe des articles et des critiques de livres pour le journal Le Ligueur dont il est rédacteur en chef adjoint depuis 1996. Par ailleurs il est membre du Conseil de rédaction de la revue de critique littéraire Indications et y a publié plusieurs analyses de romans. Il est également chroniqueur de la revue Le Carnet et les Instants et y lance en 2010 une nouvelle rubrique intitulée « Mon éditeur et moi ». Il publie régulièrement des nouvelles dans des revues telles que La Revue générale, Marginales, Europe, Le Spantole, Archipel, etc. Il est l’auteur de trois publications chez des éditeurs belges, suisses et français : L’herbe qui souffre (1997), Fœtus fait la tête (2001), Le géranium de Monsieur Jean (2012).

 

Le Géranium de Monsieur Jean

Comment vivre dans un espace de quelques mètres carrés ? Son confinement conduit Monsieur Jean à retrouver des petits bonheurs oubliés : le toucher d’une peau aimée, la saveur d’un verre d’eau, l’odeur de l’herbe coupée, la vision fugitive d’un vol de martinets… L’existence ne l’a pas épargné ‒ ce n’est qu’à la fin du livre que s’éclaircira le mystère de la disparition de sa femme au Pérou ‒ mais Monsieur Jean espère encore secrètement une ultime réconciliation. Avec lui-même et avec ses proches… Récit simple et pudique, Le Géranium de Monsieur Jean pourrait faire sienne la phrase de Jean-Jacques Rousseau : « J’ai retrouvé la sérénité, la tranquillité, la paix. »

 

 Lojze Kovačič / Slovénie

Lojze Kovačič est né en 1928 à Bâle, d’un père slovène et d’une mère allemande. En 1938, la famille est expulsée de Suisse et doit s’installer sur le territoire de l’actuelle Slovénie. Kovačič a vécu une enfance difficile dans un grand dénuement et, tout juste à sa majorité, a souvent connu des démêlés avec les autorités à cause de ses écrits. Ses œuvres sont largement autobiographiques et traitent régulièrement de sujets existentiels comme la vie et la mort, le déplacement et l’exil, le rêve et la réalité. Kovačič a obtenu de nombreux prix littéraires, y compris la plus haute reconnaissance nationale slovène dans le domaine de la création artistique, le prix Prešeren. Il est mort à Ljubljana, en 2004.

Les Immigrés

Traduction : Andrée Lück Gaye

Sa trilogie autobiographique Les Immigrés (1984-1985) a été élue « roman du siècle » par les critiques littéraires slovènes et a été traduite en allemand, français, espagnol et néerlandais. Le roman s’ouvre sur l’expulsion de sa famille de Bâle. Pour le narrateur de dix ans, cela ne s’apparente au début qu’à une aventure. Il ne comprend pas ce qui se trame et décrit le voyage avec une naïveté déconcertante. Ce n’est qu’arrivé en Slovénie qu’il commence à saisir que le déclin de sa famille est inévitable. La Slovénie, le pays féérique, devient l’enfer, un abîme social, culturel et mental. Kovačič décrit méticuleusement, avec audace et sincérité le monde objectif de tous les jours, dans un style limpide et direct.

 

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Différent et décalé

Posté par traverse le 22 avril 2013

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La langue morte du jour …Circule essentiellement essentiellement dans les milieux cultureux

à tendance zéro, destructeurs de langage et baliseurs de bêtise):

« De plus, nous aborderons la question 
sous un point de vue différent et décalé grâce… »
(à propos d’une Journée de prévention contre le racisme)

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La jeune femme tient son bébé sur le bras gauche

Posté par traverse le 21 avril 2013

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La jeune femme tient son bébé sur le bras gauche et sa cigarette dans la main droite. Il crie, elle fume, nous parlons, elle allume une autre cigarette, je lui propose d’ouvrir la fenêtre, non, il va prendre froid, en le serrant maternellement contre son sein. Je me tais, un ange passe, le bébé se calme. De la musique turque  inonde la pièce. Des vedettes, des stars, des voix, des lamentos, des sucreries d’amour. « Je suis allée à Auschwitz, c’était bien organisé » et elle embrasse son enfant avec tendresse.

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Ateliers d’écriture d’été

Posté par traverse le 17 avril 2013

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Je fais mon cinéma

Du 1 au 5 juillet 2013 de 10 à 17h 

De l’écriture du scénario à la réalisation, au jeu et au montage. (Les films seront projetés en public dans le cadre des Curieux dimanches)

Avec deux animateurs et professionnels de l’écriture et du cinéma, offrez-vous un voyage dans l’image et dans votre rêve de cinéma. Ecrire, jouer, réaliser, c’est possible dans le cadre de « Je fais mon cinéma ».

Pour jeunes (ou moins jeunes) à partir de 15 ans à la bibliothèque Sésame (Bd Lambermont, 200 – 1030 Schaerbeek)

Animateurs: Jacques Deglas (cinéaste, vidéaste) et Daniel Simon (scénariste)

PAF : 150 € / 80 € pour les Schaerbeekois – Payables en trois fois au compte 068-2144376-24 de Traverse asbl

Dans le chaud des histoires

Du 8 au 12 juillet 2013 de 14 à 17h

Des textes, des fictions, … Une semaine d’écriture et de lecture dans la liberté de l’aventure et de la création. Ecrire dans l’atelier, lectures et réactions individuelles et collectives. Un suivi attentif de chaque texte en cours.

Atelier d’écriture fictions adultes à la bibliothèque Mille et une pages (Place dela Reine, 1 – 1030 Schaerbeek)

Animation: Daniel Simon

PAF: 110 € – Compte 068-2144376-24 de Traverse asbl

RĖCIT BIOGRAPHIQUE,

FICTION ET PHOTOGRAPHIE…

Du 5 au 9 août 2013 de 14 à 17h

Des photographies familiales, privées qui servent de bases à des récits biographiques ou de fiction… Faire de l’intime une histoire à transmettre…

Se retrouver face à la photographie et écrire sur ce qui se passe dans et hors l’image choisie pour renouer avec des récits personnels importants et les fixer par l’écriture.

Atelier d’écriture à la bibliothèque Sésame (Bd Lambermont, 200 – 1030 Schaerbeek)

Animation: Daniel Simon

PAF: 110 € – Compte 068-2144376-24 de Traverse asbl

Renseignements/inscriptions :

Daniel Simon (Ecrivain, éditeur, animateur d’atelier d’écritures) — 86/14 avenue Paul Deschanel – 1030 Schaerbeek
Tél. : 00.32.2.216.15.10 ou 00.32.477.76.36.22

Site : http://www.traverse.be  et Blog : http://traverse.unblog.fr

daniel.simon@skynet.be

Toute l’année, des Ateliers d’écriture de fiction ont lieu le samedi matin à la Bibliothèque Mille et une Pages (10-13 h) et des Ateliers d’écritures de Récits de vie (Tables de Mémoire) à la Bibliothèque Sésame le lundi après-midi (14-17h).

A l’initiative de M. Sadik Köksal, Echevin dela Culture française.

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Le temps qu’il nous reste

Posté par traverse le 17 avril 2013

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http://www.traverse.be/feuillets-de-corde.php

Les Feuillets de corde N° 9… http://feuilletsdecorde.unblog.fr/2013/04/16/le-temps-quil-nous-reste/

 

 

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La répétition

Posté par traverse le 2 avril 2013

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Carine Jacques

Tout avait brûlé. L’appartement, les meubles, les livres, les photos, les souvenirs, les raisons de rester. Il était parti. Il avait loué un meublé, faisait ses heures au travail, écoutait la musique du monde se désaccorder. Il venait de quitter l’orchestre, les oreilles vides, le cœur enfin léger, il avait rompu.

 

Il fallait tenir ses nerfs pour les détendre parfois dans de brèves et laborieuses jouissances et regarder la neige tomber en été sans surprise. Il était devenu un vague salaud à force de se regarder de travers. Il esquivait, mâchait ses frustrations comme une vieille chique et crachait son jus en attendant mieux

 

Ses amis disparaissaient sans reprendrecontact, des femmes trainaient dans sa mémoire et aucune dans son lit. Il avait peu de temps et trop de choses encore à faire. Il regardait la terre comme un endroit familier qu’il oublierait vite. Quelques coins de ciel l’obsédaient. L’océan s’éloignait de lui à chaque nouvelle marée

 

Il ne se prenait plus pour quoi ni qui que ce soit, un peu de liberté lui avait allégé les épaules et il sentait que son temps commençait à se muer en souvenir. Son médecin lui avait donné sept mois, une éternité. Sept ans, sept jours, sept mois…Ca ne changeait pas grand-chose à l’affaire,  l’irrémédiable panne devait arriver alors tant qu’à faire, autant qu’il en connaisse les circonstances.

 

1.

 

Bricmont fait la grimace, il a mal au ventre. C’est la fête du 1er Mai, des banderoles, des discours hargneux, des cris sans conviction, des farandoles en chantant la Carmagnole, de la joie finalement, comme par enchantement le soleil est de la partie, des couples dansent sur la place.

 

Les frottis frottas des corps faussement familiers dans ces fêtes surjouées ne l’amusent pas. Une noire aux yeux verts s’approche de lui en agitant des fanions rouges, elle lance à Bricmont un joli sourire. Il essaye de se défiler, tourne la tête, la femme est si belle dans toutes ces couleurs qu’il ne sent pas à la hauteur de cette joie de vivre évidente. Mais elle insiste, elle l’attrape par le col de sa veste et t’attire à elle en lui disant qu’ils sont cousins et que ça se fête. Elle éclate de rire en voyant sa tête, « Cousins ? ».

 

« Bruxelles-Kinshasa, c’est de la même famille, non?, demande la femme en se plantant tout d’un coup devant lui sans bouger.

-         C’est vrai, reconnaît Bricmont, on a pas mal de secrets en commun, et des enfants métis dans les deux camps…

-         Alors, à la famille, viens boire un verre à sa santé, allez viens…Et elle tire Bricmont par la main vers un bar de fortune installé au pied de l’orchestre.

 

Bricmont se laisse entraîner sans se faire prier, soudain, il se sent plus léger, quelque chose est en train d’arriver, la femme semble si joyeuse qu’elle contamine tout autour d’elle et ce ne sont que rires et embrassades jusqu’au comptoir.

 

«  Moi, c’est une bière, dit la femme, et toi ?

-         Comme toi, à une condition…

-         Déjà ?

-         Ton nom ? Je ne trinque pas avec des inconnues, et il rit de bon cœur. Il se trouve gauche et il aime ça.

-        Denise !

-        Denise…

-         Ngalula,Denise Ngalula, je suis de Kin, à Bruxelles depuis vingt-cinq ans maintenant, j’ai même appris à aimer l’hiver et la neige !

-         Tu es seule ici ? Moi, c’est Jacques…

-         A ta santé monsieur…

-         Bricmont, Jacques Bricmont…

-         Oui, avec deux enfants, t’inquiète on n’est pas vraiment seuls…A ta santé, Jacques !

-         A la famille, lance Bricmont en regardant vaguement vers le ciel. »

 

Ca l’étonne, cette façon d’y croire en prononçant ces mots. Ca l’envahit d’un coup, il a peut-être raté un épisode mais il croit reconnaître ce sentiment qui commence à irriguer son corps endormi.Denise insiste pour qu’ils aillent manger un morceau dans une nganda de sa copine, on y sert des plantains délicieux, il aimera, c’est sûr.

 

Et les voilà partis bras dessus, bras dessous. L’après-midi s’est accrochée aux nuages et la nuit est arrivée sur eux légèrement comme pour les isoler encore du monde qu’ils devraient rejoindre bientôt. Denise a embrassé Jacques et Jacques a embrassé Denise. Ils sont rentrés chacun chez soi, « Les enfants, tu comprends… », a dit Denise et Jacques comprenait. Le lendemain, ils se sont revus et le surlendemain et les autres jours de la semaine. Bricmont se sentait tellement mieux, Denise le rassurait et lui offrait le plus important, de la joie.

 

Cela dura jusqu’à la fin de l’été. Les enfants deDenise avaient adopté Jacques et Jacques apprenait à les aimer. Il retourna à l’hôpital pour un nouveau bilan. Ca ne valait pas la peine de se lancer dans cette histoire si c’était pour se défiler au dernier coup de gong. Les résultats étaient stationnaires mais rien  ne semblait  avoir empiré, e médecin lui annonça qu’il devrait revenir dans un mois.

 

Le mois passa sans que Jacques ne parle de sa situation à Denise. Le jour de la visite, elle l’attendait à l’entrée de l’hôpital dans un grand manteau de laine. L’automne les avait rejoints et leur relation avait pris cette consistance qui donne aux êtres le sentiment de ne plus se sentir flotter dans un univers sans limites. Ils s’aimaient, se l’étaient dit avec simplicité, ils avaient pleuré, avaient appelé les enfants pour leur annoncer qu’ils allaient essayer de vivre ensemble. Les enfants n’étaient pas étonnés, ils approuvèrent, les embrassèrent et repartirent jouer.

 

« Mon chéri, qu’est-ce que tu fais là ? dit Bricmont en lui tenant les mains.

-         Monsieur Bricmont Jacques, vous n’allez quand même pas me laisser croire que vous me prenez pour une naïve ? J’ai vu les médicaments à la salle de bains, dans ta trousse, je rangeais,  ils sont tombés. J’ai regardé la notice et j’ai compris. Tu vas un rendez-vous important aujourd’hui, à huit heures, tu as dit. Tu es rentré chez toi hier pour te préparer, disais-tu, j’ai compris, mon amour, c’est tout. Si je me trompais, tant mieux, si j’avais raison, nous serons mieux à deux pour connaître la suite.»

 

Avant sa rencontre avec Denise, Bricmont était au bord, toujours le bord était en lui et un  pas de côté pouvait le faire vaciller. Alors, il allait en courant en tentant d’échapper à cette fascination du trou dans lequel il pourrait tomber. A cet instant, il se voyait plonger.Denise venait de lui donner plus qu’il n’avait jamais reçu et il se sentit l’homme le plus misérable de la terre de ne pas lui avoir dit toute la vérité plus tôt. Ils se prirent la main et patientèrent dans la salle d’attente en silence. Bricmont était apaisé,Denise avait peur mais elle souriait à Jacques et la visite terminée, ils décidèrent de vivre ensemble, quoiqu’il advienne.

 

2.

 

L’installation de la nouvelle famille se fit rapidement dans un appartement un peu plus vaste. L’hiver avait tout saisit à la gorge d’un seul coup. La ville était ralentie et les hommes peinaient à maintenir le rythme accéléré du temps. La famille Bricmont-Ngalula profita de cette saison de confinement pour ajuster ses marques. Denise avait ses enfants chevillés au corps. Michel et Caro âgés de cinq et de sept ans tentaient tout pour grignoter chaque jour des petits morceaux de liberté supplémentaires. Ca fatiguait Denise. Jacques n’y trouvait pas grand chose à redire, « Ce sont des petits, répétait Jacques le soir à sa femme, des petits anges, des enfants d’amour, laisse-leur un  peu de mou… » Denise resta ferme. Elle ne lâcherait pas la bride sur le cou de ses trésors, elle devait tenir bon, elle avait dû toujours mener sa barque seule et n’avait pas encore pris l’habitude de s’en remettre au deuxième rameur…

 

Jour après jour, il fallait recadrer, rappeler, expliquer. Jacques qui n’avait jamais connu de la vie que les amertumes des perdants, avait pris goût à cette nouvelle place que Denise lui avait offert. Mais lentement, c’était de douceur et de maternage que Jacques se mit à rêver. Il consolait, racontait des histoires, entourait Denise de cette tendresse dont elle n’avait pas profité depuis si longtemps. Ses enfants recevaient son amour et son amour devait parfois être dur comme le diamant. Elle savait que si elle chutait, elle ne pourrait pas se relever. Quand le père des enfants était mort, elle avait cru devenir folle. Peu à peu, elle avait appris à jouer au père et à tenter d’être une mère. Mais les deux rôles étaient écrasants. Elle se trompait parfois de texte ou devait improviser.

 

Jacques retourna tous les mois à l’hôpital, il semblait aller mieux, ses analyses n’étaient plus alarmantes. Il reprenait du poil de la bête.Denise était heureuse et les enfants grandissaient. Un jour, le médecin lui demanda, à la clôture de la visite habituelle, ce qu’il avait changé dans son hygiène de vie. Jacques lui raconta leur histoire en quelques mots et soudain il comprit ; d’un trait, la phrase se forma et il la prononça avec une joie ineffable, « Je crois que je suis devenu une meilleure mère ! ».

 

Quand il rapporta cette phrase à Denise, elle éclata de rire et lentement des larmes se mirent à couler le long de ses joues. « Oui, je crois, que tu es une bonne mère et je suis meilleure moi aussi, depuis que tu as retiré de mes épaules ce costume si lourd que je devais porter pour ne pas tomber. Tu me permets de remettre la douceur au cœur de ma vie et cette douceur n’est pas dangereuse, elle n’est pas fade, molle. Nous sommes père et mère chacun mais c’est moins lourd grâce à toi Jacques… ». Ils se serrèrent dans les bras, ils n’étaient pas sûrs de comprendre tout ce qui était en train de changer en eux,  mais ils savaient  que cela valait mieux que ce qu’ils avaient fait jusqu’à présent.

 

L’été arriva. Jacques apprit que sa guérison n’était pas encore garantie mais que la rémission était certaine. C’était du temps de gagné pour jouer leur nouvelle vie.Denise et Jacques avaient le sentiment de répéter ce qui serait peut-être un jour à peu près au point, ils ne savaient pas quand mais ils avaient la nette impression de découvrit en eux quelque chose de neuf et qui avait toujours été là.

 

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Neige

Posté par traverse le 27 mars 2013

Neige,

les oiseaux

essayent les nouvelles partitions

qu’ils chanteront plus tard.

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Ecart(s)magazine N°2

Posté par traverse le 26 mars 2013

Une équipe, jeune, liégeoise, crée  Ecartsmag  avec talent: graphisme, justesse éditoriale, qualité numérique…Bravo!

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http://ecartsmag.be/

Ecart(s) Magazine, trait d’union entre arts et société, propose, à chaque numéro, des pistes d’investigation et de réflexion sous la forme de reportages atypiques, de cartes blanches et d’illustrations autour d’une thématique unique.

Ludique et décalé, Ecart(s) Magazine use du détournement et fait la part belle au visuel. Petit ou grand détour, autorisez-vous un écart de conduite…

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 (ma contribution…)

« Ze Mony » 

« Cela mérite vos applaudissements ! » et ça applaudit, ça valse, ricoche, pleure, rit, touche et envoie au cœur du public.

Parfois la fonte me saisit, honte de laisser trainer mon regard sur ces avant-soirées putassières, honte d’être pris comme cible dans ce pauvre monde des avant-soirées. Mais rien à faire, je m’aventure, je glisse entre deux cadeaux vulgaires d’une chaîne à l’autre et je vérifie l’état des désastres, comme d’autres, la météo, chaque matin, avant le travail. Puis, je coupe, j’en ai assez, ça me suffit pour me redonner courage. Je comprends qu’ils aient supprimé les cours de morale, ça ne tenait plus, fallait être aveugle pour ne pas comprendre que ça tient, tout ça tient, avant ou après les révolutions de printemps-hiver, de jasmin-choucroute et tutti quanti, ça tient comme ça, avec ça, et de façon de plus en plus sommaire.

Sur scène, « Ze Mony », la seule autorité qui vaille,  « Ze Mony » a aplati sans vergogne toutes différences, « Ze Mony », le seul pouvoir de la proximité a renvoyé chacune et chacun à sa commune humanité.

« Ze Mony » entre en scène, règne, rayonne, illumine, travaille et tarabuste les frustrations de tous, ronge la selle du cavalier qui s’effondrera plus loin, hors champ, et lamentablement, blatère, aboie, roucoule, geint, grogne, siffle tandis que les sourires baillent, les rires s’exténuent, le public s’amuse.

La violence et l’obscénité ne sont rien tant que les montreurs d’aspirateurs, les démonstratrices de coupe-légumes, les potiches en escarpins aux jambes infinies, nunuches à l’œil vif, sont en piste et aimés de tous. L’horloge tourne, le désir monte, l’hystérie gonfle, l’argent se montre, les Fous du roi sont au travail, la culture gagne, la guerre continue, on est heureux…

La magnificence d’un système réside dans son évidence, pas dans ses dorures. Ceux qui dérident, ramassent le crottin, en placent une bien bonne, font signe aux enfants et embrassent les voisins, c’est nous. On a mis sa plus belle robe, son tee-shirt moulant, l’entrain est de mise, la nation est rassemblée, du blanc au noir, du beur au bauf, on s’amuse ensemble, on est les cocus de la farce, le vivre ensemble version prime-time.

Nous, de haut au bas, nous tout entier, la nation rassemblée, du politique à l’assassin, du chercheur à la hardeuse, nous, modestes ou arrogants, mais nous qui marchons dans la lumière et les sourires, nous parfaites icônes de ce que nous fûmes, avant, quand nous n’étions que des individus, des électeurs, soldats, médecins, ajusteurs, infirmières et OS, nous les damnés de la terre, les enfants de l’avenir, nous, le peuple, la plèbe, la masse, sommes devenus le public, la plus-value de ces fonctions anciennes, nous sommes le Client.

Le Client de base, celui fabrique le spectacle qu’il regarde, le Client infini (« Ce n’est qu’un jeu, à une autre fois »), le Client toujours heureux d’être là, arraché d’ici, dans la lumière, là, sous le regard de ceux qui sont n’y sont pas et votent et téléphonent, soutiennent et encouragent.

Les enfants suivent, meilleurs clients encore, ils jouent aux enfants mignons, ils sont vifs et veules, malins et nauséeux, ils font le buzz et on leur fait la bise.

Enfants-soldats et de combats douteux, ils y vont, déjà perdus dans l’horizon clinquant des sentiments contrefaçons.

Alors, je sors, je promène mon chien et sous les arbres de l’allée, je vois trembloter les images des écrans où « Ze Mony » travaille…sous nos applaudissements.

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La Fabrique du temps…

Posté par traverse le 23 mars 2013

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Un projet, une préoccupation commune, étirer le temps, le retrouver, l’ensemencer, le rattraper,

lui mettre la main dessus et l’emmener au poste, bref, enfin la mettre à jour La Fabrique du temps

Un projet de livre (papier/numérique)  que je lance ici…que vous pouvez rejoindre avec textes,

illustrations et photos, …bref, à plusieurs, on va y arriver, à cerner la Bête… 

 

Comment nous rejoindre, demande une lectrice? En envoyant votre texte à traverse@skynet.be

ou en le laissant en commentaire…Bienvenue!

 

La promenade, la lecture, l’attente amoureuse, la maladie, la prison, l’internat, l’ennui, la peur, l’angoisse, le déjeuner sur l’herbe, l’amour l’été les fenêtres entr’ouvertes et le vent dans les tentures, un rendez-vous raté, l’autoroute dans un paysage plat, la file à la poste, la queue dans l’administration, une nuit à veiller un malade, un dimanche gris en Belgique, un dimanche ensoleillé sur une plage, l’écoute d’un discours politique, la liste des morts dans le conflit de…, un chagrin secret, la lecture ennuyeuse des « meilleures ventes » de, les versions latines, les cours de statistiques, les prêches des assistants sociaux, les bonnes consciences à l’unisson, l’opéra chic et le rap choc, la grossesse et la mort, le tressage des coiffures africaines, la cuisson des tripes et des haricots secs, le radotage d’un alcoolique, la tristesse d’un singe, l’enfance sans manger à la cave, l’adolescence et pas de sortie, les nuits blanches, les conférences, les cours ex-cathedra, les manifestations sous la pluie, les comptes et les bilans, les vacances d’été, l’attente au lavoir, les lieux communs de bon cœur, une panne sur la route, une femme collante, Charles de Gaulle, la Guerre de Cent ans, Internet en panne, une constipation, une rage de dent, des résultats VIH, Ostende en hiver, une fondue savoyarde, les « Rois maudits », « Jacquou le croquant » en noir et blanc et le kitch historique français, les dictatures populaires, le cancer du poumon, la bêtise sincère, les films de Chantal Ackermann et d’Andrei Tarkovski, les mièvreries du développement personnel, ramasser les feuilles mortes dans son jardin ou dans sa rue, les autoroutes allemandes, les aéroports par temps de neige, une bête histoire à regarder ensemble, un film à succès, un devoir de mémoire, la veille du Débarquement, le lendemain aussi, les parents qui se disputent, les courses cyclistes à la télévision, Lisbonne sous la pluie, un album photo sur les genoux, l’avenir de l’Afrique, les Suisses en hiver et les belges en Belgique,…

(…) à suivre

 

Annexe:

Sur France Culture…(Podcast disponible)

Le Monde selon Etienne Klein

par Etienne KleinLe site de l’émission

D’où vient que le temps passe ?

23.05.2013 – 07:17

 

Nous disons du temps qu’il s’écoule ou qu’il passe.

Mais s’écoule-t-il ou passe-t-il de lui-même ? Ou bien ne s’agit-il que d’une impression qui provient entièrement de nous ?

Pour répondre à ces questions, il faudrait pouvoir identifier et caractériser le « moteur du temps », c’est-à-dire le mécanisme caché au sein du monde par lequel le futur devient d’abord présent, puis passé. Quelle est cette force secrète qui fait que dès qu’un instant présent se présente, un autre instant présent apparaît, qui demande au précédent de bien vouloir aller se faire voir ailleurs et prend aussitôt sa place, avant qu’un autre instant présent l’envoie lui-même se promener dans le passé, prenne sa place dans le présent, et ainsi de suite ? Ce moteur du temps est-il physique, objectif, ou intrinsèquement lié aux sujets conscients que nous sommes ? D’où vient en somme que le temps passe ?

Vous trouverez des gens qui répondent que le temps se débrouille tout seul pour passer, qu’il est à lui-même son propre moteur.

Vous en trouverez d’autres pour dire que ce n’est pas à lui-même que le temps doit sa motricité implacable, mais à la dynamique de l’univers en expansion. D’autres enfin pensent que le moteur du temps, ce n’est ni le temps lui-même ni la dynamique de l’univers, mais tout simplement nous, nous autres les humains, bipèdes supérieurs, qui sommes des observateurs dotés de conscience.

Cette idée selon laquelle le temps n’existe pas en tant que tel en dehors du sujet a été brillamment défendue par de nombreux philosophes – par Kant notamment -, mais elle doit se confronter à une donnée factuelle, qui constitue pour elle une difficulté notable. Cette donnée factuelle, c’est qu’au cours du xxe siècle, les scientifiques ont pu établir que l’univers a un âge au moins égal à 13,8 milliards d’années, que la formation de la Terre a eu lieu il y a 4,45 milliards d’années, que la vie y est apparue il y a 3,5 milliards d’années et que l’apparition de l’homme ne remonte, elle, qu’à 2 petits millions d’années. Que nous disent brutalement ces nombres ? Que des objets plus anciens que toute forme de vie sur Terre ont bel et bien existé dans le passé de l’univers ; que des événements innombrables se sont enchaîné, dont aucune conscience humaine n’a pu être le témoin ; que l’humanité, espèce en définitive toute récente, n’a pas été contemporaine de tout ce que l’univers a connu ou traversé. Et qu’il s’en faut de beaucoup : 2 millions d’années contre 13,8 milliards, cela fait un rapport de 1 à 6 900. L’univers a passé le plus clair de son temps à se passer de nous.

Vous m’accorderez, Marc, que dès que l’on confronte ces résultats aux discours qui défendent l’idée que le temps n’aurait pas de réalité objective, qu’il serait subordonné au sujet et ne pourrait exister sans lui , on voit surgir comme un problème : si le passage du temps dépend de nous, n’existe que par nous ou que pour nous, comment le temps a-t-il pu se débrouiller pour s’écouler avant notre apparition ? Si le temps a impérativement besoin de nous pour passer, comment expliquer que l’univers a pu se déployer pendant 13,8 milliards d’années alors que nous n’étions pas encore là pour produire l’écoulement du temps ? Ce problème, qu’on appelle le « paradoxe de l’ancestralité », a été pointé du doigt par de nombreux auteurs, à juste titre. Car cantonner le temps dans le sujet, ou vouloir que le temps n’ait de réalité que subjective, n’est-ce pas s’interdire d’expliquer l’apparition du sujet dans le temps ?

Qu’en dit la physique ? Pour elle, au moins dans ses formalismes ordinaires, le concept de temps (d’espace-temps) a le statut d’un être « primitif » : on y postule qu’il existe, qu’il est indépendant des phénomènes, on prend acte qu’il s’écoule sans préciser ce qui fait qu’il s’écoule. Mais certaines théories aujourd’hui à l’ébauche, qui travaillent au dépassement de la relativité générale et de la physique quantique, remettent en cause ce postulat, ce qui les conduit à questionner la nature même du temps. Le temps pourrait émerger, disent-elles, d’un substrat d’où il est absent, il dériverait de concepts plus fondamentaux que lui-même. En d’autres termes, le moteur du temps serait produit de façon souterraine par une sorte d’inframonde physique.

Quel est cet inframonde ? Alain Connes, professeur au Collège de France, et d’autres mathématiciens ou physiciens, développent depuis des années des idées originales à ce sujet. Selon lui, selon eux, le moteur du temps serait enclenché par la non-commutativité inhérente au formalisme de la physique quantique, dont j’ai déjà parlé dans une chronique précédente (vous vous en souvenez, le b-a ba de la non-commutativité, c’est quand ba n’est plus égal àab…). Le temps ne serait plus qu’une réalité secondaire, surnageant sur des structures physiques plus profondes que lui et ne le contenant pas à toute petite échelle.

Quand Alain Connes veut exprimer cela avec ses propres mots, cela donne : « C’est l’effervescence quantique qui engendre le passage du temps » ; ou bien « L’aléa quantique est le tic-tac de l’horloge divine » ; ou bien encore, « Un état sur une algèbre non-commutative engendre son propre temps ».

OK, ce n’est pas super-limpide. C’est sans doute pourquoi Alain Connes a décidé d’écrire, avec Jacques Dixmier et Danye Chéreau,  une sorte de roman qui met en scène, de façon très habile, cette conception originale du temps. Le titre de cet ouvrage qui sort ces jours-ci est « Théâtre quantique », et il a un sous-titre qui est « L’horloge des anges ici-bas ». L’horloge des anges ici-bas, ça devrait vous rappeler quelque chose, Marc ? À quelques permutations de lettres près, cela donne Le boson scalaire de Higgs, ainsi que cela a été découvert par mon ami Jacques Perry-Salkow. Alain Connes, qui est l’inventeur des géométries « non-commutatives », ne pouvait qu’être fasciné par les anagrammes, notamment par celle-ci qui parle du temps qui passe puisque les anagrammes doivent leur existence même à la non-commutativité de la position des lettres à l’intérieur des mots. « ab » n’est pas « ba » dans un mot.

Vous me pardonnez mon enthousiasme, Marc, car ce n’est pas tous les jours qu’on peut lire un livre qui associe la physique quantique, le temps, la non-commutativité, les anagrammes, le CERN, le LHC, le boson de Higgs, la structure du cerveau, l’informatique, la vie, la jalousie entre collègues, la mort et même l’amour, si si… ! Mais je n’en dirai pas plus car je crois savoir qu’Alain Connes sera demain l’invité de Michel Alberganti à 14 heures, dans « Science Publique », une émission à ne pas rater si, lassé du temps qu’il fait ces jours-ci, vous aviez envie de vous distraire en entendant parler du temps qui passe…

 

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Cabanes/19

Posté par traverse le 15 mars 2013

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peintures pariétales – 3000 ans AC

Ouvrir les yeux et tout s’arrête, la steppe aux mille trous, les plaines enneigées, la terre comme un buvard sous le soleil glouton, tout file d’un seul trait dans la rétine pour laisser l’ogre dans le silence minéral du réveil.

 

Ouvrir les yeux est une affaire grave que l’ogre ne comprend pas encore. Alors, il joue, ouvrir, frotter, fermer, ouvrir encore et se lever,  le corps ramassé pour la chasse. Les arbres sont émus de cette présence nouvelle et brassent sur sa tête des senteurs d’herbes fraîches.

 

L’ogre regarde maintenant ce lieu qu’il habite depuis peu et repère dans les airs des oiseaux, des mouchettes, des limailles dorées. Il est en cet instant un ogre heureux qui a le ventre vide.

 

Les bruits commencent à le rejoindre, la ville dans le lointain, les trompettes du lieu qui sont les avant-postes des enfants oubliés, il va grandir ici, c’est un jour de défit où il se sent chez lui.

 

La source n’est pas loin, dans son histoire c’est simple, tout se trouve à portée et il se met en route. Marcher sur les sentiers est une histoire ancienne, on se baisse, se relève, on écarte une branche et très vite l’indien, le pygmée, le traqueur silencieux marchent dans nos pas et un temps oublié nous remplit de courage. L’ogre avance d’un bon pas, en vacillant parfois, comme dans la vie, plus tard il fera, d’un côté puis de l’autre avant que de tomber dans la dernière sente.

 

La source est là, bruissant sous les fougères. Il se penche et il boit une eau fraîche et pure, du moins c’est ce qu’il croit en cet instant de magie robinsonne.

 

Allez l’ogre, relève-toi, des baies, des fruits mûrs tombés des arbres jalonnent ton passage, prends, mange et barde-toi du courage des anciens, marche !

 

Mais où aller, la forêt est hautaine et lui parle si bas qu’il doit tendre l’oreille à chaque pas. Tout s’embrouille à présent, alors il faut trancher, il ira à l’ouest, toujours plus à l’ouest au risque de se perdre dans ce nouveau dédale.

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Cabanes/18

Posté par traverse le 15 mars 2013

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Estampe, David Lynch 

 

 

La neige parfois fond d’un seul coup et le soleil écrase alors l’image dans l’horizontale de sa lenteur.

 

L’ogre est à la mer, celle du Nord, la grise et jaune avec un soleil rare et des vagues hargneuses, elle est à lui comme un territoire d’enfance sans partage, les vieux vont sur la digue si heureux d’être heureux, petits bonheurs et crottes de chiens, maman est allongée sur une serviette rouge, lunettes de soleil et chapeau de paille, ses jambes et ses bras sont blancs, le blanc des vacanciers trop sages et l’ogre la regarde comme un gisant sans fard qu’on a oublié là.

 

Le sable crisse entre les dents de l’ogre, il s’en souviendra plus tard quand il mangera des chairs plus fermes à ne jamais déguster sur les plages publiques. Ce qui séduit dans le déduit n’est pas affaire de morale mais de confort et d’égoïsme partagé.

 

Enfin la pluie  chasse tout ce monde sous les terrasses se parfumer de glaces, de gaufres et de crevettes à l’abri des bourrasques. Il aime cet air vague de ceux qui ne savent que faire de ce temps épargné. Ils vont comme des pauvres, le ticket à la main pour le match de l’année, mais se font rembarrer à l’entrée des tribunes pour des questions idiotes qui occupent la vie.

 

Il faut se retourner parfois sur un passé cruel qui nous vit naître et grandir dans l’ennui des familles, la mine dans la main et le cœur sous les pieds. L’ogre a de la chance, des vestiges ne cessent de border sa route sans intérêt. C’est en passant par là qu’on affûte ses meilleurs coutelas et qu’on rêve de pirates sans merci et sans peur balançant à la mer les pleureuses et les lâches aux requins réjouis du fretin des humains.

 

Mais les rêves ont une fin et ne servent qu’à supporter le jour qui va si bête dans l’ordre des apparences. L’ogre va se réveiller et se lever aussi pour chasser cet ennui qui vous prend le matin parfois par temps chagrin. Il tremble, il s’ébroue, il remue et  il ouvre les yeux.

 

Le ciel au-dessus est plus large qu’hier et il y reconnaît quelques traces de nuit où il se sent si bien, des vallées de nuages où coulent des torrents bleus qui emballent le monde comme un cadeau princier.

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Cabanes /17

Posté par traverse le 13 mars 2013

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 http://www.centredelagravure.be/Page_Generale.asp?DocID=12703&expo=Actu&la=2&langue=FR 

David Lynch (en ce moment au Centre de la Gravure)


Tout se suit et ne se ressemble pas dans ce qui crépite sur la vaste plaine du jeune cerveau de l’ogre, tout se bouscule et virevolte, tout tremble et résonne, rien ne se fixe ni ne se pose.

 

L’ogre est ainsi fait, il ne comprend pas toujours les évidences de chacun mais s’y connaît assez pour séparer le sucre du sel et renvoyer aux mensonges les illusions sordides qu’on lui prépare pour longtemps.

 

Alors, tout va, tout vient dans cette brume cérébrale, il est petit, debout dans la cuisine de sa mère, une lumière d’été tombe en douceur sur le frigo, il regarde en biais et dehors et dedans, toujours hésitant sur le lieu où s’enfuir, et sa mère lui parle et parle et parle encore qu’il rapetisse à chaque mot, alors il fait un rêve, un rêve qu’il sait sa seule chance de vivre, un rêve qui passe comme une flèche et qui file encore dans le ciel de sa vie, une flèche envoyée dans l’avenir de l’ogre, il le sait,  comme une trace de ce petit présent dans le futur du grand.

 

Il neige d’un coup sur l’été et des ralentis blancs accueille un personnage qu’il ne distingue pas, une sorte de géant, un homme à l’allure lourde, un bonhomme de cendres sur tout ce blanc laiteux, il avance et marche tête haute, il parle mais l’ogre n’entend rien, les rêves sont muets pour nous mettre à l’abri des bêtises communes, l’ombre se rapproche et l’ogre aperçoit un  trait, puis l’autre, un autre encore qui lui ressemblent peut-être, c’est lui, de loin, dans ces frimas soudains, qu’il distingue à présent, lui qui va devenir cet homme et qui sera un jour le vengeur des ogres enfermés, bousculés, insultés, salis et moqués par la horde des pères, c’est lui qui passe assez près pour faire un signe à l’ogre, un geste qu’il attendait avant de se jeter du pont dans la rivière glacée, mais ce signe est arrivé à temps et l’ogre respire enfin, la vengeance est lointaine et légère comme les flocons de neige qui tombent en silence et recouvrent le monde.

 

Mille choses voyagent dans la tête de l’ogre, des vertes et des pas mûres, des beautés carnassières et des amours futures, le temps n’existe pas encore, la terre est sans limites et c’est là, c’est juré, qu’il connaîtra la joie d’avoir franchi le pont.

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L’atelier du voyage

Posté par traverse le 8 mars 2013

Carnet de route

 www.lamaisondulivre.be

 

Encore TROIS places…

ateliervoyagereduit dans Textes

 

Voyager, c’est souvent se déplacer pour rêver… d’être ailleurs. L’atelier « Carnet de route » vous invite à reprendre le sens de la marche et des pérégrinations par l’écriture, mais aussi si vous le souhaitez, dans l’accompagnement du dessin, des collages, du numérique, au choix !

Tous les moyens sont bons pour capturer le temps évanoui des itinérances et des bivouacs…
Un récit de voyage, c’est aussi aller au-delà des clichés de l’exotisme, du tourisme pressé devant les lieux communs et gratter la surface des premières impressions…

Écrire à propos du voyage, c’est aussi « refaire » le trajet avec ce que l’on a décidé de retenir et de laisser en route. Carnet de route s’offre donc comme une auberge de passages… Aucune expérience prérequise.

Animé par : Daniel SIMON, animateur d’atelier d’écritures, écrivain et éditeur, www.traverse.be
Dates : du lundi 8 au vendredi 12 avril 2013 de 14h à 17h
Public : adultes
Prix : 110 euros, acompte de 60 euros, possibilité de payer le solde en effectuant 2 versements de 25 euros.
Nombre maximum de participants : 12

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Photographies/Les Couleurs de la Nuit

Posté par traverse le 6 mars 2013

Coup de coeur pour  l’exposition de notre ami Ben Weisgerber qui va piloter

la dimension photographique des prochains Feuillets de corde

(Lancement à la librairie Cent papiers le 31 mars de 15 à 18h)

http://feuilletsdecorde.unblog.fr/

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L’exposition “Les Couleurs de la Nuit” de Ben Weisgerber

se tiendra  dans le temple du surréalisme, La petite fleur en papier doré,

du 2 au 30 mars 2013.

Quand à minuit, l’oeil de l’homme ne voit que du noir…

Comment sublimer les dernières caresses de lumière ?

Comment découvrir les vraies couleurs de la nuit ? 

Informations pratiques :

La petite fleur en papier doré

Rue des Alexiens 55

1000 Bruxelles

Ouvert de 11.00 à Minuit

Fermé le lundi

Métro : Gare centrale

Lien map : http://goo.gl/maps/o2TRH

www.benweisgerber.com

http://www.facebook.com/pages/Ben-Weisgerber-Photography/107657122633762

http://www.facebook.com/groups/la.petite.fleur/?fref=ts

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Ma Foire du Livre 2013

Posté par traverse le 3 mars 2013

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A la Foire du Livre, je me promènerai, à la Foire du Livre, je vous rencontrerai peut-être aux stands de mes amis éditeurs (Couleur Livres, MEO, Espace Poésie, …Le Cri s’est retiré, dommage) à la Foire du Livre, je dédicacerai, à la Foire du Livre, j’achèterai des livres, à la Foire du Livre je regretterai le bruit, les mêmes files aux endroits Haddock et les regards flâneurs des passants bienvenus, à la Foire du Livre j’entendrai peut-être des débats infinis sur le numérique et je vous donnerai rendez-vous ailleurs, au bar, et nous nous dirons des choses que nous oublierons mais il restera des images, des sons, des embrassades, des sourires lancés d’un stand à l’autre, des réflexions sur untel ou unetelle, des coups de coeur, des coups de honte devant certains livres-produits qui fleurissent à tout va, de la patience nécessaire pour répéter les choses et le désir de les répéter encore à la tribu éparse des lecteurs attendus, bref, à bientôt!

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MEO Editeurs/Stand 237

Samedi 9 de 16 à 18h : 

Daniel Simon (« Quand vous serez » et  »Dans le Parc »)

Dimanche 10 de 16 à 18h :

Daniel Simon (« Quand vous serez » et  »Dans le Parc »)

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Le samedi 9/3/2013 de 15h00 à 16h00
Italia Gaeta et Daniel Simon 
“Lee. Histoire d’une adoption, collection JE”
...
Les Feuillets de corde 
( Traverse asbl) seront présents en permanence 
aux Stands de Couleur Livres et de MEO
http://feuilletsdecorde.unblog.fr/

Informations pratiques  

Adresse

Tour & Taxis – Avenue du Port, 86C – 1000 Bruxelles
Site : www.tour-taxis.com

Dates
Du jeudi 7 au lundi 11 mars 2013

Heures d’ouverture
Jeudi 7 mars 2013 : 10h – 20h
Vendredi 8 mars 2013 : 10h – 22h
Samedi 9 mars 2013 : 10h – 20h
Dimanche 10 mars 2013 : 10h – 20h
Lundi 11 mars 2013 : 10h – 18h

Tarifs
Prix plein : 8€
Etudiants de moins de 26 ans, demandeurs d’emploi, seniors et groupes (à partir de 15 personnes) : 5€

L’entrée est gratuite pour les enfants de moins de 6 ans (accompagnés d’un adulte).

 

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Cabanes/16

Posté par traverse le 22 février 2013

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Dans ce mouvement qui emporte les choses de ce monde, l’ogre aime à se laisser aller, tout s’entremêle et se distingue alors, les éclairs s’éteignent et la clarté est sobre sur ce pays léger qui s’étend dans la cabane chaque nuit.

 

Des sons vont et viennent dans des suites rapides, le sourd et le plaintif, les cris et les respirations, les chants et les vacarmes, dans la tête de l’ogre font un roulis comme sur le pont du Bounty à l’orée des grandes îles. On voit les albatros aller dans les nuages en emportant des vagues jusqu’aux crêtes de brume, des poissons courir sur les lames océanes et des matelots grimper aux mâts pour hisser des voiles déchirées.

 

L’ogre entend le tambour des mammouths battre le pas spongieux de la vallée, les fifres des soldats, les chevaux enivrés du goût acide de la mort que les cavaliers laissent fleurir des bottes jusqu’à la gorge, l’ogre entend tout et chaque nuit l’emporte un peu loin dans ces roulements terribles.

 

Parfois un écart de conduite dans ces fresques nocturnes l’amène au pied du jour pantelant et suant. Il est allé trop loin dans ces landes anciennes et la mémoire du jour n’a que faire des tristes expéditions de la nuit infinie des enfants apeurés.

 

Que de sursauts, de vagues gémissements, de reniflements soudain, de larmes effleurées, de frissons électriques dans le corps endormi de l’ogre dans la cabane. Il ose aller au centre des clairières horrifiques où les arbres se courbent devant des géants noirs. L’ogre est nu alors et sa mère lui manque, son père aussi parfois et l’accalmie paisible des familles endormies.

 

La nuit va son chemin dans un corps exposé sur ce bûcher sonore.

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Cabanes /15

Posté par traverse le 21 février 2013

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C’est un chien, un chien enflammé qui court la nuit dans les landes de Baskerville, un sous-marin au capitaine halluciné, une baleine blanche qui vient et qui revient sans cesse jusqu’ au centre de la cabane, des flots bouillonnants qui recouvrent la terre, des ptérodactyles enragés qui bondissent sur lui, des criquets en vacarme sur le toit de la cabane, le désert enfin qui s’apaise après la tempête et le bruissement calme du ruisseau qui reprend sa place dans le sommeil de l’ogre.

 

Il aimerait que tout soit facile mais il sent qu’il y a trop de choses en lui pour que ce le soit, des histoires, encore et encore, des flots d’histoires coulent dans son cœur mais pour le laver de quoi ? De quoi le cœur de l’ogre souffre-t-il donc déjà alors qu’il est si jeune? Et ces histoires qui l’envahissent peu à peu remplissent de grands trous qu’il découvre à chaque pas, des trous sans fin qui semblent le guetter pour accueillir sa chute, des trous aux bords glacés qui se referment et vous engloutissent pour toujours, des trous soudain qui se révèlent alors que le sol ne trahit rien, des trous par lesquels l’ogre passe souvent en s’accrochant comme il peut à ce qui le fait flotter vers le dessus et qui retient sa chute : des histoires qu’il se raconte sans fin, des personnages assez forts que pour le hisser dans le monde du haut, des joies et des pleurs qu’on ne trouve jamais dans les trous et qui sauvent de tout.

 

Dans la nuit de l’ogre, encore : des vacances à la mer, des fleurs en papier crépons échangées contre des coquillages, les longs surtout valent beaucoup, sa chienne, Rusty, Malinois fidèle et si patient, il l’habille en fille et elle ne dit rien, n’aboie pas une seule fois, attend que ça passe et offre son amour au gamin, l’exploration des fondations d’une maison éternellement en construction, avec des caves inachevées où il joue à la guerre, combien il aime jouer à la guerre qui lui fait si peur, mais il aime vivre ces effrois découverts dans les récits des vieux et les premiers films à la télévision en noir et blanc, des marches dans la forêt quand le soleil tombe en fragments sur les taillis, il mange des myrtilles, il aime toujours tellement les myrtilles, comme s’il retrouvait le goût préhistorique des baies des hommes de ce temps, il se promène, court, s’envole, il rêve…

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L’imagination, c’est le souvenir d’un vécu éparpillé dans le collectif

Posté par traverse le 15 février 2013

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« Nous portâmes des toasts à nous-mêmes, et puis au Sud. Puis nous laissâmes sur cette table nos verres vides et nos serviettes et un peu de notre passé, et la main dans la main, nous sortîmes au clair de lune. », F.S. Fitzgerald, La dernière jolie fille 

 

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(F. Scott Fitzgerald (début de la première nouvelle extraite de La longue fuite, éd. Rencontre, Lausanne, 1964)

Ecrire, c’est rendre justice à ce qui fut du vécu, à ce qui demeure de ce que nous appelons le réel et que nous allons tenter de restituer, de recréer, ou plutôt de « transformer » pour que les évènements et l’expérience du lecteur puissent atteindre cet inédit, cet inouï¨jusqu’alors pour lui. Il aura besoin pour nous « suivre », parfois pour nous précéder dans la co-création de la lecture, de s’appuyer sur des éléments de réel et de vécu à sa disposition comme autant d’antennes pour atteindre ces univers inexistants avant sa lecture.

 

Ecrire, c’est (r)établir le récit d’une histoire sabordée dont il ne reste que des vestiges engloutis dans les souvenirs et le temps. Un lien va faire remonter une partie de l’épave à la surface de la mémoire dans le récit. Et ce lien, c’est l’imagination, cette machine à transformer l’expérience collective en vécu. F. Scott Fitzgerald, dans « La Longue fuite »[1], nous laisse entendre parfaitement cette capacité, ce don,  de l’écrivain dans le décryptage des « lignes de fuite » des personnages ou, plus simplement,  des individus fictifs passés par la cornue de l’écriture pour atteindre l’épaisseur de vécu que certains appellent le « romanesque » et d’autres, le « réel ».

 

Questions de désir, de souplesse, mais aussi de conviction. Je veux ? Je peux ! C’est le propre de l’enfance que de s’imbiber de cette sourde culture du monde sans en refuser les paradoxes, les zones limites, les points de tension. C’est ce rétablissement de notre ancienne connaissance du monde acquise dans l’enfance que nous tentons de réaliser par l’écriture. .

 

En nous affirmant que ses personnages (des gens très riches) ne ressemblent ni à vous ni à moi, il met en mouvement ce « vécu » que nous avons, éparpillé dans l’expérience collective, dans cette mémoire collective qui est réside en partie en nous, dans ce savoir non-vécu et cependant expérientiel, que l’imagination seule peut mettre en mouvement. Nous connaissons beaucoup de la vie des gens très riches par la transfiguration de l’imagination. Par une dynamique systémique fine, nous avons engrangé des millions d’informations de toutes sortes qui nous permettent, si nous sollicitons cette fabrique d’un autre vécu, l’imagination, de comprendre, jusqu’au sentiment d’intime conviction de l’expérience individuelle, la vie de ces gens riches, de ces gens pauvres, de ces baleines en bancs, des abeilles affolées dans les campagnes assaisonnées d’herbicides…

 

Ce sont les Métamorphoses[2] qu’Ovide écrit pour fonder Rome, des récits de transformations des dieux anciens en dieux neufs, ce sont ces récits magiques qui donnent à chaque citoyen romain la liberté de partager l’expérience illustre de la fondation de Rome…

 

La blessure, le trauma, l’accident, le « raccourci » que constitue le drame et ce qu’il nous permet de faire « advenir » à la mémoire, de révéler (dans le sens de la photographie argentique) sont des formes d’activation de l’imagination.

 

Nous savons de nous des positions, des mouvements, certes, mais de plus en plus, nous sommes conscients de notre pouvoir de solliciter à notre demande des « souvenirs » en fonction de la relation qu’il constitue avec le monde et auquel il nous relie. Cette plasticité de la mémoire est une façon de réchauffer ce continent ancien et de lui reconnaître des valeurs archipéliennes.

 

Des bras de mer (de flou, d’immersion dans des expériences plus dérivantes, plus derritorialisées) relient des chapelets d’îles de savoirs, d’expériences, de vies,…L’ubiquité est à notre portée…si nous le décidons, si nous mettons en mouvement ce qui permet cette matière d’imagination.

 

Ce que nous savons, ce qui fait matière et mouvements en nous, les flux dans lesquels nous sommes embarqués, toute cette stratégie dynamique nous permet de choisir « une mémoire », non pas à changer deb mémoire, à ne pas avoir de mémoire mais à choisir le réseau d’organisation de cette mémoire, le fatum se dissipe, nous sommes libres,  et donc seuls, dans des mémoires collectives, aujourd’hui, constituées plus par des mémoires individuelles autocentrées sur des questions de validité, identité etc.…plus que sur des nécessités de fonder des lieux communs de mémoire. Ce qui est en nous, à notre disposition, sans être sollicité en temps ordinaires, est donc pur produit de notre imagination, de notre capacité à fabriquer des effets de causalité, des histoires, des dispositifs, des morales.

 

L’imagination, me semble-t-il, est une façon de ramener à la mémoire un événement que l’on n’a pas vécu (ou certainement pas directement, ou entièrement,…) mais dont on sait suffisamment de choses que pour en faire sa propre expérience. Cette imagination s’appuie donc sur une expérience à côté du semblant de réel passé dans la fiction. Cette imagination appelle à elle pour se développer un carburant qui n’est pas le « réel » mais le « vécu ». Le vécu étant ce qui reste de notre expérience flottante passée par le récit.

 

Il n’y aurait donc pas de vécu sans récit ? Je dirais plutôt qu’il n’y a pas de vécu auquel l’acteur-narrateur peut rendre justice sans récit.

 

Et ce passage par le récit, c’est l’imagination. Ce passage par le récit conditionne la vraisemblance, la vérité, la sincérité, le sentiment de réel du lecteur, …Le récit organise et est organisé par ces fameuses lignes dont parlent Deleuze et Guattari [3]

Ils distinguent trois types de lignes pour tenter de comprendre, et de faire le récit de nos vies: la ligne dure, la ligne souple et la ligne de fuite.

Les lignes dures sont celles des dispositifs de pouvoir. Les lignes souples sont histoires de famille, pensées flottantes, rêveries, paroles légères, secrets de famille,… Et enfin, les lignes de fuite qui rendent compte des véritables ruptures, de celles qui rendent libres, qui nous font échapper aux lignes dures, qui filent dans des territoires en train de se construire pendant notre déportation hors des territoires obligés.

C’est sur ces lignes de fuite que l’imagination s’appuie le plus, me semble-t-il. L’imagination semble être le produit d’une capacité de l’individu à construire des territoires de liberté autres que ceux du pouvoir par exemple, éclairés par les lignes dures.

Cette imagination, cette façon d’ouvrir l’imagination n’est pas neuve mais peut-être que notre temps aux compétences variables, où le corps n’a palus le même rôle, la même fonction qu’au vingtième siècle, que le territoire de l’intime de plus en plus « extime » par les effets de réseaux, de copier-coller, de boucles sans fin, de sampling, d’échanges permanents, peut-être que l’imagination aujourd’hui est plus libre qu’il y a cinquante ans. Nous sommes manifestement plus libres de pouvoir nous immerger dans des expériences provisoires, segmentaires, aléatoires même. Nous sommes à même de nous connecter à des champs d’expériences qui éveillent à chaque visite des mémoires latentes, les stimulent, les organisent secrètement.

A notre insu, nous nous construisons bien évidemment une mémoire d’expériences collectives, que nous sollicitons, comme étant nôtre par cette machine molle de l’imagination. Nous refaisons, par imagination, le chemin inverse qui revient du collectif vers le privé, nous rapatrions (du territoire des pères) des expériences dont nous ajustons la validité intime par le récit qui joue et triche allègrement avec les éléments épars que nous connaissons et qui restituent donc leur dimension d’expérience par le récit.

 

©Cet article a été écrit (Bruxelles, février 2013) comme tentative de réponse à une série de questions ou de réflexions exprimées dans le cadre des ateliers littéraires et des ateliers d’écriture que j’anime. Mais il semble aussi que le statut de la fiction est de moins en moins clair pour la plupart de mes contemporains. Vérité, fiction, réel, vécu, …l’imagination est au centre, donc. 

Calligraphisme de l’auteur


[1] F. Scott Fitzgerald, La longue fuite, éd. Rencontre, Lausanne, 1964, coll. « La petite ourse »

[2] Les Métamorphoses, Ovide, Flammarion, Paris, 1993

[3] Deleuze et Guattari citant Fitzgerald, Mille Plateaux, éd. Minuit, Paris, 1995.

http://www.transversel.org/spip.php?article437

 

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Cabanes /14

Posté par traverse le 13 février 2013

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Il court l’ogre, il court tant qu’il peut et les voix ne disparaissent pas, ce sont des voix mêlées, des murmures, des cris, des couinements, des soupirs, tout ce qui construira peu à peu la langue en lui mais il ne le sait encore, alors il court en espérant que dans la vitesse de l’ogre, les voix resteront hors de lui, derrière lui.

 

Epuisé, il s’arrête d’un coup et le silence se fait, un lourd silence qui bat avec son cœur. Ca lui arrivera souvent à l’ogre, cette chamaille en lui mais plus tard, bien plus tard, alors il écrira pour débrouiller les bruits.

 

Il ne faut pas se le cacher, l’ogre est mal, mais c’est la marche-à-suivre pour grandir jusqu’à l’ogre adulte. Alors, il se dit qu’il faudra qu’il s’organise mieux dans la forêt, que les baies ne suffisent pas à son appétit et que la chasse n’a pas été bonne.

 

La nuit, comme un loup solitaire, il ira vers les maisons ramasser ce qui traîne et s’approvisionner. Maintenant il va retourner vers la cabane et la consolider. Le temps de la cabane est toujours plus long que prévu et quand la cabane n’est pas assez solide, il ne reste que les buissons qui sont la première forme des cabanes.  Et des buissons sont toujours nécessaires à l’ogre qui se cache.

 

Il amasse des branchages, des brassées de feuilles sèche pour sa couche, il resserre les liens du toit, construit un porte sommaire contre le monde du dehors pour que la nuit lui laisse du répit. Cela lui prend des heures et la nuit est tombée quand il se relève enfin de toutes ces activités urgentes.

 

Combien de nuits compte une vie d’ogre? Il se donne pour projet de faire le calcul pour mieux comprendre le temps qu’il faut à l’ogre pour être libre. Mais il ne sait pas encore tous les calculs nécessaires pour apprivoiser l’éternité. Alors, il se dit qu’il recommencera demain quand il aura du papier et un crayon pour retenir les comptes et mieux distinguer ce qui est de ce qui reste.

 

Il regarde la cabane, elle est rassurante, demain, il pourra aller à la recherche de provisions. Maintenant il est temps de dormir. Il s’étend sur les feuilles sèches, se détend, entend son grand matelas bruisser sous son corps déplié. Il est heureux. Il dort.

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« Lee » de Italia Gaeta et …l’adoption

Posté par traverse le 11 février 2013

Le dimanche 17 février de 15 à 17h, à la Librairie Cent Papiers 

(23, avenue Louis Bertrand – 1030 Schaerbeek)

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A l’occasion de la sortie récente de son livre 

« Lee, histoire d’une adoption »,  

l’auteure,  Italia Gaeta, répondra à vos questions et lira des extraits.

Une rencontre autour de la réalité de l’adoption  animée par Florence Calicis (psychologue)

et Daniel Simon (Directeur Collection Je - www.couleurlivres.be) avec le public….

Tous les titres de la Collection Jehttp://traverse.unblog.fr/files/2012/12/tract-coll-je-fevrier-2012-mail.pdf

Entretien Italia Gaeta et Daniel Simon: http://traverse.unblog.fr/files/2012/12/italia-gaeta-lee2-1-2013.mp3

 

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          Et déjà une annonce pour les prochains Feuillets de corde

Photo  (Ben Weisgerber) – Texte (Italia Gaeta)

« Le temps qu’il nous reste »

Dimanche 10 mars de 15 à 17h, à Cent Papiers.

Bienvenue pour VOS lectures sur le thème et le verre de l’amitié.

Les textes lus seront déposés sur le Site www.traverse.be et enregistrés.

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Bruxelles-Varsovie

Posté par traverse le 5 février 2013

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 1.

 

Bremond se croyait invulnérable.  Cela dura le temps de quelques certitudes et de son amour avec Edith. Il était d’un caractère conciliant et Edith s’en contenta.

Quelques mois plus tard il imagina, à l’occasion d’une rencontre qu’il croyait sans suite majeure, de doubler la vitesse de sa vie.

Il faut être schizophrène pour ne pas devenir fou

Il se disait que plus rien ne tournait vraiment rond et que l’état du monde l’autorisait à jeter sur le feu sa part d’huile. Il prit des maîtresses. Il s’y abandonna plutôt mais il s’essouffla vite.

Il vivait à Bruxelles, dans le quartier de la gare Léopold, depuis quarante-huit ans exactement, enfance et adolescence comprises.  Sa carrière au Ministère des Finances ne lui avait apporté jusqu’ici que la modeste satisfaction des hommes sans histoires dont la retraite, probablement, allait être confortable.

L’échéance approchait lentement et l’ennui grandissait comme un crabe.  Un ennui qui lui faisait encore confondre une escapade avec une histoire de passion. La tension que lui occasionnait la gestion de ses doubles agendas (il apprit cependant à mentir le sourire aux lèvres) et un certain sens du confort le ramenèrent vite à la raison. Plutôt, elle lui tomba sur les épaules comme un puma quand il comprit qu’il n’allait gagner à ses aventures que de la confusion. Le crabe étendait ses pattes.

Il se soumit alors au poids de la bête.  Il chercha de nouvelles échappatoires à la vague paresse que devenait peu à peu la ligne étirée de son chemin sans histoires.  Il travailla plus durement encore, cela ne changea rien.  Plus tard, il s’essaya à l’absentéisme.  On ne lui en tint pas rigueur.

Un jour, dans une taverne à la vodka facile, un homme d’une soixantaine d’années, les mains gonflées et le visage coupé au couteau lui avait fixé rendez-vous. Ca l’amusa, l’intrigua, l’excita et il se rendit au lieu-dit.

L’homme, Adam Stefanski, exigea de lui, dans l’heure, toutes les explications à propos de sa déclaration d’impôts qui aurait été mal interprétée par  le Ministère des Finances où travaillait Bremond. Des suites désagréables avaient plu sur l’homme qui venait s’ébrouer avec une gueule de chien battu qui attendait la première occasion pour mordre.

L’homme venait de Pologne.  De Poznań exactement. Il avait travaillé plusieurs années en Belgique pour une entreprise de transport. Bremond ne comprit rien à ses salmigondis et se dit que celui qui commençait à le rendre responsable de ses malheurs avec l’administration cherchait un pigeon sur le Net pour lui faire cracher ses économies. Il l’avait piégé et tentait une réparation financière en compensation. Du chantage, pensa Bremond, une maladie de nouveaux riches. Mais en regardant Stefanski, il devait se tromper. Son interlocuteur l’avait tout simplement repéré en faisant le pied de grue devant le Ministère et il l’avait suivi. Bremond respira.

 

2.

 

Bremond avait réglé rapidement les problèmes d’impôt d’Adam Stefanski. Ils avaient sympathisé, bu longuement et s’étaient embrassés en se promettant de se revoir en Pologne au plus tôt. L’homme ne savait comment exprimer sa gratitude.  Il parlait sans arrêt, agitait ses grosses mains et proposa à Bremond de l’inviter en Mazurie lors de prochaines vacances d’été.  « Non, non, c’est très gentil, merci, je serai en famille en Belgique… », répondit Bremond. «Alors un week-end à Poznań ou à Varsovie ?», comme il voudrait.  On pourrait le loger.

Les mois passèrent et l’homme insistait toujours.

Un matin, il reçut un courriel lui indiquant les horaires de train pour Varsovie.  On était en décembre et la ville était particulièrement belle et accueillante dans le froid qui purifiait les âmes sensibles comme la sienne, écrivait Adam Stefanski en ajoutant un sourire au bas de sa lettre. Il précisait aussi que sa vie avait changé depuis l’intervention de Bremond et qu’il était en dette.  Il insistait vraiment. Bremond accepta.

Il prétexta un voyage d’études, sut convaincre sa femme de l’importance des relations nouvelles Est-Ouest en matière de maîtrise de flux financiers et acheta un billet de train. Il prévint Stefanski qu’il partirait à la fin de la semaine.  « Trois jours pas plus », précisa-t-il.  L’homme le félicita de son choix et c’est comme si il lui empoignait le bras de ses grosses mains gonflées pour l’arracher à sa vie bruxelloise.

Le train roulait depuis des heures dans la campagne allemande, traversait les friches industrielles de l’ancienne RDA et Bremond adorait ça. Cette traversée à la vitesse du vingtième siècle lui donnait le sentiment de sortir lentement de l’histoire avant de pénétrer dans une autre. C’était un glissement d’un monde dans l’autre. Les soubresauts de l’époque avaient tendance à se tendre jusqu’à une sorte d’asthénie. Plus il avançait vers l’Est, plus violente était sa stupeur devant une  une société piquée au curare. Un poison anesthésiait tout semblant de morale, de justice ou d’autre simagrée démocratique. La peau tait tendue sur le corps de l’Europe comme après un lifting particulièrement outrancier. Ca allait craquer, on ne savait pas encore où, mais ça allait craquer et quelques déchirures définitives commençaient à apparaître ça et là. A une centaine de kilomètres de Varsovie, la glace bloque les voies. Une équipe de pompiers de la glace intervient alors au lance-flammes. Des jets de napalm sur le glacis qui fond. Il pense à sa vie bruxelloise, à ses horaires, à ces tunnels encombrés sur le périphérique, aux crises minimalistes qui semblent jouer la fin du monde, à l’ennui confortable d’une capitale où tout se joue en douce. Il pense à Edith et il s’offre, devant le spectacle en ombres survoltées, un moment de mélancolie. Anna Karénine ou Apocalypse Now ?

Où commencent les adieux ? pense-t-il en scrutant les flammes.  Où commencent les signes des dernières embrassades ?  Ici, peut-être, murmure Bremond.  Ici, dans le froid et la glace, les ténèbres et cette fausse joie des hommes qui croient arracher un peu des effrois de leur cœur en balançant leur napalm sur la plaine assommée.  Les adieux sont  des accidents préparés.  A peine entendus quand ils sont attendus.  .

Ici, pense-t-il encore, ce serait le moment, le bon endroit.  On prétexterait l’extravagance de la situation, on saisirait l’opportunité de pouvoir détourner la tête vers les flammes extérieures pour laisser les yeux rougir en toute impunité.  On parlerait à peine, dans le vacarme des hommes et du feu qui gronde.  On hésiterait à se serrer les mains, la température suffirait pourtant à imposer ce geste rassurant, on comprendrait devant tant de forces déployées que la faiblesse et le consentement sont encore  ce que nous avons de plus précieux.  Il suffirait de mêler notre voix à celle des autres voyageurs, de tendre le cou vers le magma crépitant à la tête du train et de se laisser envahir par cette évidence que nous sommes, nous aussi, arrêtés dans notre course.  Que nous avons soufflé les flammes bien des fois contre notre silence et notre incompétence.

Les lèvres gercées de Bremond mettent un terme à ses réflexions en se desséchant à la chaleur des lance-flammes tout proches. Edith… murmure-t-il, il faudrait que tu puisses voir l’impuissance de cette armée de forgerons malhabiles, équipée de briquets dérisoires…  Il faudrait que tu voies la glace se reformer dans sa coulée pour accepter l’idée que c’est ici le début des adieux, que c’est très précisément dans ce train de Varsovie, arrêté dans son élan poussif, que nous commençons à nous séparer. Edith, tu comprendrais cela devant tant d’acharnement dérisoire.

Le feu tente de s’accrocher aux voies graisseuses, quelques étincelles volent dans une odeur douceâtre de pétrole et de sucre carbonisé.  La glace résiste, presqu’insensible, reculant à peine de quelques mètres dans la nuit, dans un glissement humide et rauque…

 

3.

 

Elsbieta. Il l’avait rencontrée lors d’un voyage à Varsovie le temps d’un week-end. Des amours passagères, les euros faciles, un temps sans lendemain, Elsbieta avait été séduite par ces gâteries de passage. Bremond, là, roulait sur l’or et profitait ainsi de ces violentes inégalités qui faisaient l’Europe. Il fallait être fou pour ne pas en profiter. Le travail au noir était devenu la norme pour beaucoup et chacun se débrouillait pour survivre. Bremond l’avait compris et ses minitrips dans les villes de l’ancienne Europe communiste lui ouvraient des perspectives impensables au pays. Elsbieta était joyeuses en sa compagnie, sauvage et cultivée. Elle aimait le champagne. Ils s’étaient revus régulièrement.

Adam Stefanski avait organisé une fête pour remercier son bienfaiteur des Finances comme il disait et ce soir-là, Bremond joua son rôle de Prince de pacotille.

Elsbieta était belle, intelligente et grave. Il avait vite compris qu’une relation avec elle mettrait sa vie en danger mais elle le regardait de dessous, en souriant. Il prit ça pour une grâce et fut conquis.

 

4.

 

En vidant la baignoire, Bremond voit tournoyer quelques longs cheveux blonds dans le goulet qui lance ses derniers gargarismes. Comme les échos de l’amour enivré qu’il lui fait parfois.  La salle de bain est baignée de buée quand elle ouvre la porte.  Il se penche lentement vers le fond de la baignoire.  L’émail est propre, écaillé par-ci, par-là, mais plus aucun cheveu ne s’accroche aux lèvres du goulet.  Il se sent mieux et s’aperçoit de sa présence.

- Mon Chérrri…

Elsbieta appuie son roulement de r naturel comme il le lui a appris.  Elle s’efforce, en sa présence, de parler un français marqué de son accent slave.  Question de fantasme, avait-il un jour expliqué mais elle avait compris que ses fantasmes étaient généreux et elle s’était pliée à ce caprice.

-  Mon Chérrri, Juliusz vient de téléphoner…

-  Quelle heure est-il ?

-  Six heures, tu as tout le temps, ton train part à dix heures…

-  Qu’est-ce qu’il veut ton Juliusz ?

En ajoutant le possessif, il sut qu’il la renvoyait à l’instant à ses heures de solitude.  « Son » Juliusz appartenait au temps de l’absence, où elle se retrouvait livrée aux manigances, aux files interminables, à son lit sans vagues.

Juliusz était traducteur de Saint-Simon et vaguement amoureux d’Elsbieta. Il avait rencontré Bremond lors d’une soirée au théâtre. Juliusz était sympathique, pas encombrant et sans danger, pensait Bremond. Il s’employait, la plupart du temps, à émailler ses déclarations de citations épouvantables et délicieuses…  Saint-Simon le ravissait, ses injures, ses rages, ses fusées le clouaient dans la lecture comme l’écrivain l’avait été sous sa soupente d’écriture. Elsbieta appréciait Juliusz, désargentée mais cultivé, Juliusz qui courbait le dos devant la bête désespérée et orgueilleuse de la culture. La virtuosité consacrée à une œuvre aussi parfaite d’amertume et de méchanceté méritait le plus grand respect, disait Juliusz.  Il ajoutait qu’on assistait chaque jour au massacre de la nuance, que Saint-Simon à lui seul, aurait suffi à saborder tous les débats médiatiques de l’époque.  Juliusz détestait ce grand pas vers le neutre que le monde semblait faire avec délectation.  Toutes les excitations, tous les emportements étaient frappés du même chiffre : une profonde neutralité.  Même si elle prenait la forme bien souvent de l’excès et du risque calculé…

Derrière cette attitude d’apparente passion se profilait le masque de la lâcheté.  Juliusz acceptait le gris, ses variations infinies et tristes.  Mais il détestait l’habitude de Bremond qui était de toujours entreprendre la comparaison d’un monde avec l’autre, de s’essayer à l’affrontement de la vertu avec vice.

 

5.

 

         Elsbieta sentit l’agression.  Elle cessa de rouler les r du « chéri » et agrafa sa jupe en se déhanchant de façon trop appuyée.

-  Mon Chéri, Juliusz s’est proposé de te conduite à la gare.  Il passera nous prendre à neuf heures.  Il faudra rouler doucement.  Ils annoncent moins vingt…

Un temps.  Bremond a l’air effondré. Rongé de l’intérieur, comme si une lente implosion avait aspiré ses dernières forces.  Elle sait que déjà, chez lui, c’est la déroute, qu’il sent le temps qu’il vient de passer avec elle à Varsovie, s’écouler d’un coup, comme l’eau de la baignoire.  Qu’il lui faudra s’approprier bientôt un autre temps, celui de Bruxelles, plus lent, plus économe. Juliusz disparaitra bientôt dans ses recherches littéraires et le monde retrouvera sa calme obscénité.

L’implosion lui perfore l’estomac.  Il entend, à travers le vasistas de la salle de bain, le bus freiner sur la neige glacée.

-  Embrasse-moi…

Elle se penche vers lui et il entrevoit ses seins dans l’échancrure du chemisier noir.  Dernier cadeau avant la nuit.

 

6.

 

Longtemps, il n’y a eu qu’Edith et Elsbieta.  Elsbieta et Edith. Trop longtemps car elles appartiennent maintenant à un temps déjà lointain, presque éteint, quand il les appelait  toutes deux, dans une double intimité, « mon cabriolet ».  Il avait d’abord dit « mon cabri », Elsbieta lui avait répondu que le cabri se cuisinait au lait, d’où ce surnom peu féminin mais qui les faisait toujours rire…  Peu à peu, le cabriolet devint la seule marque de tendresse qu’il osait partager entre Bruxelles et Varsovie.

Ses habitudes polonaises, des largesses de Prince de province vidèrent vite son compte. Quand il rentrait en Belgique, ses débordements récents remontaient à la surface, des réflexes de générosité facile lui collaient à la peau. La culpabilité le clouait. Ce qu’il offrait à Edith, il le devait à Elsbieta et inversement. Il emmena alors Edith dans les meilleurs restaurants, comme il le faisait à Varsovie avec Elsbieta. Mais une monnaie ne valait pas l’autre. A ce rythme, Bremond s’endetta. A ce rythme Bremond sombra. A ce rythme, Bremond coula seul. Edith et Elsbieta s’étaient depuis un moment séparées d’un homme devenu sinistre au cœur de fêtes de plus en plus vides.

Bremond s’est retrouvé sans désir, un beau matin. Sans aucune envie de sortir de chez lui. Il ne quitta plus son appartement, se cassa comme une vitre, vola en éclats et personne ne voulut se pencher sur le moindre fragment.

Quelques semaines plus tard on apprit la mort de Bremond par arrêt cardiaque.

Edith et Elsbieta vivent toujours sans illusions à Bruxelles et Varsovie. La crise est passée, elles ont vieilli sans histoires, le temps s’est refermé sur elles dans le vacarme des joies nouvelles.

 

 

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Ah l’inconscient, et tout est dit

Posté par traverse le 4 février 2013

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Vous le dites, une fois encore que l’inconscient et patati et patata, et des phrases, vous avez de belles phrases à propos des générations contenues en nous, de cette mémoire collective qui serait enfouie au fond de nous, vous répétez, l’inconscient et tout le monde opine ou se tait car qu’y a-t-il à répondre, les anges n’ont pas de sexe, nous sommes bien d’accord, l’inconscient, la belle affaire et on s’arrête au bord de cette formule, dans la plus parfaite conscience que personne n’a rien en tête de senti qui pourrait nous ouvrir quoi que ce soit d’autres que des fadaises freudiennes à la mode IKEA, des turlupinades affectées de culture prête à tout, l’inconscient et l’écriture a trouvé son soigneur, elle pourra à nouveau se mettre à la lisère du ring  devant la caméra, dans le vide, dans des tournures passées au moule des lieux communs de « l’insonscient » (Arthaud Rimbur, JP. Verheggen), ça y est, le mot est lâché, on, semble avoir compris qu’il n’y avait rien à comprendre, que ça se passait hors de nous et que cette polenta psy mal pétrie servira toujours là où on se trouvera démuni, là où le travail commence, cette baguenaudante vérité de l’inconscient viendra toujours nous remplir l’oreille pour faire en sorte que rien d’autre ni entre, culture du vide, du système centripète, cette ritournelle de l’inconscient apparaît de plus en plus dans les endroits où « ça » écrit et où « ça » devrait sortir mais non, « ça » se réfugie au pied du mur de  l’inconscient et tout est dit…

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Vous m’aviez dit, qu’est-ce que vous m’aviez dit ?

Posté par traverse le 3 février 2013

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Vous m’aviez dit, qu’est-ce que vous m’aviez dit ? Oui, vous m’aviez dit en me serrant la main que vous parleriez de mon livre, je suis resté un instant attentif à votre regard et je voyais que vous ne pensiez pas le traître mot de que vous disiez, parlez de mon livre, et pourquoi donc ? mais vous me serriez la main, me disant  « je parlerai de ton livre dans ma prochaine chronique » et vous gardiez ma main serrée comme pour faire passer dans la chaleur de ce serrement un peu de la sincérité que je ne vous voyais pas, mais vous me teniez toujours la main et je n’ai pu que dire  « Ravi, merci, très heureux ». ou quelque chose comme ça, parce que j’étais au même endroit que vous, je ne pensais pas un traître mot de ce que vous tentiez de me glisser dans la poignée que vous prolongiez,  je vais parler de ton livre et ce n’était évidemment pas le cas, vous ne parleriez de rien et cette poignée était probablement le seul temps que vous m’indiquiez être prêt à passer avec moi, vous-même sachant que cette poignée n’engagerait à rien, ne disait rien et ne prouverait rien, donc je vous remerciais en souriant et en me promettant de me souvenir également que pas un seul mot de ce que vous disiez n’avait jamais franchi vos lèvres sous la former d’une quelconque vérité, mais ce n’était pas la question, il s’agissait de mon livre et pas de votre personne dont ni vous ni moi ne pensions beaucoup de bien, alors vous me teniez la main en guise de morale littéraire, ou d’engagement, ou de promesse, enfin ces choses qui ne valent que peu dans les endroits où nous évoluons, et je vous regardais en me demandant si cette main je pourrais l’oublier aussi facilement que vous oublieriez votre ferme engagement en me lestant de votre sympathie, parce que vous êtes sympathique, vraiment, et cette sympathie qui fait d’un homme un lâche bien souvent, allait durer longtemps, au-delà de cette anecdotique poignée de main dont je me souviens encore ici en me curant les ongles.

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Peur de manquer

Posté par traverse le 1 février 2013

Un récit en chantier à propos de cette sale expérience, pauvreté, peur de manquer, la rue, la disparition dans les acronymes; posé ici pour le regarder de plus loin, de semaine en semaine, à suivre.

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C’est ça, dans la rue, plus rien devant soi, tout derrière, une panique qui s’éteint jour après jour, l’affaire est jouée, ça ne durera pas, il faudra retrouver des marques, ne pas se faire voler la nuit, trouver la bonne planque, vivre avec les poux et l’odeur, mal à l’estomac, les dents qui vont suivre, le temps n’existe plus, sauf des actes, des marques faites dans le jour et dans la nuit, au canif dans le mur invisible en soi, ne plus désirer, peut-être ne plus désirer que ce qui est important, la beauté, la joie, l’amour et toutes ces choses, mais désirer ce qui fait tenir vingt-quatre heures après vingt-quatre heures, quoi faire alors, que faire de tout ça, ce temps à disposition et qui ne sert plus, des frissons dans le dos, des crampes, disparaître peu à peu, dans la saleté et l’absence des autres, qui viennent de temps en temps, pas trop près, ça dépend, mais jamais facilement, une barrière à franchir, qu’on tient devant soi pour que ça ne recommence pas comme avant, y croire et toutes ces choses difficiles à perdre, alors les gens donnent un peu, beaucoup, pas du tout, ils passent, baissent les yeux, ça vous le savez, baissent les yeux parce qu’il savent ce qu’il y a derrière, ils ont peur aussi de manquer un jour, d’être là, alors ils s’en vont où ils disent ce qu’il faudrait faire, se laver, parler, aller dans un centre, s’occuper de soi, ne pas boire, et toutes ces choses qui sont vraies de loin, mais de si loin  que ça n’arrive pas jusqu’à vous, alors c’est ça qui arrive, vous riez à l’intérieur, vous vous dites qu’ils sont gentiment bêtes, toujours gentiment bêtes, gentils et bêtes, mais vous ne dites rien, vous demandez , vous ne dites pas , vous demandez, vous ne faites rien d’autre que demander, tendez la main, ou les deux, accrochez une portière de voiture, posez la main sur l’épaule parfois, rare, vous demandez, la tête droite ou penchée c’est selon, penchée c’est mieux, cassée même, encore mieux, tendez la main et demandez, ne dites rien, regardez bas, esquissez du regard parce que la trace serait marquée sur le visage de l’autre, il le croit, il le craint, alors vous glissez sur lui jusqu’à sa main votre regard, espérez que ça va marcher, que ça entraînera le mouvement de l’autre , de sa main, sans passer par la tête, de la main à la poche, et plus profond, de la main à la peur d’être là, c’est pour ça qu’on vous laisse ainsi, dehors, visibles, inquiétants, de la main à poche, de la main que vous avez peut-être touchée et qui vous inquiète, de cette main qui vous a laissé peut-être une marque, de cette main encore froide de la nuit ou de la mort qui va passer par là, peut-être, et vous êtes ici, relié par cette main qui se tend vers vous, rassemblé dans cet espace qui vous condamne à vous enfuir lentement, à vous hâter de baisser les yeux et il le sait, elle le sait aussi bien que vous, alors vous distrayez cela avec de la mauvaise humeur souvent, un  regard qui tombe, devant un autre qui glisse, une tête cassée, un corps penché ou recroquevillé sur une paillasse, une vieille couverture, vous êtes dans le champ de bataille soudain mais vous n’êtes pas prêt, vous savez que vous êtes vaincu à cet instant, trop de choses se passent en ce moment, trop de sentiments que vous reléguez aux ordures, vous savez que vous allez passer et répondre mais demain, plus tard quand ils ne seront plus là, quand ils seront uniquement des personnages de conversations, qu’ils seront de purs objets de risée, de jugement et d’apitoiement, vous serrez alors plus convainquant à tables avec des amis, des gens normaux qui ont peur comme vous et qui le disent en se fâchant, en parlant de mafia, d’abus, de détournement, d’exploitation et cela est vrai certainement, dites-vous, parfois oui, souvent, je ne sais pas, pas toujours en tout cas et c’est ce « pas toujours »  qui vous fait toujours hésiter, vous ne voulez pas tomber dans le toujours ou le pas toujours, vous voulez rester libre de dire oui ou non mais à ce moment de quelle liberté s’agit-il, dites-vous ce soir-là avec vos amis, de quelle liberté, en ce pays ou nous vivons, de quelle liberté, et vous reprenez de la salade ou buvez un coup et parlez d’autre chose, mais trop tard, c’est dit, c’est dans l’air, c’est sorti et ça contamine tout, alors vous vous dites que vous allez y réfléchir pour savoir comment faire, comment réagir, mais vous ne réfléchissez pas vraiment, vous hésitez à y réfléchir, vous avez peur d’y réfléchir, et votre femme, ou votre mari, votre compagne, amoureux, enfants et cie ont peur aussi mais chacun garde ça pour lui, parfois vous en parlez mais c’est rare, il faut l’occasion et quand elle vient, vous la chassez d’un geste, trouvez quelque chose à faire, pour rester ici et ne pas se retrouver là.

(…)

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Littérature en voyage…

Posté par traverse le 31 janvier 2013

L’Ubiquité du voyageur/Maison Belgo-Roumaine

 

L'Ubiquité du voyageur/Maison Belgo-Roumaine

7 x croisements littéraires et plaisirs artistiques à Bruxelles

 

1

Jeudi 7 février 2013, à partir de 19h00

La littérature en voyage

Gjovalin Kola, écrivain albanais vivant en Belgique, raconte l’histoire méconnue de la dissidence en Albanie sous Enver Hoxha.

Patrick McGuinness, écrivain irlandais qui a récemment publié le roman ‘The Last Hundred Days’, évoque les derniers jours mouvementés de la dictature de Ceausescu.

Daniel Simon, poète bruxellois, fait une lecture-performance du texte

« L’ubiquité du voyageur ».

fichier pdf L’ubiquité du voyageur

Projection du film « La dernière fois que ma mère est morte »

(D’après « Quand vous serez », MEO, 2012, 10 min.) de Jacques Deglas.

fichier pdf La dernière fois que ma mère est mortevidéo

Présentation de quatre toiles de Calligraphismes: Saisons du voyage I, II, III, IV. 

Le poète bruxellois Fouad Sounni récite des textes du poète perse du onzième siècle Omar Khayyam et présente des extraits de son propre recueil Les portes de la mer.

Frank De Crits, poète bruxellois connu pour son sens de l’ironie et de l’euphémisme, anime la soirée et lit des extraits de son œuvre.

L’encadrement musical de la soirée est assuré par Azzouz El Houri au luth arabe et des improvisations au piano. La soirée littéraire s’achève en musique avec Quentin au Piano B-Art.

Entrée libre

Traduction, le cas échéant, en néerlandais et en français.

Arthis – La Maison Culturelle Belgo-Roumaine, Rue de Flandre 33, 1000 Bruxelles

 

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Face à face

Posté par traverse le 30 janvier 2013

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fichier pdf face à face

 Récit

1.

 

Il semble que ça a commencé comme ça…Il a perdu une dent. Bêtement, en tombant. Une incisive. Un trou noir. Le reste est encore plus simple, pas suffisamment d’argent et le trou est resté. Mais il n’a plus souri. Il a d’abord porté sa main à sa bouche pour masquer le trou. Mais on ne regardait plus que ça. Alors, il a fini pas retirer sa main et à parler, comme ça. On ne l’écoutait plus de la même façon. On regardait le trou et on avait peur de tomber dedans. Pourquoi ce trou n’était-il pas bouché ? On savait et on avait peur.

 

Il ne savait pas que cette dent changerait tout, que les regards l’éviteraient, que sa femme même, quand elle le revit un soir pour une futile raison, sa femme qui l’avait quitté quelques mois auparavant et qu’il n’avait pas vraiment regrettée, sa femme si attentive à la moindre irrégularité, sa femme donc, l’avait planté là, au milieu de ses affaires en désordre, dans l’usure d’une vie d’hésitation et de raccords douteux. Elle avait regardé sa bouche, elle avait fait « Oh ! » et elle s’était écartée d’un pas.

 

Il tenait un journal de sa dérive et écrivit ce soir-là,  sans passion particulière, dans une paresseuse sérénité : « Ca y est, mon compte est bon. Cette dent et plus un sou, plus rien qui me donne envie de me réparer, il suffit maintenant d’attendre. Tout se fera sans moi. »

 

Il nota aussi que les histoires se mêlent pour n’en plus faire qu’une, une sorte d’histoire générale où nous jouons les figurants intelligents, quelques mots de-ci de-là, des enfants, des maladies, des espérances somptueuses, des amours trop courtes et hop, l’histoire générale est en nous. Nous sommes des transporteurs. Il écrivit encore quelques impressions générales sur le temps qui reste et il referma le journal. Il ne l’ouvrirait plus de la suite.

 

Le vent frappe les vitres de son appartement, la pluie glisse lentement dans des illusions de tempête marine et il regarde ce dehors qui l’effraye et qui le force à se relever, chaque jour, à ouvrir une fois encore la porte et à sortir sans cette dent.

 

Il cherche à faire le compte de ce qui le jette à terre depuis le début. Peut-être, cette pauvreté qui se referme en lui n’a d’autre issue que de le faire vaciller avant de l’amener à choisir un soir sa façon de tomber.

 

Il tente de comprendre ce qui l’intrigue dans cette chute. Il se remémore, il enregistre, il capte, il tente d’enrayer la logique des images, il bouscule les scénarios simplistes, il cherche des erreurs de composition, il fabrique des théories fumeuses, il prend des poses devant l’inattendu qui vient, il explore ce qu’il ne fait qu’entrevoir et qui se rapproche, et aujourd’hui, il le sait,  c’est cette dent manquante qui le fait tomber. Il a le visage des pauvres qui ne se regardent plus, qui ne se pensent plus dans le regard des autres. Il a rassemblé en lui des indices de pauvreté qui trainaient sur ses traces. De petits indices qu’il faisait comme s’il ne les avait jamais aperçus. Mais il savait qu’ils étaient là, que lentement ça se déréglait, qu’il s’épuisait et que ça ne le préoccupait plus suffisamment, cet épuisement qui le tenaillait, il était au bord, il allait tomber, il le savait mais où et quand ?

 

2.

 

 

Cette dent est le dernier fil rompu. En quelques semaines, il est nu. Son emploi passe à la trappe des restructurations, son appartement devient alors trop cher, sa voiture tombe en panne, tout dérape et sa dent perdue le plante définitivement dans le décor.

 

Un ami l’héberge, cela dure quelques semaines, et logiquement, il se fait détester. C’est sa façon de se soustraire au soutien qui le renvoie à sa déliquescence…

 

Il passe l’hiver d’abris en abris, de samus en samus. Au printemps, il avait perdu trois dents.

 

Un assistant social lui propose de constituer un dossier pour lui obtenir l’aide nécessaire, on ne sait jamais, pour le tirer d’affaires. Mais il fait capoter le processus. Il restera sans dents, un point c’est tout.

 

Qu’importe, il faut y aller et tenter de ne rien soustraire au décompte, se dit-il, mais aussi loin qu’il se souvient, il se rappelle des larmes.

 

3.

 

Le printemps fut bref, l’été, arriva en cascades de moiteurs et de robes colorées. Ca lui plaisait de regarder sans avoir l’impression d’être vu. Il était devenu une silhouette, il encombrait un peu, mais on pouvait l’éviter sans effort. C’était un éclat dans la toile, simplement.

 

Il prit la décision un matin d’écrire une lettre. Une lettre à une association qui s’était occupée de lui un temps. Il voulait leur écrire sans plainte mais leur dire. Cette lettre commençait par quelques formules de politesse un peu vieillies et le texte qui suit. On dira plus tard qu’il avait tenté de se remettre sur pieds en choisissant un ton profératoire, qu’il s’était décidé à relever la tête, le temps de cette lecture…

 

« Il y a donc …

 

Les pauvres qui baissent la tête à la file au Centre public d’Aide social et ceux qui la relèvent dans le même lieu, les pauvres qui ne se montrent pas comme tels, les pauvres qui en remettent de saleté et de dégoût d’eux-mêmes, les pauvres qui nous rabattent le caquet de leur noblesse mesurée, les pauvres qui trainent la patte parce qu’ils ne savent plus que c’est une jambe qui les porte, pauvres d’esprit, de corps, de biens et de maison, pauvres de colère et de miséricorde, pauvres de pardon et de justice, pauvres de haut et de bas, de brève fin du jour et de nuit enneigée, pauvres d’horizons rétrécis et de ciels absents, pauvres de toutes sortes et de toutes couleurs, pauvres pères, mères et enfants, pauvres d’hier et d’héritage, pauvres sans merci ni soupçons, pauvres soudains et pauvres de longue haleine, pauvres rêvant du passé des autres et se vautrant dans le présent des absents, pauvres silencieux et pauvres dans la répétition discrète des sanglots, pauvres indiscrets et pudiques, pauvres puants et pauvres javellisés, pauvres excédentaires et pauvres résiduels, pauvres statistiques et pauvres ergonomiques, pauvres soucis pour les moins pauvres et pauvres gens pour l’ordinaire.

 

Ni haleine, ni souffle ni sourire, ni fleurs aux lèvres ni brindilles qu’ils mâchent, ni dents, estomac et bientôt ventre, ni jambes, ni bras, ni peau, ils marchent sans aller et vont où ils marchent sans le goût d’un retour, d’un endroit, d’une chose laissée et qu’ils voudraient saisir, ils n’ont langage ni paroles d’échanges, pauvres de froid et de chaleur, pauvres de caresses et de touchers légers, pauvres de confiance et de regards, pauvres du peu et en deçà, pauvres de mer qu’ils ne peuvent boire et de montagne qui les écrase, pauvres de livres et d’images aimées, pauvres de musique douce et de chants rassembleurs, pauvres d’embrassades et de fraternités, pauvres sans dieu et pauvres de dieux tout aussi pauvres, pauvres, il leur faudrait pour ne plus l’être, peut-être, une des ces choses ou plusieurs, on ne sait ce qui comble la peur des pauvres ou celle de ceux qui ne le sont pas encore :

 

-                                 une chanson qui revient le matin

-                                 un tablier pour la cuisine des amis

-                                 un mouchoir blanc pour ne jamais s’en servir

-                                 des allumettes au fond d’une armoire haute

-                                 des sous pour les courses demain

-                                 du miel en cas de rhume

-                                 du rhum aussi si la toux est mauvaise

-                                 des draps bien repassés dans le fond d’un placard

-                                 chemises et pantalons

-                                 jupes et collerettes blanches

-                                 bas et chaussures sans talons

-                                 escarpins pour le soir et cape pour le gel

-                                 écharpe et gants au cas où

-                                 cartes postales et lettres parfumées

-                                 un lit et un édredon de plumes

-                                 du sel et du poivre pour la soupe

-                                 du sucre pour les gâteries

-                                 une haleine de femme

-                                 une barbe d’homme bien rasée,

-                                 une longueur d’avance

-                                 des nuits d’une seule traite

-                                 un médecin au cas où

-                                 des livres, parfois, ça peut servir

-                                 du vin qui ne griffe pas la gorge

-                                 des nouvelles qui ne font pas frémir

-                                 des trains sans qu’on doive y sauter

-                                 des flics qui se penchent vers vous

-                                 des enfants qui passent sans vous voir

-                                 des pestes qui ne vous touchent plus

-                                 des foulards rouges en souvenir

-                                 des photos de la mer l’année dernière

-                                 des senteurs de santal et choses inutiles

-                                 des promesses tenues et d’autres oubliées

-                                 des jeux d’ombres à la tombée du jour

-                                 des siestes que rien ne vient éteindre

-                                 du pudding et toutes ces choses oubliées

-                                 des mots croisés dans la salle d’attente

-                                 des femmes qui passent dans la vitrine soudain

-                                 des voitures qui klaxonnent en avant des mariés

-                                 des voisins qui s’en vont en vacances chaque année

-                                 un chien qui jappe en vous voyant au loin

-                                 des pièces retrouvées dans une poche de manteau

-                                 un merci qui vient comme une flèche

-                                 une nuit de décembre plus longue que les autres

-                                 et le jour qui s’y met, un peu plus chaque jour, à relever la tête

-                                 … »

 

4.

 

Il posta la lettre. Attendit une réponse, une simple réaction. La pauvreté prend tout son temps, les figurants sont innombrables, le rôle est riche et subtil, il attendit donc longtemps.

 

On l’invita –des revues associatives, des forums de quartier, des assistants sociaux, un éditeur même – à raconter son histoire de dent perdue et de sa vie qui avait filé par ce trou noir.

 

Il tenta de reprendre tout à zéro, les rendez-vous, les entretiens, les coachings gratuits mais il savait où ça allait le mener, et il ne le souhaitait pas. Ce qui s’était passé avant ne l’intéressait plus. Et il n’était pas sûr de savoir ce qu’il voulait.

 

Il se retira, il se tut, ne répondit plus aux rares contacts qui tombaient au goutte à goutte dans sa vie au ralenti.

 

Il préférait  ne pas continuer.

 

Il retourna dans la rue. L’hiver fut rude. On perdit sa trace.

 

 

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Cabanes/13

Posté par traverse le 26 janvier 2013

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Le sol est humide et le ciel froid. L’ogre regarde la tribu des arbres dans la lumière qui tombe, là, au cœur des buissons et s’émiette sur le sol.

Un craquement, il relève la tête lentement et face à lui, le tronc large comme un mammouth,  le géant se détend dans les soupirs du vent et déplie ses branches jusqu’aux nuages. L’ogre frissonne, il sait qu’il est devant le seigneur des lieux, il garde les yeux grands ouverts devant Sa Majesté dressée.

Il n’a pas peur, il se sent chez lui, il écoute, il pense. « Le petit chat est mort », pourquoi cette phrase lui passe dans la tête à cet instant, il ne se souvient même pas de l’avoir entendue, pourquoi un petit chat et pourquoi est-il mort ? D’où vient cette phrase qu’il murmure maintenant au milieu des images qui lui bousculent la tête ? Il entend d’autres phrases maintenant, mets ton écharpe, regarde en traversant, mon dieu est-ce bête, qu’est-ce qu’on fait là ?

Cela vient comme ça, ça se bouscule comme si des paroles venaient le rejoindre sans qu’il ne fasse rien pour les appeler. Des paroles qui lui viennent au milieu de la forêt, des paroles de rien, des paroles sans intérêt mais qui sont là soudain et prennent toute la place. Le vent secoue les branches et le silence revient.

L’ogre se  relève, il a les fesses glacées et besoin de marcher. Il se met en route et passe près de Sa Majesté en baissant légèrement la tête avant de s’enfoncer dans les taillis. Des baies, des fruits rouges éclatent dans un jus sanglant sous ses pas. Il marche encore et les phrases le rejoignent à nouveau.

Son père, sa mère, ses copains, tout le monde parle maintenant et ça fait un bruit de cour de récréation. Il est si triste soudain qu’il sent les larmes perler à ses paupières. Toutes ces paroles lui roulent à l’intérieur sans qu’il ne puisse rien arrêter, les arbres restent sans voix et les nuages sont suspendus au-dessus de sa tête. Tout est à l’arrêt et son cœur bat plus vite, il l’entend dans sa tête qui frappe.

L’ogre d’un coup a peur et se met à courir à travers les branches basses qui lui fouettent les jambes. Que se passe-t-il ?

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Qu’en faites-vous du gel et des béatitudes de l’été

Posté par traverse le 25 janvier 2013

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Qu’en faites-vous du gel et des béatitudes de l’été, qu’en faites-vous des guerres en votre cœur dans cet écart, qu’en faites-vous des effrois sur lesquels vous vous retournez quand le jour tombe en vous et que les familles se resserrent autour d’une lampe comme on se chauffe les mains aux braises des combats, qu’en faites-vous des nuits si longues que l’enfance a le temps de remettre ses pieds dans les traces anciennes, qu’en faites-vous des désirs qui se cognent aux réflexes des amours, qu’en faites-vous ?

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« Récit de vie, entre vérité et sincérité : la cohabitation difficile? »

Posté par traverse le 23 janvier 2013

« Récit de vie, entre vérité et sincérité :  la cohabitation difficile? » 019-300x93

fichier pdf Vérité et sincérité du récit de vie…DS

Présentation de la Collection Je par Daniel Simon et rencontre avec le public: 

Italia Gaeta parle de « Lee » (Collection Je, éd. Couleur Livres):

 Cépages-Italia Gaeta et Dabniel Simon-7ans-2ème partie

« Récit de vie, entre vérité et sincérité :

la cohabitation difficile? »

La « Collection Je » a sept ans !

et une vingtaine de titres à son actif…chez Couleur Livres.

A Cépages le 23 janvier 2013 à 19h.

« Quand vint Zarathoustra en la plus proche ville qui se situe à la lisière des forêts, il y trouva nombreux peuple assemblé sur  la place publique; car annonce était faite qu’on allait voir un funambule »

Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche

 

Quand Georges Steiner, dans « Réelles présences »[1] écrit que l’on peut écrire n’importe quoi sur n’importe quoi, il nous rappelle la puissance de l’infini du langage. L’infini se déplie donc dans le  langage et c’est cette dimension d’illimité qui est à la base de notre goût du récit, à la puissance de la littérature.

 

Le monde est circonscrit à notre perception, à notre conception et à notre représentation. Notre représentation est l’arche dans laquelle nous convions les étranges expériences que nous vivons, projetons, imaginons, et c’est dans cette arche que nous logeons les récits issus de ces expériences. Ce sont des récits opportunistes, marqués de la variété du ton, du style, de la langue, du corps de l’auteur dans ses relations au monde. Mais des variations contrôlées, des déclinaisons qui font la matière d’un récit acceptable par l’auteur. Des variations qui disent ce qui n’a pas eu lieu, – cela a eu lieu, bien sûr, mais jamais comme le récit l’avoue ou le rapporte -, et le récit restitue alors dans une forme de vérité relationnelle une mémoire nécessaire à l’auteur et acceptable par lui. Acceptable en ce sens ou elle agrée l’auteur dans ses propres « refigurations »[2].

 

Le récit est construit sur la narration arrêtée d’un fait qui flottait en nous. Cette narration organise le désordre  dans l’ordre du récit en liant les faits, les impressions, les paroles périphériques engrangées par l’auteur (jugements, commentaires, interdits, autorisations des tiers,…) dans le rapport d’un vécu que l’on nomme alors « réel ».

 

Le récit sera d’autant plus sincère qu’il rappellera avec justesse les circonstances de l’épisode vécu, c’est-à-dire qu’il le raccordera à ce que le lecteur pressent, « connaît » de ce récit dans un effet de découverte et en même temps d’anticipation des faits et de la narration.

 

La sincérité que nous évoquons ici, réside  donc aussi dans le fait d’offrir au lecteur le sentiment d’anticiper sur des vérités, des informations à risque que l’auteur va distribuer tout le long du récit.

 

Plus simplement encore, le récit annonce ce que le lecteur a en commun avec l’auteur et cette impression commune, fondée sur des dérives hors des « lieux communs », forme un sentiment de sincérité partagé. Cette sincérité est marquée d’aspérités, de signes ; des traces plus que des faits, des ombres plus que des surgissements.

 

Cet opportunisme de la création et en l’occurrence ici du récit de vie, s’appuie  évidemment sur des assises simples à première lecture : cohérence du registre et du niveau de langue, conséquences des faits mise en avant plus que le rapport des faits, évitement de la condescendance de l’auteur face à son propre texte ( autocongratulation, fausse naïveté, lieux communs annoncés comme des découvertes, pygmalisation de l’auteur par son récit, théâtralité des événements, commentaires pseudo-moraux, évitement du Je profond,…).

 

La sincérité s’avance donc prudemment alors qu’elle est sans cesse annoncée. Cette sincérité, qui serait la marque de la vérité de l’auteur, se moque donc des effets narratifs, elle a besoin du dévoilement de l’intimité de l’événement.

 

La vérité se joue dans la dimension de risque pris par l’auteur. C’est le fameux texte de Michel Leiris, « L’âge d’homme »[3] qui développe cette part de risque dans le récit autobiographique ou le récit de vie sous la métaphore de la « corne de taureau » (de la tauromachie dans la littérature http://authologies.free.fr/leiris.htm  et De la tauromachie dans la littérature Michel Leiris (PDF) ).

 

Dans tout homme, il y a un salon, un grenier et une cave. Paul Claudel

 

La vérité, qui suppose la descente dans la cave ou la montée au grenier de l’auteur se nourrit de l’établissement de faits réels, autrement dit, de faits qui ne se cachent pas derrière un semblant de réel de circonstance, générique, un topos, un stéréotype moralisant ou apaisant en regard de la norme, un simulacre de réel. Cette vérité s’appuie, pour atteindre le lecteur, sur des indices de sincérité dans la relation des événements, des émotions et sentiments dont l’auteur va piquer son texte.

 

Cette sincérité n’a pas à voir avec le naturel ou la spontanéité du récit uniquement mais plutôt avec la présence du corps de l’auteur dans son texte (éléments de somatisation, métaphores de l’animalité,  usages de la ponctuation, registres et niveaux de langue,…), également avec le franchissement de certaines zones d’impudeur singulière ou collective, …

 

Sincérité et vérité sont donc en contreforts réguliers dans le récit de vie. Nous pouvons constater à quel point le récit de vie collecté ou produit en atelier d’écriture revendique d’abord une simple et première reconnaissance des événements dans lesquels l’auteur a été plongé. Cette reconnaissance donne lieu ensuite à un passage par la connaissance de nouvelles dimensions de cet événement lors de l’écriture. Cette connaissance se manifeste par de soudaines découvertes faites au fil de l’écriture et c’est à ce moment stratégique que beaucoup utilisent le masque. Le fameux « personnage » de soi pour masquer le moi.

 

La vérité, ses phénomènes, ses causalités secrètes, peuvent se transformer en découvertes embarrassantes pour l’auteur habité du souci, et souvent de l’illusion, de sincérité. Cette cohabitation difficile devient l’enjeu de l’écriture du récit de vie : construire, par l’expérience du moi, une position dans le mouvement collectif du « on » qui a produit sa propre moralisation.

 

Cette déviance en « je » du récit collectif se nourrit d’une nécessaire sincérité d’écriture et livre alors, de façon distincte du lieu commun, une vérité propre à l’auteur, passée par la « configuration » de l’écriture (Ricœur).

 

La « triche », le « jeu », le simulacre, le détournement de faits, l’approche périphérique aident à ajuster la sincérité de l’auteur dans son texte pour mieux conduire vers le lecteur le sentiment d’une vérité…

 

Ces transmutations esthétiques, morales, factuelles des expériences peuvent être le fait d’une insouciance du processus développé ici (de nombreux récits de vie deviennent souvent des « récits officiels de soi » sans que l’auteur, pour des raisons diverses, ne souhaite aller au-delà des vérités générales et des points de vue génériques.) ou au contraire la volonté stratégique de protection que l’auteur va déployer tout au long d’un récit à plusieurs niveaux. L’auteur se donne alors pour tâche d’enfuir dans ce qui peut être dévoilé, des vérités qui ne peuvent être mises à jour.

 

Un jeu de montré-caché est souvent la règle du récit de vie. Un jeu de dissimulation et de dévoilement conjoints. Les lecteurs du cercle des intimes ne s’y trompent généralement pas…

 

Enfin, le récit de vie, souvent moulés dans la forme de jeux littéraires patents vite épuisés, parvient à atteindre un des objectifs que la sincérité de l’auteur se donne : se distinguer, se décoller, de l’image de soi construite par le collectif.

 

Cette façon de faire un pas de côté déplace chez l’auteur tout « l’appareil d’écriture » : il s’agira de dire en dissimulant, de taire en laissant entendre, de sembler faire face tout en provoquant le regard latéral et l’écoute de l’en-deçà.

DS


[1] Réelles présences, Georges Steiner, Gallimard, Paris, 1990

[2] Temps et Récit, Paul Ricœur, Seuil, Points, Paris, 1991

[3] L’âge d’homme, Michel Leiris, Livre de poche, Paris, 1985.

© Ce texte peut être diffusé sous la condition de citer sa source

23 janvier 2013, Bruxelles

Calligraphisme de l’auteur

 

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L’ubiquité du voyageur à la Maison Belgo-Roumaine

Posté par traverse le 21 janvier 2013

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L’ubiquité du voyageur

Performance, Calligraphismes et vidéo.

« Laisse ici ta valise ou ton sac, laisse tes arguments d’aventures mystérieuses, tes désirs, tes illusions d’humanité réconciliée, laisse ces phrases toutes faites aux généreux immobiles, plantés dans le décor de l’immuable, laisse au pied de ta maison ce qui t’appelle, laisse le plus, et le moins encore sera de trop…Laisse ce qui te lasse et lâche ce qui te blesse, laisse les steppes d’amertume et les embruns mélancoliques, laisse ces fardeaux qui ne trompent que l’ennui d’être ici, laisse ton ombre lentement gagner les saisons du passé, laisse… »

Extrait de « L’ubiquité du voyageur », inédit.

Le 7 février, à l’occasion du Festival « Interlitratour », à la Maison Belgo-Roumaine, j’aurai le plaisir d’exposer six toiles « Calligraphismes » réalisées pour l’occasion. Elles accompagneront une lecture-performance d’un texte inédit « L’Ubiquité du Voyageur » à propos de cette étrange aventure du « voyage immobile ».

Il y a dans le voyage, un fantôme, une double image, comme un écho intérieur à la résonance géographique du mot. Voyager devient vite s’arrêter et être. Voyager, c’est aussi s’évader, se mettre hors de soi et (pour ?) ne pas partir. Voyager, c’est aussi aller à un endroit qui n’existe pas et qui est sans cesse inventé par le voyage, voyager, c’est perdre pied.

Le 7 février, en compagnie de deux autres écrivains, Gjovalin Kola (Albanie) et Patrick Mac Guinness (Angleterre) et du poète Frank De Crits et soutenu par les intermèdes musicaux de Azzouz El Houri, je proposerai également le film de Jacques Deglas, d’après mon texte (paru aux éditions MEO, « Quand vous serez », 2012) « La dernière fois que ma mère est morte ». Une variation en hommage, un « Stabat Mater », une façon de rendre compte du premier et dernier voyage.

Et enfin, les « Calligraphismes » tenteront de saisir sur la toile, un autre mouvement, sur lequel j’ai longtemps écrit, et qui m’a inspiré un autre voyage imaginaire, le voyage à pied, de Transylvanie à Paris, en 1904, de Brancusi (« D’un pied léger », éditions Le Taillis Pré, 2006)…

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Rencontre avec Marie Bruyns et Daniel Simon/Soignies

Posté par traverse le 21 janvier 2013

A la bibliothèque de Soignies…

 Rencontre avec Marie Bruyns et Daniel Simon

« Le rire de Schéhérazade et autres récits »:

ce que les médecins humanitaires n’osent pas dire,

Marie Bruyns l’a écrit…

Le rire de Schéhérazade et autres récits

 

« Il n’y a qu’à toi que je peux raconter ce qui va suivre. Et je sais d’avance ce que tu vas me dire après lecture : repose-toi.

Tu n’imagines pas ce qui m’est arrivé ce matin.

J’étais en route vers l’hôpital d’Herat. Je marchais dans une rue curieusement baptisée Student street (il n’y a plus d’université ici), tranquille dans la douceur matinale. À peine un souffle de ce vent sableux qui empoussière tout l’Afghanistan. Je marchais à l’ombre des pins parasols doucement balancés, le nez en l’air à écouter chanter les quelques oiseaux qui survivent à la famine et aux explosions. Pourtant, j’étais préoccupée par le cas de Farzana, dix ans, qui présente des plaies bizarres sur tout le corps. Je n’arrive pas à comprendre si c’est une maladie rare, de la maltraitance ou de l’automutilation. Ses parents ne sont pas pauvres et c’est la seule survivante d’une fratrie de huit. Difficile de saisir la dynamique d’une famille si différente des nôtres. Mes habituels casse-têtes humanitaires. »

Marie Bruyns a mené une carrière de gynécologue à Bruxelles et s’est engagée un temps comme médecin humanitaire à divers endroits de la planète. Avec Le rire de Schéhérazade et autres récits, elle transmet par le biais de la fiction les expériences vécues par ces expatriés volontaires au Congo, au Liberia ou encore en Afghanistan. Dans ce recueil de textes courts mais concentrés et puissants, se révèlent des hommes et des femmes qui pansent les plaies de peuples exsangues, fragilisés par la faim, la guerre et la maladie. Les médecins humanitaires quittent un monde aseptisé pour un autre, quasi moyenâgeux, où les médicaments sont le plus souvent insuffisants, lorsqu’ils ne disparaissent pas mystérieusement.

Les motivations de ces médecins de l’extrême sont variées mais tous ont à cœur de soulager les populations en détresse alors que tout concourt à leur échec : l’instabilité politique du pays, le joug des traditions religieuses ou encore l’opportunisme international. Tandis que certains s’obstinent, d’autres renoncent. Car dans cette aventure humaine, il y a aussi la confrontation à ses propres limites.

Lorsqu’on clôt ses quelques pages, Le rire de Schéhérazade et autres récits résonne encore un peu dans la mémoire du lecteur et offre un terrain propice à la réflexion.

L.S.

BRUYNS, Marie. Le rire de Schéhérazade et autres récits. Charleroi : Couleur livres, 2011. (Collection JE). 146 p.

  • une présentation de l’ouvrage,
    une approche des ateliers d’écriture consacrés au récit de vie,
    un court atelier d’écriture à partir de l’ouvrage présenté.Réservations obligatoires au 067/33.30.22 ou bibliotheque.soignies@skynet.be(20 personnes maximum)

    Ce que les médecins humanitaires n’osent pas dire, Marie Bruyns l’a écrit. Elle propose un ouvrage intéressant tant par sa qualité narrative que par la manière inédite dont l’expérience de la médecine humanitaire est abordée : http://bibliothequelaregence.wordpress.com/2012/11/14/le-rire-de-scheherazade-et-autres-recits/

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L’Ubiquité du voyageur/Maison Belgo-Roumaine

Posté par traverse le 17 janvier 2013

L'Ubiquité du voyageur/Maison Belgo-Roumaine

7 x croisements littéraires et plaisirs artistiques à Bruxelles

 

1

Jeudi 7 février 2013, à partir de 19h00

La littérature en voyage

Gjovalin Kola, écrivain albanais vivant en Belgique, raconte l’histoire méconnue de la dissidence en Albanie sous Enver Hoxha.

 

Patrick McGuinness, écrivain irlandais qui a récemment publié le roman ‘The Last Hundred Days’, évoque les derniers jours mouvementés de la dictature de Ceausescu.

 

Daniel Simon, poète bruxellois, fait une lecture-performance du texte ‘L’ubiquité du voyageur’.

Projection du film ‘La dernière fois que ma mère est morte’ (D’après « Quand vous serez », MEO, 2012) (10 min.)

Présentation de quatre toiles de Calligraphismes: Saisons du voyage I, II, III, IV.

 

Le poète bruxellois Fouad Sounni récite des textes du poète perse du onzième siècle Omar Khayyam et présente des extraits de son propre recueil Les portes de la mer.

Frank De Crits, poète bruxellois connu pour son sens de l’ironie et de l’euphémisme, anime la soirée et lit des extraits de son œuvre.

L’encadrement musical de la soirée est assuré par Azzouz El Houri au luth arabe et des improvisations au piano. La soirée littéraire s’achève en musique avec Quentin au Piano B-Art.

Entrée libre

Traduction, le cas échéant, en néerlandais et en français.

Arthis – La Maison Culturelle Belgo-Roumaine, Rue de Flandre 33, 1000 Bruxelles

 

2

Dimanche 10 février 2013, à partir de 15h00 (jusqu’à 18h00)

La poésie en résistance

Ehmed Huseynï est un écrivain, poète et philosophe connu pour sa virtuosité avec les mots. Ses vers libres dépeignent un univers de douleur et d’oppression. Il est accompagné de Rukiye Özmen, une jeune femme du nord du Kurdistan connue pour ses nouvelles et poèmes. Elle écrit principalement sur le quotidien des Kurdes, la révolte, l’oppression, les femmes et la jeunesse. Elle a publié à ce jour trois recueils de nouvelles et un recueil de poésie. Peter Holvoet-Hanssen, poète du cru, performer et jusqu’à l’année dernière poète de la ville d’Anvers, se présente en troubadour de la lumière et de l’ombre.

Les poètes sont accompagnés par le musicien kurde Hekimo, un ouvrier du nord du Kurdistan qui interprète des chants traditionnels. Il a déjà quelques albums à son actif.

Entrée libre, pas de traduction prévue

Ten Noey, rue de la Commune 25, 1210 Saint-Josse-ten-Noode

 

3

Mardi 12 février 2013, à partir de 19h00

Le rayonnement de l’Afrique

Karelia Iznaga raconte une histoire richement illustrée de l’influence africaine sur la poésie cubaine. Suit un récital de poésie africaine. José Surra, Uruguayen, qui est né et a grandi au pays du tango, illustre la riche influence de l’Afrique sur le tango.

Entrée libre

Présentation en néerlandais, textes en français, avec traduction simultanée

FZO, Rue Vanderlinden 17, 1030 Schaerbeek.

 

4

Jeudi 14 février 2013, à partir de 12h00 (permanent)

I book you

I Book You illustre l’amour du livre et nous invite à une réflexion sur l’illettrisme. Muntpunt monte à partir du 14 février une exposition-vitrine d’une magnifique collection internationale de jaquettes de livres. Cette collection a pu être constituée via l’appel DoeDeMee.be du studio graphique anversois Beshart à des graphiques et artistes du monde entier. Sur base des 100 meilleures jaquettes de tous les temps, un classement effectué par le magazine britannique The Observer, 100 artistes de 28 pays ont conçu 100 nouvelles couvertures. Le résultat a donné lieu à l’exposition 100 Book Covers to Fight Illiteracy, sous les auspices de l’Unesco. Toutes les jaquettes seront vendues aux enchères pour la bonne cause le 23 avril prochain. Muntpunt prévoit jusque-là toutes sortes d’activités avec ses partenaires dans le cadre de I Book You.

Pour plus d’informations, surfez sur le site www.muntpunt.be

Expo-vitrine gratuite, permanente jusqu’au 23 avril 2013, en néerlandais et en français

Muntpunt, Place de la Monnaie 6, 1000 Bruxelles

 

5

Jeudi 21 février 2013, à partir de 19h30

Poèmes sur le Danube

Attila József est la figure centrale de cette ode à la poésie hongroise. L’œuvre de ce poète révolutionnaire est le plus souvent de nature très personnelle, religieuse ou érotique. Plusieurs de ses poèmes ont été traduits en néerlandais et mis en musique spécialement pour cette édition d’Interlitratour. Peter Lombaert interprète l’œuvre d’Attila József avec beaucoup de conviction et fait accompagner ses ‘lieder’ d’œuvres de poètes hongrois de la seconde moitié du vingtième siècle, tels Sandor Csoóri et Janos Pilinszky. Cette soirée exceptionnelle de poésie se clôturera par une réception avec dégustation de spécialités hongroises.

Entrée: 3 euros, pas de traduction prévue (les poèmes sont récités en néerlandais)

Bibliothèque Publique Communale, Avenue d’Auderghem 191, 1040 Etterbeek

 

6

Samedi 23 février 2013, à partir de 15h00 (jusqu’à 17h30) 

Allée-retour / heen-en-terug

Allée-retour/ heen-en-terug – Littérature et migration, ou les vagues migratoires entre le Congo, la Belgique et le Brésil et leur impact sur la culture et la société. L’historien Eddy Stols a effectué de longs séjours au Brésil et a écrit notamment Brazilië, vijf eeuwen geschiedenis in dribbelpas (Le Brésil, récit de cinq siècles d’histoire). Bambi Ceuppens a étudié l’histoire africaine et l’anthropologie et est actuellement attachée au Musée Royal d’Afrique centrale de Tervuren. L’un et l’autre évoquent les liens entre la Belgique, le Congo et le Brésil et répondent à vos questions.

La soirée se clôture par une réception avec musique brésilienne.

Entrée libre

Présentation en néerlandais

Bibliothèque Publique, Rue Saint-Guidon 97, 1070 Anderlecht

 

7

Jeudi 28 février 2013, à partir de 20h00

Rencontre littéraire avec Dušan Šarotar

Dušan Šarotar est un des écrivains slovènes les plus productifs et les plus célèbres. Il a étudié la sociologie de la culture et la philosophie à l’Université de Ljubljana. Il est écrivain indépendant depuis 2000, mais aussi photographe, poète et scénariste. Sa présence est due non seulement à une invitation d’Interlitratour, mais aussi à la journée de la culture slovène qui doit avoir lieu le 8 février, en hommage à France Preseren.

Au cœur des intérêts de Šarotar, la mémoire, la douleur, le sentiment et l’âme humaine, des thèmes qu’il approche avec un langage poétique de la lenteur. Šarotar sera présenté et interviewé par Pavel Ocepek, lecteur a l’Université de Gand,

Entrée gratuite

Présentation en anglais, traduction simultanée en néerlandais

Passa Porta, Rue A. Dansaert 46, 1000 Bruxelles

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Cabanes/12

Posté par traverse le 9 janvier 2013

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L’ogre regarde le monde devant lui et il est grand. Par quoi commencer ? Par où aller dans la suite de cette histoire ? Rentrer chez sa mère, agrandir la cabane, chercher de la nourriture ? Il s’assied et réfléchit, longuement, tellement longuement que la lumière a changé maintenant et qu’elle ruisselle sur lui dans la douceur du matin. Il est heureux, il le sait et il comprend déjà que c’est pour cela qu’il restera dans sa cabane. Il n’a jamais été aussi heureux, seul et heureux.

Dans la profondeur de la forêt, il voudrait vivre toujours.

A la lisière de la forêt, il acceptera un jour d’aller à nouveau, et peut-être plus loin, mais c’est trop tôt aujourd’hui.

L’ogre cueille des baies, des fraises des bois, toutes ces petites billes rouges qui vont lui nouer le ventre bientôt mais il ne le sait pas encore, alors il mange et il mange encore jusqu’à ce qu’il soit rassasié. Une bonne lampée d’eau, tiens, la gourde est presque vide, il va devoir aller à la recherche d’une  source…

Il entend là, dans le proche lointain, les bruits de la vie du dehors et il décide alors de s’enfoncer plus loin dans les taillis, sous la charpente ondoyante qui murmure « Vas-y, l’ogre, vas-y, c’est le moment… ».

Et cela fait un bruissement qu’il ne peut ne pas entendre, alors il avance et le bruissement devient chuchotement, le chuchotement monte encore et c’est toute la forêt qui se serre les branches pour le soutenir dans cette grande aventure qu’il va commencer.

Il part vers l’Ouest, comme il l’a entendu souvent, vers l’Ouest, toujours à l’Ouest.

Il ira dans une autre direction plus tard s’il ne trouve rien. En route pour l’Ouest !

Il marche pendant deux heures, il croit que c’est deux heures, il n’en sait rien mais il le sent, ça doit être deux heures, oui. Ca sonne bien deux heures et ça permet de faire une pause.

 

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Soliloques de la rupture

Posté par traverse le 7 janvier 2013

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La littérature des cœurs brisés

Soliloques de la rupture

fichier pdf Soliloques de la rupture

 Un atelier d’écriture  sur la rupture, les abandons, la solitude du fond, le sommet du rien, la cadence des pleurs, les secousses du mouchoir, les mails en bois et les téléphones de pierre, la courbe qui descend, les siennes qui vous faisaient monter, son odeur qui flotte, la vaisselle qui mijote, bref de la douleur qui nous fait rire, après, quand on est morts.

(Animation, Daniel Simon)

Dates: 22, 29 mars de 18h30 à 21h dans la Bibliothèque de Schaerbeek.

(et une séance à décider par le groupe).

Participation : 60 euros pour trois séances et suivi mail.

L’atelier sera le préambule à une édition (papier et eBooks)

Une exposition sur les « Cœurs brisés » sera construite par l’asbl Traverse en 2013.

Inscriptions dès aujourd’hui : 12 places maximum.

http://aubergeatelier.unblog.fr/2013/01/12/est-ce-que-le-texte-est-juste/

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Feuillets de corde / « On s’occupe de vous! »

Posté par traverse le 7 janvier 2013

Feuillets de corde /

On s’occupe de vous! »

Le dimanche 27 janvier de 15 à 17 h,

lancement nouveaux Feuillets de corde

Revue littéraire effervescente éditée par Traverse asbl

au texte: Alain Germoz et à la gravure, Belgeonne.

C’est le numéro 8, celui qui clôture la série « Texte-Gravure ».

(Avec Eric Piette comme Invité)

Une nouvelle série commencera en février « Texte-Photographie »,

 sous la houlette de Ben Weisgerber (Photos) et Daniel Simon (Textes).

Entrée libre – Verre de l’amitié ». Les Feuillets sont offerts.

à la Librairie Cent Papiers, 23 avenue Louis Bertrand – 1030 Schaerbeek

http://www.100papiers.be/Site_3/Home.html

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La « Collection Je » a sept ans !

Posté par traverse le 7 janvier 2013

A Cépages le 23 janvier 2013 à 19h

La « Collection Je » a sept ans !

et une vingtaine de titres à son actif…

« Récit de vie, entre vérité et sincérité :

la cohabitation difficile? »

Le 23 janvier à 19h, Pierre Bertrand, Directeur des Editions Couleur livres et Daniel Simon (Coordinateur des Collections « Je » et « Je Contrepoints ») vous invitent à une rencontre autour du thème « Récit de vie, entre vérité et sincérité : la cohabitation difficile ? ».

Une Revue littéraire qui traite dans ce numéro de la transmission…

http://tempszero.contemporain.info/accueil

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Récit de vie en journée/Maison du livre

Posté par traverse le 7 janvier 2013

 www.lamaisondulivre.be

 

                                              Récit de vie en journée/Maison du livre le-temps-qui-nous-reste-300x300

(Photo: Ben Weisgerber)

Écrire ses émotions, ses expériences et en faire des récits de vie, voilà l’objectif de l’atelier.
L’écriture se fera chez soi à partir d’une consigne donnée par l’animateur à l’issue de chaque séance.

Lectures et commentaires feront la matière de chaque rencontre. Ce sera un espace de travail, un lieu où le temps et le dialogue (écoute, lecture,…) s’entrecroiseront…

Travailler en atelier, ce sera écouter la lecture des textes des autres et creuser collectivement des questions individuelles…
Le projet est d’accompagner chacune et chacun dans son écriture pour créer des récits en miroirs et en échos du vécu.

Animé par : Daniel SIMON, animateur d’atelier d’écritures, écrivain et éditeur, www.traverse.be
Dates :
10 mardis de 14h à 17h :
12/02, 26/02, 5/03, 19/03, 26/03, 9/04, 16/04, 7/05,14/05, 21/05
Public : adultes
Prix : 190 euros, acompte de 90 euros, possibilité de payer le solde en effectuant 2 versements de 50 euros ou 4 de 25 euros.
Nombre maximum de participants : 12

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Cabanes/11

Posté par traverse le 6 janvier 2013

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Le matin se lève mais l’ogre ne le sait pas encore, il ne connaît pas les petits matins dans l’herbe froide et le brouillard qui navigue de taillis en taillis, ça, il le découvrira bientôt.

Il est encore dans l’évanouissement paisible du sommeil et court dans des jardins arrosés de fontaines tournantes, baignés du chant triste du rossignol, piqué des moucherons de l’été tardif.

Il est avec sa mère, son père est loin, dans un autre pays où il travaille et d’où il téléphone régulièrement. Maman prépare de la limonade, de la vraie avec des citrons et du sucre dans des flacons glacés. Il fait si chaud que de la sueur coule dans ses yeux et en s’essuyant elle y mêle des traces de citron qui brûlent son regard bleu.

Elle revient sur la terrasse en portant fièrement un plat de fraises juteuses qu’elle  découpe avec le petit couteau à légumes et le sang coule dans le fond du saladier en verre décoré de poires et de pommes.

Ca sent les vacances éternelle et l’ennui des fins de journée quand le soleil se couche si tard que les hommes ne savent plus que faire, assis sur leurs chaises en fumant et en regardant le ciel parce que demain il va pleuvoir, peut-être.

Elle agite le sucre au-dessus des fruits presque écrasés et on dirait de la neige dans le soleil couchant. Elle lui coupe une large tranche de pain qu’il mange en trempant la mie dans le jus.

Au-dessus des arbres, des oiseaux sautent d’une branche à l’autre et font un tant de bruit qu’il pense tout-à-coup à son père qui est loin. C’est comme un téléphone qui sonnerait trop fort et qu’on ne décrocherait pas. Il est triste soudain et mâche lentement ses fraises qui chatouillent sa langue.

Bientôt il ira au lit et mettra du temps à s’endormir. C’est alors qu’il se réveille et entend tout ce qui l’entoure et qu’il découvre : les vaches au loin, les oiseaux partout, les cloches un peu plus loin encore, un autobus qui passe près de la maison de maman, des craquements, des rires et des gloussements, des bruits de toutes sortes qui le mettent debout.

Il a froid, c’est sa première vraie nuit dans les algues de l’aurore qui revient comme une marée calme recouvrir ce qui flotte dans le brouillard bleuté.

Il a faim et froid, un peu peur, mais le souvenir de la nuit le tient droit.

 

 

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Autour de Gabrielle Vincent

Posté par traverse le 5 janvier 2013

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Par Arnaud de la Croix

Le mercredi 16 janvier 2013 à 19h30

Conférence organisée dans le cadre de l’exposition consacrée à l’œuvre de Monique Martin (alias Gabrielle Vincent),

auteur de la célèbre série « Ernest et Célestine »,

qui se tient à la chapelle de Boondael ainsi qu’à la bibliothèque du 11 au 27 janvier 2013

Inscriptions :

02-5156406 ou 02-5156412

(pendant les heures d’ouverture de la bibliothèque)

Bibliothèque communale francophone d’Ixelles rue Mercelis, 19 – 1050 Ixelles

Horaires

Mardi 10 – 12h et 13 – 18h

Mercredi 13 – 19h

Jeudi 13 – 18h

Vendredi 13 – 18h

Samedi 9 – 13h

A l’initiative de Willy Decourty, Bourgmestre, de Yves de Jonghe d’Ardoye, Echevin dela Cultureet des membres du Collège des Bourgmestre et Echevins dela Communed’Ixelles

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Cabanes/10

Posté par traverse le 2 janvier 2013

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L’ogre est maintenant au cœur de la grande nuit et il sait que cette nuit ne le quittera plus, tout est là qu’il ne pourra oublier : craquements, brouillards, chahuts du vent dans les arbrisseaux, tout est dans son cœur pour toujours et c’est là qu’il pourra redevenir ogre quand il le voudra, quand ce sera nécessaire.

La pluie a cessé de tomber et le sol est détrempé, ça fait un bruit de chaussettes mouillées dans des souliers trop grands quand on marche sur les feuilles où on s’enfonce parfois jusqu’aux genoux. Mais l’ogre avance vers sa cabane, il va retrouver son temple, sa forteresse, son abri. Il a faim et se laisse aller à regarder là, au loin, vers la maison de sa mère, mais c’est maintenant beaucoup trop loin et il lui faudra se débrouiller seul le reste de sa vie d’ogre.

Il cherche des baies, des myrtilles, des mûres, des fraises des bois, mais rien, aucun de ces beaux mots dans le vocabulaire de sa forêt. Ici, il n’y a que champignons, moisissures, verdures, lichens et feuilles mortes. Alors, l’ogre se souvient de son paquet de petits Lu et se dirige en hâte vers sa cabane. Enfin, il est chez lui, tout est comme il l’avait laissé au milieu de la nuit, rien n’a bougé alors que tout change partout et tout le temps, rien ne le surprend ici et il aime ça.

Il se couche sur le matelas de fougères et de bruyères et mord dans un biscuit. C’est bon et chaud, ça a un goût de beurre, ça lui rappelle l’autre monde mais il ne faut pas s’habituer à l’autre monde, il suffit de s’y promener et ne pas s’habituer, c’est un monde dangereux et suffocant.

Il entame maintenant son deuxième biscuit et encore un troisième. Il boit une gorgée d’eau à sa gourde et se prélasse sur sa couche. Quel bonheur, quelle solitude bienfaitrice, quel sentiment de paix  infinie qu’il ne sait pas encore aussi fragile qu’un fil d’araignée que l’on arrache sans le voir, marchant la tête haute. D’un coup, l’araignée réveillée en sursaut tombe mais dans sa chute, elle file, elle file vite et encore plus vite un autre fil qui la suspend enfin dans la lumière qui filtre.

L’ogre se roule en boule et pense à certaines choses qui le rendent tout drôle, comme s’il allait pleurer, et puis non, ça vient de passer. Il ravale ce fréquent sentiment d’être si seul, l’impression d’être trop seul maintenant au milieu de cette solitude qui le rassurait un instant avant. Il s’endort difficilement dans la nuit qui se prépare à émigrer dans les vallées lointaines.

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2013…

Posté par traverse le 31 décembre 2012

Pour saluer le temps…

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Deux extraits de « Quand vous serez », éditions MEO, 2012

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http://traverse.unblog.fr/2012/11/15/editions-numeriques-chez-meo-editeur/

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Et si je m’allongeais un peu

Posté par traverse le 31 décembre 2012

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Et si je m’allongeais un peu, près de vous, dans l’ombre de ce temps qui passe et revient le matin, corps et voix apaisées, si je m’allongeais un peu avec vous qui m’aimez, ne m’aimez pas, si je m’allongeais pour voir, pour voir ce que ça donne un gisant un court moment, ce que ça donne quand on est là et qu’on est regardé d’ici, gisant dans la bibliothèque, dans cet endroit que certains aiment si peu qu’ils veulent nous convaincre de son inutilité, que tout sera gisant, lisse et froid dans le tombeau de la tablette qui n’a rien du vivant de la machination du papier et de l’encre, et si je m’allongeais un peu près de vous, dans la poussière, sans la matière, dans la poussière de Gutemberg.

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Soirée des Lettres: mes deux récents livres…

Posté par traverse le 30 décembre 2012

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Le mercredi 16 janvier dès 18h, à l’AEB, présentation de mes deux récents livres « Ne trouves-tu pas que le temps change? » (Nouvelles, Le Cri, 2012) et « Quand vous serez » (Proses poétiques, MEO, 2012) par Joseph Bodson…

AEB: Maison Camille Lemonnier 
Maison des Écrivains
chaussée de Wavre, 150
1050 Bruxelles 
Tél. : 02/512.36.57

Entrée gratuire, verre de l’amitié.

Bienvenue!

http://www.ecrivainsbelges.be/index.php?option=com_content&view=article&id=505:nos-activites&catid=2:cataeb

RENAUD DENUIT, Histoires de la Détermination, poèmes 1985-2011. Présentatrice : Annemarie Trekker
DANIEL SIMON, Ne trouves-tu pas que le temps change et Quand vous serez, nouvelle et prose poétique. Présentateur : Joseph Bodson
JOSEPH BODSON, Conjurations de la Mélancolie, poésie. Présentateur : Jean-Pierre Dopagne

 

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Une rencontre autour du Récit de vie/Collection Je

Posté par traverse le 30 décembre 2012

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A Cépages le 23 janvier 2013 à 19h

La « Collection Je » a sept ans !

et une vingtaine de titres à son actif…

« Récit de vie, entre vérité et sincérité :

la cohabitation difficile? »

Le 23 janvier à 19h, Pierre Bertrand, Directeur des Editions Couleur livres et Daniel Simon (Coordinateur des Collections « Je » et « Je Contrepoints ») vous invitent à une rencontre autour du thème « Récit de vie, entre vérité et sincérité : la cohabitation difficile ? ».

Intervention de Pierre Bertrand, Daniel Simon et de plusieurs auteurs des Collections.

Un texte à ce sujet sera disponible gratuitement dès le 23 janvier pour les personnes présentes (Formats Papier, PDF, ePub)

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A l’occasion de la sortie récente de son livre » Lee, histoire d’une adoption »,  

l’auteure,  Italia Gaeta, répondra à vos questions et lira des extraits.

Entretien avec Daniel Simon fichier mp3 Italia Gaeta Lee2-1-2013

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Un verre de l’amitié vous sera offert.

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A côté du sentier

Posté par traverse le 27 décembre 2012

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« Ecrire sur rien », Flaubert

(à propos d’Un cœur simple)

La plus sévère claustration n’était pas son fort, la débauche non plus. Il lui restait l’attente de l’événement imprévu, il attendait donc, patiemment, le regard porté sur un avenir sans relief. Cela dura une trentaine d’années. Des années de vie attentive à ce qu’il allait vivre, ça allait arriver, il en était certain. Statistiquement, c’était prévisible, il allait trouver son chemin, celui qui le rendrait légitime à ses propres yeux. Alors, il attendait avec la conscience que tout serait un jour absolu et serein.

Il rencontra une femme merveilleuse, en tomba amoureux juste ce qu’il fallait pour ne pas perdre la tête, elle avait un enfant, une petite fille. Il l’aima donc, c’était attendu et assez confortable. Ils furent heureux, tout arrivait et rien ne se passait.

C’était la vie, lui disait-on. La vie était donc infinie et prévisible. Pourtant aucun malheur, aucune peste, nulle guerre dans son horizon de contentement. Des fusées, des moments d’exception, des bonheurs inattendus, des joies de passage, oui, mais rien de quoi remplir une vie jusqu’à son terme.

Il vécut ainsi pendant une vingtaine d’années et ils se séparèrent. Sa femme s’inscrivit à une multitude de stages et d’ateliers. Sa fille était une femme maintenant et elle se débrouillait seule avec ces questions. Il ne s’éloigna pas d’elles véritablement, simplement ils ne partageaient plus que de rares nouvelles à propos de leur santé.

Les années passèrent dans le plus parfait des scénarios : il vieillissait, s’en distrayait et regardait le monde avec plus d’amusement qu’avant. Marcher à côté de son temps était même devenu son bonheur, comme on marche dans l’herbe en dehors du sentier tout en le suivant. Le plaisir était sans danger mais il savait que la jouissance n’avait pas de principe ni de morale. Il allait dans les chemins creux de son époque, dans le contrebas, sans la superbe des régiments de première ligne. Il allait en discrétion.

Il lisait peu, de rares livres occupaient son temps, il préférait pianoter les infos sur Internet, ça convenait à son esprit inconstant, ça glissait lentement sur tout, ça n’accrochait pas, ça occupait et ne remplissait rien…Il était informé et ne savait évidemment que faire de ces flux permanents si ce n’est produire les lieux communs de sa génération. Il observait, annotait l’Histoire et vérifiait chaque jour l’éternité des bassesses serties dans de somptueux discours de bénitiers new tendance. Les jeunes n’échappaient pas à la volupté des clichés et s’y donnaient à cœur joie, construits dans la bêtise du gavage et des rébellions sponsorisées.

Il lisait peu mais ne renonçait pas pour autant à quelques lectures hygiéniques, on ne sait jamais, se disait-il. En feuilletant l’un ou l’autre livre, il tomba sur un court volume, une cinquantaine de pages, un opuscule presque tant l’ouvrage était mince, Bartleby. Plus précisément, Bartleby, le scribe, de Melville. Il chercha qui était ce Melville. Une rapide visite sur Internet et il apprit que ce n’était pas le cinéaste français mais l’écrivain américain qui l’intéressait. Le sujet lui plut, la lecture en serait courte et la matière ne semblait pas ardue. Un simple scribe chez un homme de loi à Wall Street, pas de quoi fouetter un chat.

« I would prefer not to ». C’était enfin ce qui lui convenait, ce “J’aimerais mieux pas”, ce “Je préférais ne pas”, ce “Je ne préférerais pas”, qu’importe. C’était le refus sans appui, le fait de décliner sans argumenter, la pensée même de ce désintérêt systématique et affirmé qui l’avait pris à la gorge. Tout se jouait là, dans cette négligence métaphysique qui devait être au plus près de ce qu’il imaginait être le bonheur. Les stoïciens, les épicuriens, les désinvoltes du désir ne disaient pas autre chose, ce ne pas prenait toute la place, ce not to éclatait au visage d’un siècle kitsch qui se voulait du style.

La fuite pour la lutte, l’esquive pour l’être-là, le retrait pour le siège, tout était dit et il se délecta. Une vie sans histoires, un destin de caniche, des amours opportunes, tout n’avait été chez lui finalement que la traduction, en creux, d’un « ne pas » qui le tenait tout entier debout. Ce « ne pas » avait fait la fortune de sa maison exigüe et il s’y était adonné toute une vie durant. La soustraction était sa façon d’accumuler le néant au néant et il avait pris un goût vif à cette atonie sans danger.

L’ennui était devenu sa matière d’expertise et dans cet ennui il se lovait avec la grâce d’un ver de farine. Il connaissait de l’ennui toutes les facettes et les déclinaisons les plus subtiles. Il en connaissait les sources et les développements, la géographie et l’histoire, les tracés et les durées. De l’ennui, il avait fait une matière en soi, un phénomène et non un état, une position plus qu’un mouvement. L’ennui était la matière première de toutes les aventures, le principe même du désir, la source de toutes les exactions.

Sa vie se déplia encore un temps avant de se défaire à l’aube d’un jour d’avril. Il regarda le printemps picoter la fenêtre et ressentit la grande joie, l’intense bonheur de n’éprouver pour cette instant, somme toute assez banal, qu’un intense ennui qu’il confondit dans son dernier soupir avec un sentiment qu’il n’avait su entrevoir jusqu’ici que de loin : il était heureux et ça finissait bien.

 

 

Ecrit en décembre 2012 à Bruxelles, face à la pluie.

© Touts droits réservés pour l’auteur.

 

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Il ne répondait plus

Posté par traverse le 23 décembre 2012

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La pluie, le ciel gris, les nuages sans matière enveloppaient la ville de longs silences que chacun emportait chez soi en courant entre les gouttes. Il ne restait de l’automne qu’une légère ombre au pied des façades et la soirée faisait son entrée muette.

La nuit serait bientôt là et c’était trop tôt. Il allait falloir tenir encore de longues heures avant de se mettre au lit. C’était comme ça depuis des semaines. Rien n’était compliqué, la lumière déclinait jusqu’à la couture proche de l’hiver. Il allait falloir tenir encore jusqu’au printemps dont le souvenir s’avivait un peu plus chaque année.

Michel Berlin regardait le mur qui lui faisait face, un rempart de briques chaulées qui clôturait le jardin et conduisait vers le garage, comme sa carrière de prof le menait peu à peu. Il était calme ce soir-là. Pas d’inquiétude, pas de mouvement vers le frigo, pas de regard vers l’horloge. Tout filait silencieusement. Sa femme, Florence, était en voyages, un Colloque où elle intervenait dans des matières qu’il maîtrisait peu, des histoires de paramètres d’observation, d’évaluation de la qualité, de management. Elle était invitée comme Expert dans l’Enseignement des langues. Il allait être seul une semaine et ça lui convenait très bien. Il retrouverait ses habitudes de jeune homme flânant dans sa chambre, touchant aux choses sans les atteindre vraiment.

Allongé sur son canapé, il zappait quelques émissions du soir. Des jeux, de l’argent à gagner, des rires hystériques, la joie des familles. Il éteignit la télévision, saisit un livre sur la pile à côté de lui et le feuilleta en se remémorant le moment où il l’avait acheté, dans une petite librairie de quartier dédiée à la littérature étrangère. Le local était étroit, les étagères encombrées et la libraire toujours souriante. Elle connaissait chaque auteur qu’elle proposait aux clients, pour chacun une histoire, une anecdote, c’était comme si on entrait en confidence avec l’écrivain qu’on se préparait à rejoindre le temps de quelques soirées. Ca méritait bien un peu de familiarité avant les grands ébats.

Le roman disait un déclin, une sombre histoire de richesse perdue, de femmes au bord de l’effondrement et d’hommes en vrille dans un monde accéléré. Ca se déroulait à Lisbonne dans les années deux mille. La ville tortillait ses amertumes anciennes dans des modernités de rattrapage. L’auteur avait décidé de ne plus écrire, il venait de déclarer son œuvre terminée. Cette annonce dominait la lecture de l’écrivain portugais et on devinait à chaque phrase les raisons secrètes de sa décision.

L’écriture était ample, elle brassait des siècles rapprochés en un temps de vertige et les personnages déambulaient  dans un récit-labyrinthe où ils se perdaient sans jamais décider d’en sortir. Les suivre dans leur marche comme des êtres sans fin, des voix sans échos captivait Berlin. Les errances des protagonistes conféraient au roman une dimension crépusculaire dans laquelle il reconnaissait son époque. C’était joyeux et désespéré, féroce et sans illusions. Les dialogues se croisaient à des hauteurs contraires et personne ne semblait comprendre ce que disait l’autre,  les répliques étaient ajustées et chacun faisait comme si de rien n’était.

Il passa la soirée à lire et s’endormit dans le canapé.

Au milieu de la nuit, courbaturé et encore chiffonné par sa sombre lecture, Berlin se releva en titubant.

Un appel intérieur l’avait réveillé, ça revenait en boucle après chaque envol. Il se lançait dans les airs, repliait ses jambes sous ses fesses et agitait ses bras avec souplesse et force. Il sentait alors l’air se comprimer sous ses paumes en coquille et son corps s’élever dans les airs aspiré par un courant porteur comme une vague qui l’emmenait jusqu’au bout de la vallée en quelques brassées. De là, il remontait vers les nuages et planait longuement avant de venir se poser en douceur sur le faîte du toit. Comment il redescendait de là, il n’en savait rien, ça ne faisait pas partie du rêve. Mais chaque fois c’était de là qu’il décollait, ça il s’en souvenait. L’appel lui donnait la pulsion de l’envol. Ensuite tout redevait silencieux, sauf un léger bruissement d’air le long de ses flancs et dans la broussaille de ses cheveux.

Il passa à la salle-de-bains, se débarbouilla le visage d’eau fraîche, se servit un verre de lait à la cuisine en regardant les plantes de sa terrasse inondées dans leurs pots de grès. Dans la maison silencieuse, on entendait une ambulance au loin sous la lune voilée.

Il alluma l’ordinateur, pianota quelques adresses Web et se brancha sur sa page Facebook. Des réactions aux dernières nouvelles, des postures habituelles sur le réseau, des avis lénifiants, les mêmes promotions que la veille, des discours convenus, des prurits attendus, ça roulait en douceur jusqu’au copié-collé des émotions à fleurs. Ca lui servait de boîte postale et ça rompait la monotonie des obsessions d’originalité du temps.

Un message attira son attention, celui d’un certain Ballantine. Il sourit en pensant à l’autre, Bill, le faire-valoir de Bob Morane. Tout revenait d’un coup, le héros de la Guerre froide, l’Ombre jaune, ses lectures la nuit sous les couvertures, son exaltation, les premières formes d’un désir réel…

Ballantine lui écrivait en réaction à un article qu’il avait placé la veille sur le réseau. Ses mots étaient simples, directs, marqué de bienveillance, sans cliché, et lui souhaitaient une « belle suite »…Il alla vérifier qui était cet ami qu’il ne connaissait pas vraiment, qu’il avait accueilli à l’occasion d’une soirée littéraire consacrée à la littérature portugaise. Il avait répondu oui à sa demande de contact mais n’avaient jamais échangé le moindre message.

Ce soir-là, Ballantine apparut vraiment dans le flux des allées et venues du réseau. Sa photo était banale : un homme souriant, la soixantaine, les cheveux gris en bataille. Il nuançait ses commentaires avec légèreté. C’était clair et tout restait ouvert. Rare.

Berlin lui écrivit un court message de remerciement et alla se coucher.

Le lendemain se passa sans histoires, il fit la grasse matinée, ensuite du rangement en retard et retourna sur Internet. Il navigua pendant deux heures environ, puis replongea sur sa page réseau. Ballantine avait écrit quelques mots en anglais pour saluer l’automne. C’était mélancolique et léger. Une sorte de promenade sur le bord de la vie, en suivant le courant jusqu’à  l’estuaire que l’on commence à apercevoir au loin.

Il reprit le travail deux jours plus tard et rentra chaque soir chez lui après des heures d’embouteillage. Les journées rétrécissaient encore et l’hiver était à la porte. La pluie ne cessait de tomber et donna à Berlin le goût des hibernations avant l’heure. Il pensait à Ballantine et à ses passages réguliers sur sa page, toujours aussi joyeux et discrets. Il avait mené une carrière dans les chemins de fer  et était maintenant prépensionné. Berlin ne lui demanda pas pourquoi, ni ce qu’il faisait réellement aujourd’hui. Il gardait une légère distance avec son ami virtuel, comme il lui semblait devoir le faire, par courtoisie. Il vivait avec Ballantine, cette relation étrange, qui le ramenait à ses années d’adolescence et de correspondance avec ses amis du monde.

C’était le temps des échanges épistolaires entre jeunes des « deux mondes » et ça participait, disait-on, d’un désir de paix de la jeunesse des années soixante. Ces correspondances Nord-Sud avaient duré plusieurs années puis tout s’était arrêté. Berlin n’avait jamais cherché à savoir pourquoi. Il connaissait probablement le fin mot de l’histoire de ces amitiés de papier, elles ne résistaient pas longtemps à la déchirure des histoires individuelles et chacun en prenait son parti. Un léger chagrin au cœur, une dentelle mélancolique sur le front, nous allions dans le temps rude des amours et le papier des lettres se couvrit bientôt de signes bien plus dangereux.

Le mois passèrent, sa femme était rentrée du Colloque où elle avait impressionné son auditoire par la pertinence de ses interventions et Berlin fut emporté dans le sillage des nouvelles activités de son épouse. Elle était devenue Consultante et il s’était adapté à ses horaires bricolés.

L’hiver avait ouvert ses portes et le froid s’était rué comme on fait les soldes, sans aucune manière, le front en avant et les épaules rentrées.

Souvent seul le soir, il passait son temps à lire et à consulter Internet. Il avait retrouvé un rythme d’étudiant et sa vie avec Florence s’était installée dans un confort qui ne le lassait pas encore mais qui déjà l’inquiétait. Ses horaires de prof lui offraient aujourd’hui pas mal de temps libre. Il en profita alors pour améliorer, encore et encore, les façons d’enseigner sa matière jugée ingrate par trop d’étudiants.

Il adorait la physique, la morale qu’elle exaltait jusque dans ses plus extrêmes limites. Le monde trouvait des formes et des valeurs, quoiqu’il advienne, et l’homme était livré à un seul exercice : les déchiffrer au fil de l’éternité. C’était ça, le sens de la vie, pour Michel Berlin, s’asseoir au pied du mur, l’observer longuement, chercher à en comprendre l’agencement des briques, du sable qui compose le ciment, des grains de chaux qui font le liant qui emprisonne sous d’autres formes encore les atomes qui s’entremêlent dans la matière des argiles et ainsi de suite jusqu’à l’infini. C’était ça le seul sens que Berlin avait pu trouver depuis une soixantaine d’années qu’il se posait cette même et unique question, pourquoi ?

Mais la pudeur le faisait taire. Cette question était si prétentieuse et naïve, tellement idiote quand le génie est absent qu’il avait presque honte de se la poser aussi sérieusement. Il lisait, il cherchait, il faisait de la physique et il voyait le temps filer de plus en plus vite, c’est tout ce qu’il pouvait dire de sa vie aujourd’hui. Sa question avait trouvé une réponse plus légère, plus triviale, plus commode qu’il ne le souhaitait: pour ne pas s’ennuyer

Ballantine passait régulièrement le saluer sur sa page et laissait chaque fois un message agréable. C’est à ça que pensait Berlin en allumant son ordinateur, à son ami et au mystère qui l’entourait. Le mystère était tout autant virtuel que le reste. Il aurait suffi à Berlin, dans la vie réelle, d’interroger Ballantine et en deux minutes, plus de secrets de surface.

Mais là, sur la Toile, des pans entiers de la nature des hommes nécessaires généralement à entretenir une relation commune et même banale, n’étaient pas sollicités. On allait en aveugles éblouis par cette confiance nouvelle. C’était une naïveté liée à toute technologie, mais Berlin n’y échappait pas, la machine était là d’abord pour séduire et enfin maîtriser l’homme de toutes les façons. Berlin savait cela mais il ne pouvait s’empêcher de trouver encore au monde numérique quelques qualités nouvelles qui semblaient échapper à la loi des territoires et des concurrences obligées.

Ce jour-là, pas de Ballantine. Le lendemain non plus. Berlin ne souhaitait pas s’inquiéter du silence de son ami visiteur, alors il travailla très tard et s’endormit comme une masse dans les bras de Florence. Cette nuit-là, ils firent l’amour dans un demi sommeil, presque étrangers, engourdis mais heureux de cette intimité qui se livrait dans la douceur des silences conjugaux.

Berlin finit par visiter la page de Ballantine, rien de suspect mais plus aucun article, plus aucune réaction, plus aucune nouvelle depuis plus d’une semaine. Ballantine était en vacances, auprès de ses petits-enfants, malade peut-être.

Berlin lui écrivit, lui demanda de ses nouvelles, lui dit qu’il s’étonnait de plus bénéficier de son regard attentif et que ça lui manquait. Il avait écrit le mot manquer et il ne le regretta pas. Il sentait au plus profond de lui que Ballantine lui manquait, que cet homme qu’il n’avait jamais rencontré, ni vu de près ni de loin, ni entendu d’aucune façon, cet homme, ce fantôme, participait avec bonheur à la constance de sa vie. Ses phrases, sa bienveillance, son doux arbitrage étaient devenu essentiels et Ballantine ne répondait plus.

Une semaine plus tard, un matin, Florence le prit dans ses bras et lui souffla à l’oreille « Tu as l’air si triste, quelque chose ne va pas mon chéri ? ». Berlin s’entendit répondre que Ballantine ne répondait plus, mais que ce n’était rien, ce n’était pas grave, c’était un contact de réseau, un type qu’il avait jamais vu, mais sympa, vraiment sympa, il s’inquiétait un peu. Elle l’embrassa et ils partirent chacun de leur côté vers l’Ecole et le Centre de formation.

La nuit, Berlin se releva sans bruits et alluma l’ordinateur dans l’obscurité de son bureau. Il était là devant l’écran bleu pendant que ses données personnelles se chargeaient. Quand il entendit la musique de lancement de l’appareil il sentit son cœur se serrer. Vite, il pianota ses données et accéda à la page de Ballantine.

Des amis saluaient son passage sur terre, ses enfants, son épouse, des proches, des inconnus, tous le saluaient et le remerciaient. Berlin a laissé un mot discret « Merci Ballantine et good luck ! ».

Il a éteint l’ordinateur, il a posé sa tête sur ses bras croisés sur le bureau et il a pleuré, pleuré longtemps, pleuré jusqu’à cet endroit où les pleurs vous soulagent enfin et que le monde s’allège en vous pour laisser place à de nouveaux bonheurs et à de futurs chagrins. Il se leva, essuya ses yeux et alla se coucher tranquillement près de Florence.

 

fichier pdf Il ne répondait plus

Nouvelle inédite de Daniel Simon offerte aux lecteurs pour saluer la fin du monde reportée à une date ultérieure. 

 © Publication numérique autorisée sur conditions de nommer source et auteur. 

Bruxelles, décembre 2012.

Photo de l’auteur : Parc Josaphat, Schaerbeek, octobre, 2012

 

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Cabanes/9

Posté par traverse le 22 décembre 2012

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L’ogre avance et se perd, se perd et avance encore, la forêt est sans limites et l’ogre n’y voit pas très bien dans cette nuit de lait. Il se penche vers le sol et regarde courir les vers et les araignées vertes, les grosses mouches et les scarabées s’envoler dans les hauteurs humides. L’ogre entend les arbres marmonner leurs conversations d’arbres et les pierres crisser dans leur langue de pierre. La mousse des arbres bruisse et tremble contre l’écorce et les souches pourries exhale de longs soupirs en palpitant très légèrement encore.

L’ogre regrette de s’être éloigné de sa cabane, ah sa cabane, sa chère cabane où il pourrait enfermer le monde qui lui échappe et le contempler à l’aise toute l’éternité. Dans sa cabane, le temps n’a pas prise, tout est calme, silencieux, ordonné et paisible. C’est dans sa cabane qu’il voudrait toujours vivre. Mais sa mère est là, au loin, qui l’en empêche et le retient dans la maison où il cherche sa place. C’est une place de petit, une place de muet, une place de gentil alors que l’ogre est terrible et effrayant.

La pluie maintenant se met à tomber et l’ogre s’abrite sous un arbre arthritique qui gémit dès que le vent le touche. L’ogre regarde la pluie sous le feuillage bleu, elle tournoie dans les airs et valse autour des jeunes troncs agités de secousses soudaines. La pluie écrase la buée et elle crépite dans les mares où se noient les fourmis égarées.

L’ogre entend la pluie emporter les bruits de la forêt et recouvrir d’un même grésillement toutes les choses qui l’entourent. Ses oreilles sont pleines de ce grondement qui monte jusqu’au ciel et retombe dans la campagne au-delà des taillis.

L’ogre regarde sa cabane au loin et se dit que le bonheur d’être un ogre ne peut être comparé à rien quand il a une cabane pour se réfugier les soirs de grande solitude. C’est là qu’on peut parfois pleurer sans que personne n’entende ni ne voie rien.

L’ogre soupire de contentement. Il sait que demain est un autre jour.

Il est ici et ne pense plus à là-bas.

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Lettre aux pianistes

Posté par traverse le 21 décembre 2012

Lettre aux pianistes

 

Lucie Van de Walle est…Et il est coutume, d’aligner une suite d’activités qui font la fonction…

Lucie Van de Walle est d’abord précise, comme les musiciens (elle est musicienne, viole de gambe…),

Lucie Van de Walle est fidèle  à sa passion des rencontres (elle organise avec les amoureux de la musique des rencontres entre théâtre et musique depuis quelque temps, entre autres au Théâtre des Martyrs ou sous l’enseigne « Musique à la lettre » ),

Lucie Van de Walle, est écrivain (elle a publié des pièces radiophoniques créées par France Culture, RTBF et a été couronné par le prix SACD de la Création radio)

Lucie Van de Walle est curieuse (elle fait du journalisme, 17 ans de « Vif » et aujourd’hui « Entre les lignes  »

http://www.entreleslignes.be/entre-les-lignes/peregrinations/1128-quelques-tirages.html )

Lucie Van de Walle fait de la photo et aime la Correspondance, elle vient donc de créer cette Collection de Carnet de correspondance et va exposer prochainement…des photographies.

(Podcast avec interview de l’auteure ici prochainement)

« Vous rappelez-vous que le mot pianiste est un terme hermaphrodite ?

Vu le nombre exponentiel de virtuoses, combien sont-ils à tempêter, à piétiner dans les coulisses de la gloire, définitivement méconnus, mais toujours avides d’offrir à un public saturé, leur énième et néanmoins fabuleuse version d’un grand concerto ? Le tout, si possible au Carnegie Hall, où règnent pourtant d’affolants prodiges chinois. »  

(Lucie VDW)

Quelques pages bellement éditée qui mettent en valeur les divers états du ou de la pianiste, une dimension biographique certaine dans la distance d’un style qui semble éloigner la passion pour mieux la contempler. Un bijou pour les Fêtes…

Disponible dans quelques librairies.

(12 pages sur papier crème 200 grs avec des photos N/B de Joseph Herrent)

Commande Traverse: 8 euros (envoi compris)

Entretien de Lucie Van de Walle avec Daniel Simon

fichier mp3 Lucie Van de Walle. Lettre aux pianistes

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Tourner en rond

Posté par traverse le 21 décembre 2012

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Cela devait arriver, tout était fait pour que ça arrive, un jour la trajectoire se plie, s’incurve, retombe et vous êtes ramené contre vous-même, la courbe se dessine, vous ne savez pas encore où vous en êtes, mais vous savez que la ligne droite n’a jamais existé, que c’était une des plus féroces histoires qu’on vous aie racontées, cruelle et terrible menterie, comme un conte tourné vers une fin impossible et qui prétend éclaircir ce qui va être votre route. Une forme tournée, une vie qui a été jouée déjà et que l’on retrouve parfois pour mieux la chahuter, la mettre dans le désordre des fausses découvertes, mais c’est là, on sait où on en reste, on sait ce qu’il en est et ça devient plus simple, le courbe se referme et là-dedans des vies sont enfermées, vécues, ratées, rêvées, ajournées, celles encore à votre main, tout est là et on pousse alors la forme devant soi, c’est léger, de plus en plus léger, ça roule tout seul parfois, parfois aussi ça dévale et on se court après mais la boule est toujours là, de plus en plus compacte et légère à la fois, une boule transparente et pleine de fantômes, un cercle des fantômes disparus qui ne laissent que leurs traces, des mots, des rires, des plaintes, des rubans de cheveux, des odeurs de hanches et de cuisses, des parfums écrasés par le vent qui filtre toute trace et l’emporte dans la matière au loin, tourner en rond, un jour et saisir l’esquive, le champ libre d’un accident, d’un dernier amour, d’un coup sur la nuque que le temps vous assène et vous vous relevez, vacillant avant le KO et vous poussez la forme dans laquelle vous êtes autant que dans la force que vous mettez à la faire rouler jusqu’à l’endroit final. Bonheur simple de ce voyage plus silencieux qu’avant, où le seul sens, ce terrible sens convoqué par les ectoplasmes de la vanité et de la morale, le sens de la marche, le sens du lever et du coucher, tout ce sens finalement prend  forme et cela seul compte.

 

C’est arrivé.

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La fin du monde, suite…

Posté par traverse le 20 décembre 2012

Dans neuf mois, la fin du monde recommencera, nouvelles idoles,

nouveaux poupons, anciennes étreintes…

Quelques images d’autres fins du monde dont nous sommes les rescapés

avant la prochaine, ad libitum…

La fin du monde, suite... telechargement-300x213

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Babel, « La confusion des langues »…

Celle, au coeur de notre monde…

(in Liberation… http://next.liberation.fr/arts/2012/12/20/treize-tableaux-de-la-fin-du-monde_868521 )

 

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